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26/07/2000 | SUISSE | N°2A.131/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juillet 2000, 2A.131/2000


«/2»
2A.131/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

26 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Zappelli, suppléant. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

B.________ , née le 26 août 1971, représentée par Me Daniel
Vouilloz, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 23 février 2000 par le Département fé-
déral de justice et pol

ice;

(art. 7 LSEE; abus de droit)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- D...

«/2»
2A.131/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

26 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Zappelli, suppléant. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

B.________ , née le 26 août 1971, représentée par Me Daniel
Vouilloz, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 23 février 2000 par le Département fé-
déral de justice et police;

(art. 7 LSEE; abus de droit)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- De nationalité marocaine, B.________ est entrée en
Suisse le 30 janvier 1993 et s'est mariée le 3 décembre 1993
avec un ressortissant suisse, P.________. Elle a obtenu de
ce fait une autorisation de séjour pour vivre auprès de son
époux.

P.________ a quitté le domicile conjugal le 10 mars
1997 pour aller vivre avec son ex-amie. Le 5 décembre 1997,
il a ouvert action en divorce.

Entendue le 23 mars 1998 par la Police de sûreté du
canton de Genève, B.________ a confirmé ces faits, tout en
précisant qu'elle entendait reprendre la vie commune. Enten-
du à son tour le même jour, P.________ a déclaré que sa fem-
me ne l'avait pas épousé par amour, que leur vie de couple
s'était dégradée après une année de mariage, qu'il n'avait
jamais vraiment eu avec son épouse de vie sociale ni d'ac-
tivités communes, qu'elle était violente et, enfin, qu'il
soupçonnait sa femme de faire traîner la procédure de divor-
ce qu'il avait entamée en vue d'obtenir un permis d'établis-
sement.

Par jugement du 11 mars 1999, le Tribunal de première
instance du canton de Genève a rejeté l'action en divorce à
laquelle s'était opposée l'épouse, tout en admettant que la
communauté conjugale avait perdu toute substance et qu'il
n'y avait aucun espoir de réconciliation.

B.- Le 10 juin 1998, l'Office cantonal de la population
du canton de Genève a refusé de renouveler l'autorisation de
séjour de B.________, au motif que le fait d'invoquer un ma-
riage n'existant plus que formellement dans le seul but de

demeurer en Suisse était constitutif d'un abus de droit ma-
nifeste. Statuant le 23 mars 1999, l'autorité cantonale de
recours compétente a annulé cette décision et invité l'auto-
rité inférieure à délivrer à l'intéressée une autorisation
d'établissement.

C.- Par décision du 5 juillet 1999, l'Office fédéral
des étrangers a refusé de donner son approbation à l'octroi
d'une autorisation de séjour en faveur de l'intéressée et
prononcé le renvoi de Suisse, en considérant que l'abus de
droit ayant existé avant l'écoulement du délai de cinq ans,
B.________ ne pouvait prétendre à une autorisation d'éta-
blissement.

Statuant sur recours le 23 février 2000, le Département
fédéral de justice et police a confirmé cette décision.

Le 6 mars 2000, les époux P.________ et B.________ ont
déposé une requête commune en divorce.

D.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif, B.________ demande au Tribunal fédéral, principale-
ment, d'annuler la décision du 23 février 2000 du Départe-
ment fédéral de justice et police.

Celui-ci conclut au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) D'après l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale du 26
mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20), le conjoint étranger d'un ressortissant
suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autori-
sation de séjour. Après un séjour régulier et ininterrompu

de cinq ans, il a droit à une autorisation d'établissement.
L'art. 7 al. 2 LSEE prévoit que le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi ou à la pro-
longation de l'autorisation de séjour lorsque le mariage a
été contracté dans le but d'éluder les dispositions sur le
séjour et l'établissement des étrangers, notamment celles
sur la limitation du nombre des étrangers.

b) Par ailleurs, le fait d'invoquer l'art. 7 al. 1 LSEE
peut être constitutif d'un abus de droit même en l'absence
d'un mariage contracté dans le but d'éluder les dispositions
sur le séjour et l'établissement des étrangers, au sens de
l'art. 7 al. 2 LSEE. L'existence d'un éventuel abus de droit
doit être appréciée dans chaque cas particulier et avec re-
tenue, seul l'abus manifeste pouvant être pris en considéra-
tion. Un tel abus ne peut en particulier être déduit du sim-
ple fait que les époux ne vivent plus ensemble, puisque le
législateur a volontairement renoncé à faire dépendre le
droit à une autorisation de séjour de la vie commune (ATF
121 II 97 consid. 2). De même, on ne saurait uniquement re-
procher à des époux de vivre séparés et de ne pas envisager
le divorce. Toutefois, il y a abus de droit lorsque le con-
joint étranger invoque un mariage n'existant plus que for-
mellement dans le seul but d'obtenir une autorisation de sé-
jour, car ce but n'est pas protégé par l'art. 7 LSEE (ATF
121 II 97 consid. 4a).

2.- a) En l'occurrence, il ressort du dossier que les
époux P.________ et B.________, qui sont formellement mariés
depuis le 3 décembre 1993, se sont séparés le 10 mars 1997,
soit trois ans et demi environ après leur mariage. Et depuis
lors, ils ne se sont pratiquement jamais revus; ils n'ont
jamais tenté, ni même sérieusement envisagé de reprendre la
vie commune. Peu après la séparation, l'époux - qui avait
abandonné le domicile conjugal pour aller vivre avec une
ex-amie - a même introduit une procédure en divorce. Il est

vrai que le tribunal civil a rejeté l'action en divorce par
jugement du 11 mars 1999, tout en reconnaissant que la com-
munauté conjugale avait perdu toute substance et qu'il n'y
avait aucun espoir de réconciliation. La recourante ne peut
cependant rien déduire de ce jugement civil, car l'art. 7
al. 1 LSEE a pour but de permettre et d'assurer juridique-
ment la vie commune des époux en Suisse. Cette disposition
ne tend pas à garantir au conjoint étranger la poursuite de
son séjour en Suisse, même lorsqu'il n'existe - comme en
l'espèce - aucun espoir de reprise réelle de la vie commune.
Certes, la recourante prétend qu'elle aurait conservé jus-
qu'au début de l'année 2000 l'espoir d'une réconciliation
avec son époux. Or, il n'est pas établi qu'elle ait entre-
pris, depuis la séparation, des démarches concrètes en vue
de reprendre la vie commune avec son mari. Tout porte à
croire au contraire qu'aucun des époux en cause ne tenait
à la poursuite d'une véritable communauté conjugale, chacun
menant d'ailleurs depuis la séparation sa propre vie. Et il
est sans importance que le mari ait été incité par la police
à demander le divorce en décembre 1997 - comme le soutient
la recourante -, du moment que P.________ n'a par la suite
jamais manifesté l'intention de retirer son action, alors
même qu'il en avait la possibilité.

Il résulte donc de l'ensemble de ces circonstances que
le mariage - vidé de tout contenu depuis au moins le 5 dé-
cembre 1997, date du dépôt de la demande en divorce - a été
maintenu dans le seul but de permettre à la recourante de
demeurer en Suisse, ce qui est constitutif d'un abus de
droit manifeste. Comme l'abus de droit existait déjà avant
le 3 décembre 1998, soit avant l'écoulement du délai de cinq
ans prévu par l'art. 7 al. 1 2ème phrase LSEE, la recourante
ne peut pas se prévaloir de cette disposition pour prétendre
à une autorisation d'établissement.

b) En outre, c'est en vain que la recourante soulève
le grief tiré de l'inopportunité de la décision attaquée. Le
Tribunal fédéral ne peut en effet pas revoir l'opportunité
de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas
un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

c) Avec l'autorité intimée, il y a lieu enfin de rele-
ver que la recourante ne saurait se prévaloir de l'art. 8
CEDH vis-à-vis de son mari, puisqu'ils n'entretiennent mani-
festement pas de liens étroits et effectivement vécus.

3.- Mal fondé, le présent recours doit être rejeté.
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciai-
res (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1.- Rejette le recours.

2.- Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la char-
ge de la recourante.

3.- Communique le présent arrêt en copie au mandataire
de la recourante et au Département fédéral de justice et po-
lice.

Lausanne, le 26 juillet 2000
LGE/mnv

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.131/2000
Date de la décision : 26/07/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-26;2a.131.2000 ?
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