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14/08/2000 | SUISSE | N°C.28/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 août 2000, C.28/00


«AZA 7»
C 28/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 14 août 2000

dans la cause

B.________, recourante, représentée par Maître Xavier
Wenger, avocat, avenue de la Gare 5, Martigny,

contre

Département des finances et de l'économie du canton du
Valais, avenue du Midi 7, Sion, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion

A.- B.________, mariée, mère de quatre enfants

, vit en
Suisse depuis 1991. Elle a demandé à bénéficier des indem-
nités de chômage dès le 1er décembre 1997, date à laquelle

el...

«AZA 7»
C 28/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 14 août 2000

dans la cause

B.________, recourante, représentée par Maître Xavier
Wenger, avocat, avenue de la Gare 5, Martigny,

contre

Département des finances et de l'économie du canton du
Valais, avenue du Midi 7, Sion, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion

A.- B.________, mariée, mère de quatre enfants, vit en
Suisse depuis 1991. Elle a demandé à bénéficier des indem-
nités de chômage dès le 1er décembre 1997, date à laquelle

elle a fait contrôler son chômage auprès de l'Office commu-
nal du travail de X.________.

Le 30 mars 1998, la Caisse publique cantonale valai-
sanne de chômage a soumis le cas à l'examen de l'Office
cantonal valaisan du travail, en indiquant notamment que la
requérante n'avait pas été en mesure d'établir que la garde
de ses enfants serait assurée par une tierce personne, dans
l'hypothèse où elle trouverait un emploi.
Le 15 avril 1998, l'office cantonal du travail a
invité l'assurée à fournir des précisions sur le genre de
l'activité recherchée, l'horaire de travail qu'elle serait
à même d'assumer, ainsi que le nom de la personne qui
serait chargée de la garde des enfants si elle trouvait un
emploi convenable. L'assurée a répondu qu'elle recherchait
un emploi à plein temps comme «ménagère» ou dans des
travaux de «campagne». Au sujet de la garde de ses enfants,
elle a fourni le nom de dame O.________.
Statuant le 28 août 1998, l'office cantonal du travail
a nié l'aptitude au placement de l'assurée dès le 1er dé-
cembre 1997. Il a retenu que celle-ci n'avait pas été en
mesure de démontrer, malgré plusieurs demandes de l'office
régional de placement, que la garde de ses enfants pouvait
être confiée à un tiers si elle trouvait un emploi. En
outre, elle avait dirigé ses recherches d'emploi essen-
tiellement vers des professions (vendeuse, sommelière,
remonteuse d'horloges) pour lesquelles un engagement avait
peu de chance d'aboutir, attendu qu'elle ne maîtrisait pas
la langue française.

B.- Par jugement du 15 avril 1999, la Commission can-
tonale valaisanne de recours en matière de chômage a rejeté
le recours formé contre cette décision par l'assurée.

C.- B.________ interjette un recours de droit
administratif dans lequel elle conclut, sous suite de
dépens, à l'annulation de la décision de la commission de

recours et à la reconnaissance de son droit à l'indemnité
de chômage.
La commission de recours, le Service de l'industrie,
du commerce et du travail du canton du Valais (qui a repris
les attributions de l'office cantonal de l'emploi) et l'Of-
fice régional de placement concluent au rejet du recours.
Quant au Secrétariat d'Etat à l'économie, il ne s'est pas
prononcé à son sujet.

Considérant en droit :

1.- a) L'assuré n'a droit à l'indemnité de chômage que
s'il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est
réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à
accepter un travail convenable et est en mesure et en droit
de le faire (art. 15 al. 1 LACI). L'aptitude au placement
comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une
part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus
précisément d'exercer une activité lucrative salariée -
sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhéren-
tes à sa personne, et d'autre part la disposition à accep-
ter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, ce qui
implique non seulement la volonté de prendre un tel travail
s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante
quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et
quant au nombre des employeurs potentiels. L'aptitude au
placement peut dès lors être niée notamment en raison de
recherches d'emploi continuellement insuffisantes, en cas
de refus réitéré d'accepter un travail convenable, ou
encore lorsque l'assuré limite ses démarches à un domaine
d'activité dans lequel il n'a, concrètement, qu'une très
faible chance de trouver un emploi (ATF 125 V 58
consid. 6a, 123 V 216 consid. 3 et la référence).

En vertu du principe de la proportionnalité, l'insuf-
fisance de recherches d'emploi doit cependant être sanc-
tionnée, en premier lieu, par une suspension du droit à
l'indemnité. Pour admettre une inaptitude au placement à
raison de recherches insuffisantes, il faut qu'on se trouve
en présence de circonstances tout à fait particulières.
C'est le cas, notamment, si l'assuré, malgré une suspension
antérieure de son droit à l'indemnité, persiste à n'entre-
prendre aucune recherche ou lorsque, nonobstant les appa-
rences extérieures, on peut mettre en doute sa volonté
réelle de trouver du travail. Il en va de même lorsque
l'assuré n'entreprend aucune démarche pendant une longue
période ou que ses recherches sont à ce point insuffisantes
ou dépourvues de tout contenu qualitatif qu'elles sont
inutilisables (sur ces divers points, DTA 1996/1997 n° 8
p. 31 consid. 3 et n° 19 p. 101 consid. 3b).

b) En l'espèce, de telles circonstances particulières
font défaut. Tout d'abord, l'assurée a remis régulièrement
à l'Office régional de placement de Martigny la liste de
ses recherches d'emploi. Selon les procès-verbaux des en-
tretiens successifs qu'elle a eus avec le conseiller en
personnel de cet office (les 15 janvier, 6 février,
24 février et 18 mars 1998), ses recherches ont été à
chaque fois qualifiées de «suffisantes». Il est vrai que la
recourante a fait un certain nombre de recherches d'emploi
en tant que vendeuse, profession dans laquelle ses chances
d'engagement étaient fortement aléatoires, compte tenu de
sa méconnaissance de la langue française. Mais on ne peut
pas en dire autant des recherches qu'elle a effectuées
comme serveuse dans des cafés. Dans ce cas, on peut
admettre que le vocabulaire nécessaire à la pratique pro-
fessionnelle aurait pu rapidement s'acquérir sur le lieu de
travail. On note au demeurant que l'office régional de
placement a envisagé, en décembre 1997 déjà, d'accorder à
l'assurée un cours de français de base au titre de mesure

préventive. En outre, on constate que la recourante a fait
des recherches d'emploi comme «remonteuse» (rien n'indique
que cette activité requiert de bonnes connaissances de la
langue française) et aussi comme «ménagère» ou
«aide-ménagère», soit des emplois où les chances d'engage-
ment étaient réelles. Dans ces conditions, on ne peut pas
affirmer que les recherches de la recourante étaient dans
l'ensemble totalement insuffisantes ou dépourvues de tout
contenu qualitatif.
Certes, comme le relève le service intimé dans sa
réponse, l'office régional de placement a incité l'assurée
à orienter ses recherches dans la branche de l'agriculture
où le besoin de main d'oeuvre est très important en Valais.
Mais, à lui seul, le fait que la recourante n'a pas entre-
pris de recherches dans ce secteur d'activité ne suffit pas
pour nier, sans autre préalable, son aptitude au placement.
Il n'est pas allégué, du reste, que la recourante ait
refusé un emploi dans l'agriculture. On note qu'aucun
emploi d'ouvrière agricole ne lui a été proposé par
l'office régional de placement, ce qui s'explique probable-
ment par le fait que l'activité saisonnière de la branche
n'avait pas encore repris à l'époque des faits (décembre
1997 à mars 1998).
Dans ces circonstances, le motif tiré d'une insuffi-
sance de recherches d'emploi ne peut pas être retenu pour
nier l'aptitude au placement de la recourante.

2.- Tant le jugement attaqué que la décision litigieu-
se se fondent également sur le fait que la recourante n'a
pas trouvé de solution pour la garde de ses enfants, au cas
où elle trouverait un emploi convenable.

a) Dans un arrêt I. du 27 octobre 1993 (DTA 1993/1994
n° 31 p. 219), le Tribunal fédéral des assurances a déclaré
conforme au droit fédéral la directive de l'ex-OFIAMT rela-
tive à l'aptitude au placement d'assurés assumant la garde

d'enfants en bas âge. Aux termes de cette directive
(Bulletin AC 93/1, fiche 3), la manière dont les parents
entendent régler la question de la garde de leurs enfants
relève de leur vie privée. En conséquence, l'assurance-chô-
mage n'entreprend aucune vérification à ce sujet au moment
du dépôt de la demande d'indemnités, sous réserve d'abus
manifestes. En revanche, si, au cours de la période d'in-
demnisation, la volonté ou la possibilité de confier la
garde des enfants à une tierce personne apparaît douteuse
sur le vu des déclarations ou du comportement de l'assuré
(recherches d'emploi insuffisantes, exigences mises à l'ac-
ceptation d'un emploi ou refus d'un emploi convenable),
l'aptitude au placement devra être vérifiée en exigeant, au
besoin, la preuve d'une possibilité concrète de garde.

b) En l'espèce, il ressort des pièces que l'office
régional de placement a vainement demandé à l'assurée, à
réitérées reprises, de fournir une attestation d'une per-
sonne qui fût disposée à garder ses enfants dans l'hypothè-
se où elle trouverait un emploi. La recourante s'est con-
tentée, en décembre 1997, d'indiquer le nom de la concierge
de son immeuble. Cette personne a toutefois refusé, en
réponse à une demande de la caisse (lettre du 25 février
1998), de fournir une attestation écrite sur sa disponibi-
lité pour s'occuper des enfants de l'assurée, en précisant
qu'il lui était parfois arrivé de garder ceux-ci quand leur
mère allait faire des courses. On doit donc retenir que,
jusqu'à ce moment-là en tout cas (fin février), la recou-
rante n'était pas apte à être placée, faute d'avoir trouvé
une solution pour la garde de ses enfants.
Pour la période ultérieure, la situation n'a pas été
éclaircie. Lorsqu'elle a été invitée par l'office cantonal
du travail, le 15 avril 1998, à fournir divers rensei-
gnements sur ses possibilités de travail et sur sa situa-
tion personnelle, la recourante a déclaré que la garde de
ses enfants serait assurée, le cas échéant, par dame
O.________. Ni l'office du travail ni les premiers juges

n'ont tenu compte de cette déclaration, sur laquelle ils
n'ont pas pris position. L'administration ou les premiers
juges auraient dû pourtant en vérifier l'exactitude,
conformément à l'obligation qui leur est faite d'instruire
d'office les faits déterminants pour l'issue du litige
(voir en particulier, pour ce qui est de l'autorité de
recours, l'art. 103 al. 4 LACI).
Il convient donc de renvoyer la cause à l'intimé pour
qu'il éclaircisse ce point. En effet, si l'allégué de la
recourante devait se révéler exact, son aptitude au place-
ment ne pourrait plus être niée, sous l'angle de ses obli-
gations familiales, à partir du moment où dame O.________
s'est déclarée prête à assumer la garde des enfants de
l'assurée et où les conditions d'une telle garde étaient
remplies. Il appartiendra ensuite à l'administration de
rendre une nouvelle décision, le cas échéant après avoir
vérifié si toutes les conditions - non examinées ici - du
droit à l'indemnité sont remplies.

3.- Vu la nature du litige, la procédure est gratuite
(art. 134 OJ). La recourante, qui obtient partiellement
gain de cause, a d'autre part droit à une indemnité de
dépens réduite, à la charge de l'intimé (art. 159 OJ).
Compte tenu de l'issue de la procédure cantonale, les
premiers juges ont refusé d'accorder des dépens à la recou-
rante (chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué). Il
n'appartient pas au Tribunal fédéral des assurances d'invi-
ter l'autorité cantonale à statuer à nouveau sur cette
question, attendu qu'en matière d'assurance-chômage, il
n'existe pas de droit aux dépens fondé sur la législation
fédérale au sens de l'art. 104 let. a OJ (cf. l'art. 103
LACI). Mais la recourante, qui a obtenu gain de cause en
instance fédérale, a la faculté de demander aux premiers
juges de se prononcer à nouveau sur ce point, au regard de
l'issue définitive du litige.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis et le jugement de
la Commission cantonale valaisanne de recours en ma-
tière de chômage du 15 avril 1999, ainsi que la déci-
sion de l'Office cantonal valaisan du travail du
28 août 1998, sont annulés.

II. La cause est renvoyée au Service de l'industrie, du
commerce et du travail du canton du Valais pour com-
plément d'instruction et nouvelle décision au sens des
motifs.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. Le Service de l'industrie, du commerce et du travail
du canton du Valais versera à la recourante la somme
de 1500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale valaisanne de recours en matière
de chômage, à l'Office cantonal valaisan du travail, à
la Caisse publique cantonale valaisanne de chômage, au
Secrétariat d'Etat à l'économie et à l'Office régional
de placement.

Lucerne, le 14 août 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.28/00
Date de la décision : 14/08/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-14;c.28.00 ?
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