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07/08/2000 | SUISSE | N°4P.64/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 août 2000, 4P.64/2000


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4P.64/2000

Ie C O U R C I V I L E
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7 août 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu et
Mme Klett, juges. Greffière: Mme Charif Feller.

_____________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

X.________ S.A., représentée par Me Dimitri Gianoli, avocat
à
St-Imier,
contre

le jugement rendu le 28 janvier 2000 par le Tribunal des
prud'hommes du district du Locle dans la cause qui oppose la
recourante à 1.

B.________, représenté par Me Christian
Hänni, avocat à La Chaux-de-Fonds, 2. la Caisse cantonale
neuchâteloise d'assurance-...

«»

4P.64/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

7 août 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu et
Mme Klett, juges. Greffière: Mme Charif Feller.

_____________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

X.________ S.A., représentée par Me Dimitri Gianoli, avocat
à
St-Imier,
contre

le jugement rendu le 28 janvier 2000 par le Tribunal des
prud'hommes du district du Locle dans la cause qui oppose la
recourante à 1. B.________, représenté par Me Christian
Hänni, avocat à La Chaux-de-Fonds, 2. la Caisse cantonale
neuchâteloise d'assurance-chômage, av. Léopold-Robert 11a, à
La Chaux-de-Fonds;

(art. 9 et 29 Cst.; procédure civile, appréciation
arbitraire
des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Sur conseil de l'Office régional de place-
ment, B.________ s'est présenté les 21 et 24 mars 1997
auprès
de l'entreprise X.________ S.A. (ci-après: X.________) qui
cherchait à repourvoir un poste d'ingénieur en
microtechnique
pour une durée de six mois. Il s'est entretenu notamment
avec
le titulaire du poste à repourvoir, la cheffe du personnel
et
le directeur des recherches. Suite aux entrevues du 24 mars,
celui-ci a invité B.________ à se présenter une nouvelle
fois
le lendemain. Le même jour, B.________ a signé un contrat de
bail à loyer pour un appartement au Locle. Le 24 mars au
soir, l'entreprise a informé B.________ qu'elle renonçait à
l'engager. Par courrier du 25 mars, B.________ a précisé
qu'il s'estimait capable d'assumer le poste en question et
qu'il restait à l'entière disposition de l'entreprise.

b) Estimant qu'un contrat de travail avait été con-
clu oralement le 24 mars, B.________ a assigné X.________ en
paiement de 7969 fr.30, à titre de salaire, dont 3383 fr.50
en faveur de la Caisse cantonale neuchâteloise d'assurance-
chômage (ci-après: CCNAC). Il a réduit par la suite ses pré-
tentions à 7808 fr. brut, plus intérêts. Se prévalant de la
subrogation légale, la CCNAC a, à son tour, ouvert action en
paiement de 3383 fr.50, à titre de remboursement des indemni-
tés de chômage, versées à B.________ pour les mois de mars à
mai 1997.

Par jugement du 13 mars 1998, le Tribunal des
prud'hommes du district du Locle a rejeté les demandes. Il
a,
d'une part, retenu qu'aucun indice suffisant ne permettait
de
conclure à l'existence d'un contrat de travail entre les par-
ties. D'autre part, après avoir procédé à l'interprétation
des déclarations des employés de l'entreprise, selon le prin-

cipe de la confiance, il a conclu à ce que B.________ ne pou-
vait pas raisonnablement penser avoir été engagé.

Par arrêt du 4 août 1999, la Cour de cassation ci-
vile de la république et canton de Neuchâtel a cassé le juge-
ment rendu par le Tribunal des prud'hommes, et lui a renvoyé
la cause pour nouvelle décision dans le sens des considé-
rants. La cour cantonale a rappelé, en substance, qu'elle
était en principe liée par les constatations de fait du pre-
mier juge; elle a toutefois estimé que le résultat auquel il
était parvenu était critiquable, car il avait écarté arbi-
trairement plusieurs éléments.

Par arrêt du 27 septembre 1999, la Ière Cour civile
du Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de
X.________ contre l'arrêt cantonal, celui-ci constituant une
décision incidente n'occasionnant aucun dommage juridique à
la recourante.

B.- Par jugement du 28 janvier 2000, le Tribunal
des prud'hommes du district du Locle a condamné X.________ à
payer à B.________ 3922 fr. brut, et à la CCNAC 3885 fr.70
brut, plus intérêts.

C.- X.________ forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral, pour violation des art. 4 aCst., 9 et
29 Cst. Elle conclut à l'annulation du jugement rendu le 28
janvier 2000 par le Tribunal des prud'hommes et, partant, de
l'arrêt de la Cour de cassation civile du 4 août 1999.

L'intimé conclut principalement à l'irrecevabilité
du recours et, subsidiairement, à son rejet. L'intimée propo-
se le rejet du recours.

Le Tribunal des prud'hommes déclare ne pas avoir
d'observation à formuler.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Contrairement à ce que soutient l'intimé, le
recours n'est pas irrecevable pour défaut d'épuisement des
instances cantonales (art. 86 al. 1 et 87 OJ). Le jugement
entrepris a été rendu après renvoi de la cause par la Cour
de
cassation civile. Celle-ci a tranché la question du principe
de l'existence et de la conclusion d'un contrat de travail.
Le Tribunal des prud'hommes était lié par cette décision et
avait pour instruction d'en tirer les conséquences, en exa-
minant si la résiliation des rapports de travail était jus-
tifiée ou non, et en fixant le salaire dû. Dans son recours
de droit public, l'entreprise ne s'en prend qu'aux constata-
tions, en fait et en droit, de l'existence d'un contrat de
travail. Or, ces constatations, qui liaient le Tribunal des
prud'hommes, rendaient dénué de sens tout recours cantonal
dirigé contre l'instance les ayant faites, soit contre la
Cour cantonale de cassation. C'est donc bien la décision de
l'autorité inférieure, admettant l'existence d'un contrat de
travail, qui peut faire sur ce point l'objet d'un recours de
droit public, dans lequel peut également être attaquée,
comme
le fait la recourante, la décision précédente de la Cour de
cassation cantonale (ATF 114 Ia 263 consid. 2c; 105 Ia 54
consid. 1a).

2.- Invoquant les art. 9 et 29 Cst., la recourante
reproche à la Cour de cassation civile un déni de justice ma-
tériel et l'arbitraire dans l'appréciation des preuves suite
à un nouvel établissement des faits, violant ainsi une règle
cantonale de procédure ayant trait à son pouvoir d'examen,
soit l'art. 415 du Code de procédure civile neuchâteloise
(ci-après: CPC/NE).

La recourante se réfère d'abord à la jurisprudence
de la Cour de cassation civile, selon laquelle celle-ci est

liée par les constatations de fait du premier juge sauf arbi-
traire, c'est-à-dire sauf lorsque le juge a dépassé les limi-
tes de son large pouvoir d'appréciation des preuves, par
exemple en admettant un fait dénué de toute preuve ou en re-
jetant un fait indubitablement établi. En conséquence, si le
juge de première instance écarte comme mal fondées ou non
prouvées les allégations d'une partie, une critique de cette
appréciation des preuves ne légitimerait en aucun cas la
Cour
de cassation à revoir les faits comme le ferait en revanche
une cour d'appel (RJN 1983 67).

La recourante relève ensuite que, dans son premier
jugement, le Tribunal des prud'hommes a procédé de manière
détaillée à une appréciation de la valeur probatoire de cha-
cun des éléments avancés par l'intimé, avant de retenir ob-
jectivement sa version des faits et de se convaincre de
l'inexistence d'un contrat de travail et de l'absence de tou-
tes circonstances permettant raisonnablement d'admettre que
le candidat était en droit de penser qu'il était engagé. Or,
dans son arrêt, la cour cantonale aurait systématiquement ré-
examiné des indices avant de conclure, contrairement au pre-
mier juge, à ce que l'intimé pouvait de bonne foi croire à
son engagement par la recourante. Celle-ci estime, en
substan-
ce, que le fait d'admettre que l'intimé a été invité à se
présenter dans les locaux de l'entreprise le 25 mars 1997 à
08 h.00 serait en contradiction parfaite avec le dossier of-
ficiel. La cour cantonale aurait également dénaturé le témoi-
gnage du titulaire du poste à repourvoir, qui aurait déclaré
avoir reçu l'ordre de se préparer à accueillir l'intimé le
25
mars. S'agissant de l'annulation du rendez-vous prévu ce
jour, la version de la cour cantonale, qui considère le com-
portement de la recourante comme peu habituel, serait insou-
tenable. En retenant que le directeur des recherches avait
admis avoir fait naître de faux espoirs par son attitude po-
sitive envers l'intimé, et qu'il avait admis avoir rédigé, à
l'intention de la cheffe du personnel, un mémo en vue de dé-

commander le candidat, la cour cantonale se serait fondée
sans motivation objective sur des éléments contredisant mani-
festement la situation effective. Enfin, la cour cantonale
aurait arbitrairement révisé l'appréciation par le premier
juge, d'une part, du comportement de l'intimé qui avait con-
clu un contrat de bail et contacté différentes personnes
pour
leur faire part de son engagement, d'autre part, de l'appli-
cation par la recourante de sa procédure d'engagement du per-
sonnel.

3.- a) Selon la jurisprudence, arbitraire et viola-
tion de la loi ne sauraient être confondus; une violation
doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être
considérée
comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner
quelle est l'interprétation correcte que l'autorité
cantonale
aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uni-
quement dire si l'interprétation qui a été faite est défenda-
ble. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solu-
tion pourrait aussi se défendre et sembler même plus
correcte
(ATF 125 II 10 consid. 3a; 129 consid. 5b). Le Tribunal fédé-
ral ne s'écarte d'une décision d'une autorité que si elle
est
manifestement insoutenable, en contradiction évidente avec
la
situation de fait, viole d'une manière grave une norme ou un
principe juridique incontesté ou heurte de manière choquante
le sentiment de la justice (ATF 125 I 166 consid. 2a; 124 V
137 consid. 2b). Le recourant qui allègue une violation de
l'art. 4 aCst. doit tenter de démontrer, par une argumenta-
tion précise, que la décision incriminée est insoutenable
(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b; 124 I
247
consid. 5).

b) L'art. 415 CPC/NE prévoit que le recours en cas-
sation peut être formé, notamment, pour fausse application
du
droit matériel (let. a) et pour arbitraire dans la constata-
tion des faits ou abus du pouvoir d'appréciation (let. b).
Il
ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la cour cantonale

a, parallèlement, examiné la cause sous l'angle de l'applica-
tion du droit matériel (application du principe de la con-
fiance) et sous l'angle de l'arbitraire dans la constatation
des faits. Elle a, en substance, examiné sur la base des
constatations de fait du premier juge et des données du dos-
sier, si c'est à bon droit que celui-ci a estimé que
l'intimé
"n'a pas amené à satisfaction de droit la preuve de la con-
clusion d'un contrat entre parties, et qu'il ne pouvait pas
raisonnablement au vu des circonstances penser qu'il était
engagé".

c) La recourante, qui affirme que les faits ayant
fondé le raisonnement juridique de la cour cantonale ont été
retenus arbitrairement, ne démontre pas qu'ils ont été admis
à tort. Ses critiques, purement appellatoires, sont vaines,
car elles portent sur les faits suivants, qui ressortent bel
et bien du jugement de première instance et des éléments du
dossier: la convocation de l'intimé le 25 mars 1997 à 08
h.00
pour qu'il commence le travail; le comportement peu habituel
de la recourante qui a téléphoné à deux reprises; la recon-
naissance par le directeur des recherches d'avoir fait
naître
de faux espoirs et d'avoir rédigé un mémo; la conclusion
d'un
contrat de bail par l'intimé et l'annonce de son engagement
à
diverses personnes.

L'appréciation de ces faits, en application du
principe de la confiance, n'a non seulement rien d'arbitrai-
re, mais elle apparaît comme parfaitement correcte. La con-
clusion de la cour cantonale, selon laquelle il y a lieu
d'admettre que les déclarations et le comportement des colla-
borateurs de la recourante pouvaient et devaient de bonne
foi
être compris par l'intimé dans le sens d'un engagement débu-
tant le 25 mars 1997, est la seule qui s'impose. C'est donc
à
juste titre que la cour cantonale a cassé le jugement de pre-
mière instance. Au regard des faits, la décision du premier
juge, à savoir que l'intimé ne pouvait raisonnablement au vu

des circonstances penser qu'il était engagé, s'avère manifes-
tement insoutenable.

4.- La valeur litigieuse étant inférieure à
20 000 fr. à l'ouverture de l'action, aucun émolument ne
sera
perçu pour la procédure fédérale (art. 343 al. 3 CO par ana-
logie). Des dépens seront alloués à l'intimé, mais pas à la
CCNAC laquelle, ayant procédé par l'entremise de l'un de ses
juristes, ne justifie pas des frais particuliers.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re;

3. Condamne la recourante à verser à l'intimé une
indemnité de 1500 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Tribunal des prud'hommes du district du Locle.

______________

Lausanne, le 7 août 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.64/2000
Date de la décision : 07/08/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-07;4p.64.2000 ?
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