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27/07/2000 | SUISSE | N°5P.116/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 juillet 2000, 5P.116/2000


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5P.116/2000

IIe C O U R C I V I L E
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27 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ & Cie SA,
Y.________ & Cie, et
Z.________ (Suisse) SA, à Genève, toutes trois représentées
par Me Patrick Blaser, avocat à Genève,
contre

l'arrêt rendu le 17 février 2000 par la 1ère section de la
Cour

de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
les recourantes à A.________, représentée par Me Bernard
Vischer, avocat ...

«»
5P.116/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

27 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ & Cie SA,
Y.________ & Cie, et
Z.________ (Suisse) SA, à Genève, toutes trois représentées
par Me Patrick Blaser, avocat à Genève,
contre

l'arrêt rendu le 17 février 2000 par la 1ère section de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
les recourantes à A.________, représentée par Me Bernard
Vischer, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; révocation de mesures provisionnelles
en reddition de compte)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) J.________, ressortissant marocain, est dé-
cédé le 11 septembre 1995 à Casablanca (Maroc), où il était
domicilié. Divorcé de son épouse, il avait eu avec celle-ci
une fille, dame A.________, née le 10 février 1973.

Selon un testament recueilli par deux notaires rab-
biniques le 21 juillet 1992, J.________ a réservé à ses héri-
tiers légaux le montant de 100 dirhams, les dessaisissant
pour le surplus de tous leurs droits héréditaires; le reste
de son patrimoine devait revenir à O.________, son frère, et
à S.________, son neveu, sous réserve d'un legs de 1'000'000
FF en faveur de sa fille, à charge pour elle de rapporter à
S.________ le prix de son appartement, avancé par son père.
Cet acte ne porte pas la signature du défunt.

Dame A.________ a contesté ces dispositions. Le 1er
décembre 1995, elle a cependant conclu avec ses oncle et cou-
sin une convention par laquelle, notamment, elle reconnais-
sait la validité dudit testament; celui-ci a été homologué
par jugement rendu le 18 décembre 1995 par le Tribunal de
première instance de Casablanca.

Dame A.________ a appelé de ce jugement, requérant
sur le fond la constatation de la nullité du testament du 21
juillet 1992 et l'annulation de la convention du 1er
décembre
1995.

b) Le 16 novembre 1998, dame A.________ a déposé à
l'encontre de, notamment, X.________ & Cie SA, Y.________ &
Cie et Z.________ (Suisse) SA une requête de mesures provi-
soires en reddition de compte, selon l'art. 324 al. 2 let. b
de la loi de procédure civile genevoise (LPC gen.).

Par ordonnance du 4 janvier 1999, le Tribunal de
première instance de Genève a rejeté la requête, pour le mo-
tif que dame A.________ n'avait pas rendu évidente sa
qualité
d'héritière.

Dame A.________ a appelé de ce prononcé. Par arrêt
du 6 mai 1999, la 1ère section de la Cour de justice du can-
ton de Genève l'a annulé. Statuant à nouveau, elle a essen-
tiellement admis la requête en reddition de compte, concer-
nant tant les actifs de feu J.________ que, dans une
certaine
mesure, ceux gérés au nom de O.________ et de S.________.

Les établissements bancaires précités ont déposé un
recours de droit public et un recours en réforme contre l'ar-
rêt de la Cour de justice du canton de Genève du 6 mai 1999.
Statuant le 6 juillet 2000, le Tribunal fédéral a déclaré le
premier irrecevable et rejeté le second, dans la mesure de
sa
recevabilité, l'arrêt entrepris étant dès lors confirmé.

c) Par arrêt du 25 mai 1999, la Chambre rabbinique
de la Cour d'appel de Casablanca a rejeté l'appel interjeté
par dame A.________ contre le jugement rendu en première
instance le 18 décembre 1995. L'appelante s'est pourvue en
cassation le 9 juin 1999 devant la Cour suprême du Maroc.

B.- X.________ & Cie SA, Y.________ & Cie et
Z.________ (Suisse) SA ont déposé une requête en révocation
des mesures provisionnelles en reddition de compte
prononcées
par la Cour de justice le 6 mai 1999.

Par ordonnance du 6 septembre 1999, le Tribunal de
première instance de Genève a admis la recevabilité de la re-
quête et conclu à son bien-fondé, révoquant ainsi les
mesures
provisionnelles ordonnées précédemment.

Statuant le 17 février 2000 sur le recours formé par
dame A.________, la Cour de justice du canton de Genève a an-
nulé l'ordonnance du 6 septembre 1999 et déclaré irrecevable
la requête en révocation de mesures provisionnelles.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour arbitraire, X.________ & Cie SA, Y.________ & Cie et
Z.________ (Suisse) SA demandent au Tribunal fédéral d'an-
nuler l'arrêt de la Cour de justice du 17 février 2000.

Des observations n'ont pas été requises.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La décision attaquée met un terme à la procé-
dure pour des motifs tirés des règles de la procédure; elle
constitue ainsi une décision finale (ATF 123 I 325 consid.
3b
p. 327; 122 I 39 consid. 1a/aa p. 41). Interjeté en temps
utile contre une décision prise en dernière instance cantona-
le, le recours est dès lors en principe recevable au regard
des art. 84 ss OJ.

b) Dans un recours de droit public pour violation de
l'art. 9 Cst., le Tribunal fédéral ne prend pas en considéra-
tion les allégations, preuves ou faits qui n'ont pas été sou-
mis à l'autorité cantonale: nouveaux, ils sont irrecevables
(ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26; 118 III 37 consid. 2a p. 38
et les arrêts cités). Les pièces produites les 13 et 27 juin
2000 - au demeurant après l'échéance du délai de recours -,
ainsi que les faits nouveaux allégués dans les lettres d'ac-
compagnement y relatives, ne peuvent dès lors être pris en
considération.

2.- En premier lieu, la Cour de justice a considéré
que l'art. 335 al. 1 LPC gen., selon lequel les mesures pro-
visionnelles peuvent en tout temps être modifiées ou révo-
quées, ne s'appliquait pas à la décision de reddition de
compte fondée, comme en l'espèce, sur l'art. 324 al. 2 let.
b
LPC gen., de sorte que la requête en révocation était irrece-
vable. En second lieu, elle a estimé que la révocation solli-
citée ne se justifiait de toute façon pas, vu l'absence de
fait nouveau. Les recourantes critiquent cette double motiva-
tion, conformément aux exigences découlant de l'art. 90 al.
1
let. b OJ (ATF 121 IV 94 consid. 1b p. 95; 119 Ia 13 consid.
2 p. 16 et la jurisprudence citée).

a) En ce qui concerne l'inapplicabilité de l'art.
335 al. 1 LPC gen., l'autorité cantonale a considéré que
l'art. 324 al. 2 let. b LPC gen. permettait d'ordonner la
reddition de compte lorsque le droit du requérant était "évi-
dent ou reconnu", en d'autres termes lorsqu'il ne souffrait
aucune discussion; il s'agissait d'une voie de procédure aty-
pique, car la mesure fondée sur cette disposition ne requé-
rait pas d'urgence ni d'action en validation. Ainsi, à la
différence des autres mesures provisionnelles, celles solli-
citées sur la base de l'art. 324 al. 2 let. b LPC gen. ne se
satisfaisaient pas de la vraisemblance, en fait comme en
droit. Se référant par analogie à la jurisprudence du Tribu-
nal fédéral relative à l'art. 697h al. 2 CO, la Cour de jus-
tice a de plus retenu que la mesure en cause n'offrait pas
seulement une protection provisoire, mais excluait une procé-
dure ultérieure portant sur le même objet. Or, selon l'auto-
rité cantonale, l'art. 335 al. 1 LPC gen. trouve sa justifi-
cation dans le fait que les mesures provisionnelles ont un
caractère provisoire et doivent par conséquent pouvoir être
modifiées ou supprimées, dès qu'il apparaît qu'elles
reposent

sur une appréciation erronée des faits ou que leur fondement
juridique se révèle inexact. Bien que la systématique de la
loi permît à première vue la révocation de toutes les
mesures
provisionnelles - l'art. 324 al. 2 let. b LPC gen. étant con-
tenu dans le chapitre consacré à celles-ci -, la Cour de jus-
tice a estimé que tel n'était pas le cas de la mesure de red-
dition de compte ici visée, en raison de sa nature particu-
lière. Partant, la requête en révocation devait être
déclarée
irrecevable.

Les recourantes prétendent que l'autorité cantonale
a interprété l'art. 335 LPC gen. de manière arbitraire.
Elles
exposent qu'à teneur de son texte clair, cette disposition
s'applique "aux mesures provisionnelles"; or, la reddition
de
compte prévue à l'art. 324 al. 2 let. b LPC gen. constitue
une mesure provisionnelle, bien qu'atypique. Il y aurait
donc
lieu d'admettre qu'elle puisse être révoquée selon l'art.
335
LPC gen. L'interprétation systématique de cette norme condui-
rait au même résultat: premièrement, les art. 324 al. 2 let.
b et 335 LPC gen. se situent tous deux dans le chapitre de
la
loi de procédure civile consacré aux mesures
provisionnelles;
deuxièmement, ladite loi prévoit expressément les cas dans
lesquels une règle conçue en termes généraux ne s'applique
pas; or, l'art. 335 LPC gen. ne contient aucune exception en
ce sens s'agissant de la reddition de compte. Cette solution
serait en outre confirmée par l'interprétation téléologique,
la reddition de compte étant adoptée, en dépit de sa nature
particulière, selon la même procédure que toute autre mesure
provisionnelle. Enfin, le texte clair de l'art. 335 LPC gen.
serait conforme à sa ratio legis, en sorte qu'il ne contien-
drait aucune lacune; en l'interprétant contre sa lettre, la
Cour de justice aurait dès lors versé dans l'arbitraire.

Cette argumentation de nature purement appellatoire
(cf. ATF 117 Ia 412 consid. 1c p. 414) ne répond manifeste-
ment pas aux exigences de motivation posées par l'art. 90
al.
1 let. b OJ. Les recourantes se bornent en effet à opposer
leur propre thèse à celle de l'autorité cantonale, sans ten-
ter de démontrer en quoi celle-ci serait insoutenable, c'est-
à-dire violerait gravement une norme ou un principe
juridique
clair et indiscuté ou heurterait de manière choquante le sen-
timent de la justice et de l'équité. Or, il n'y a pas arbi-
traire du seul fait qu'une autre interprétation de la loi
soit possible, ou même préférable (ATF 124 I 247 consid. 5
p. 250/251; 121 I 113 consid. 3a p. 114; 120 Ia 369 consid.
3a p. 373). Le grief est dès lors irrecevable.

b) Vu ce qui précède, il devient superflu d'examiner
si, contrairement à l'opinion exprimée par la cour cantonale
dans la seconde motivation de son arrêt, la révocation de la
mesure en reddition de compte était justifiée.

3.- En conclusion, le recours se révèle entièrement
irrecevable. Les frais judiciaires seront dès lors supportés
par les recourantes, solidairement entre elles (art. 156 al.
1 et 7 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, des ob-
servations n'ayant pas été requises.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

vu l'art. 36a OJ:

1. Déclare le recours irrecevable.

2. Met à la charge des recourantes, solidairement
entre elles, un émolument judiciaire de 5'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la 1ère section de la Cour de
justice
du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 27 juillet 2000
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.116/2000
Date de la décision : 27/07/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-27;5p.116.2000 ?
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