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22/08/2000 | SUISSE | N°6A.43/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 août 2000, 6A.43/2000


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6A.43/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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22 août 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, MM. Schneider et Kolly, Juges.
Greffière: Mme Revey.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Grégoire Rey, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 21 mars 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève dan

s la cause qui oppose le re-
courant au Service des automobiles et de la navigation du
canton de G e n è v e;

(Art....

«»
6A.43/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

22 août 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, MM. Schneider et Kolly, Juges.
Greffière: Mme Revey.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Grégoire Rey, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 21 mars 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève dans la cause qui oppose le re-
courant au Service des automobiles et de la navigation du
canton de G e n è v e;

(Art. 16 al. 2 LCR: retrait d'admonestation
du permis de conduire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, né en 1970, agent de police et
garde de sécurité diplomatique, est titulaire d'un permis
de conduire pour véhicules à moteur depuis 1989. Le 7 oc-
tobre 1998 à 7 h. 45, il circulait au volant d'une voi-
ture de service dans la file de gauche d'une avenue de la
ville de Genève. A l'approche d'un carrefour, il a réduit
son allure et porté son attention sur des véhicules arri-
vant sur sa gauche. Soudain, il a remarqué devant lui une
piétonne traversant de droite à gauche un passage de sé-
curité, qui avait déjà accompli les trois quarts du tra-
jet. En dépit d'un freinage immédiat, il l'a heurtée avec
l'avant gauche de son véhicule et l'a fait chuter. La
piétonne a subi des blessures légères.

Par jugement du 19 novembre 1999, le Tribunal de
police du canton de Genève a condamné l'intéressé pour
violation simple de la LCR. Il a retenu que X.________
s'était rendu coupable d'inattention et de violation du
droit de priorité. L'intéressé n'avait toutefois pas créé
de sérieux dangers pour la sécurité d'autrui, dès lors
qu'il roulait lentement, ainsi qu'en témoignait la légè-
reté des blessures subies par la victime.

B.- Le 17 décembre 1999, le Service des automo-
biles et de la navigation du canton de Genève a ordonné,
en application de l'art. 16 al. 2 LCR, le retrait du
permis de conduire de X.________ pour une durée d'un
mois.

X.________ a recouru contre cette décision au
Tribunal administratif du canton de Genève le 19 janvier

2000, concluant à l'annulation du retrait de permis,
subsidiairement au prononcé d'un avertissement.

Le Tribunal administratif a rejeté le recours par
jugement du 21 mars 2000.

C.- Agissant le 19 mai 2000 par la voie du
recours de droit administratif, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 21 mars 2000 du
Tribunal administratif et de renvoyer la cause à l'au-
torité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. Subsidiairement, il conclut à une condam-
nation à un simple avertissement.

D.- Par ordonnance du 23 mai 2000, le Président
de la Cour de Cassation pénale a accordé l'effet suspen-
sif au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours de droit administratif au Tribunal
fédéral peut être formé pour violation du droit fédéral,
y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation
(art. 104 let. a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié
par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà
des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). Lorsque
le recours est dirigé - comme c'est le cas en l'espèce -
contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal
fédéral est lié par les faits constatés dans l'arrêt at-
taqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incom-

plets ou s'ils ont été établis au mépris de règles es-
sentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ).

2.- Conformément à l'art. 16 al. 2 LCR, le permis
de conduire peut être retiré au conducteur qui, par des
infractions aux règles de la circulation, a compromis
la sécurité de la route ou incommodé le public (1ère
phrase); dans les cas de peu de gravité, un simple
avertissement peut être prononcé (2ème phrase). Selon
l'art. 16 al. 3 let. a LCR, le permis de conduire doit
être retiré si le conducteur a compromis gravement la
sécurité de la route. Ainsi, la loi distingue le cas de
peu de gravité (art. 16 al. 2 2ème phrase LCR), le cas de
gravité moyenne (art. 16 al. 2 1ère phrase LCR) et le cas
grave (art. 16 al. 3 let. a LCR; ATF 124 II 259 consid.
2a et 475 consid. 2a).

a) Si la violation des règles de la circulation
n'a pas "compromis la sécurité de la route ou incommodé
le public", l'autorité n'ordonnera aucune mesure. S'il
s'agit seulement d'un cas de peu de gravité, elle donnera
un avertissement. Si le cas est de gravité moyenne, l'au-
torité doit faire usage de la faculté (ouverte par l'art.
16 al. 2 LCR) de retirer le permis de conduire. Dans les
cas graves, qui supposent une violation grossière d'une
règle essentielle de la circulation entraînant un danger
concret ou un danger abstrait accru, le retrait du permis
de conduire est obligatoire en application de l'art. 16
al. 3 let. a LCR (ATF 124 II 475 consid. 2a; 123 II 106
consid. 2).

L'art. 16 al. 2 LCR ne confère à l'autorité
qu'une faculté, de sorte que celle-ci doit examiner la
mesure envisagée sous l'angle de la proportionnalité.
Ainsi, l'autorité dispose dans ce cadre d'un large

pouvoir d'appréciation et le Tribunal fédéral ne peut
intervenir, en considérant le droit fédéral comme violé,
que s'il y a eu un abus ou un excès de ce pouvoir (art.
104 let. a OJ). En principe, l'autorité ne peut renoncer
au retrait du permis que s'il s'agit d'un cas de peu de
gravité. Dans les cas de gravité moyenne, elle ne peut
s'en abstenir qu'en présence de circonstances spéciales,
telles que celles qui justifient d'abandonner toute peine
en application de l'art. 66bis CP. Une renonciation
n'entre dès lors pas en ligne de compte lorsqu'on se
trouve en présence de circonstances ordinaires et que le
retrait de permis ne s'accompagne que des désagréments et
des difficultés qui y sont normalement liés (ATF 126 II
196 consid. 2c, 202 consid. 1a; 124 II 475 consid. 2a;
123 II 106 consid. 2b; 118 Ib 229 consid. 3).

Pour déterminer si le cas est de peu de gravité,
il faut tenir compte de la gravité de la faute commise et
de la réputation du contrevenant en tant que conducteur;
la gravité de la mise en danger du trafic n'est prise en
considération que dans la mesure où elle est significa-
tive pour la faute (ATF 126 II 202 consid. 1a, 192
consid. 2b; 125 II 561 consid. 2b; cf. art. 31 al. 2
OAC). Ainsi, selon la jurisprudence, lorsque la faute est
légère et que le contrevenant jouit depuis longtemps
d'une réputation sans taches en tant que conducteur, le
prononcé d'un simple avertissement n'est pas exclu, même
si l'atteinte à la sécurité de la route a été grave (ATF
126 II 196 consid. 2c, 125 II 561 consid. 2c).

b) En d'autres termes, selon cette jurisprudence,
trois critères permettent de distinguer le cas de peu de
gravité de celui de gravité moyenne: faute, mise en dan-
ger du trafic (dans la mesure où elle est significative
pour la faute) et antécédents (examinés in casu au
consid. 3c, respectivement aa, bb et cc), étant précisé

que même de bons antécédents ne permettent pas de retenir
un cas de peu de gravité lorsque la faute est moyenne ou
grave. Si l'on conclut à un cas de moyenne gravité, le
permis doit en principe être retiré, sauf circonstances
spéciales, telles que celles qui justifient d'abandonner
toute peine en application de l'art. 66bis CP (examiné in
casu in consid. 3d).

3.- En l'occurrence, l'autorité intimée a pro-
noncé un retrait de permis en vertu de l'art. 16 al. 2
LCR, au motif que l'intéressé a heurté un piéton qui
traversait un passage protégé, ce qui ne pouvait être
considéré comme un cas de peu de gravité.

a) Selon l'art. 33 LCR, le conducteur facilitera
aux piétons la traversée de la chaussée (al. 1). Avant
les passages pour piétons, le conducteur circulera avec
une prudence particulière et, au besoin, s'arrêtera pour
laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur
le passage ou s'y engagent (al. 2). L'importance qui doit
être accordée au devoir de prudence des automobilistes
vis-à-vis des piétons a été renforcée par la nouvelle
teneur de l'art. 6 al. 1 OCR, entrée en vigueur le
1er juin 1994, selon lequel, avant d'atteindre un passage
pour piétons où le trafic n'est pas réglé, le conducteur
accordera la priorité à tout piéton qui est déjà engagé
sur le passage ou qui attend devant celui-ci avec l'in-
tention visible de l'emprunter. Il réduira à temps sa
vitesse et s'arrêtera, au besoin, afin de pouvoir satis-
faire à cette obligation.

b) Le recourant soutient n'avoir commis qu'une
faute légère et ne pas avoir sérieusement compromis la
sécurité de la route, car il roulait lentement et la
piétonne n'a été que légèrement blessée. Son cas devrait

donc être qualifié de peu de gravité. Devant l'autorité
intimée, il a affirmé en outre que sa visibilité avait
été masquée par une camionnette arrêtée sur la file de
droite devant le passage pour piétons, ce qui l'avait
empêché d'apercevoir la piétonne à temps.

Le Tribunal administratif ne s'est pas prononcé
sur l'existence, ou non, de cette camionnette, mais a
précisé que le cas de l'intéressé ne pouvait de toute
façon pas être qualifié de peu de gravité, quelle que
soit l'hypothèse.

Ce point de vue doit être confirmé.

c) Selon la jurisprudence, le conducteur doit
vouer à la route et au trafic toute l'attention possible,
le degré de cette attention devant être apprécié au re-
gard de toutes les circonstances, telles que la densité
du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visi-
bilité et les sources de danger prévisibles (ATF 103 IV
99 consid. 2b). En outre, aux termes de la loi, le con-
ducteur doit circuler avec une "prudence particulière"
avant les passages pour piétons. Cela signifie qu'il doit
porter une attention accrue à ces passages protégés et à
leurs abords par rapport au reste du trafic et être prêt
à s'arrêter à temps si un piéton traverse la chaussée ou
en manifeste la volonté. Le conducteur ne peut s'abstenir
de réduire sa vitesse que si personne ne se trouve sur ce
passage ou à proximité et s'il ressort de l'ensemble des
circonstances qu'aucun usager ne va brusquement surgir
pour traverser (cf. ATF 121 IV 286 consid. 4b; 115 II 283
consid. 1a; René Schaffhauser, Grundriss des schweize-
rischen Strassenverkehrsrechts, Berne 1984, vol. I,
nos 403 ss et 496 ss).

aa) En l'espèce, en ne s'arrêtant pas à temps au
passage pour piétons, le recourant a violé une règle de
la circulation et a commis une faute qui ne peut être
qualifiée de légère.

Dans l'hypothèse où aucune camionnette ne mas-
quait la visibilité du passage pour piétons, le recourant
a négligé le devoir de prudence particulière requis par
l'art. 33 al. 2 LCR en ne parvenant pas à immobiliser son
véhicule avant de heurter la piétonne, dans la mesure où
il est constant que celle-ci ne s'est pas élancée sur la
chaussée (cf. art. 49 al. 2 LCR). De plus, elle avait
déjà parcouru les trois quarts de la traversée au moment
du choc, ce qui démontre que le recourant aurait disposé
du temps nécessaire pour réagir efficacement s'il avait
porté sur ce passage et ses abords toute l'attention
exigée.

A supposer même qu'une camionnette arrêtée en
tête de la colonne à sa droite entravait sa visibilité,
le recourant n'en a pas moins manqué au devoir de pru-
dence particulière exigé par l'art. 33 al. 2 LCR. En
effet, il devait compter avec la possibilité qu'un piéton
traverse devant la camionnette immobilisée et surgisse
soudainement devant lui, d'autant plus que l'arrêt opéré
par ce véhicule indiquait précisément la présence pro-
bable d'un piéton. Dès lors, il lui incombait non seule-
ment de diminuer sa vitesse à l'approche du passage de
sécurité, mais de s'arrêter à la hauteur de la camion-
nette pour s'assurer que personne n'apparaîtrait devant
son véhicule. Par ailleurs, le fait qu'il se soit
concentré sur une autre source de danger, à savoir des
véhicules venant de sa gauche, ne permet pas d'atténuer
sa faute dans la mesure où, comme on l'a vu, la loi lui
impose de vouer une attention accrue aux passages proté-
gés (cf. JdT 1991 I 697 consid. 1a).

bb) Il a en outre sérieusement compromis la sécu-
rité de la route, car la violation commise des règles de
la circulation était de nature à provoquer un accident,
qui s'est du reste produit. Certes, le Tribunal de police
a considéré, en se fondant sur les mêmes faits que ceux
retenus par l'autorité intimée, que le recourant n'avait
pas créé de danger sérieux et restait soumis au premier
alinéa de l'art. 90 LCR plutôt qu'au second. Cette opi-
nion divergente ne peut cependant pas obliger l'autorité
administrative, en présence, comme en l'espèce, d'une
situation claire, à violer les dispositions relevant de
sa compétence (cf. ATF 124 II 475 consid. 2b; voir aussi
ATF 125 II 561 consid. 2c, 124 II 103 consid. 1c et 119
Ib 158 consid. 3).

cc) Certes, d'un autre côté, le recourant n'a pas
d'antécédents en matière de circulation routière alors
qu'il conduit depuis une dizaine d'années. Toutefois, la
faute commise n'étant pas légère, cet élément ne permet
pas de qualifier son cas de peu de gravité.

d) Par ailleurs, on ne discerne pas de circons-
tances particulières justifiant de renoncer à un retrait
du permis de conduire en présence d'un cas de gravité
moyenne. En particulier, l'avertissement qui a été déjà
infligé au recourant dans le cadre de sa fonction ne
constitue pas un élément déterminant au sens de l'art.
66bis CP.

Quant au besoin professionnel que peut avoir le
conducteur de son
permis, il ne joue de rôle que pour
décider de la durée du retrait (cf. ATF 126 II 196 consid
2c), qui a été fixée en l'espèce au minimum légal d'un
mois (art. 17 al. 1 let. a LCR). Du reste, le recourant
ne fait pas valoir qu'il ne pourrait confier le volant à
un coéquipier ou renoncer à son permis pendant ses va-

cances. On ne peut donc pas conclure que l'application de
la loi serait d'une dureté inhumaine. A cet égard, il
convient de rappeler que, conformément au principe de la
proportionnalité, l'autorité, qui conserve en ce domaine
un certain pouvoir d'appréciation, ne saurait en abuser
en refusant d'aménager l'exécution d'un retrait du permis
de conduire de manière à éviter qu'il n'entraîne pour
l'intéressé des conséquences allant au-delà du but de
cette mesure.

e) En conséquence, l'autorité intimée n'a pas
abusé de son pouvoir d'appréciation en retirant le permis
du recourant pour une durée d'un mois en vertu de l'art.
16 al. 2 LCR, de sorte que le recours est infondé.

4.- Vu ce qui précède, le recours doit être
rejeté. Succombant, le recourant doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a toutefois pas
lieu d'allouer des dépens à l'autorité qui obtient gain
de cause (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours;

2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 2000 fr.;

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant ainsi qu'au Service des automobiles et
de la navigation et au Tribunal administratif du canton
de Genève.
__________

Lausanne, le 22 août 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6A.43/2000
Date de la décision : 22/08/2000
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-22;6a.43.2000 ?
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