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23/08/2000 | SUISSE | N°6S.291/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 août 2000, 6S.291/2000


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6S.291/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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23 août 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly
et Mme Escher, Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

le Procureur général du canton de G e n è v e,

contre

l'arrêt rendu le 13 avril 2000 par la Chambre pénale de
la Cour

de justice du canton de Genève dans la cause qui
oppose le recourant à A.________, représenté par Me
Jean-Pierre Garbade,...

«»
6S.291/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

23 août 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly
et Mme Escher, Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

le Procureur général du canton de G e n è v e,

contre

l'arrêt rendu le 13 avril 2000 par la Chambre pénale de
la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui
oppose le recourant à A.________, représenté par Me
Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève;

(discrimination raciale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 23 février 1998, le Tribunal
de police du canton de Genève a condamné A.________, pour
discrimination raciale (art. 261bis al. 4 seconde partie
CP), à 1'000 francs d'amende avec délai de radiation de
deux ans. Le tribunal a par ailleurs réservé les droits
des parties civiles, soit la LICRA, O.________ et
C.________, conformément aux conclusions prises par ces
derniers.

B.- Par arrêt du 13 avril 2000, la Chambre
pénale de la Cour de justice genevoise a admis l'appel
d'A.________ contre ce jugement et l'a libéré du chef
d'accusation de discrimination raciale. En outre, elle a
dénié la qualité de partie civile à la LICRA, à
O.________ et à C.________.

Il en ressort notamment les éléments suivants:

a) Au début 1996, Roger Garaudy a publié à Paris,
à compte d'auteur, un ouvrage intitulé "Les mythes fon-
dateurs de la politique israélienne". Sous le prétexte
d'un combat intellectuel contre l'intégrisme sioniste,
l'auteur a consacré une partie essentielle du livre à un
soutien systématique, bien que non avoué, des thèses
révisionnistes et négationnistes relatives à la politique
du troisième Reich à l'égard des Juifs. Dans deux cha-
pitres en particulier ("Le mythe de la justice de
Nuremberg" et "Le mythe des six millions [L'Holocauste]"),
Roger Garaudy s'est employé à réfuter l'importance du
nombre de Juifs victimes du nazisme, à contester
qu'Hitler et les dirigeants nazis aient eu la volonté

d'exterminer le peuple juif, à nier l'existence des
chambres à gaz et à démontrer que l'Holocauste ne serait
en réalité qu'une création du "Shoah business" et une
fiction imposée par l'intérêt des leaders sionistes, avec
la complicité des pays qui, au cours de la seconde guerre
mondiale, se sont alliés contre l'Allemagne.

En mars 1996, des poursuites judiciaires ont été
engagées en France contre Roger Garaudy, qui a été in-
culpé en avril 1996 de "contestation de crimes contre
l'humanité" et de "diffamation publique envers un groupe
de personnes", en l'espèce la communauté juive, avant
d'être reconnu coupable de ces deux infractions le
27 février 1998 et condamné à des peines d'amende.

A l'époque, la presse tant française que suisse
romande a relaté ces événements. Ainsi, le 26 avril 1996,
la Tribune de Genève a fait paraître un article intitulé
"Accusé de contester l'ampleur de la Shoah, Roger Garaudy
a été inculpé"; il y était en particulier évoqué la polé-
mique liée au soutien par l'Abbé Pierre des thèses de ce
dernier. Le même jour paraissait dans le Journal de
Genève un article dont l'intertitre était le suivant:
"En soutenant par deux fois Roger Garaudy, dont les
thèses révisionnistes font scandale, le vieil ecclé-
siastique étonne et désarçonne". Le 2 mai 1996, le
Nouveau Quotidien publiait un article dans lequel il
était question des "thèses négationnistes de Roger
Garaudy" et de "pamphlet publié par un éditeur révi-
sionniste". Le 17 juin 1996, le Journal de Genève
informait ses lecteurs que "le distributeur suisse du
livre de Roger Garaudy a été inculpé".

b) A.________ est propriétaire de la librairie à
l'enseigne "H.________" depuis avril 1996. Auparavant et

depuis plusieurs années, il y travaillait en qualité
d'assistant.

Entendu par la police en décembre 1996,
A.________ a déclaré avoir commandé à deux reprises le
livre de Roger Garaudy, au mois d'avril ou de mai 1996,
ce qui représentait au total moins de dix exemplaires.
Lors de l'audience de jugement, il a précisé n'avoir en
réalité passé qu'une seule commande de cinq exemplaires
auprès du diffuseur suisse de l'ouvrage, conformément à
une facture du 2 mai qu'il a produite. Selon lui, la
présence d'exemplaires avant cette date serait le fait du
précédent propriétaire de la librairie "H.________".

A.________ a exposé que sa librairie s'in-
téressait au monde arabe et au Moyen Orient, de sorte
qu'il vendait notamment des livres critiques sur les
Etats arabes et l'Etat d'Israël. Il avait donc commandé
ce livre, comme d'autres, du fait qu'il concernait le
Moyen Orient, sans sympathie particulière pour Roger
Garaudy, dont il connaissait quelques-uns des écrits
précédents. Il a aussi déclaré avoir appris que cet
auteur avait obtenu gain de cause dans un procès pénal
l'ayant opposé par le passé à la LICRA, les juges ayant
alors considéré qu'il n'avait pas fait preuve d'antisé-
mitisme, mais qu'il s'était borné à émettre une critique
licite de la politique sioniste.

A propos du livre incriminé, A.________
a relevé que quelques exemplaires se trouvaient dans
les rayons en avril 1996, précisant toutefois qu'ils
n'avaient jamais été présentés en vitrine. Il a affirmé
avoir retiré tous les exemplaires des rayons en mai 1996,
lorsqu'il avait eu connaissance, par les journaux et des
amis, de la polémique existant au sujet du texte de
Garaudy, soit celle ayant trait à la question de savoir

si le livre était négationniste ou antisioniste. Il a
aussi indiqué ne pas l'avoir lu à l'époque, mais s'être
rendu compte qu'il s'agissait d'un ouvrage délicat,
raison pour laquelle il avait rangé dans un tiroir les
exemplaires qui lui restaient et ne les avait ensuite
vendus qu'à la requête de clients adultes.

Plusieurs libraires ont été entendus comme té-
moins lors des débats. Les responsables de deux librai-
ries "Payot" ont indiqué avoir uniquement vendu le livre
de Roger Garaudy sur commande de clients. Deux ou trois
exemplaires auraient été vendus dans la librairie de
Chantepoulet à Genève et moins d'une dizaine dans celle
de la place Pépinet à Lausanne. La responsable de la
librairie "Rameau d'Or" a expliqué avoir commandé
quelques exemplaires du livre lors de l'annonce de sa
parution, cela sur la base de la réputation précédente
de l'auteur, puis en avoir vendu cinq en tout. Après
avoir pris connaissance de la polémique véhiculée par la
presse, elle a décidé de le lire puis de le retirer non
seulement des rayons, mais aussi de la vente à fin juin
1996. La Présidente de l'association romande des librai-
res a indiqué n'avoir pas donné d'instruction particu-
lière à ses membres concernant cet ouvrage. Selon elle,
chaque libraire engageait donc sa propre responsabilité
en le mettant en vente, étant observé qu'il n'y avait
jamais eu à sa connaissance de décision judiciaire qui en
aurait interdit la diffusion; l'ouvrage était d'ailleurs
toujours en vente libre en France.

S'agissant de la librairie "H.________", le
témoin E.________ a exposé s'y être rendue le 16 août
1996 avec l'un de ses amis d'origine palestinienne, qui
connaissait A.________; ceux-ci ont parlé en arabe,
langue que ne comprend pas E.________; A.________ a sorti
le livre de Roger Garaudy d'un meuble; E.________ a

ressenti ce geste ainsi que les déclarations du libraire,
selon lesquelles il ne fallait pas croire tout ce qu'il y
a dans les médias, comme un soutien aux thèses dévelop-
pées dans le livre. Le 26 septembre 1996, l'huissier
judiciaire D.________, mandaté par la LICRA, s'est rendu
à la librairie et y a acquis sans difficulté le livre; il
n'a pas pu préciser s'il était en exposition sur un rayon
ou s'il se trouvait dans un tiroir, une vendeuse le lui
ayant apporté une ou deux minutes après qu'il l'eut de-
mandé; c'est notamment sur la base du constat effectué
par cet huissier que la LICRA a dénoncé les faits au
Procureur général en novembre 1996. Vers le début dé-
cembre 1996, l'inspectrice de police F.________ s'est
rendue à la librairie en se présentant comme une simple
cliente; une vendeuse lui a indiqué qu'il y avait un
problème, qu'elle ne pouvait mettre en vente le livre de
Roger Garaudy, mais que, si elle était intéressée, elle
pouvait le vendre quand même; la vendeuse a alors sorti
le livre d'un tiroir et l'inspectrice s'est légitimée.

A.________ a été décrit comme une personne
ouverte sur le monde et convaincue de la paix entre les
peuples. Sa librairie est connue en raison de sa spécia-
lisation dans le monde arabe. Il n'a jamais émis de
propos racistes ou antisémites. Diverses personnes ont
signé une pétition en sa faveur, en faisant part de leur
incompréhension quant au fait qu'il puisse être accusé de
discrimination raciale.

C.- Le Procureur général du canton de Genève se
pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt.
Invoquant une violation de l'art. 261bis CP, il conclut à
l'annulation de la décision attaquée.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Procureur général a incontestablement
qualité pour se pourvoir en nullité (cf. art. 270 al. 1
PPF).

b) Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de
cassation contrôle l'application du droit fédéral (art.
269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273
al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit donc
être mené sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter
(ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 s. et les arrêts cités).

La Cour de cassation n'est pas liée par les
motifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des
conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Les con-
clusions devant être interprétées à la lumière de leur
motivation (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts
cités), le Procureur général a circonscrit les points
litigieux.

2.- Le Procureur général invoque une violation
de l'art. 261bis CP.

a) La Chambre pénale a observé que le contenu du
livre de Roger Garaudy contestant la réalité du génocide
juif tombait sous le coup de l'art. 261bis al. 4 seconde
partie CP, ce que d'ailleurs personne ne contestait. Pour
la période où l'intimé avait vendu quelques exemplaires
du livre avant que les médias n'attirent l'attention du
public sur son caractère négationniste, elle a libéré
celui-ci de l'infraction pour le motif que l'élément

subjectif n'était pas réalisé, l'intimé n'ayant alors
pas conscience du véritable caractère du texte de Roger
Garaudy. Le Procureur général ne discute pas ce point, de
sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

Pour la période postérieure à l'annonce par les
médias du caractère négationniste du livre, l'intimé,
conscient de la situation, a retiré les exemplaires des
rayonnages, les a placés dans un tiroir et ne les vendait
qu'à la demande des clients. La Chambre pénale l'a libéré
de l'infraction pour le motif qu'il n'avait pas agi pu-
bliquement. C'est en particulier cet aspect que le Pro-
cureur général remet en cause dans son pourvoi.

b) aa) L'exigence du caractère public ne se
retrouve pas seulement à l'art. 261bis al. 1 à 4 CP, mais
dans l'énoncé légal de toute une série de dispositions du
Code pénal. Cela est par exemple le cas de l'art. 259 CP
("provocation publique au crime ou à la violence"), de
l'art. 260 al. 1 CP ("émeute"), de l'art. 261 al. 1 CP
("atteinte à la liberté de croyance et des cultes"), de
l'art. 262 ch. 1 al. 3 CP ("atteinte à la paix des
morts"), ou encore de l'art. 152 al. 2 CP ("faux ren-
seignements sur des entreprises commerciales"), de l'art.
197 ch. 2 al. 1 CP ("pornographie"), de l'art. 276 ch. 1
al. 1 CP ("atteintes à la sécurité militaire. Provocation
et incitation à la violation des devoirs militaires"), de
l'art. 296 CP ("outrages aux Etats étrangers") et de
l'art. 297 CP ("outrages à des institutions interéta-
tiques"). Selon la conception générale, est considéré
comme public ce qui est adressé à un nombre indéterminé
de personnes ou ce qui s'adresse à un grand cercle
de destinataires (ATF 126 IV 176 consid. 2b, p. 177/178;
ATF
123 IV 202 consid. 3d p. 208; Trechsel, Kurzkommentar,
2ème éd., Zurich 1997, art 259 n° 3a; Stratenwerth,

Bes. Teil II, 4ème éd., Berne 1995, § 38 n° 15; Marcel
Alexander Niggli, Discrimination raciale, Un commentaire
au sujet de l'art. 261bis CP et de l'art. 171c CPM,
Zurich 2000, n° 696 et 704).

bb) Le caractère public dépend des circonstances
globales et doit être apprécié en fonction du sens et du
but de la norme pénale en cause. Parmi les circonstances
pertinentes figurent d'une part l'endroit où les propos
incriminés sont tenus et, d'autre part, le nombre de
destinataires ainsi que les liens que l'auteur entretient
avec eux. Ainsi, les propos tenus dans un lieu où ils
peuvent être perçus par un nombre indéterminé de per-
sonnes peuvent aussi être publics, même si concrètement
ils ne sont portés qu'à la connaissance de deux per-
sonnes. Par contre, cela ne saurait être le cas si les
propos sont émis dans un cercle fermé, même s'il comprend
vingt personnes par exemple (ATF 126 IV 176 consid. 2c).

cc) Selon la jurisprudence, est publique la
provocation au crime ou à la violence réalisée par le
collage d'une affiche sur un panneau de signalisation en
ville de Zurich (ATF 111 IV 151). Est public l'envoi de
432 lettres, donc à un grand cercle de destinataires
(ATF 123 IV 202 consid. 4c p. 210),
de même que l'envoi
d'un document à une cinquantaine de personnes (ATF 126 IV
20 consid. 1d p. 25/26). En revanche, n'est pas public
l'envoi d'un livre à sept personnes même si l'expéditeur
n'a aucun contrôle sur les destinataires et qu'il existe
un risque que, via ceux-ci, le contenu incriminé de l'ou-
vrage se répande auprès d'un cercle plus large; le con-
trôle par l'expéditeur sur la diffusion ultérieure n'est
pas le critère adéquat pour trancher entre ce qui est
public et ce qui ne l'est pas; ce n'est pas le risque
d'une large diffusion qu'il faut prendre en compte, mais

il s'agit bien plus de savoir si ce risque s'est effec-
tivement réalisé pour admettre que l'auteur a agi pu-
bliquement; le fait que le risque soit plus ou moins
grand suivant que les propos sont adressés à des amis, de
simples connaissances ou des étrangers n'a de rôle que
dans l'appréciation de l'élément subjectif de l'infrac-
tion, plus le risque étant élevé, plus le dol éventuel
pouvant le cas échéant être admis (ATF 126 IV 176 consid.
2d et e).

dd) En l'espèce, l'intimé, dont la Chambre pénale
a noté qu'il n'avait aucune inimitié envers les Juifs,
exploite une librairie spécialisée dans le monde arabe et
le Moyen Orient. Même si les clients qui s'y rendent
présentent en général un intérêt pour le domaine ainsi
couvert, l'accès à la librairie n'est pas limité à un
public bien défini qui serait sérieusement trié à
l'entrée. Quiconque, qu'il soit poussé par un intérêt
pour un sujet donné, par simple curiosité ou par le
hasard, peut en être le client. La librairie est donc
ouverte à un nombre indéterminé de personnes.

Pour la période ici litigieuse, les livres de
Roger Garaudy étaient rangés dans un tiroir, donc sous-
traits à la vue des clients, et n'étaient vendus que sur
demande expresse. Il n'a par ailleurs pas été constaté
que, d'une manière ou d'une autre, l'intimé en aurait
fait de la publicité. Dans ces conditions, il était exclu
qu'un client pût y être confronté par hasard. Or, pour
qu'une action - la vente d'un livre en l'occurrence -
soit qualifiée de publique, elle doit pouvoir être perçue
par un cercle indéterminé de personnes, ce qui est préci-
sément le cas lorsque quelqu'un peut y être confronté par
hasard (cf. Niggli, op.cit., n° 704; Rehberg, Strafrecht
IV, 2ème éd., Zurich 1996, p. 185). En outre, les exem-
plaires du livre en stock, que l'intimé avait d'ailleurs

commandés avant de connaître leur caractère illicite,
représentaient un nombre insuffisant, moins de dix, pour
admettre qu'un grand cercle de destinataires était visé.
Ainsi, la conjonction du fait qu'aucun visiteur de la
librairie ne pouvait tomber sur le livre par hasard, de
l'absence de toute réclame par l'intimé et du nombre
restreint de livres disponibles amène à conclure qu'il
n'a pas agi publiquement. Qu'il n'ait eu aucun contrôle
sur les acheteurs et que, de ce fait, un risque accru ait
existé que le livre se répandît vers un cercle plus large
est sans pertinence pour déterminer s'il a agi publique-
ment. En effet, conformément à l'ATF 126 IV 176 il
importe uniquement de savoir si ce risque s'est
concrètement réalisé. La Chambre pénale n'a pas constaté
que les acheteurs auraient eux-mêmes diffusé largement le
livre. On ne saurait donc retenir que l'intimé a agi pu-
bliquement au sens de l'art. 261bis al. 4 CP. Sur ce
point, le pourvoi est infondé.

c) Le Procureur général affirme encore, pour le
cas où il serait nié que l'intimé a agi publiquement, que
celui-ci aurait dû être condamné comme coauteur, subsi-
diairement comme complice, de Roger Garaudy.

Est coauteur celui qui collabore intentionnelle-
ment et de manière déterminante avec d'autres personnes à
la décision de commettre une infraction, à son organisa-
tion ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un
des participants principaux (ATF 126 IV 84 consid. 2c/aa
p. 88). La complicité, qui est une forme de participation
accessoire à l'infraction, suppose que le complice ap-
porte à l'auteur principal une contribution causale à la
réalisation de l'infraction, de telle sorte que les évé-
nements ne se seraient pas déroulés de la même manière
sans cet acte de favorisation; il n'est toutefois pas
nécessaire que l'assistance du complice soit une con-

dition sine qua non à la réalisation de l'infraction
(ATF 121 IV 109 consid. 3a p. 119).

En l'espèce, il ne ressort nullement des consta-
tations cantonales que Roger Garaudy et l'intimé auraient
concerté leur action, ne serait-ce qu'implicitement. Au
contraire, il apparaît qu'ils ont agi indépendamment,
l'intimé ayant en particulier choisi de son propre mouve-
ment de commercialiser le livre incriminé. Une coactivité
ou une complicité de celui-ci est ainsi exclue.

3.- Il ne sera pas perçu de frais, puisque c'est
l'accusateur public qui succombe (art. 278 al. 2 PPF).

Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'in-
timé qui n'est pas intervenu dans la procédure devant le
Tribunal fédéral.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l,

1. Rejette le pourvoi;

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais;

3. Dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité;

4. Communique le présent arrêt en copie au
Procureur général du canton de Genève, au mandataire de
l'intimé, à la Chambre pénale de la Cour de justice
genevoise, ainsi qu'au Ministère public de la Confé-
dération.
__________

Lausanne, le 23 août 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.291/2000
Date de la décision : 23/08/2000
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 261bis CP; caractère public du comportement reproché. Relativement à un livre niant l'Holocauste, n'agit pas publiquement au sens de l'art. 261bis al. 4 CP le libraire qui n'en détient qu'un nombre limité d'exemplaires (moins de dix), les conserve à l'abri des regards, n'en fait aucune réclame et ne les vend qu'à la requête des clients (consid. 2b).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-23;6s.291.2000 ?
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