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08/08/2000 | SUISSE | N°1P.253/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 août 2000, 1P.253/2000


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1P.253/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

8 août 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Favre. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________,

contre

l'arrêt rendu le 14 mars 2000 par la Chambre d'accusation du
Tribunal cantonal du canton du Jura, dans la cause qui
oppose
la recourante à Henri-Joseph T h e u b e t , Juge d'instruc-

tion à Porrentruy;

(procédure pénale; récusation d'un juge d'instruction)

Vu les pièces du dossier d'où ressorte...

«»

1P.253/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

8 août 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Favre. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________,

contre

l'arrêt rendu le 14 mars 2000 par la Chambre d'accusation du
Tribunal cantonal du canton du Jura, dans la cause qui
oppose
la recourante à Henri-Joseph T h e u b e t , Juge d'instruc-
tion à Porrentruy;

(procédure pénale; récusation d'un juge d'instruction)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Donnant suite à une dénonciation des autorités
communales de Vermes, le Procureur général du canton du Jura
a ordonné, le 23 décembre 1997, l'ouverture d'une
instruction
contre les époux X.________ pour violation de leur devoir
d'assistance ou d'éducation, dont il a confié la conduite au
Juge d'instruction du district de Porrentruy, Henri-Joseph
Theubet (ci-après, le Juge d'instruction).

Le 6 janvier 1998, A.________ a été entendue en qua-
lité de personne appelée à fournir des renseignements dans
le
cadre de cette affaire. A cette occasion, elle a été
inculpée
de gestion déloyale commise au préjudice des époux
X.________, arrêtée et placée en détention préventive jus-
qu'au 4 février 1998. Par la suite, le Juge d'instruction a
étendu les poursuites aux préventions de complicité, respec-
tivement d'instigation à obtention frauduleuse d'une consta-
tation fausse, puis d'escroquerie, éventuellement abus de
confiance. Il a également ouvert une instruction contre la
fille de A.________, prévenue d'abus de confiance et éven-
tuellement de gestion déloyale, contre le mari de celle-ci,
B.________, pour escroquerie, éventuellement abus de confian-
ce, ainsi que contre C.________ et X.________ pour obtention
frauduleuse d'une constatation fausse.

B.- Le 29 octobre 1999, A.________ a déposé une pri-
se à partie contre le Juge d'instruction et a sollicité sa
récusation. Elle se plaignait des conditions de son arresta-
tion, de son audition et de son incarcération, qu'elle ju-
geait illégales et arbitraires. Elle dénonçait en outre le
comportement tour à tour grossier, vulgaire, agressif, insul-
tant, manipulateur et menaçant du magistrat, qui l'aurait em-
pêchée de présenter sa version des faits et instruirait ex-

clusivement à charge. Elle lui reprochait d'avoir violé la
présomption d'innocence en donnant l'ordre de préparer une
cellule à son intention avant même de l'avoir entendue et
d'avoir menti en n'avertissant pas son mari de son arresta-
tion et en refusant de débloquer ses comptes bancaires
malgré
les assurances données à cet égard lors de la convention si-
gnée entre les parties le 28 janvier 1998. Elle lui faisait
également grief de ne pas avoir inventorié les documents sai-
sis à son domicile et de ne pas s'être récusé d'office alors
qu'il serait personnellement impliqué dans l'affaire
X.________. Elle se plaignait enfin de la saisie de pièces
concernant une personne non impliquée dans la procédure et
couvertes par le secret professionnel.

Statuant par arrêt du 14 mars 2000, la Chambre d'ac-
cusation du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après,
la
cour cantonale) n'est pas entrée en matière sur la prise à
partie en tant qu'elle se fondait sur des faits survenus une
année et demie avant son dépôt, précisant au surplus que,
supposée recevable, celle-ci aurait de toute façon dû être
rejetée. Elle a par ailleurs rejeté la demande de récusation
en tant qu'elle était recevable, après avoir constaté qu'il
n'y avait aucun motif d'incapacité au sens de l'art. 34 du
Code de procédure pénale jurassien (CPP jur.) et que le
droit
de la requérante à la récusation était périmé s'agissant des
divers griefs formulés à l'encontre du juge afin de
démontrer
la prévention de celui-ci à son égard.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt
qui violerait, selon elle, son droit d'être entendue et ré-
sulterait d'une appréciation arbitraire, voire erronée des
pièces du dossier. A titre de moyen de preuve, elle
sollicite
l'audition du juge incriminé ainsi que des policiers et du
personnel de la prison impliqués dans les faits dénoncés.
Elle requiert l'assistance judiciaire.

La cour cantonale conclut au rejet du recours. Le
Procureur général du canton du Jura propose également son re-
jet, dans la mesure où il est recevable. Le Juge d'instruc-
tion se réfère à la prise de position qu'il a formulée dans
le cadre de la procédure de recours cantonale.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
I 81 consid. 1 p. 83; 125 I 412 consid. 1a p. 414; 125 III
461 consid. 2 p. 463 et l'arrêt cité).

a) Formé en temps utile contre une décision inciden-
te sur une demande de récusation, prise en dernière instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du re-
cours de droit public et qui touche la recourante dans ses
intérêts juridiquement protégés, le présent recours est en
principe recevable au regard des art. 84 ss OJ.

b) L'objet du litige consiste exclusivement dans
l'arrêt de la Chambre d'accusation du 14 mars 2000 refusant
d'entrer en matière sur la requête de prise à partie intro-
duite par A.________ à l'encontre du Juge d'instruction
Theubet et rejetant sa demande de récusation de ce magistrat
dans la mesure de sa recevabilité. Le recours est par consé-
quent irrecevable en tant qu'il dénonce la partialité du Pré-
sident de la Chambre d'accusation ou le conflit d'intérêts
dans lequel se trouverait le conseil des époux X.________,
dès lors que la recourante n'avait pas demandé la récusation
de celui-là devant l'instance cantonale.

c) Aux termes de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte
de recours doit contenir, à peine d'irrecevabilité, un
exposé

des droits constitutionnels ou des principes juridiques pré-
tendument violés, précisant en quoi consiste la violation.
Le
Tribunal fédéral n'examine ainsi que les griefs exposés de
manière assez claire et détaillée pour qu'il puisse détermi-
ner quel est le droit constitutionnel dont l'application est
en jeu et dans quelle mesure celui-ci a été violé. Par ail-
leurs, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9
Cst., le recourant ne peut se contenter de critiquer l'arrêt
attaqué, mais il doit au contraire préciser en quoi cet
arrêt
serait arbitraire, ne reposant sur aucun motif sérieux et ob-
jectif, apparaissant insoutenable ou heurtant gravement le
sens de la justice (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les
arrêts cités).

C'est à la lumière de ces principes qu'il convient
d'examiner les arguments de la recourante.

2.- Cette dernière voit une violation de son droit
d'être entendue dans le fait que l'autorité intimée ne s'est
pas prononcée sur les griefs qu'elle avait formulés à l'en-
contre du Juge d'instruction et qui justifieraient, selon
elle, sa récusation. Elle lui reproche en outre d'avoir pro-
cédé à une appréciation arbitraire, voire erronée des pièces
du dossier.

a) Suivant la jurisprudence rendue en application de
l'art. 4 aCst., qui garde toute sa valeur sous l'angle de
l'art. 29 al. 1 Cst., une autorité cantonale de recours com-
met un déni de justice formel si elle omet de statuer sur
une
conclusion du recours dont elle est saisie alors qu'elle est
compétente pour le faire (ATF 117 Ia 116 consid. 3a p. 117
et
les arrêts cités; cf. aussi ZBl 96/1995 p. 174 consid. 2 p.
175). En outre, le droit d'être entendu découlant de l'art.
29 al. 2 Cst. impose à l'autorité de jugement l'obligation
de
motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les com-
prendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF

125 II 369 consid. 2c p. 372). Pour satisfaire cette exigen-
ce, il suffit que celle-ci mentionne au moins brièvement les
motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa déci-
sion. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter
tous
les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les par-
ties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans ar-
bitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 124 V 180
consid. 1a p. 181; 121 I 54 consid. 2c p. 57 et les arrêts
cités).

b) En l'occurrence, la Chambre d'accusation n'est
pas entrée en matière sur la prise à partie dont elle était
saisie car A.________ fondait ses griefs sur des faits
qu'elle n'avait plus d'intérêt juridique suffisant à contes-
ter lors du dépôt de sa requête. Elle a par ailleurs consi-
déré que le droit de demander la récusation du Juge d'ins-
truction pour les faits dénoncés était périmé parce que la
requérante ne l'avait pas exercé en temps utile,
"participant
même à l'instruction par l'intermédiaire de son avocat". Dès
lors qu'elle tenait la prise à partie pour irrecevable et le
droit de requérir la récusation pour périmé s'agissant des
griefs formulés à l'endroit du Juge d'instruction en
relation
avec les conditions de son audition, de son arrestation et
de
sa détention, l'autorité intimée n'avait aucune raison d'exa-
miner leur bien-fondé. Elle n'a donc pas commis de déni de
justice en ne se prononçant pas expressément à ce propos. Le
recours est donc manifestement mal fondé en tant qu'il dénon-
ce une violation du droit d'être entendu.

c) Pour le surplus, la question de savoir si l'auto-
rité intimée a dénié à bon droit à la recourante un intérêt
juridique suffisant à l'examen de ces questions et si elle a
constaté à juste titre la péremption du droit de demander la
récusation du Juge d'instruction pour les faits invoqués à
l'appui de sa requête (cf. à ce sujet, ATF 121 I 225 consid.
3 p. 229; RVJ 1999 p. 230 consid. 3d p. 231, 237 consid. 4b

p. 240) ne relève pas du droit d'être entendu mais de l'arbi-
traire. Or, la recourante se borne à rappeler les faits qui
établiraient, selon elle, la prévention de ce magistrat à
son
égard sans chercher à démontrer en quoi les raisons pour les-
quelles l'autorité intimée n'est pas entrée en matière sur
sa
prise à partie ou sur sa demande de récusation seraient in-
soutenables. Elle ne prétend en particulier pas qu'elle
était
dans l'impossibilité de faire valoir ses motifs de
récusation
avant le 29 octobre 1999, date à laquelle elle a déposé ses
requêtes de prise à partie et de récusation. Le recours ne
répond manifestement pas aux exigences de l'art. 90 al. 1
let. b OJ.

De même, la recourante se borne à rappeler les faits
qui établiraient, selon elle, l'implication personnelle du
Juge d'instruction dans l'affaire X.________, sans chercher
à
démontrer en quoi la motivation retenue pour conclure à l'ab-
sence d'un conflit d'intérêts et d'un motif d'incapacité, in-
vocable en tout temps, serait arbitraire. Le recours ne ré-
pond pas, sur ce point également, aux exigences de l'art. 90
al. 1 let. b OJ et est dès lors irrecevable.

3.- Le recours doit par conséquent être rejeté dans
la mesure où il est recevable. Tel qu'il était motivé, celui-
ci était d'emblée dénué de toute chance de succès, de sorte
qu'il y a lieu de rejeter la demande d'assistance judiciaire
(art. 152 al. 1 OJ) et de mettre un émolument judiciaire à
la
charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1, 153 et
153a OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable;

2. Rejette la demande d'assistance judiciaire;

3. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 800 francs;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
au Procureur général et à la Chambre d'accusation du
Tribunal
cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 8 août 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.253/2000
Date de la décision : 08/08/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-08;1p.253.2000 ?
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