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27/07/2000 | SUISSE | N°2P.48/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 juillet 2000, 2P.48/2000


2P.48/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

27 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Meylan, juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, B.________, C.________, ainsi que D.________ SA,
E.________ Sàrl, F.________ SA et G.________ SA, tous les
sept représentés par Me Philippe Bauer, avocat à Neuchâtel,

contre


l'art. 74 du règlement de police de la ville de Neuchâtel du
17 janvier 2000, dans la cause qui oppose les recou...

2P.48/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

27 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Meylan, juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, B.________, C.________, ainsi que D.________ SA,
E.________ Sàrl, F.________ SA et G.________ SA, tous les
sept représentés par Me Philippe Bauer, avocat à Neuchâtel,

contre

l'art. 74 du règlement de police de la ville de Neuchâtel du
17 janvier 2000, dans la cause qui oppose les recourants au
Conseil général de la commune de Neuchâtel, représenté par
Me
Valentine Schaffter, avocate au service juridique de la
ville
de Neuchâtel, à Neuchâtel;

(art. 8 et 27 Cst.: heures de fermeture des cabarets-
dancings)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 27 janvier 2000, le Conseil général de la
Ville de Neuchâtel a adopté un nouveau règlement de police.

En ce qui concerne les cabarets-dancings et les dis-
cothèques, l'article 74 du nouveau règlement fixe l'heure de
fermeture à 2 heures les lundis, mardis, mercredis et jeudis
matins, et à 4 heures les vendredi, samedi et dimanche ma-
tins. Auparavant, l'ancien règlement de police du 8 mars
1971, en sa teneur au 10 janvier 1994, prévoyait l'heure de
fermeture des cabarets-dancings à 4 heures du matin, confor-
mément à la possibilité offerte aux communes par la loi sur
les établissements publics du 1er février 1993, entrée en
vigueur le 1er juillet 1993 (LEP; art. 61).

B.- A.________, B.________ et C.________, ainsi que
les sociétés D.________ SA, E.________ Sàrl, F.________ SA
et
G.________ SA sont tous propriétaires exploitants de caba-
rets-dancings situés en ville de Neuchâtel.

Agissant par la voie du recours de droit public, ils
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'art. 74 du règle-
ment de police du 20 janvier 2000 et de dire qu'en conséquen-
ce l'art. 74 du règlement de police du 8 mars 1971 reste en
vigueur. Ils se plaignent d'une violation des art. 8 et 27
Cst.

Le Conseil général de la Ville de Neuchâtel conclut
au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Les parties ont maintenu leurs conclusions au terme
du second échange d'écritures ordonné en application de
l'art. 93 al. 2 OJ.

C.- Par ordonnance du 20 mars 2000, la requête de
mesures provisionnelles des recourants, tendant au report de
l'entrée en vigueur du nouvel art. 74 du règlement du 17 jan-
vier 2000, a été rejetée.

Par arrêté du 28 juin 2000, le Conseil d'Etat du
canton de Neuchâtel a sanctionné le règlement du 17 janvier
2000.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
125
I 253 consid. 1a p. 254; 458 consid. 1 p. 461).

a) Le recours de droit public dirigé, comme en l'es-
pèce, contre un arrêté de portée générale est l'unique voie
de droit pour faire valoir une violation des droits constitu-
tionnels au sens de l'art. 84 al. 1 lettre a OJ. Il doit
être
formé dans les trente jours dès la promulgation de cet acte
selon les formes du droit cantonal. Dans le cas particulier,
le règlement litigieux est entré en vigueur après sa ratifi-
cation par le Conseil d'Etat le 28 juin 2000 (art. 88). Le
présent recours était donc prématuré, mais il est recevable
(ATF 121 I 187 consid. 1a p. 189 et les arrêts cités).

b) La qualité pour former un recours de droit public
contre un arrêté de portée générale appartient à quiconque

est directement atteint par les dispositions attaquées dans
ses intérêts juridiquement protégés (ATF 125 I 171 consid.
1b/aa p. 75). Une atteinte seulement virtuelle suffit,
pourvu
que le recourant puisse, avec un minimum de vraisemblance,
se
trouver une fois ou l'autre dans le cas de se voir appliquer
la disposition qu'il critique (ATF 104 consid. 1a p. 106 et
les arrêts cités).

En l'espèce, la qualité pour recourir peut sans au-
tre être reconnue aux recourants, dans la mesure où ils s'en
prennent à une disposition qui leur est actuellement applica-
ble en leur qualité de propriétaires exploitants de cabarets-
dancings.

c) Les recourants concluent non seulement à l'annu-
lation de l'art. 74 du nouveau règlement de police, mais ils
demandent aussi au Tribunal fédéral de dire que l'art. 74 de
l'ancien règlement demeure en vigueur.

Le recours de droit public ne peut, en principe,
tendre qu'à l'annulation de l'acte attaqué. Il est cependant
fait exception à ce principe lorsque la seule annulation de
l'acte attaqué ne suffirait pas à rétablir une situation con-
forme à la Constitution (ATF 124 I 327 consid. 4 p. 332ss;
cf. également 125 I 104 consid. 1b p. 107).

Dans le cas particulier, la seule annulation de
l'art. 74, en sa teneur du 17 janvier 2000, n'aurait nulle-
ment pour effet de faire revivre ipso facto l'ancienne dis-
position, le règlement du 8 mars 1971 ayant été abrogé par
l'art. 86 du nouveau règlement. Cette annulation de l'art.
74
aurait pour conséquence que les cabarets-dancings et les dis-
cothèques se trouveraient, en ce qui concerne l'heure de fer-
meture, soumis au régime général applicable à tous les éta-
blissements publics, soit à la fermeture à 1 heure du matin.
La situation des cabarets-dancings se trouverait donc
péjorée

par rapport à celle qui serait la leur en application de
l'art. 74 du nouveau règlement, de sorte que l'annulation de
cette disposition ne ferait qu'aggraver encore cette incons-
titutionnalité. Il s'impose dès lors de faire exception au
principe de la nature cassatoire du recours de droit public.
S'il devait s'avérer que l'art. 74 du nouveau règlement
était
incompatible avec les garanties constitutionnelles invoquées
par les recourants, il y aurait lieu ainsi d'entrer
également
en matière sur leur second chef de conclusion.

e) Les recourants ont produit deux pièces nouvelles
avec leur mémoire complétif, qui concernent un projet de mo-
dification de l'art. 18 LEP définissant les cabarets-dan-
cings, afin de les distinguer des discothèques. Ces docu-
ments, rédigés postérieurement au dépôt du recours de droit
public ne sont toutefois pas recevables, du moment qu'une
éventuelle modification de la loi sur les établissements pu-
blics ne saurait être prise en considération et que l'intimé
ne s'y réfère d'ailleurs pas dans sa réponse au recours (ATF
125 I 71 consid. d/aa p. 77 et les arrêts cités).

f) Le recours respectant pour le surplus les formes
légales, il y a lieu d'entrer en matière.

2.- a) Au fond, les recourants se plaignent d'une
violation de l'art. 27 Cst., garantissant la liberté écono-
mique, et soutiennent que la disposition querellée viole les
principes de la proportionnalité et de l'égalité de traite-
ment. En revanche, ils ne contestent ni l'existence d'une ba-
se légale, ni celle d'un intérêt public. Toute leur argumen-
tation repose en fait sur la distinction qu'il y aurait lieu
d'opérer entre les cabarets-dancings et les discothèques,
dès
lors que l'étude effectuée par la Commission spéciale du rè-
glement de police du 17 novembre 1999 a démontré que c'est
la

clientèle de ces derniers établissements qui cause le plus
de
bruit nocturne, alors que les clients des cabarets sont plus
discrets.

b) Selon la jurisprudence développée sous l'angle de
l'art. 31 al. 2 aCst. et qui demeure entièrement applicable,
le Tribunal fédéral examine en principe librement la
question
du respect du principe de la proportionnalité. Il s'impose
toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit avant tout
d'un problème d'appréciation ou de circonstances locales que
les autorités cantonales connaissent mieux ou sont mieux à
même d'évaluer que le Tribunal fédéral (ATF 120 Ia 67
consid.
3b p. 72; 119 Ia 378 consid. 6a p. 383).

L'exigence de proportionnalité comporte elle-même
trois aspects; elle suppose qu'un acte de l'Etat corresponde
à une nécessité, soit apte à atteindre le but visé et qu'il
existe un juste rapport entre l'atteinte portée et l'intérêt
public à préserver (voir ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 et
les arrêts cités).

Il est en l'espèce constant que les habitants vivant
au centre de la ville de Neuchâtel sont dérangés surtout ent-
re minuit et 4 heures du matin et qu'ils ressentent, comme
les deux sources de nuisances sonores les plus importantes,
le déplacement et les cris des piétons, ainsi que les disco-
thèques; c'est en tout cas ce qu'il résulte du sondage effec-
tué pour la Direction de la police de la Ville de Neuchâtel
en 1999. Il est au demeurant évident que ces deux sources de
nuisances sonores sont étroitement interdépendantes, dans la
mesure où les déplacements de piétons sont, pour une très
large part, liés à l'existence, durant cette partie de la
nuit, d'établissements publics ouverts, en particulier de
discothèques, et au type de clientèle fréquentant ces éta-
blissements.

Comme il ne saurait être question d'agir directement
sur le déplacement des piétons, le seul moyen de lutter con-
tre les nuisances sonores excessives consiste à limiter les
heures d'ouverture de ces établissements. La nécessité de la
disposition critiquée ne saurait donc être sérieusement con-
testée. Il y a lieu ainsi de constater qu'une fermeture avan-
cée des établissements publics est, d'une manière générale,
susceptible d'améliorer la tranquillité des habitants du cen-
tre ville.

Plus délicate est la question de savoir si une mesu-
re moins incisive n'aurait pas permis d'atteindre le même
but. De ce point de vue, on ne voit guère, comme solution al-
ternative, qu'une mesure dont l'application se limiterait
aux
seules discothèques, dès lors qu'il est constant que ce sont
elles qui, beaucoup plus que les cabarets-dancings, sont à
l'origine des plus graves nuisances sonores. Toutefois, la
mesure consistant à avancer l'heure de fermeture des disco-
thèques par rapport à celle des cabarets-dancings ne serait
efficace que si elle atteignait effectivement tous les éta-
blissements publics visant, dans la réalité des faits, les
prestations et la clientèle caractéristiques de ce type
d'établissements. Or, en l'état actuel du droit cantonal
neuchâtelois, un tel résultat paraît exclu. Le seul élément
qui distingue patente de cabaret-dancing et patente de disco-
thèque est en effet la simple faculté de présenter des at-
tractions pour les premiers. Une discothèque pourrait donc,
sans avoir à s'astreindre à des contraintes supplémentaires,
se doter facilement de la patente de cabaret-dancing et béné-
ficier ainsi du régime plus favorable qui serait réservé aux
cabarets-dancings. Il ressort d'ailleurs du rapport produit
par la Commission spéciale du règlement de police qu'actuel-
lement déjà, parmi les dix-sept cabarets-dancings et disco-
thèques recensés sur le territoire communal, trois n'ont que
la patente de discothèque, alors que quatorze possèdent éga-
lement celle de cabaret-dancing. Dans ces conditions, il

n'est pas utile de fixer des heures différenciées pour ces
deux types d'établissements. Au cours de la séance du
Conseil
communal du 17 janvier 2000, il avait certes été proposé de
différer l'adoption du nouveau règlement jusqu'à ce que la
législation cantonale ait été modifiée dans un sens permet-
tant de distinguer clairement cabaret-dancing et
discothèque,
mais cette proposition avait été rejetée (voir procès-verbal
de la séance du Conseil communal du 17 janvier 2000 p. 5918
et 5969 à 5971). Il résulte également du dossier qu'avant
l'établissement du projet de règlement, il avait été
envisagé
de limiter le bénéfice de l'heure de fermeture à 4 heures du
matin aux seules discothèques offrant effectivement des at-
tractions mais que, consulté à ce sujet, le Service
juridique
de l'Etat avait répondu que cette solution était exclue en
l'état du droit cantonal, soit depuis l'entrée en vigueur de
la loi sur les établissements publics du 1er janvier 1993.
Cela explique d'ailleurs pourquoi le régime différencié
prévu
à l'origine entre cabarets-dancings et discothèques avait
été
abandonné lors de la révision du 10 janvier 1994.

Il s'ensuit qu'actuellement, seule une mesure frap-
pant de la même manière les deux types d'établissements peut
s'avérer efficace pour lutter contre l'excès de bruit noctur-
ne.

c) Pour le reste, les recourants ne démontrent nul-
lement que l'avancement de deux heures de l'heure de ferme-
ture quatre jours par semaine leur occasionnerait un manque
à
gagner si important que l'atteinte subie serait sans propor-
tion avec le bénéfice que l'on peut escompter de cette
mesure
sur le plan de la lutte contre le bruit. Il faut au
contraire
constater, qu'en adoptant un régime différencié en semaine
et
pour le week-end, le législateur communal a tenu largement
compte des intérêts privés des exploitants de ces catégories
d'établissements publics, de sorte que l'existence d'un
juste
rapport entre l'atteinte portée et l'intérêt public visé ne

saurait non plus être sérieusement contestée. Le moyen tiré
de la violation de l'art. 27 Cst. s'avère donc entièrement
infondé.

3.- Les recourants se plaignent encore d'une viola-
tion de la garantie constitutionnelle de l'égalité de traite-
ment. Ils reprochent à la Commune de Neuchâtel de n'avoir
pas
opéré, quant au régime de l'heure de fermeture, de distinc-
tion entre les cabarets-dancings et les discothèques, quant
bien même il est constant que ce sont celles-ci qui sont à
l'origine
des problèmes de bruit nocturne.

Comme on l'a vu, une telle différenciation n'est, en
l'état actuel du droit cantonal neuchâtelois, pas possible
et
aurait pour résultat de vider la mesure incriminée de l'es-
sentiel de son efficacité. L'égalité de traitement dans les
heures de fermeture des cabarets-dancings et des
discothèques
repose ainsi sur des critères objectifs et demeure raisonna-
ble compte tenu des intérêts en jeu.

4.- Vu ce qui précède, le recours se révèle mal fon-
dé et doit être rejeté. Succombant, les recourants doivent
supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Le recours est rejeté.

2. Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la
charge des recourants, solidairement entre eux.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties.

_______________

Lausanne, le 27 juillet 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.48/2000
Date de la décision : 27/07/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-27;2p.48.2000 ?
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