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15/08/2000 | SUISSE | N°2A.227/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 août 2000, 2A.227/2000


2A.227/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

15 août 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Hartmann, Juge
présidant, Müller et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

KM.________ et FA.________, tous deux représentés par
Me Jean-Pierre Moser, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 27 mars 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cau

se qui oppose les recourants à
l'Office cantonal de contrôle des habitants et de police des
étrangers du canton d...

2A.227/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

15 août 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Hartmann, Juge
présidant, Müller et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

KM.________ et FA.________, tous deux représentés par
Me Jean-Pierre Moser, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 27 mars 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourants à
l'Office cantonal de contrôle des habitants et de police des
étrangers du canton de V a u d;

(art. 17 al. 2 LSEE; mariage fictif;
absence de procès-verbal)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Après avoir travaillé comme saisonnier en Suisse
pendant quelques années, KM.________, ressortissant yougos-
lave, a déposé en 1996 une demande d'asile qui a été défini-
tivement rejetée le 19 mars 1997. Un délai échéant le 31
août
1997 lui a été fixé pour quitter la Suisse.

Le 27 novembre 1997, KM.________ a épousé une compa-
triote, FA.________, au bénéfice d'une autorisation d'éta-
blissement.

L'Office cantonal de contrôle des habitants et de
police des étrangers du canton de Vaud (ci-après: l'Office
cantonal) a demandé à la police cantonale d'enquêter sur les
circonstances de ce mariage.

Il ressort notamment du rapport de police établi le
7 décembre 1998 que KM.________ ne vivait pas à la même
adresse que sa femme: il n'avait jamais été vu par la con-
cierge de l'immeuble et son nom ne figurait pas sur la boîte
aux lettres. L'intéressé avait déclaré à la police qu'il
n'avait aucune connaissance de la langue française, alors
même qu'il était censé vivre à Lausanne depuis plus d'une
année. Il ne connaissait pas exactement le lieu de travail
de
sa femme. Lors d'une visite de l'appartement intervenue le
29
novembre 1998, il a été constaté qu'il ne possédait pas la
clef de la porte d'entrée de l'appartement et qu'il n'avait
pratiquement pas d'effets et d'objets personnels. En
fonction
de l'état des lieux et notamment de la chambre à coucher, il
était évident que le logement n'était occupé que par une fem-
me seule.

Par décision du 9 février 1999, l'Office cantonal a
refusé de délivrer une autorisation de séjour à KM.________,
au motif que, sur la base dudit rapport de police, il exis-
tait suffisamment d'indices permettant de conclure que le ma-
riage n'avait été contracté que dans le but d'éluder les
prescriptions en matière de police des étrangers.

B.- KM.________ et son épouse ont recouru contre
cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de
Vaud en faisant valoir notamment que, bien qu'ayant son domi-
cile principal à Lausanne où il vivait avec sa femme,
KM.________ avait dû garder un studio à Bienne, où il tra-
vaillait, car il ne pouvait pas rentrer tous les soirs à Lau-
sanne.

Le 13 mars 2000, la section du Tribunal administra-
tif appelée à statuer sur le fond a notamment procédé, en
présence des parties assistées de leur avocat, à l'audition
de deux témoins, à savoir X.________ (belle-soeur de
KM.________) et l'inspecteur Y.________, auteur du rapport
de
police. Les dépositions de ces témoins n'ont pas été consi-
gnées dans un procès-verbal d'audience.

Par arrêt du 27 mars 2000, le Tribunal administratif
a confirmé la décision de l'Office cantonal. Les
déclarations
des parties, de même que les témoignages, ont été résumés
dans ce jugement.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, KM.________ et son épouse demandent au Tribunal
fédéral, principalement, d'annuler l'arrêt du 27 mars 2000
du
Tribunal administratif et d'octroyer à KM.________ une auto-
risation de séjour.

Le Service de la population cantonal s'en remet aux
observations du Tribunal administratif, lequel a renoncé à

déposer sa réponse. Quant à l'Office fédéral des étrangers,
il conclut au rejet du recours.

D.- Par ordonnance présidentielle du 14 juin 2000,
la demande d'effet suspensif au recours a été admise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le
recours de droit administratif n'est pas recevable en
matière
de police des étrangers contre l'octroi ou le refus d'autori-
sations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit.
D'après l'art. 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le
séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20),
les autorités compétentes statuent librement, dans le cadre
des prescriptions légales et des traités avec l'étranger,
sur
l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou d'établis-
sement. En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi
d'une autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit ad-
ministratif est irrecevable, à moins que ne puisse être invo-
quée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un
traité, accordant le droit à la délivrance d'une telle auto-
risation (ATF 124 II 289 consid. 2a p. 291, 361 consid. 1a
p. 363 et les arrêts cités).

b) Selon l'art. 17 al. 2 LSEE, si l'étranger possède
l'autorisation d'établissement, son conjoint a droit à l'au-
torisation de séjour aussi longtemps que les époux vivent en-
semble. Marié à une compatriote titulaire d'une autorisation
d'établissement et faisant apparemment ménage commun avec
elle, KM.________ a en principe droit à une autorisation de
séjour. Le présent recours est donc recevable sous cet
angle.
Savoir si les conditions pour la délivrance d'une autorisa-
tion de séjour sont, ou non, remplies, est une question de

fond et non de recevabilité. A noter à cet égard que le
droit
à l'autorisation prévu à l'art. 17 al. 2 LSEE, à l'instar du
droit à l'autorisation fondé sur l'art. 7 al. 1 LSEE, n'exis-
te pas lorsque le mariage a été conclu en vue d'éluder les
prescriptions de police des étrangers (application de la rè-
gle générale de l'art. 7 al. 2 LSEE; ATF 121 II 5 consid.
3a).

2.- Dans un grief d'ordre formel qu'il convient
d'examiner en premier lieu, les recourants reprochent au Tri-
bunal administratif d'avoir violé leur droit d'être
entendus,
tel qu'il découle de l'art. 29 al. 2 Cst., en omettant de te-
nir un procès-verbal des dépositions des témoins recueillies
lors de l'audience d'administration de preuves du 13 mars
2000.

a) Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al.
2 Cst. (art. 4 aCst.) comprend le droit pour l'intéressé de
prendre connaissance du dossier, d'obtenir l'administration
des preuves pertinentes et valablement offertes, de partici-
per à l'administration des preuves essentielles et de se dé-
terminer sur son résultat lorsque cela est de nature à in-
fluer sur la décision à rendre. Selon la jurisprudence récen-
te, le droit d'être entendu confère également aux parties le
droit d'obtenir que les déclarations de parties, de témoins
ou d'experts qui sont importantes pour l'issue du litige
soient consignées dans un procès-verbal, tout au moins dans
leur teneur essentielle; la consignation des déclarations
dans une note du dossier ou dans les considérants de la dé-
cision ne saurait pallier l'absence de procès-verbal. La ver-
balisation des déclarations pertinentes vise notamment à per-
mettre aux parties de participer à l'administration des preu-
ves et, surtout, de se prononcer effectivement sur leur ré-
sultat. L'obligation de dresser un procès-verbal doit aussi
permettre à l'autorité de recours de contrôler, s'il y a
lieu, que les faits ont été constatés correctement par l'au-

torité inférieure (ATF 124 V 389 consid. 3 et 4, commenté
par
Bernard Abrecht in: JdT 1999 I 78; ATF 125 II 377 consid. 1,
en matière de détention administrative en vue du
refoulement;
ATF 126 I 15 consid. 2 concernant la procédure pénale vau-
doise, arrêt reproduit également au JdT 2000 III p. 11 ss;
cf. aussi L. Moreillon et D. Tappy, Verbalisation des décla-
rations de parties, de témoins ou d'experts en procédure pé-
nale et en procédure civile, in: JdT 2000 III p. 18 ss, plus
spéc. p. 25 et Michele Albertini, Der verfassungsmässige
Anspruch auf rechtliches Gehör im Verwaltungsverfahren des
modernen Staates. Eine Untersuchung über Sinn und Gehalt der
Garantie unter besonderer Berücksichtigung der bundesgericht-
lichen Rechtsprechung, thèse Berne 1999, p. 255 ss et 355.
Voir encore les arrêts non publiés du 6 janvier 2000 en la
cause Do c. canton de Soleure, consid. 1 et du 14 janvier
2000 en la cause Oezen c. canton de Soleure, consid. 3).

b) Dans l'arrêt précité du 6 janvier 2000 (consid.
1a), le Tribunal fédéral a précisé que l'obligation de dres-
ser un procès-verbal des dépositions essentielles des
témoins
lui servait également à contrôler l'état de fait tel qu'il a
été établi par l'instance cantonale. Certes, lorsque le re-
cours est dirigé, comme en l'occurrence, contre la décision
d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont mani-
festement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 104 lettre
b
et 105 al. 2 OJ). Mais, même dans ce cas, le Tribunal
fédéral
doit avoir la possibilité de vérifier si les faits sont, ou
non, manifestement inexacts ou incomplets. De plus, le pro-
cès-verbal est nécessaire pour examiner si le recourant allè-
gue des faits nouveaux ou fait valoir de nouveaux moyens de
preuve, ce qui est exclu dans le cadre de l'art. 105 al. 2
OJ.

c) A noter encore que le fait que tous les juges ap-
pelés à statuer sur le fond soient présents à la séance d'ad-
ministration de preuves et qu'ils prennent connaissance di-
rectement des explications des parties ou des témoins ne sau-
rait remplacer un procès-verbal, du moins lorsque la voie
d'un recours au Tribunal fédéral est ouverte (arrêt précité
du 6 janvier 2000, consid. 1b).

3.- a) En l'occurrence, il est constant que la sec-
tion du Tribunal administratif chargée de trancher l'affaire
au fond n'a pas consigné dans un procès-verbal les déposi-
tions des témoins recueillies dans la séance du 13 mars
2000,
mais s'est bornée à reproduire les témoignages et le
résultat
de l'appréciation de ceux-ci dans la décision elle-même. Or,
les recourants affirment que les témoins en question ont été
entendus sur des faits importants pour l'issue de la cause.
La cour cantonale n'a pas contesté ces allégations devant le
Tribunal fédéral. On peut donc admettre que l'audition des
témoins a porté, au moins en partie, sur des points essen-
tiels pour l'issue du litige. A la lecture de l'arrêt atta-
qué, on peut d'ailleurs constater que le Tribunal administra-
tif s'est largement appuyé sur les témoignages pour rejeter
le recours des intéressés. Certes, le rapport de police éta-
bli le 7 décembre 1998 contient plusieurs éléments
permettant
de conclure que les recourants ont conclu un mariage fictif.
Mais il ressort notamment de l'arrêt attaqué que, entendu en
qualité de témoin lors de la séance du 13 mars 2000,
Y.________, auteur dudit rapport de police, a relativisé cer-
taines constatations qu'il avait faites dans son rapport: il
a notamment déclaré "n'avoir pas procédé, le 29 novembre
1998, à une véritable visite domiciliaire", mais s'être con-
tenté d'entrer dans l'appartement sis à Lausanne. Il s'est
en
outre rappelé qu'il avait "vu dans la chambre à coucher un
lit plus grand qu'un lit à une place". Dans ces conditions,
le Tribunal administratif aurait dû notamment consigner ce

témoignage dans un procès-verbal. En ayant omis de le faire,
il a violé le droit d'être entendu des recourants.

Les recourants n'ont pas agi de manière contraire
aux règles de la bonne foi en n'ayant pas exigé, lors de la
séance d'instruction du 13 mars 2000, la verbalisation des
déclarations des témoins. Car la loi vaudoise du 18 décembre
1989 sur la juridiction et la procédure administratives (ci-
après: LJPA/VD) n'offre pas la possibilité à la partie qui
le
souhaite de requérir la verbalisation d'un témoignage essen-
tiel et, le cas échéant, de recourir contre un éventuel
refus
subséquent d'une section du Tribunal administratif. L'art.
48
al. 2 LPJA/VD prévoit simplement que les preuves telles que
l'audition des parties et des témoins sont administrées en
présence de la section chargée de juger l'affaire au fond.

b) Dans ces conditions, le moyen tiré d'une viola-
tion du droit d'être entendu est bien fondé. Ce vice ne pou-
vant pas être réparé en procédure fédérale, l'affaire doit
être renvoyée au Tribunal administratif pour qu'il statue à
nouveau, après avoir consigné les déclarations pertinentes
des parties et des témoins dans un procès-verbal d'audience.
Vu l'issue du litige, il est inutile d'examiner les autres
griefs soulevés par les recourants.

4.- Au vu de ce qui précède, le présent recours doit
être admis, l'arrêt attaqué annulé et le dossier transmis à
l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens
des
considérants (art. 114 al. 2 OJ).

Obtenant gain de cause, les recourants ont droit à
des dépens qui seront supportés par l'Etat de Vaud (art. 159
OJ); en revanche, celui-ci n'a pas à payer les frais judi-
ciaires (art. 156 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1.- Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et ren-
voie la cause au Tribunal administratif du canton de Vaud
pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.- Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re.

3.- Met à la charge de l'Etat de Vaud une indemnité
de 2'000 fr.
à verser aux recourants à titre de dépens.

4.- Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire des recourants, au Service de la population et au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office
fédéral des étrangers.

Lausanne, le 15 août 2000
LGE/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Juge présidant,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.227/2000
Date de la décision : 15/08/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-15;2a.227.2000 ?
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