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28/08/2000 | SUISSE | N°H.50/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 août 2000, H.50/00


«AZA 7»
H 50/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Berset,
Greffière

Arrêt du 28 août 2000

dans la cause

T.________, recourant, représenté par Maître Pierre-Cyril
Sauthier, avocat, rue de la Poste 12, Martigny,

contre

Caisse cantonale valaisanne de compensation, avenue
Pratifiori 22, Sion, intimée,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

A.- a) Par décision du 16 décembre 1997, la Caisse
cantonale valaisanne de

compensation (la caisse) a informé
T.________ qu'elle le rendait responsable du préjudice
qu'elle avait subi dans la faillite de la s...

«AZA 7»
H 50/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Berset,
Greffière

Arrêt du 28 août 2000

dans la cause

T.________, recourant, représenté par Maître Pierre-Cyril
Sauthier, avocat, rue de la Poste 12, Martigny,

contre

Caisse cantonale valaisanne de compensation, avenue
Pratifiori 22, Sion, intimée,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

A.- a) Par décision du 16 décembre 1997, la Caisse
cantonale valaisanne de compensation (la caisse) a informé
T.________ qu'elle le rendait responsable du préjudice
qu'elle avait subi dans la faillite de la société
X.________ SA survenue le 19 novembre 1996 (perte de coti-
sations paritaires), et qu'elle lui en demandait réparation
jusqu'à concurrence de 31 189 fr. 25.

T.________ s'est opposé à cette décision, par lettre
du 23 décembre 1997.
La caisse a porté le cas devant le Tribunal des assu-
rances du canton du Valais, le 19 janvier 1998, en conclu-
ant à ce que le défendeur fût condamné à lui payer le
montant précité.
Par jugement du 3 décembre 1998, la cour cantonale a
statué, admettant la demande dirigée contre T.________ et
condamnant celui-ci à payer la somme de 31 189 fr. 25 à la
demanderesse, sans donner l'occasion au défendeur de
s'exprimer sur une écriture complémentaire de la caisse du
26 janvier 1998.
Par arrêt du 3 août 1999, le Tribunal fédéral des
assurances a admis le recours de droit administratif inter-
jeté par T.________, annulé le jugement entrepris (sans
examen au fond) et renvoyé la cause au Tribunal des assu-
rances du canton du Valais pour qu'il donne au prénommé
l'occasion de dupliquer.
Répondant à l'invitation de l'autorité cantonale,
T.________ s'est déterminé par écriture du 6 septembre
1999.
Dans le cadre de l'instruction, la cour cantonale a
requis le dossier pénal le concernant.

b) Par jugement du 15 septembre 1999 le Juge II du
district de Sion a acquitté T.________ des chefs d'accusa-
tion de gestion déloyale et de gestion fautive retenus
contre lui par le Ministère public du Valais central. Selon
les termes de ce jugement «l'autorité de céans a finalement
acquitté T.________, son ignorance de la situation et
l'absence de dessein délictueux interdisant toute condamna-
tion. Sur le plan civil, T.________ n'a toutefois pas su
assumer ses responsabilités d'administrateur et a, par sa
passivité, causé la faillite de la société. Il a du reste
expressément reconnu ses torts» (p. 42 du jugement pénal).

B.- Par jugement du 28 décembre 1999, le Tribunal des
assurances du canton du Valais a admis la demande de répa-
ration du dommage présentée le 19 janvier 1998 par la
caisse et levé l'opposition de T.________, ce dernier étant
reconnu débiteur d'un montant de 31 189 fr. 25 à l'endroit
de la demanderesse.

C.- T.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il demande l'annulation,
sous suite de frais et dépens. Il conclut à ce que la
demande en réparation du dommage qui le concerne soit
rejetée. La caisse conclut au rejet du recours. L'Office
fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribu-
nal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si
les faits pertinents ont été constatés d'une manière mani-
festement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.- Les jugements du 3 décembre 1998 et du 28 décembre
1999 du Tribunal des assurances du canton du Valais
exposent de manière exacte et complète les dispositions
légales et réglementaires, ainsi que les principes juris-
prudentiel applicables au présent cas. Sous réserve de
certains rappels ou précisions, il suffit donc d'y
renvoyer.

3.- Le recourant soulève tout d'abord le moyen tiré
de la péremption du droit de la caisse de lui réclamer la
réparation du dommage qu'elle invoque.
En l'espèce, l'intimée déclarait, dans sa demande en
réparation du dommage, qu'elle a eu connaissance du fait
que sa créance demeurerait impayée, le 17 décembre 1996,
soit à la date de la première assemblée des créanciers
(B.O. du Valais du 6 décembre 1996), de sorte qu'il y a
lieu de retenir cette date comme point de départ du délai
de péremption (ATF 121 V 240 consid. 3c/aa et les référen-
ces). En rendant sa décision le 16 décembre 1997, elle a
donc agi dans le délai d'une année prévu par l'art. 82
al. 1 RAVS.
Par ailleurs, le recourant fait valoir - pour la
première fois - que le justificatif postal attestant de
l'envoi de la décision en réparation n'a pas été déposé en
cause et que le respect du délai n'est donc pas établi. Dès
lors que le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assu-
rances est limité par l'art. 105 al. 2 OJ, ce moyen, qui
aurait dû être invoqué plus tôt, est irrecevable
(ATF 121 II 100 consid. 1c ).

4.- a) Le recourant conteste toute responsabilité dans
la survenance du dommage subi par l'intimée. Il fait valoir
en substance que toute la gestion administrative était
exercée par les deux actionnaires et directeurs,
B.________ et N.________, qui l'ont tenu à l'écart des
décisions sociales. Il allègue que, néanmoins, il s'est
renseigné auprès de l'Office des Poursuites de Sion et a
interrogé à plusieurs reprises les deux prénommés sur la
marche de la société. Par ailleurs, il ressort du jugement
pénal que B.________ et N.________ ont détourné à leur
profit des sommes considérables, alors que lui-même a été
acquitté. Ces constatations devaient lier le juge des
assurances sociales. Le recourant considère dès lors comme
choquant d'être la seule personne visée par la demande en

réparation de la caisse. De surcroît, il allègue que cette
dernière a violé les art. 14 al. 3 LAVS et 37 al. 2 RAVS en
l'actionnant en justice, sans l'avertir préalablement.

b) aa) L'art. 716a al. 1 CO (en vigueur depuis le
1er juillet 1992) énumère les attributions intransmissibles
et inaliénables des membres du conseil d'administration. En
font partie l'exercice de la haute surveillance sur les
personnes chargées de la gestion, pour s'assurer notamment
qu'elles observent la loi, les règlements et les instruc-
tions données (chiffre 5). Dans le cadre de l'exercice de
cette haute surveillance, l'administrateur répond notam-
ment, comme sous le régime de l'ancien droit de la société
anonyme, de la cura in custodiendo (Adrian Kammerer, Die
unübertragbaren und unentziehbaren Kompetenzen des Verwal-
tungsrates, thèse Zurich 1997, p. 226). C'est ainsi qu'il a
non seulement le devoir d'assister aux séances du conseil
d'administration, mais également l'obligation de se faire
renseigner périodiquement sur la marche des affaires
(Kammerer, op. cit., p. 186). Il est tenu de prendre les
mesures appropriées lorsqu'il a connaissance ou aurait dû
avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion
de la société (Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizeri-
sches Aktienrecht, § 30 note 49).

bb) Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le
recourant a sans conteste violé ses devoirs d'administra-
teur unique en exerçant ce mandat sans contrôler l'activité
des personnes chargées de la gestion, soit B.________ et
N.________.
En n'exerçant aucune surveillance sur la gestion de la
société et en ne se souciant pas - de son propre aveu - des
relations de celle-ci avec les organes de l'AVS, en dépit
d'une situation financière précaire, le recourant a commis
une négligence qui, sous l'angle de l'art. 52 LAVS, doit
être qualifiée de grave (ATF 112 V 3 consid. 2b). En

particulier, ses rares interventions mentionnées au
consid. 4a ci-dessus ne sauraient être assimilées à l'exer-
cice d'une activité de surveillance.

cc) La passivité du recourant, de surcroît, est en
relation de causalité naturelle et adéquate avec le
dommage. En effet, s'il avait correctement exécuté son
mandat, il aurait pu veiller au paiement des cotisations
d'assurance sociale, conformément aux obligations légales
de la société (art. 14 al. 1 LAVS en corrélation avec les
art. 34 ss RAVS) ou, à tout moins, il aurait pu constater
- vu l'importance des montants en jeu - que des cotisations
étaient impayées et prendre les mesures qui s'imposaient.
S'il se trouvait dans l'incapacité de prendre ces mesures
en raison de l'opposition des organes qui dirigeaient en
fait la société, il devait alors démissionner de ses fonc-
tions ou révoquer les directeurs défaillants (art. 726
al. 1 CO).

b) D'après la jurisprudence, les manquements de la
caisse de compensation à des prescriptions élémentaires
relatives à la fixation et à la perception des cotisations
constituent une faute grave, concomitante à celle des admi-
nistrateurs, qui justifie de réduire le montant du dommage,
pour autant que celui-ci entre dans un rapport de causalité
- notamment adéquate - avec le comportement illicite repro-
ché (ATF 122 V 189 consid. 3c).
En l'espèce, contrairement à ce que soutient le
recourant, il apparaît que la caisse a respecté la procé-
dure de sommation prévue aux art. 14 al. 3 LAVS et 37 al. 2
RAVS (cf. décisions de cotisations paritaires des 22 mai,
5 juin, 1er juillet et 3 septembre 1996, qui comportent
toutes des taxes relatives à une sommation préalable).
Quant à la décision de cotisations paritaires du
10 décembre 1996, elle précédait d'une semaine la première
assemblée générale des créanciers (17 décembre 1996), date

à laquelle la caisse a appris que sa créance ne pourrait
pas être payée. Une sommation préalable aurait été vouée au
même insuccès que les démarches antérieures (voir en ce
sens art. 108 ch. 1 CO). Exiger une sommation dans ces
circonstances aurait de toute évidence constitué un forma-
lisme excessif (arrêts non publiés D. du 7 août 1997,
H 326/96 et Y. du 30 juin 1972, H 100/71). Par ailleurs, il
n'incombait pas à la caisse d'avertir le recourant de son
intention de lui demander la réparation du dommage qu'elle
subirait en raison de l'insolvabilité de la société.

5.- Selon la jurisprudence, s'il existe une pluralité
de responsables, la caisse de compensation jouit d'un
concours d'actions et le rapport interne entre les cores-
ponsables ne la concerne pas; elle ne peut prétendre qu'une
seule fois à la réparation du dommage, chacun des débiteurs
répondant solidairement envers elle de l'intégralité du
dommage et il lui est loisible de rechercher tous les débi-
teurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son choix
(ATF 119 V 87 consid. 5a).
Le moyen tiré du nouvel art. 759 al. 1 CO que fait
valoir le recourant doit également être écarté. En effet,
cette disposition ne saurait trouver application dans le
cadre de la responsabilité de l'art. 52 LAVS, pour
justifier une réduction de l'étendue de la réparation en
relation avec la gravité de la faute du responsable
(VSI 1996 p. 309 consid. 6).
Le fait que le recourant a été libéré des chefs
d'accusation pénaux retenus contre lui, alors que
B.________ et N.________ ont été reconnus coupables de
gestion déloyale, de gestion fautive et de violations de la
LAVS, n'y change rien.
En effet, l'examen de la responsabilité sous l'angle
de l'art. 52 LAVS ne répond pas aux mêmes critères que
celui de la culpabilité au sens du droit pénal
(ATF 111 V 177 sv. consid. 5a et les références). Il n'est

par conséquent pas déterminant en l'espèce que le recourant
n'ait fait l'objet d'aucune condamnation pénale. Le juge
pénal opérait d'ailleurs lui-même cette distinction dans
son jugement du 15 septembre 1999 (cf. état de fait A/b).

6.- En ce qui concerne le montant du dommage retenu
par les premiers juges, il n'apparaît pas contestable et il
n'est du reste pas discuté par le recourant.
Sur le vu de de qui précède, le recours est mal fondé.

7.- Compte tenu de l'issue du litige, les frais de la
procédure, qui n'est pas gratuite en l'occurrence
(art. 134 OJ a contrario), seront supportés par le recou-
rant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de la cause, consistant en un émolument de
justice de 3000 fr., sont mis à la charge du recourant
et sont compensés avec l'avance de frais, d'un même
montant, qu'il a versée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton du Valais et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 août 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.50/00
Date de la décision : 28/08/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-28;h.50.00 ?
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