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14/08/2000 | SUISSE | N°2A.240/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 août 2000, 2A.240/2000


2A.240/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

14 août 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, R. Müller et Yersin. Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

AC.________ et JC.________ tous deux représentés par Me
Pierre Gabus, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 7 avril 2000 par le Département fédéral
de justice et police;
> (art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH: autorisation de séjour
au titre du regroupement familial)

Vu les pièces du dossier d'où...

2A.240/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

14 août 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, R. Müller et Yersin. Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

AC.________ et JC.________ tous deux représentés par Me
Pierre Gabus, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 7 avril 2000 par le Département fédéral
de justice et police;

(art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH: autorisation de séjour
au titre du regroupement familial)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Ressortissant portugais né en 1957, AC.________ a
travaillé en Suisse de 1988 à 1991, au bénéfice d'autorisa-
tions de séjour saisonnières. Il a obtenu une autorisation
de
séjour à l'année dès 1992 et une autorisation
d'établissement
le 12 janvier 1994.

En 1993, la femme de AC.________ est venue à Genève
dans
le cadre du regroupement familial et a bénéficié à ce titre
d'une autorisation de séjour régulièrement renouvelée jus-
qu'au 1er octobre 1996. Elle serait arrivée en Suisse, sans
les annoncer, avec ses enfants D.________ et JC.________,
des
jumeaux nés le 26 novembre 1981.

Le 10 mai 1995, AC.________ a présenté à l'Office canto-
nal de la population du canton de Genève (ci-après: l'Office
cantonal) une demande de regroupement familial tendant à fai-
re venir en Suisse ses enfants, D.________ et JC.________.
Il
a cependant retiré cette requête en novembre 1995, en préci-
sant que ses enfants ne viendraient pas à Genève avant
d'avoir terminé leur scolarité au Portugal.

La femme de AC.________ serait repartie pour le
Portugal
en 1995 ou 1996 - le dossier contenant des informations con-
tradictoires à ce sujet - avec leurs enfants, qui ont appa-
remment séjourné en Suisse depuis 1993. Les époux
C.________,
qui auraient déjà vécu séparés à Genève, ont divorcé en juil-
let 1999.

B.- JC.________ est arrivé à Genève le 23 septembre
1998
et il a déposé, le 30 septembre 1998, une demande d'autorisa-
tion de séjour pour pouvoir vivre auprès de son père.

Par décision du 26 novembre 1998, l'Office cantonal a
refusé l'autorisation d'établissement sollicitée et imparti
à
l'intéressé un délai de départ échéant le 31 janvier 1999.
Il
a notamment retenu que l'art. 17 al. 2 de la loi fédérale du
26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20) tendait à permettre à l'étranger de préser-
ver ou de reconstituer l'unité familiale, ce qui n'était pas
possible en l'espèce puisque la femme et la fille de
AC.________ demeuraient à l'étranger. Au surplus, l'Office
cantonal estimait que l'autorisation requise visait à
assurer
la proche et future vie d'adulte de JC.________, ce qui ne
correspondait pas au but du regroupement familial.

Le 19 février 1999, AC.________ a présenté une nouvelle
demande d'autorisation de séjour pour son fils JC.________,
au titre du regroupement familial. Il faisait valoir que sa
femme avait décidé d'introduire une demande en divorce au
Portugal et que les époux avaient convenu que l'autorité pa-
rentale sur JC.________ et sa garde seraient confiées à son
père.

Le 9 mars 1999, l'Office cantonal a rejeté la requête.
Il a considéré en particulier qu'en l'occurrence, il ne pou-
vait y avoir qu'un regroupement familial partiel et que,
lorsque les parents étaient séparés ou divorcés, la préten-
tion au regroupement familial supposait que l'enfant entre-
tienne avec le parent vivant en Suisse une relation
familiale
prépondérante et des rapports privilégiés, ce qui n'était
pas
le cas, en l'espèce.

C.- AC.________ et JC.________ ont recouru contre la dé-
cision de l'Office cantonal du 9 mars 1999. Le 28 septembre
1999, la Commission cantonale de recours de police des étran-

gers du canton de Genève (ci-après: la Commission cantonale
de recours) a admis leur recours, annulé la décision contes-
tée et renvoyé la cause à l'Office cantonal pour nouvelle dé-
cision au sens des considérants. La Commission cantonale de
recours a retenu en particulier que JC.________ était venu
vivre à Genève avec sa mère et sa soeur de 1993 à 1995 et y
avait fréquenté l'école. Par ailleurs, il avait toujours
maintenu un lien avec son père par des contacts téléphoni-
ques. Son choix de vivre avec son père, qu'il avait
librement
exprimé à presque dix-sept ans, devait être respecté.

D.- Le dossier de la cause a alors été soumis pour ap-
probation à l'Office fédéral des étrangers (ci-après: l'Offi-
ce fédéral) qui, par décision du 10 novembre 1999, a refusé
son approbation à la délivrance d'une autorisation de séjour
à JC.________ par le canton de Genève, en vue du
regroupement
familial, et a fixé à l'intéressé un délai échéant le 30 jan-
vier 2000 pour quitter le territoire de la Confédération.

E.- Le 7 avril 2000, le Département fédéral de justice
et police (ci-après: le Département fédéral) a rejeté le re-
cours de AC.________ et de JC.________ contre la décision de
l'Office fédéral du 10 novembre 1999 et déclaré que
JC.________ devrait quitter la Suisse dans le délai que lui
communiquerait l'Office fédéral. Il a notamment retenu que
JC.________ avait ses principales attaches sociales, cultu-
relles et familiales au Portugal, que son éventuel séjour en
Suisse entre 1993 et 1995 ne pouvait pas être pris en compte
en raison de son illégalité et que, depuis septembre 1998,
il
vivait en Suisse grâce à une tolérance résultant des procédu-
res qu'il y avait introduites. Le Département fédéral a éga-
lement souligné le temps qui s'était écoulé entre le moment

où AC.________ avait obtenu une autorisation d'établissement
et la demande d'autorisation de séjour pour son fils au
titre
du regroupement familial. Il a estimé qu'il n'était pas éta-
bli que JC.________ entretenait une relation prépondérante
avec son père et que la demande litigieuse répondait plus à
des raisons de convenances personnelles et matérielles (bien-
être, possibilité d'apprendre un métier) qu'au souci de re-
constituer la cellule familiale. Au demeurant, JC.________
apparaissait en mesure de vivre de façon indépendante, vu
son
âge. De plus, les conditions imposées en cas de regroupement
familial partiel n'étaient pas remplies en l'espèce et il
fallait éviter une mesure qui n'aboutirait qu'à diviser enco-
re plus la famille C.________. Quant à l'art. 8 CEDH, il ne
conférait pas à l'étranger un droit absolu à l'entrée ou au
séjour en Suisse de membres de sa famille.

Le 14 avril 2000, l'Office fédéral a imparti à
JC.________ un délai échéant le 30 juin 2000 pour quitter la
Suisse.

F.- Agissant par la voie du recours de droit administra-
tif, AC.________ et JC.________ demandent au Tribunal fédé-
ral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision du
Département fédéral du 7 avril 2000 et d'inviter cette auto-
rité à approuver la délivrance de l'autorisation de séjour
requise par JC.________. Ils se plaignent en substance de la
violation du droit d'être entendu, des art. 17 LSEE et 8
CEDH
ainsi que des principes jurisprudentiels dégagés par le Tri-
bunal fédéral.

Le Département fédéral conclut au rejet du recours dans
la mesure où il est recevable.

G.- Par ordonnance du 20 juin 2000, le Président de la
IIe Cour de droit public a admis la demande d'effet
suspensif
présentée par les recourants.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement
la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 124 II 499
consid. 1a p. 501).

a) Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours
de droit administratif n'est pas recevable en matière de po-
lice des étrangers contre l'octroi ou le refus d'autorisa-
tions auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit.
D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent li-
brement, dans le cadre des prescriptions légales et des trai-
tés avec l'étranger, sur l'octroi ou le refus
d'autorisations
de séjour ou d'établissement. En principe, l'étranger n'a
pas
de droit à l'octroi d'une autorisation de séjour. Ainsi, le
recours de droit administratif est irrecevable, à moins que
ne puisse être invoquée une disposition particulière du
droit
fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance
d'une telle autorisation (ATF 124 II 361 consid. 1a p. 363/
364).

Selon l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, si un étranger
possède l'autorisation d'établissement, ses enfants céliba-
taires âgés de moins de dix-huit ans ont le droit d'être in-
clus dans l'autorisation d'établissement aussi longtemps
qu'ils vivent auprès de leurs parents. Lors de l'examen de
la
recevabilité du recours au regard de cette disposition,
c'est
l'âge de l'enfant au moment du dépôt de la demande de regrou-
pement familial qui est déterminant (ATF 120 Ib 257 consid.
1f p. 262).

AC.________ est au bénéfice d'une autorisation d'éta-
blissement depuis le 12 janvier 1994. Le 30 septembre 1998,
JC.________ a déposé une demande d'autorisation de séjour
pour vivre auprès de son père qui a été rejetée; le 19 fé-
vrier 1999, AC.________ a formé une autre demande d'autori-
sation de séjour pour son fils auprès de l'Office cantonal.
Au moment du dépôt de cette deuxième demande, JC.________
était célibataire et âgé de moins de dix-huit ans. Par ail-
leurs, la voie du recours de droit administratif est ouverte
contre la décision de refus d'approbation des autorités admi-
nistratives fédérales de même qu'elle l'aurait été contre
une
décision cantonale refusant l'autorisation. Le présent re-
cours est donc recevable au regard de l'art. 17 al. 2 3ème
phrase LSEE.

Dès lors il n'est pas nécessaire d'examiner si le re-
cours est aussi recevable au regard de l'art. 8 CEDH - dans
l'application duquel l'autorité de céans prend en compte
l'âge de l'enfant au moment où elle statue sur une demande
de
regroupement familial - ou de l'Echange de lettres du 12
avril 1990 entre la Suisse et le Portugal concernant le trai-
tement administratif des ressortissants d'un pays dans l'au-
tre après une résidence régulière et ininterrompue de cinq
ans (RS 0.142.116.546), entré en vigueur le 1er juillet
1990,
et du ch. 4 du Procès-verbal de la 2ème Réunion du groupe
d'experts portugais et suisses sur les questions relatives à
l'emploi de travailleurs portugais en Suisse tenue du 9 au
12
avril 1990 à Berne, par lequel la délégation suisse s'est dé-
clarée prête à relever de dix-huit à vingt ans l'âge donnant
droit au regroupement familial.

b) JC.________ est directement atteint par la décision
attaquée - qui confirme la décision refusant l'approbation à

l'octroi d'une autorisation de séjour en sa faveur - et a un
intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée. Quant
à AC.________, son père, il est incontestablement touché
plus
que quiconque par la décision entreprise. Il y a donc lieu
de
leur reconnaître la qualité pour agir devant l'autorité de
céans, en vertu de l'art. 103 lettre a OJ.

c) Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes
prescrites par la loi, le présent recours est en principe re-
cevable en vertu des art. 97 ss OJ.

2.- Saisi d'un recours de droit administratif dirigé
contre une décision qui n'émane pas d'une autorité judiciai-
re, le Tribunal fédéral revoit, le cas échéant d'office, les
constatations de fait des autorités inférieures (art. 104
lettre b et 105 al. 1 OJ). Sur le plan juridique, il vérifie
d'office l'application du droit fédéral qui englobe les
droits constitutionnels des citoyens (ATF 124 II 517 consid.
1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388) - en examinant notam-
ment s'il y a eu excès ou abus du pouvoir d'appréciation
(art. 104 lettre a OJ) -, sans être lié par les motifs invo-
qués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revan-
che, il ne peut pas revoir l'opportunité de la décision atta-
quée, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la
matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.- Les recourants reprochent au Département fédéral
d'avoir refusé d'entendre JC.________ et de n'avoir pas pro-
cédé à certains actes d'instruction, notamment de n'avoir
pas
requis une attestation de scolarité en Suisse.

a) Le droit d'être entendu est de nature formelle, de
sorte que sa violation entraîne en principe l'annulation de

la décision entreprise sans qu'il soit même nécessaire de
vérifier si, au fond, la décision apparaît justifiée ou non
(ATF 120 Ib 379 consid. 3b p. 383). En conséquence, il con-
vient d'examiner en priorité les griefs relatifs à ce droit.

b) Dans une procédure administrative, le droit d'être
entendu découlant de l'art. 4 aCst. (cf. l'art. 29 Cst.)
n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 122 II
464 consid. 4c p. 469; cf. Alfred Kölz/Isabelle Häner, Ver-
waltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e
éd., Zurich 1998, n. 149, p. 52/53). En procédure administra-
tive fédérale, la garantie constitutionnelle minimale du
droit d'être entendu a été concrétisée notamment par les
art.
29 ss PA. En particulier, l'art. 30 al. 1 PA prévoit que
l'autorité entend les parties avant de prendre une décision.

Les recourants ont formé un recours au Département fé-
déral, qui les a par ailleurs invités à déposer des observa-
tions sur le préavis de l'Office fédéral. Ils ont donc pu
exercer leur droit d'être entendus par écrit comme c'est
l'usage dans les procédures de recours au Département fédé-
ral. De plus, dans aucune de ces deux écritures, ils
n'ont
requis l'audition de JC.________. Ils ne sauraient dès lors
reprocher à l'autorité intimée d'avoir refusé d'entendre
JC.________. Leur moyen n'est donc pas fondé.

c) La procédure administrative est régie
essentiellement
par la maxime inquisitoriale, selon laquelle les autorités
définissent les faits pertinents et les preuves nécessaires,
qu'elles ordonnent et apprécient d'office. Cette maxime doit
cependant être relativisée par son corollaire, soit le
devoir
de collaboration des parties à l'établissement des faits,
ainsi que par le droit des parties, compris dans le droit

d'être entendu, de participer à la procédure et d'influencer
la prise de décision (ATF 120 V 357 consid. 1a p. 360).

Le devoir de collaboration des parties concerne tout
d'abord l'administré qui adresse une demande à l'autorité
dans son propre intérêt (cf. art. 13 PA). L'administré doit
ainsi renseigner le juge sur les faits de la cause, indiquer
les moyens de preuve disponibles et motiver sa requête, en
particulier en procédure contentieuse, (cf. art. 52 PA; ATF
119 III 70 consid. 1 p. 71/72 et la jurisprudence citée;
Pierre Moor, Droit administratif, vol. II, Berne 1991, n.
2.2.6.3, p. 176; Fritz Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege,
2e éd., Berne 1983, p. 284/285). Un devoir de collaboration
incombe aussi à l'administré en ce qui concerne les faits
qu'il est mieux à même de connaître, parce qu'ils ont trait
spécifiquement à sa situation personnelle, qui s'écarte de
l'ordinaire (Pierre Moor, op. cit., n. 2.2.6.3, p. 176; cf.
aussi Fritz Gygi, op. cit., p. 208/209).

L'autorité intimée a statué alors qu'elle était en pos-
session du dossier de l'Office fédéral, du dossier cantonal
et des pièces produites par les recourants. Elle pouvait
s'estimer suffisamment renseignée sans procéder à des
mesures
d'instruction supplémentaires. Au demeurant, les intéressés
n'ont pas produit devant le Département fédéral une attesta-
tion de scolarité en Suisse concernant JC.________, alors
qu'ils auraient pu le faire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas non
plus demandé qu'une telle attestation soit requise auprès de
l'autorité compétente. Ils sont donc mal venus de se
plaindre
que le Département fédéral n'ait pas effectué cette mesure
d'instruction, à laquelle il a expressément renoncé parce
qu'il ne la trouvait pas pertinente. En effet, une telle at-

testation ne pouvait que se rapporter à un séjour illégal en
Suisse de JC.________. Le grief des intéressés doit dès lors
être écarté.

4.- Les recourants reprochent à l'autorité intimée
d'avoir violé les art. 17 LSEE et 8 CEDH, notamment en ne
procédant pas à la pesée des intérêts en présence. Ils invo-
quent que JC.________ a ses principales attaches en Suisse,
que ses relations sont meilleures avec son père qu'avec sa
mère et que des motifs d'assistance justifient le regroupe-
ment familial sollicité.

a) L'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE traite du regroupe-
ment familial et a pour but de permettre à l'ensemble de la
famille, parents et enfants, de se rejoindre et de vivre en
commun (à la condition évidemment que les deux parents
soient
encore en vie). L'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE vise donc
avant tout le cas où la relation entre les parents est in-
tacte.

La seule condition prévue explicitement par l'art. 17
al. 2 3ème phrase LSEE est que les enfants vivent auprès de
leurs parents. Toutefois, d'autres exigences doivent être
tirées de la loi, de sorte que cette disposition ne confère
pas de droit inconditionnel à faire venir en Suisse des en-
fants vivant à l'étranger. Ces restrictions s'appliquent éga-
lement, par analogie, à l'art. 8 CEDH qui garantit la protec-
tion de la vie privée et familiale. En effet, l'art. 8 CEDH
peut s'opposer dans certaines circonstances à une mesure
d'éloignement, telle qu'une expulsion, lorsque cette mesure
empêche ou rend très difficile le maintien de la vie familia-
le et entraîne de fait la séparation de la famille, mais il
n'octroie pas de droit absolu à l'entrée ou au séjour en
Suisse de membres de la famille (ATF 124 II 361 consid. 3a
p. 366).

Les art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE et 8 CEDH protègent
aussi les relations entre les parents vivant séparés et
leurs
enfants mineurs. Toutefois, celui des parents qui a
librement
décidé de partir à l'étranger ne peut en tirer un droit de
faire venir son enfant lorsqu'il entretient avec celui-ci
des
contacts moins étroits que l'autre parent ou que les membres
de la famille qui en prennent soin et qu'il peut maintenir
les relations existantes. Dans un tel cas, où le
regroupement
familial ne peut être que partiel, il n'existe pas un droit
inconditionnel de l'enfant vivant à l'étranger de rejoindre
le parent se trouvant en Suisse. Un tel droit suppose que
l'enfant entretienne avec le parent établi en Suisse une re-
lation familiale prépondérante et que la nécessité de sa ve-
nue soit établie. A cet égard, il ne faut pas tenir compte
seulement des circonstances passées; les changements déjà in-
tervenus, voire les conditions futures, peuvent également
être déterminants. Le refus d'une autorisation de séjour
n'est en tout cas pas contraire au droit fédéral lorsque la
séparation résulte initialement de la libre volonté du
parent
lui-même, lorsqu'il n'existe pas d'intérêt familial prépondé-
rant à une modification des relations prévalant jusque-là ou
qu'un tel changement ne s'avère pas impératif et que les au-
torités n'empêchent pas les intéressés de maintenir les
liens
familiaux existants (ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366/367 et
les références).

b) aa) A partir de 1988, AC.________ est venu volontai-
rement travailler comme saisonnier en Suisse durant quatre
ans, tout en laissant au Portugal sa femme et ses enfants
âgés de six à sept ans. Il a donc admis de ne voir ses en-
fants que trois mois par année durant ces quatre ans. Quand
il a bénéficié d'une autorisation de séjour à l'année, il
n'a
pas cherché à obtenir des autorisations de séjour pour ses
enfants. Une fois titulaire d'une autorisation d'établisse-

ment, il a attendu environ seize mois pour présenter en fa-
veur de ses deux enfants une demande de regroupement
familial
qu'il a d'ailleurs retirée par la suite. La première demande
d'autorisation de séjour pour JC.________ qui a fait l'objet
d'une décision formelle de l'Office cantonal a été déposée
quatre ans et huit mois et demi après l'octroi d'une autori-
sation d'établissement à AC.________. On ne comprend pas
pourquoi ce dernier n'a pas sollicité plus tôt un regroupe-
ment familial, d'autant plus qu'au moment où il a obtenu une
autorisation d'établissement, ses enfants se trouvaient appa-
remment déjà en Suisse, illégalement. Rien n'explique la tar-
diveté de la première demande d'autorisation de séjour en fa-
veur seulement de JC.________, ni d'ailleurs de celle qui
est
actuellement litigieuse, dans la mesure où le but poursuivi
est effectivement le regroupement familial.

Il apparaît dès lors que ce sont des raisons de conve-
nances personnelles et matérielles qui ont déterminé la date
de la demande d'autorisation de séjour en faveur de
JC.________ seulement, qu'il s'agisse de la première demande
ou de celle qui est maintenant contestée. Or, de tels motifs
ne sauraient être pris en considération dans l'application
des art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE et 8 CEDH.

bb) Les recourants prétendent que JC.________ a des re-
lations bien meilleures avec son père qu'avec sa mère. Cela
aurait amené ses parents à convenir que l'autorité parentale
sur lui et sa garde seraient attribuées à son père et cette
solution a été entérinée par le jugement de divorce.

Apparemment, JC.________ a vécu avec sa mère jusqu'à ce
qu'il vienne en Suisse en 1998. Même pendant son séjour illé-

gal en Suisse, de 1993 à 1995, il vivait avec elle et sa
soeur, alors que AC.________ avait un domicile séparé, selon
les dires de ce dernier devant la Commission cantonale de re-
cours. D'après la décision prise le 28 septembre 1999 par la
Commission cantonale de recours, citée sur ce point par les
intéressés dans leur recours au Département fédéral,
JC.________ est rentré au Portugal avec sa mère en 1995.
Cela
correspond du reste aux déclarations faites par AC.________
dans une lettre adressée le 17 novembre 1998 à l'Office can-
tonal ainsi qu'à l'attestation de scolarité délivrée le 8
mai
2000 par les autorités genevoises compétentes et au certifi-
cat d'immatriculation émanant des autorités portugaises com-
pétentes du 26 octobre 1995. Il est vrai que, dans le
présent
recours, les intéressés prétendent que c'est en septembre
1996 que JC.________ est rentré au Portugal avec sa mère et
sa soeur. Quoi qu'il en soit, JC.________ a vécu avec sa
mère
- au Portugal ou en Suisse - durant la période s'étendant de
l'été 1995 à l'été 1996. D'ailleurs, lors de son audition
par
la Commission cantonale de recours, il a déclaré qu'il s'en-
tendait bien avec sa mère. Quant aux relations de
JC.________
avec son père, même si elles ont été maintenues par un télé-
phone hebdomadaire quand les intéressés ne vivaient pas dans
le même pays, elles ne semblent pas prépondérantes. Pour
qu'elles apparaissent comme telles, il aurait fallu que, de-
puis qu'il travaille en Suisse, AC.________ ait assumé la
responsabilité principale de l'éducation de son fils, inter-
venant à distance de manière décisive pour régler son exis-
tence au moins dans les grandes lignes, au point de reléguer
pratiquement la mère au rôle de simple exécutante (arrêt non
publié du 13 mars 2000 en la cause Oztürk, consid. 2b). Or,
les intéressés n'ont apporté aucune preuve à ce sujet. Au de-
meurant, les liens que les recourants entretiennent quand
ils
vivent dans des pays différents ne sont pas menacés et peu-

vent donc très bien se poursuivre, une fois JC.________ ren-
tré au Portugal. De plus, on ne saurait suivre les
intéressés
quand ils considèrent que le regroupement familial sollicité
serait justifié pour des motifs d'assistance. En effet,
JC.________, qui a plus de dix-huit ans et demi et a donc dé-
passé le cap de la majorité suisse, doit pouvoir vivre de fa-
çon indépendante. Au surplus, rien n'empêche son père de
l'aider financièrement de Suisse. Enfin, le seul fait que
JC.________ se sente actuellement plus proche de son père
n'est pas un motif d'octroi d'autorisation de séjour: on
doit
en principe se fonder sur la situation objective et non sur
les préférences subjectives de l'intéressé.

En revanche, JC.________ a ses principales attaches cul-
turelles, sociales et familiales au Portugal, où vivent sa
mère et sa soeur jumelle. C'est là qu'il est né et a vécu
toute son enfance jusqu'à passé onze ans, époque à laquelle
il est venu en Suisse pour quelque deux ou trois ans. Il ne
saurait d'ailleurs se prévaloir de ce séjour en Suisse ni
des
contacts qu'il y a alors créés, car il s'y trouvait illégale-
ment (cf. les arrêts non publiés rendus le 2 mars 2000 en la
cause Halili, consid. 1b, et le 25 mai 1999 en la cause
Emini, consid. 4a/aa, en matière d'exception aux mesures de
limitation).

De plus, les parents de JC.________ ayant divorcé, le
regroupement familial ne pourrait être que partiel. Par con-
séquent, pour respecter au mieux le but poursuivi par l'art.
17 al. 2 3ème phrase LSEE, de même que par l'art. 8 CEDH, il
convient d'éviter toute mesure qui n'aboutirait qu'à diviser
encore plus la famille C.________. Or, l'octroi d'une auto-
risation de séjour à JC.________ ne ferait que l'éloigner de

sa mère et de sa soeur - voire d'autres membres de sa
famille
- auprès desquelles il a toujours vécu au Portugal. On ne
saurait suivre à ce sujet les recourants qui voient à tort
un
facteur de division dans le refus d'octroyer l'autorisation
de séjour sollicitée.

cc) En outre, la première demande d'autorisation de
séjour en faveur de JC.________ seulement a été présentée un
peu avant ses dix-sept ans et la requête litigieuse un peu
après, alors que l'intéressé avait terminé sa scolarité
obligatoire. Il apparaît dès lors que l'objectif poursuivi
par les recourants est d'assurer à JC.________ de meilleures
conditions de vie et de travail en Suisse, comme cela
ressort
d'ailleurs de la lettre précitée adressée le 17 novembre
1998
par AC.________ à l'Office cantonal. Une telle fin ne corres-
pond cependant pas au but des art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE
et 8 CEDH (permettre la vie en commun de l'ensemble de la fa-
mille).

dd) Le Département fédéral a donc confirmé à juste
titre
la décision de l'Office fédéral du 10 novembre 1999. En
particulier, il n'a pas violé les art. 17 LSEE et 8 CEDH.

5.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Succombant, les recourants doivent supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'ont pas
droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge des recourants un émolument judiciai-
re de 2'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
des recourants, au Département fédéral de justice et police
et à l'Office cantonal de la population du canton de Genève.

Lausanne, le 14 août 2000
DAC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.240/2000
Date de la décision : 14/08/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-14;2a.240.2000 ?
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