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02/08/2000 | SUISSE | N°B.78/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 août 2000, B.78/99


«AZA 7»
B 78/99 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 2 août 2000

dans la cause

B.________, recourante,

contre

Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, rue Caroline 11,
Lausanne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- B.________, est entrée au service du Centre hospi-
talier universitaire vaudois (CHUV) le 21 février 1973, en
qualité d'aide de division. Par la suite,

elle a été promue
à la fonction de première employée d'hôpital, avec effet au
1er août 1982. En dernier lieu, elle travaillait dan...

«AZA 7»
B 78/99 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 2 août 2000

dans la cause

B.________, recourante,

contre

Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, rue Caroline 11,
Lausanne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- B.________, est entrée au service du Centre hospi-
talier universitaire vaudois (CHUV) le 21 février 1973, en
qualité d'aide de division. Par la suite, elle a été promue
à la fonction de première employée d'hôpital, avec effet au
1er août 1982. En dernier lieu, elle travaillait dans le
service de stérilisation centrale.

Par lettre du 25 juillet 1992, elle a donné sa démis-
sion pour le 31 octobre suivant.
La Caisse de pensions de l'Etat de Vaud (CPEV), à
laquelle l'employée avait été affiliée en raison de son
engagement, a informé celle-ci, le 17 septembre 1992, que
le montant de sa prestation de libre passage s'élèverait à
93'999 fr. 15. Le 13 octobre 1992, l'assurée a rempli une
formule ad hoc, dans laquelle elle a demandé le paiement en
espèces du montant précité, attendu qu'elle était mariée et
qu'elle cesserait désormais toute activité lucrative. La
CPEV a effectué le versement en espèces demandé le
1er décembre 1992.
Le 27 septembre 1994, B.________ a présenté une
demande de rente de l'assurance-invalidité. Elle a fait
valoir qu'elle avait cessé son activité au service du CHUV,
en octobre 1992, pour cause de maladie. Elle a produit un
certificat du docteur C.________, du 1er août 1994, dans
lequel celui-ci déclarait que l'assurée avait cessé le
travail le 31 octobre 1992 pour raisons de santé. Dans un
rapport du 8 novembre 1994, le docteur B.________ a posé à
l'intention du secrétariat de l'assurance-invalidité le
diagnostic de fibrome myalgien et de «Hallux valgus bilaté-
ral». Il a attesté une incapacité de travail de 30 pour
cent dès le 1er novembre 1992. Un autre médecin, la docto-
resse X.________, a pour sa part attesté une incapacité de
travail comme employée d'hôpital de 66 pour cent dès le
mois de novembre 1992, pour une durée indéterminée, en
raison principalement de lombalgies et de cervicalgies
(rapport du 10 mai 1995).
Par décision du 3 novembre 1995, l'Office de l'assu-
rance-invalidité pour le canton de Vaud a accordé à l'assu-
rée une demi-rente pour couple (le mari de l'assuré ayant
auparavant été mis au bénéfice d'une rente entière). Il a
admis que l'assurée subissait une incapacité de travail à
partir du lendemain de son dernier jour effectif de travail
(28 octobre 1992), ayant entraîné une invalidité supérieure

aux deux tiers, de sorte qu'il a fixé le début du droit à
la rente au 1er octobre 1993.
Le 8 novembre 1995, B.________ a demandé à la CPEV de
lui allouer, également, une rente d'invalidité. La caisse
lui a opposé un refus, au motif qu'elle n'avait pas été
incapable de travailler au moment où elle avait démissionné
de ses fonctions au service du CHUV; elle ne remplissait
donc pas les conditions mises au versement d'une rente
d'invalidité de la prévoyance professionnelle (lettres des
21 mars et 24 avril 1996).

B.- B.________ a alors assigné la CPEV devant le
Tribunal des assurances du canton de Vaud en paiement d'une
rente d'invalidité à partir du 1er novembre 1992, subsi-
diairement à partir du moment de la naissance de son droit
à une rente de l'assurance-invalidité. La CPEV a conclu au
rejet de la demande.
Le tribunal des assurances a demandé des renseigne-
ments médicaux aux docteurs C.________, B.________ et
X.________. Statuant le 5 novembre 1999, il a rejeté la
demande. En bref, il a considéré que l'incapacité de
travail avait débuté plus de 30 jours après la fin des
rapports de service, de sorte que la responsabilité de la
défenderesse n'était plus engagée.

C.- B.________ interjette un recours de droit adminis-
tratif en concluant à l'annulation du jugement cantonal et
en demandant au Tribunal fédéral des assurances de recon-
naître que son invalidité est survenue le 1er novembre
1992, ce qui conduit, selon elle, au versement d'une
prestation d'invalidité de la prévoyance professionnelle à
partir de la même date. La CPEV conclut, sous suite de
frais et dépens, au rejet du recours. Quant à l'Office
fédéral des assurances sociales, il propose, également, de
le rejeter.

Considérant en droit:

1.- a) Ont droit à des prestations d'invalidité les
invalides qui étaient assurés lors de la survenance de
l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de
l'invalidité (art. 23, 2e partie de la phrase, LPP). Selon
la jurisprudence, l'événement assuré au sens de l'art. 23
LPP est uniquement la survenance d'une incapacité de
travail d'une certaine importance, indépendamment du point
de savoir à partir de quel moment et dans quelle mesure un
droit à une prestation d'invalidité est né. La qualité
d'assuré doit exister au moment de la survenance de l'inca-
pacité de travail, mais pas nécessairement lors de l'ap-
parition ou de l'aggravation de l'invalidité. Cette inter-
prétation littérale est conforme au sens et au but de la
disposition légale en cause, laquelle vise à faire bénéfi-
cier de l'assurance le salarié qui, après une maladie d'une
certaine durée, devient invalide alors qu'il n'est plus
partie à un contrat de travail. Lorsqu'il existe un droit à
une prestation d'invalidité fondée sur une incapacité de
travail survenue durant la période d'assurance,
l'institution de prévoyance concernée est tenue de prendre
en charge le cas, même si le degré d'invalidité se modifie
après la fin des rapports de prévoyance. Dans ce sens, la
perte de la qualité d'assuré ne constitue pas un motif
d'extinction du droit aux prestations au sens de l'art. 26
al. 3 LPP (ATF 123 V 263 consid. 1a, 118 V 45 consid. 5).

b) Conformément à l'art. 26 al. 1 LPP, les disposi-
tions de la LAI (art. 29 LAI) s'appliquent par analogie à
la naissance du droit aux prestations d'invalidité. Si une
institution de prévoyance reprend - explicitement ou par
renvoi - la définition de l'invalidité de la LAI, elle est
en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par

l'estimation de l'invalidité par les organes de cette assu-
rance, sauf si cette estimation apparaît d'emblée insoute-
nable. Cette force contraignante vaut aussi en ce qui con-
cerne la naissance du droit à la rente et, par conséquent,
également pour la détermination du moment à partir duquel
la capacité de travail de l'assuré s'est détériorée d'une
manière sensible (ATF 123 V 271 consid. 2a et les référen-
ces citées).
L'art. 54 de la loi sur la Caisse de pensions de
l'Etat de Vaud du 18 juin 1984 (LCP; RSV 1.7) considère
comme définitivement invalide l'assuré qui est durablement
incapable, ensuite de maladie ou d'accident, de remplir
tout ou partie de sa fonction ou d'une autre fonction de
substitution et dont le traitement est réduit ou supprimé à
titre définitif. Cette notion, pratiquement, est identique
à la notion d'invalidité selon la LAI (voir par exemple à
ce sujet ATF 115 V 219 consid. 4b).

c) Selon l'art. 10 al. 2 LPP, l'obligation d'être
assuré cesse, entre autres éventualités, en cas de dissolu-
tion des rapports de travail. Toutefois, pendant trente
jours après la dissolution des rapports de travail, le
salarié demeure assuré auprès de l'ancienne institution de
prévoyance pour les risques de décès et d'invalidité
(art. 10 al. 3 LPP, dans sa version, déterminante en l'oc-
currence, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994).
Sous l'empire du droit en vigueur, également jusqu'au
31 décembre 1994 (et sauf disposition contraire des statuts
ou du règlement), la couverture des risques de décès et
d'invalidité, dans le domaine de la prévoyance plus éten-
due, prenait fin en même temps que les rapports de travail.
A cet égard, il n'existait pas de concordance entre la
prévoyance obligatoire (prolongation de l'assurance pendant
un délai de trente jours) et la prévoyance plus étendue
(voir à ce sujet ATF 121 V 280 consid. 2c).

2.- La recourante fonde sa prétention sur le fait que
l'assurance-invalidité lui a reconnu une incapacité de
travail à partir du 28 octobre 1992.

a) On cherche vainement au dossier un indice qui per-
mettrait d'admettre que la résiliation des rapports de
travail par la recourante était motivée par des raisons de
santé. Dans sa lettre de résiliation, la recourante n'a
rien signalé de tel. De son côté, l'employeur n'a pas men-
tionné l'existence de problèmes de santé qui auraient pu
être à l'origine de la cessation des rapports de travail.
Or, on peut supposer qu'une diminution de la capacité de
travail imputable à la maladie ne serait pas passée inaper-
çue dans le cas d'une employée travaillant en milieu hospi-
talier et en collaboration avec le personnel médical et
paramédical. En outre, quand elle a demandé le versement en
espèces de sa prestation de libre passage, la recourante
n'a émis aucune réserve au sujet d'éventuelles difficultés
de santé qui auraient pu justifier (au lieu d'un paiement
en espèces) le versement des prestations légales et régle-
mentaires en cas d'invalidité. La formule qu'elle a rempli
a cette occasion comportait l'avertissement suivant: «Je
prends note de façon expresse que le versement comptant met
fin à tous mes droits envers la Caisse de pensions de
l'Etat de Vaud et que je dois dorénavant me charger
personnellement de constituer ma prévoyance en utilisant,
le cas échéant, le montant reçu à cet effet». Bien qu'une
telle déclaration n'ait pas la portée d'une renonciation
valable aux droits que pourrait faire valoir ultérieurement
un assuré à l'encontre de la caisse (voir ATF 123 V 264
consid. 1b), elle tend néanmoins à démontrer que la recou-
rante, à l'époque, ne s'était pas sentie obligée d'aban-
donner son emploi pour cause de maladie. On en veut pour
preuve aussi le fait que la recourante s'est annoncée à
l'assurance-invalidité en septembre 1994, soit pratiquement
deux ans après la fin des rapports de travail.

Il ressort d'autre part des pièces médicales versées
au dossier qu'en 1991 la recourante a été incapable de
travailler du 21 mai au 23 juin, à 100 pour cent, puis du
24 juin au 6 juillet, à 50 pour cent. Du 16 septembre au
5 octobre, elle a suivi une cure, sur proposition de son
médecin traitant, à l'établissement thermal cantonal vau-
dois de Lavey-les-Bains. Le rapport de sortie établi par
des médecins de cet établissement, le 9 octobre 1991, fait
état de lombalgies dans le cadre de troubles statiques et
dégénératifs, de périarthropathie de la hanche gauche avec
rétractions musculaires associées et syndrome du muscle
pyramidal gauche et, enfin, de migraines. Les traitements
entrepris ont bien été supportés. A la fin du séjour, la
patiente a signalé une amélioration des lombalgies. Les
médecins terminent leur rapport en mentionnant «l'absence
d'argument pour une demande d'AI larvée». Par la suite,
l'assurée a repris normalement le travail. En 1992, l'em-
ployeur n'a signalé que trois jours d'absence isolés
(17 février, 11 mai et 4 juin) pour cause de maladie.
Sur la base de l'ensemble ce ces faits, on doit rete-
nir qu'au moment où la recourante a quitté son emploi, elle
ne subissait aucune incapacité de travail. Les médecins
dont les avis ont été recueillis en 1994 et 1995 par le
secrétariat de l'assurance-invalidité l'admettent du reste,
puisqu'ils fixent le début de l'incapacité de travail au
1er novembre 1992. Au demeurant, on constate que ces méde-
cins - dont les certificats à l'intention de l'assuran-
ce-invalidité ont été établis bien après la fin des
rapports de travail - se sont fondés essentiellement sur
les renseignements anamnestiques donnés par la patiente
pour fixer, a posteriori, le début de l'incapacité de
travail.

b) D'autre part, il n'apparaît pas - cela n'est du
reste pas allégué - que l'état de santé de la recourante se
soit subitement aggravé au point d'entraîner une incapacité

de travail pendant le délai de prolongation de l'assurance
de trente jours. Dans le questionnaire qu'il a rempli à
l'intention de l'autorité cantonale le 30 avril 1997, le
docteur C.________ indique avoir procédé à des
infiltrations articulaires et périarticulaires les
30 octobre 1992 et 6 novembre 1992. Aucune incapacité de
travail n'a été constatée à cette époque (en fait, la
recourante n'a pas informé le médecin, à l'occasion de ces
deux consultations, qu'elle avait résilié ses rapports de
travail et qu'elle se trouvait désormais sans emploi). Par
la suite, la recourante n'a plus consulté le docteur
C.________ jusqu'au 9 août 1994. C'est à cette date
seulement qu'elle l'a informé qu'elle avait cessé le
travail le 30 octobre 1992. On peut donc en conclure qu'il
n'y a pas eu de réduction de la capacité de travail au
cours du mois de novembre 1992.
Que la recourante ait connu certains problèmes de
santé en 1992 n'est certes guère contestable. Mais cet
élément n'est pas décisif. En effet, ce n'est pas l'appari-
tion des troubles comme tels qui constitue l'événement
assuré au sens de l'art. 23 LPP, mais bien la survenance
d'une incapacité de travail d'une certaine importance, soit
20 pour cent au moins (VSI 1998 p. 126).

c) Dans ces conditions, comme l'ont admis avec raison
les premiers juges, il y a lieu de s'écarter de la consta-
tation des organes de l'assurance-invalidité selon laquelle
l'incapacité de travail a débuté immédiatement après le
dernier jour effectif de travail de la recourante. Cette
constatation apparaît manifestement insoutenable sur le vu
de l'ensemble des éléments relevés ci-dessus. On doit ainsi
conclure que l'incapacité de travail a débuté plus de
30 jours après la fin des rapports
de travail, c'est-à-dire
à une époque où la recourante n'était plus assurée auprès
de la CPEV.
Il s'ensuit que le recours est mal fondé.

3.- Dans la mesure où la procédure concerne des pres-
tations d'assurance (art. 134 OJ), il n'y a pas lieu à
perception de frais de justice.
D'autre part, bien qu'elle obtienne gain de cause, la
CPEV n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 2 in fine
OJ; ATF 112 V 49 consid. 3, 362 consid. 6).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e:

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 août 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre:

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.78/99
Date de la décision : 02/08/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-02;b.78.99 ?
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