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21/08/2000 | SUISSE | N°2A.150/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 août 2000, 2A.150/2000


«/2»
2A.150/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

21 août 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dayer.

______________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

la Fondation A.________, représentée par Me Bernard Dorsaz,
avocat à Genève,

contre

la décision prise le 6 mars 2000 par la Commission fédéral

e
des banques;

(entraide administrative internationale demandée par
la Commission française des opérations de bourse)
...

«/2»
2A.150/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

21 août 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dayer.

______________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

la Fondation A.________, représentée par Me Bernard Dorsaz,
avocat à Genève,

contre

la décision prise le 6 mars 2000 par la Commission fédérale
des banques;

(entraide administrative internationale demandée par
la Commission française des opérations de bourse)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 19 août 1999, la société Suez Lyonnaise des Eaux
a annoncé une offre publique d'échange sur le solde du capi-
tal de sa filiale, la société SITA.

La Commission française des opérations de bourse (ci-
après: la COB) a ouvert une enquête pour s'assurer que les
transactions réalisées avant cette annonce n'avaient pas été
effectuées dans des conditions contraires aux dispositions
légales et réglementaires françaises relatives, notamment,
à l'usage d'une information privilégiée. Ses investigations
lui ont notamment permis de découvrir que la banque
B.________ AG, à Zurich (ci-après: la banque B.________),
avait acquis 1'040 titres SITA le 17 août 1999.

B.- Le 24 décembre 1999, la COB a requis l'assistance
de la Commission fédérale des banques (ci-après: la Commis-
sion fédérale) afin d'obtenir des informations sur l'iden-
tité du (ou des) donneur (s) d'ordre (s) final (s) pour le
compte du (ou desquels) ces actions avaient été acquises;
elle souhaitait également connaître l'identité des personnes
ayant pris l'initiative d'acheter ces titres, les motiva-
tions ayant conduit à ces acquisitions, les caractéristiques
des ordres reçus avec mention de leurs date et heure et,
dans le cas où ces actions avaient été revendues, la date
et l'heure de transmission des ordres de vente ainsi que
le volume exécuté sur le marché. Elle s'engageait à ce que
l'information reçue soit traitée de manière confidentielle
et précisait que si les renseignements fournis révélaient
des faits susceptibles d'une qualification pénale, elle
pourrait avoir à les transmettre au Procureur de la Répu-
blique.

Le 31 décembre 1999, la Commission fédérale a demandé
à la banque B.________ de lui transmettre les informations
souhaitées par la COB ainsi que des renseignements sur les
comptes des clients concernés. Le 20 janvier 2000, cette
banque l'a notamment informée que les actions en cause
avaient été acquises au cours de 227,86 Euros sur instruc-
tion de C.________, domicilié à Paris, ayant droit économi-
que bénéficiant d'un pouvoir général sur le compte de la
Fondation A.________ (ci-après: la Fondation), à D.________.
Les titres avaient été revendus le 24 août 1999 au cours de
246,20 Euros.

C.- Par courrier du 31 janvier 2000, complété le 1er
février 2000, la Fondation s'est déterminée sur la demande
d'entraide de la COB. Elle a soutenu que cette requête était
laconique, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'y donner sui-
te, conformément à l'interdiction des opérations de pure in-
vestigation ("fishing expeditions"). Par ailleurs, le prin-
cipe de la double incrimination n'avait pas été respecté. En
effet, son ayant droit économique n'avait jamais eu la moin-
dre relation avec la société SITA et avait acquis les titres
en cause sur la seule base d'informations parues dans la
presse financière spécialisée. Dès lors, il ne serait punis-
sable, ni selon le droit français, ni en vertu de l'art. 161
CP.

D.- Le 14 février 2000, la COB a informé la Commission
fédérale de l'avancement de son enquête. Elle a tout d'abord
précisé que l'ouverture de cette dernière avait été justi-
fiée par le fait que, le 17 août 1999, le titre SITA, après
avoir été coté en début de séance au cours de 222 Euros et
s'être comporté de manière peu active durant la matinée
avec un volume moyen de 123 titres par transaction, avait,
dès 14h16, évolué subitement à la hausse pour atteindre
234 Euros à la clôture de la séance. Elle avait en outre
découvert que les premiers achats importants avaient été

effectués par un "gestionnaire de portefeuille" dont le
premier ordre d'achat avait été exécuté sur le marché à
14h16 et qui avait encore acquis 7'000 titres à 14h37 et
4'000 autres à 15h11. La société qui l'employait avait en
outre acquis 1'000 actions à 14h59. L'autorité requérante
relevait que ces achats pourraient être "coordonnés" avec
ceux d'un autre investisseur qui avait acquis 33'000 titres
cette même après-midi du 17 août 1999. Le gestionnaire pré-
cité gérait en effet deux comptes titres de sociétés appar-
tenant à cet investisseur et avait attribué à ces comptes
un tiers des actions acquises le 17 août 1999. L'ensemble de
ces achats manifestait une intervention inhabituelle quant
au volume sur le marché d'un titre traditionnellement étroit
(8'000 actions échangées en moyenne par mois en 1999). Le
moment des interventions ne permettait en outre pas d'impu-
ter ces acquisitions à des rumeurs de marché puisqu'il
s'agissait des premiers achats significatifs.

Le 1er mars 2000, l'Office fédéral de la police - dont
le préavis avait été d'abord négatif - a donné son accord à
une éventuelle transmission aux autorités pénales françaises
compétentes des renseignements qui seraient fournis à la
COB.

E.- Par décision du 6 mars 2000, la Commission fédérale
a accordé l'entraide administrative à la COB et a accepté de
lui transmettre les informations communiquées par la banque
B.________ (ch. 1 du dispositif). Elle a précisé que ces in-
formations ne devaient être utilisées qu'à des fins de sur-
veillance directe des bourses et du commerce des valeurs mo-
bilières (ch. 2 du dispositif). De plus, en accord avec
l'Office fédéral de la police, leur éventuelle communication
aux autorités pénales françaises compétentes était autori-
sée, la COB devant toutefois leur rappeler que leur utilisa-
tion était limitée à la poursuite du délit d'usage d'une in-
formation privilégiée (ch. 3 du dispositif). En outre, en

vertu de l'art. 38 al. 2 lettre c de la loi fédérale du 24
mars 1995 sur les bourses et le commerce des valeurs mobi-
lières (LBVM; RS 954.1), leur transmission à des autorités
tierces, autres que celles mentionnées au chiffre 3 du dis-
positif, ne pouvait se faire qu'avec l'assentiment préalable
de la Commission fédérale (ch. 4 du dispositif). Enfin, les
chiffres 1 à 4 du dispositif ne seraient exécutés qu'à
l'échéance d'un délai de trente jours après la notification
de la décision à l'intéressée, si aucun recours n'était dé-
posé dans ce délai auprès du Tribunal fédéral (ch. 5 du dis-
positif).

F.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif, la Fondation demande au Tribunal fédéral de dire que
la Commission fédérale doit s'abstenir de donner suite à la
demande d'entraide administrative déposée par la COB et de
lui transmettre tout document ou information contenant une
référence ou une allusion quelconque à son identité, à son
domicile, à sa nationalité, à ses avoirs, à ses opérations
bancaires et à son bénéficiaire économique. Subsidiairement,
si l'octroi de l'entraide était subordonné à la promesse de
l'autorité requérante de ne pas transmettre d'informations
aux autorités pénales françaises compétentes, la Commission
fédérale devrait apprécier la validité de cet engagement
dans une décision susceptible d'un recours de droit adminis-
tratif. La recourante prétend que l'Office fédéral de la po-
lice n'a pas valablement consenti à l'éventuelle transmis-
sion d'informations par la COB auxdites autorités pénales.
Elle invoque en outre la violation des principes de la dou-
ble incrimination et de la proportionnalité.

La Commission fédérale conclut au rejet du recours.

G.- Par ordonnance du 9 mai 2000, le Président de la
IIe Cour de droit public a admis la requête d'effet suspen-
sif formulée par l'intéressée.

H.- Le 13 juin 2000, le Juge délégué de la IIe Cour de
droit public a donné suite à la demande de la Fondation ré-
clamant la communication de certaines pièces du dossier de
la Commission fédérale dont elle n'avait pas eu connaissan-
ce.

I.- Les parties ont confirmé leurs conclusions lors
d'un second échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La décision par laquelle la Commission fédérale
accorde l'entraide administrative en application de l'art.
38 LBVM et ordonne la transmission de documents et de ren-
seignements à une autorité étrangère peut directement faire
l'objet d'un recours de droit administratif au sens des art.
97 ss OJ (cf. art. 39 LBVM; ATF 125 II 65 consid. 1 p. 69,
79 consid. 2 p. 80).

b) Titulaire du compte bancaire faisant l'objet des
renseignements dont la communication est litigieuse, l'in-
téressée a qualité pour recourir (art. 103 lettre a OJ; ATF
125 II 65 consid. 1 p. 69).

2.- Saisi d'un recours de droit administratif, le Tri-
bunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédé-
ral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation
(cf. art. 104 lettre a OJ; ATF 125 II 497 consid. 1b/aa
p. 500). Il examine en particulier librement si les condi-
tions pour accorder l'entraide administrative sont remplies
et dans quelle mesure la coopération internationale doit
être accordée. S'il est lié par les conclusions des parties,
il ne l'est pas en revanche par leurs motifs et peut admet-
tre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par

la recourante ou, au contraire, confirmer la décision atta-
quée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité
intimée (cf. art. 114 al. 1 OJ; ATF 125 II 497 consid. 1b/aa
p. 500 et la jurisprudence citée). Bien qu'elle soit indé-
pendante de l'administration, la Commission fédérale n'est
pas une autorité de recours au sens de l'art. 105 al. 2 OJ,
de sorte que le Tribunal fédéral n'est pas lié par ses cons-
tatations de fait (cf. ATF 115 Ib 55 consid. 2a p. 57).

3.- L'intéressée soutient que son droit d'être entendu
a été violé par le fait que l'autorité de céans ne lui a
transmis qu'une copie caviardée du courrier de la COB du 14
février 2000. Ce moyen n'est pas fondé. En effet, le droit
de consulter toutes les pièces du dossier - qui découle du
droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (cf.
Jörg Paul Müller, Grundrechte in der Schweiz, 3ème éd., Ber-
ne 1999, p. 525 ss; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel
Hottelier, Droit constitutionnel suisse, Vol. II, Berne
2000, n. 1293 ss) - peut notamment être restreint afin de
respecter l'anonymat de tiers qui ne sont pas impliqués dans
la procédure et dont le nom figure dans certains documents
(cf. Michele Albertini, Der verfassungsmässige Anspruch auf
rechtliches Gehör im Verwaltungsverfahren des modernen
Staates, thèse Berne 1999, p. 233-235). Dans le cas particu-
lier, le caviardage effectué par le Tribunal fédéral se jus-
tifie pour des raisons évidentes de confidentialité, le nom
d'autres personnes ou sociétés faisant l'objet d'une enquête
de la COB n'ayant pas à être révélé à des tiers, et notam-
ment pas à la recourante. Par ailleurs, contrairement à ce
que pense cette dernière, il est, pour l'instant, sans im-
portance qu'elle soit ainsi privée d'un élément lui permet-
tant de démontrer que son ayant droit économique n'a commis
aucun délit d'initié. Seule l'autorité requérante sera en
effet à même de décider, sur la base de l'ensemble des in-
formations qui lui seront transmises, si ledit ayant droit

peut ou non être suspecté d'un tel délit (cf. également con-
sid. 5c ci-dessous).

4.- a) Selon l'art. 38 al. 2 LBVM, l'entraide adminis-
trative internationale peut être accordée à des autorités
étrangères de surveillance des bourses et du commerce des
valeurs mobilières, à condition, notamment, qu'elles utili-
sent les informations transmises exclusivement à des fins de
surveillance directe des bourses et du commerce des valeurs
mobilières (lettre a; principe de spécialité) et qu'elles
soient liées par le secret de fonction ou le secret profes-
sionnel (lettre b).

b) Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de
le dire, la COB est une autorité de surveillance des marchés
financiers au sens de l'art. 38 al. 2 LBVM à laquelle l'en-
traide administrative peut être accordée. Elle respecte en
outre l'exigence de confidentialité imposée par l'art. 38
al. 2 lettre b LBVM (cf. ATF 126 II 86 consid. 3 p. 88-89).

5.- a) Dans le domaine de l'entraide administrative in-
ternationale, le principe de la proportionnalité découle de
l'art. 38 al. 2 LBVM (cf. également art. 5 al. 2 Cst. ainsi
que Hans-Peter Schaad, in Kommentar zum schweizerischen
Kapitalmarktrecht, Bâle 1999, n. 90 ad art. 38 BEHG) qui au-
torise uniquement la transmission d'informations et de docu-
ments liés à l'affaire. Selon ce principe, l'entraide admi-
nistrative ne peut être accordée que dans la mesure néces-
saire à la découverte de la vérité recherchée par l'Etat re-
quérant. La question de savoir si les renseignements deman-
dés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure
étrangère est en principe laissée à son appréciation. L'Etat
requis ne dispose généralement pas des moyens lui permettant
de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des
preuves déterminées au cours de l'instruction menée à
l'étranger, de sorte que, sur ce point, il ne saurait subs-

tituer sa propre appréciation à celle de l'autorité étran-
gère chargée de l'enquête. Il doit uniquement examiner s'il
existe suffisamment d'éléments suspects pouvant justifier
la demande d'entraide.
La coopération internationale ne peut
être refusée que si les actes requis sont sans rapport avec
l'infraction poursuivie et manifestement impropres à faire
progresser l'enquête, de sorte que ladite demande apparaît
comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de
preuve ("fishing expedition"; ATF 126 II 86 consid. 5a
p. 90-91 et les références citées).

b) La recourante prétend que la requête de la COB est
laconique et présente un "caractère exploratoire prohibé".
Par ailleurs, la transmission à cette autorité des informa-
tions fournies par la banque B.________ serait dispropor-
tionnée dans la mesure où plusieurs publications financières
spécialisées avaient prévu le rachat par la société Suez
Lyonnaise des Eaux du solde du capital de sa filiale SITA
cinq mois déjà avant son acquisition des titres en cause.

c) Ayant constaté un mouvement inhabituel du cours du
titre SITA dans l'après-midi du 17 août 1999 - soit deux
jours avant l'annonce officielle par la société Suez Lyon-
naise des Eaux de son offre publique d'échange du solde du
capital de sa filiale -, de même qu'une augmentation subite
et considérable du volume des actions achetées par rapport
au volume de celles acquises durant la matinée, la COB dis-
posait d'éléments suffisants lui permettant de soupçonner
l'existence d'un délit d'initié. Elle avait en outre décou-
vert qu'une de ces acquisitions - portant sur un nombre im-
portant de titres (1'040) - avait été effectuée par l'inter-
médiaire de la banque B.________. Vu ces éléments, elle pou-
vait légitimement demander à la Commission fédérale des pré-
cisions sur cet achat (cf. dans le même sens ATF 126 II 86
consid. 5b p. 91 et la jurisprudence citée), quand bien même
celui-ci n'était survenu qu'en fin de journée, alors qu'un

nombre important d'actions SITA avait déjà été échangé. Les
raisons invoquées par l'intéressée pour expliquer son achat
ne font pas obstacle à l'octroi de l'entraide. L'autorité
intimée n'est en effet pas tenue d'examiner si les soupçons
justifiant la requête dont elle est saisie sont confirmés ou
infirmés par les informations ou les explications qui ont
été recueillies à la demande de l'autorité requérante ou que
cette dernière lui a communiquées en cours de procédure,
comme cela a été le cas en l'espèce (cf. le courrier précité
du 14 février 2000). Seule cette autorité pourra, sur la ba-
se de ses propres investigations et des informations trans-
mises par la Commission fédérale, décider si ses soupçons
initiaux étaient ou non fondés (cf. ATF 126 II 86 consid. 5b
p. 91 et les références citées).

6.- a) Aux termes de l'art. 38 al. 2 lettre c LBVM, les
informations reçues par l'autorité étrangère de surveillance
des bourses et du commerce des valeurs mobilières ne peuvent
être transmises à des autorités compétentes et à des orga-
nismes ayant des fonctions de surveillance dictées par l'in-
térêt public qu'avec l'assentiment préalable de l'autorité
de surveillance suisse ou en vertu d'une autorisation géné-
rale contenue dans un traité international; lorsque l'en-
traide judiciaire en matière pénale est exclue, aucune in-
formation ne peut être transmise à des autorités pénales;
l'autorité de surveillance décide en accord avec l'Office
fédéral de la police.

b) L'art. 38 al. 2 LBVM poursuit l'objectif de facili-
ter l'entraide administrative dans toute la mesure compati-
ble avec le respect des conditions de l'entraide judiciaire
en matière pénale qui ne doivent pas être contournées. Les
restrictions apportées à la transmission ultérieure des ren-
seignements communiqués par la Suisse obligent concrètement
la Commission fédérale à ne pas perdre le contrôle de l'uti-
lisation des informations, en particulier après leur trans-

mission à l'autorité étrangère de surveillance (principe dit
du "long bras"; "Prinzip der langen Hand"; ATF 126 II 86
consid. 6b p. 92 et la jurisprudence citée).

c) Les autorités étrangères ne sont pas tenues de faire
une déclaration contraignante selon le droit international
public, mais doivent s'engager à mettre tout en oeuvre pour
respecter le principe de la spécialité (exigence qualifiée
en anglais de "best efforts" ou de "best endeavour"). Aussi
longtemps que l'Etat requérant respecte effectivement ce
principe et qu'il n'existe aucun signe qu'il ne le fasse pas
dans le cas concret, rien ne s'oppose à accorder l'entraide
administrative. S'il devait s'avérer qu'une autorité étran-
gère ne puisse plus respecter ce principe en raison de sa
législation interne ou d'une décision contraignante à la-
quelle elle n'a pas les moyens de s'opposer, la Commission
fédérale devrait alors refuser l'entraide (cf. ATF 126 II
86 consid. 6c p. 92 et la jurisprudence citée).

7.- S'agissant de l'éventuelle transmission d'informa-
tions à des autorités non pénales, le rappel à la COB de son
obligation de demander l'accord préalable de l'autorité in-
timée (cf. ch. 4 du dispositif de la décision attaquée) est
suffisant. Rien ne permet en effet de supposer que l'autori-
té requérante ne respectera pas cette obligation (cf. ATF
126 II 86 consid. 7c p. 93-94). La recourante ne le prétend
d'ailleurs pas.

8.- a) La COB peut être tenue de transmettre au Procu-
reur de la République des informations révélant des faits
susceptibles d'une qualification pénale (cf. art. 12-2 al.
3 de l'ordonnance no 67-833 du 28 septembre 1967 instituant
une commission des opérations de bourse et relative à l'in-
formation des porteurs de valeurs mobilières et à la publi-
cité de certaines opérations de bourse [ci-après: l'ordon-
nance no 67-833]; cf. également Thierry Amy, Entraide admi-

nistrative internationale en matière bancaire, boursière et
financière, thèse Lausanne 1998, p. 600; ATF 126 II 86 con-
sid. 7d/aa p. 94).

b) Selon l'art. 38 al. 2 lettre c LBVM, l'autorité re-
quérante peut être autorisée à transmettre aux autorités pé-
nales les informations reçues lorsque l'entraide judiciaire
en matière pénale n'est pas exclue (cf. consid. 6a ci-des-
sus). La Commission fédérale et l'Office fédéral de la po-
lice se prononcent sur la base des éléments dont ils dispo-
sent et doivent, au besoin, demander des compléments d'in-
formation à l'autorité requérante (cf. ATF 125 II 450 con-
sid. 4a p. 459). Ils sont tenus d'examiner si toutes les
conditions de l'entraide pénale internationale sont rem-
plies. Rien n'indique en effet qu'en matière d'entraide ad-
ministrative internationale, le législateur ait voulu éten-
dre la possibilité d'utiliser des informations dans des pro-
cédures pénales par rapport aux règles régissant l'entraide
judiciaire en matière pénale (cf. ATF 125 II 450 consid. 4b
p. 459-460; cf. également Jean-Paul Chapuis, Quelques ré-
flexions à propos de l'entraide administrative internatio-
nale de la Loi fédérale sur les bourses et le commerce des
valeurs mobilières, in Problèmes actuels de droit économi-
que, Mélanges en l'honneur du Professeur Charles-André Ju-
nod, Bâle 1997, p. 65 ss, p. 75-76). Dès lors, toutes les
conditions matérielles, telle notamment l'exigence de la
double incrimination (cf. ATF 126 II 86 consid. 7d/bb p. 94;
125 II 450 consid. 4b p. 460), prévues par la législation
régissant l'entraide judiciaire en matière pénale doivent
être respectées. Avant de donner son accord, l'Office fédé-
ral de la police doit confirmer que ces conditions sont rem-
plies, soit en se ralliant à une prise de position détaillée
de la Commission fédérale, soit en motivant lui-même son ap-
probation (cf. ATF 126 II 86 consid. 7d/bb p. 94-95; 125 II
450 consid. 4b p. 460).

c) Si, lors du dépôt de la demande d'entraide adminis-
trative, les investigations de l'autorité requérante sont
déjà suffisamment avancées et font apparaître la nécessité
d'une éventuelle transmission d'informations aux autorités
pénales étrangères compétentes, la Commission fédérale peut
directement y consentir dans sa décision accordant l'entrai-
de (cf. ATF 126 II 126 consid. 6b/bb p. 139; 125 II 450 con-
sid. 3b p. 458; arrêt non publié du 24 novembre 1999 en la
cause A. contre Commission fédérale des banques, consid. 4a;
cf. également Annette Althaus, Internationale Amtshilfe als
Ersatz für die internationale Rechtshilfe bei Insiderver-
fahren ?, in PJA 1999 p. 929 ss, p. 942-943). Ce consente-
ment est toutefois soumis à des exigences plus élevées que
celles nécessaires à l'octroi de l'entraide administrative.
Des variations significatives du volume des titres échangés
et de leur cours peu avant une annonce de rachat de société
ne sont en particulier pas suffisantes. La Commission fédé-
rale doit disposer d'éléments supplémentaires permettant de
soupçonner concrètement l'existence d'un comportement tom-
bant sous le coup du droit pénal. Il ne faut certes pas po-
ser d'exigences trop sévères quant à l'exposé des faits fi-
gurant dans la demande, notamment parce qu'il n'est pas en-
core possible de savoir avec certitude si, compte tenu de
ses investigations ultérieures, l'autorité requérante trans-
mettra ou non - malgré l'autorisation de la Commission fédé-
rale - ses informations aux autorités pénales étrangères
compétentes. Sa requête doit cependant permettre de quali-
fier juridiquement les faits invoqués et mentionner, en
principe, le texte des dispositions légales applicables afin
que ladite Commission puisse vérifier s'il existe ou non un
motif d'exclusion de l'entraide judiciaire en matière pénale
et examiner la question de la double incrimination (cf. ATF
125 II 450 consid. 4b p. 460-461 et les références citées).
Ainsi, en l'absence d'autres éléments que la variation du
cours des titres concernés, l'autorisation de transmettre
des informations aux autorités pénales étrangères compéten-

tes ne peut être accordée en même temps que l'entraide admi-
nistrative. Cette dernière doit en outre être refusée, du
moins dans un premier temps, si des garanties suffisantes du
respect de cette interdiction par l'autorité requérante font
défaut (cf. ATF 126 II 126 consid. 6b/bb p. 139). La ques-
tion de l'éventuelle transmission d'informations par celle-
ci devra alors faire l'objet d'une nouvelle procédure et
d'une décision séparée (cf. ATF 125 II 65 consid. 9 et 10
p. 75-78).

9.- a) Ni dans sa requête d'entraide du 24 décembre
1999, ni dans son courrier subséquent du 14 février 2000,
la COB n'a expressément sollicité l'autorisation de commu-
niquer aux autorités pénales françaises compétentes les in-
formations fournies par l'autorité intimée. Elle a toutefois
clairement indiqué à cette dernière son obligation de saisir
lesdites autorités si ces informations révélaient une in-
fraction pénale. En considérant cette indication comme une
demande d'autorisation implicite, la Commission fédérale n'a
pas excédé la marge d'appréciation dont elle dispose pour
donner suite à une requête d'entraide au sens de l'art. 38
LBVM (sur cette marge d'appréciation, cf. ATF 125 II 65 con-
sid. 7 p. 75 ainsi que la jurisprudence citée ci-dessus au
consid. 8c).

L'autorité intimée a par ailleurs soumis à l'Office fé-
déral de la police une prise de position détaillée qu'elle a
par la suite complétée et sur laquelle cet Office s'est dé-
terminé de manière circonstanciée. Elle a dès lors recueilli
le consentement de ce dernier conformément aux exigences po-
sées par la jurisprudence (cf. ATF 126 II 86 consid. 7d/bb
p. 94-95).

b) Dans sa demande d'entraide du 24 décembre 1999 ainsi
que dans son courrier du 14 février 2000, la COB a non seu-
lement fait état du volume exceptionnellement élevé de ti-

tres SITA échangés durant l'après-midi du 17 août 1999 ainsi
que la soudaine augmentation de leur cours (cf. consid. 5c
ci-dessus), mais a également indiqué que la plus grande par-
tie de ces actions, soit plus de 40'000 sur un total de
77'875 unités, avait été acquise par trois investisseurs
seulement. Elle a en outre établi qu'il s'agissait des pre-
miers achats significatifs, ce qui excluait qu'ils puissent
être attribués à "des rumeurs de marché". Certes, rien au
dossier ne permet d'établir de liens, soit entre ces trois
investisseurs et la recourante ou son ayant droit économi-
que, soit entre ceux-ci et les sociétés concernées. L'inté-
ressée a en outre procédé à l'acquisition des titres liti-
gieux en fin de journée, alors qu'un nombre important d'ac-
tions avait déjà été échangé. Elle n'a toutefois jamais ex-
pliqué ses achats par le subit engouement dont a fait l'ob-
jet le titre SITA durant l'après-midi en cause. Sa présence
parmi les acheteurs actifs au cours de cette demi-journée
paraît ainsi pour le moins troublante et suffit à rendre son
acquisition suspecte.

c) aa) La recourante invoque la violation du principe
de la double incrimination. Elle prétend que son ayant droit
économique n'a aucun lien avec la société SITA et ne peut
être considéré comme un initié au sens de la disposition lé-
gale française réprimant le délit d'usage d'une information
privilégiée. Ainsi, seule demeurerait théoriquement possible
son incrimination pour complicité de "délit de communication
d'information privilégiée", ce qui nécessiterait toutefois
que son éventuel informateur soit poursuivi à titre princi-
pal. Tel ne serait cependant pas le cas dans la mesure où il
n'aurait reçu aucune information de la part d'un initié mais
se serait uniquement fondé sur des analyses parues dans la
presse financière spécialisée. Dans ces conditions, il ne
pourrait pas non plus être poursuivi en vertu du droit suis-
se (cf. art. 161 ch. 2 CP).

bb) Selon le principe de la double incrimination (cf.
art. 64 al. 1 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'en-
traide internationale en matière pénale [EIMP; RS 351.1]
ainsi que l'art. 5 al. 1 lettre a de la Convention européen-
ne d'entraide
judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959
[CEEJ; RS 0.351.1] à laquelle la Suisse et la France sont
parties; sur les rapports entre ces deux dispositions, cf.
Robert Zimmermann, La coopération judiciaire internationale
en matière pénale, Berne 1999, n. 349 p. 272), l'infraction
poursuivie dans l'Etat requérant doit également être punis-
sable dans l'Etat requis (cf. Zimmermann, op. cit., n. 346
p. 269; Amy, op. cit., p. 422). La jurisprudence précise
que, sous réserve de l'abus manifeste et du renversement de
la présomption selon laquelle l'acte mis en cause est punis-
sable dans l'Etat requérant (cf. ATF 112 Ib 576 consid. 11b/
ba p. 593-594), l'autorité saisie de la demande d'entraide
doit se borner à vérifier que le droit suisse réprimerait
les faits s'ils entraient dans la compétence des autorités
helvétiques. L'examen de la punissabilité selon le droit
suisse porte sur les éléments constitutifs objectifs de
l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières en
matière de culpabilité et de répression (cf. ATF 122 II 422
consid. 2a p. 424). Il n'est pas nécessaire que les faits
incriminés revêtent, dans les deux législations concernées,
la même qualification juridique, qu'ils soient soumis aux
mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines
équivalentes (cf. ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 117
Ib 337 consid. 4a p. 342 et la jurisprudence citée).

cc) Comme l'a relevé la décision attaquée, qui n'est
pas contestée sur ce point, aucun des motifs d'exclusion de
l'entraide judiciaire en matière pénale (cf. art. 2 CEEJ
ainsi que 2 ss EIMP) n'est réalisé. Par ailleurs, un examen
prima facie du droit français indique non seulement que le
fait pour un initié d'utiliser une information privilégiée
(cf. art. 10-1 de l'ordonnance 67-833), mais également ce-

lui, pour un non-initié, de tirer profit d'une information
communiquée par un initié (cf. Jacques-Henri Robert/Michel
Véron, Le droit pénal des affaires en 350 décisions de 1989
à 1998, Paris 1998, p. 23), sont réprimés pénalement. A cet
égard, le fait que la COB n'a pas mentionné expressément la
disposition pénale française susceptible d'avoir été violée
(cf. art. 10-1 de l'ordonnance 67-833) n'est pas décisif
dans le cas particulier, dans la mesure où la recourante s'y
est abondamment référée dans ses déterminations adressées à
la Commission fédérale.

Par ailleurs, l'intéressée affirme que son ayant droit
économique n'a bénéficié d'aucune information privilégiée et
s'est uniquement fondé sur des articles parus dans la presse
financière spécialisée. De telles allégations ne sont toute-
fois pas déterminantes à ce stade (cf. dans ce sens, Jean-
François Egli/Olivier Kurz, L'entraide judiciaire accordée
par la Suisse pour la répression des délits d'initiés; pro-
blèmes récents, in Recht, Staat und Politik am Ende des
zweiten Jahrtausends, Festschrift zum 60. Geburtstag von
Bundesrat Arnold Koller, Berne 1993, p. 605 ss, p. 619-620).

dd) L'exploitation de la connaissance d'un fait confi-
dentiel, que ce soit par un initié ou par celui auquel ce
dernier a communiqué l'information, est également punissable
en Suisse (cf. art. 161 ch. 1 et 2 CP). La connaissance
avant qu'elle ne soit rendue publique de l'intention d'une
société d'acquérir, comme en l'espèce, une partie du capital
d'une autre société est en particulier un fait confidentiel
au sens de l'art. 161 ch. 3 et 4 CP (cf. ATF 118 Ib 448 con-
sid. 5 p. 453-454). Dès lors, s'il était prouvé que l'ayant
droit économique de la recourante a eu connaissance du pro-
jet de rachat du solde du capital de la société SITA par la
société Suez Lyonnaise des Eaux, soit dans l'exercice d'une
fonction mentionnée à l'art. 161 ch. 1 CP qu'il exercerait
ou aurait exercé au sein de la société SITA, soit par l'in-

termédiaire d'une personne exerçant ou ayant exercé l'une
de ses fonctions, l'achat des titres en cause - qui lui a
permis de réaliser un bénéfice de l'ordre de 30'000 fr. -
constituerait un délit pénal au regard du droit suisse.

ee) Vu ces éléments, le grief de violation du principe
de la double incrimination doit être écarté.

d) L'autorité intimée a dès lors autorisé à bon droit
une éventuelle transmission des informations reçues par la
COB aux autorités pénales françaises compétentes.

10.- Mal fondé, le présent recours doit être rejeté.

Succombant, la recourante supporte les frais judiciai-
res (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des
dépens (art. 159 al. 1 OJ).

La Commission fédérale n'a pas droit à des dépens (art.
159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la charge
de la Fondation A.________.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
de la recourante ainsi qu'à la Commission fédérale des ban-
ques.

____________

Lausanne, le 21 août 2000
DBA/mnv

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.150/2000
Date de la décision : 21/08/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-21;2a.150.2000 ?
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