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25/07/2000 | SUISSE | N°2P.84/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 juillet 2000, 2P.84/2000


2P.84/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

25 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hungerbühler et Yersin. Greffier: M. Dayer.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la société X.________ Sàrl, représentée par Me Jean-Marie
Allimann, avocat à Delémont,

contre

l'arrêt rendu le 9 mars 2000 par la Chambre administrative
du
Tribunal cantonal du canton du

Jura, dans la cause qui
oppose
la recourante au Service des arts et métiers et du travail
du
canton du Jura;

(...

2P.84/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

25 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hungerbühler et Yersin. Greffier: M. Dayer.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la société X.________ Sàrl, représentée par Me Jean-Marie
Allimann, avocat à Delémont,

contre

l'arrêt rendu le 9 mars 2000 par la Chambre administrative
du
Tribunal cantonal du canton du Jura, dans la cause qui
oppose
la recourante au Service des arts et métiers et du travail
du
canton du Jura;

(art. 27 et 36 Cst.: vente d'alcool dans les
stations-service)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La société X.________ Sàrl, à D.________ (ci-
après: la société), exploite dans cette ville une station-
service comprenant à la fois un distributeur de carburant et
un kiosque. Par arrêt du 3 décembre 1996, rendu sous
l'empire
de la loi jurassienne du 26 octobre 1989 sur les hôtels, res-
taurants et établissements analogues ainsi que sur le com-
merce des boissons alcooliques, la Chambre administrative du
Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: la Chambre ad-
ministrative) a reconnu à ladite société le droit de bénéfi-
cier d'une licence pour la vente au détail de boissons al-
cooliques non distillées.

B.- Le 1er juillet 1998, la loi jurassienne du 18
mars 1998 sur l'hôtellerie, la restauration et le commerce
de
boissons (Loi sur les auberges; ci-après: LAub) est entrée
en
vigueur, abrogeant la loi précitée du 26 octobre 1989. Cette
nouvelle loi prévoit notamment l'interdiction de vendre de
l'alcool dans les stations-service (cf. art. 6 al. 1 LAub).

Par décision du 11 août 1999, le Service des arts et
métiers et du travail du canton du Jura (ci-après: le
Service
cantonal) a interdit à X.________ de vendre des boissons al-
cooliques; il a en outre retiré l'effet suspensif d'une éven-
tuelle opposition. Le 9 septembre 1999, le Président de la
Chambre administrative a rejeté une requête de la société de-
mandant la restitution de cet effet suspensif. Le 11 octobre
1999, le Service cantonal a écarté l'opposition de l'intéres-
sée à l'encontre de la décision précitée du 11 août 1999.

C.- Par arrêt du 9 mars 2000, la Chambre administra-
tive a rejeté le recours déposé par X.________. Se référant
à
un arrêt non publié du 18 mai 1999 dans lequel le Tribunal

fédéral confirmait le refus d'autoriser une station-service
sise dans le canton de Vaud à vendre des boissons alcooli-
ques, elle a en particulier estimé que l'interdiction prévue
par l'art. 6 al. 1 LAub constituait une restriction à la li-
berté économique justifiée par un intérêt public. Elle
visait
en effet à prévenir la consommation d'alcool au volant et
contribuait ainsi à l'accroissement de la sécurité routière.
Cet intérêt public l'emportait en outre sur l'intérêt privé
des exploitants de stations-service qui ne réalisaient
qu'une
faible part de leur chiffre d'affaires en vendant de l'al-
cool. A cet égard, la société n'était pas crédible lors-
qu'elle affirmait que l'interdiction qui lui était imposée
entraînerait la suppression d'au moins une place de travail.
Par ailleurs, elle soutenait à tort que le législateur canto-
nal aurait dû traiter les stations-service qui, comme la
sienne, étaient situées dans une communauté urbaine, à proxi-
mité de commerces bénéficiant d'une licence de vente d'al-
cool, différemment de celles qui étaient isolées en rase cam-
pagne aux abords d'un grand axe routier. Elle prétendait en
outre en vain que ce même législateur aurait dû se contenter
d'interdire la consommation d'alcool à proximité des sta-
tions-service. Enfin, les exploitants de ces dernières
n'avaient pas la même clientèle et ne fournissaient pas les
mêmes prestations que les restaurateurs, de sorte qu'ils
n'étaient pas des concurrents directs et pouvaient être trai-
tés différemment. Au surplus, il était sans importance que
certaines stations-service soient rattachées à un grand ma-
gasin autorisé à vendre de l'alcool.

D.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt.
A
son avis, la restriction à la liberté du commerce et de l'in-
dustrie prévue par l'art. 6 al. 1 LAub serait contraire aux
art. 27 et 36 Cst., faute de reposer sur un intérêt public
et
de respecter les principes de la proportionnalité et de
l'égalité de traitement entre concurrents directs.

La Chambre administrative et le Service cantonal
concluent au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ,
l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir
un
exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le
Tribunal
fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entre-
pris est en tous points conforme au droit et à l'équité. Il
n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et
suffisamment motivés dans l'acte de recours. La recourante
ne
saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de ren-
voyer aux actes cantonaux (cf. ATF 125 I 71 consid. 1c p.
76;
115 Ia 27 consid. 4a p. 30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318).
Par ailleurs, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur
des critiques de caractère appellatoire (cf. 125 I 492 con-
sid. 1b p. 495; SJ 1998 p. 489 consid. 1e/aa).

C'est à la lumière de ces principes que doivent être
appréciés les moyens soulevés par l'intéressée.

b) Au surplus, déposé en temps utile contre une dé-
cision finale prise en dernière instance cantonale, qui ne
peut être attaquée que par la voie du recours de droit
public
et qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement
protégés, le présent recours est recevable au regard des
art.
84 ss OJ.

2.- La société met en cause la constitutionnalité de
l'art. 6 LAub. La nouvelle Constitution fédérale du 18 avril
1999 est entrée en vigueur le 1er janvier 2000, abrogeant

l'ancienne Constitution fédérale du 29 mai 1874, sous
réserve
de certaines exceptions qui n'entrent pas en considération
dans le cas particulier (cf. ch. II de l'arrêté fédéral du
18
décembre 1998 relatif à une mise à jour de la Constitution
fédérale [RO 1999 p. 2556 ss, p. 2609-2610]). Dans la mesure
où l'arrêt attaqué a été rendu postérieurement à l'entrée en
force de la nouvelle Constitution fédérale, c'est à la lumiè-
re de cette dernière que doivent être examinés les griefs
soulevés à son encontre.

3.- Selon l'intéressée, la jurisprudence du Tribunal
fédéral à laquelle l'autorité intimée s'est référée ne
serait
pas déterminante dans le cas particulier, le droit vaudois
étant différent et plus nuancé que le droit jurassien. Par
ailleurs, l'art. 6 al. 1 LAub ne serait pas apte à atteindre
le but d'intérêt public qu'il vise, l'interdiction de vendre
des boissons alcooliques dans les stations-service étant une
mesure sans influence sur le problème de l'alcool au volant
ainsi que sur la sécurité routière. Tous les cantons autori-
seraient en outre une telle vente ou s'apprêteraient à la li-
béraliser; il en irait de même des pays voisins de la
Suisse.
La réglementation en cause serait également contraire au
principe de la proportionnalité. En effet, le législateur
cantonal aurait aisément pu prévoir une solution moins rigou-
reuse, soit admettre la vente de boissons alcooliques propo-
sées dans un local séparé de celui contenant la caisse du
distributeur de carburant et interdire simultanément la con-
sommation d'alcool aux abords des stations-service concer-
nées. Il aurait par ailleurs dû soumettre à des régimes dif-
férents celles se trouvant dans une communauté urbaine, à
proximité d'autres commerces munis d'une licence d'alcool,
et
celles isolées situées aux abords d'un grand axe routier. En-
fin, l'autorité intimée aurait omis de rechercher des solu-
tions permettant de rendre la législation litigieuse moins
restrictive et mieux adaptée aux différents types de sta-
tions-service.

4.- a) Le délai permettant de requérir le contrôle
abstrait de l'art. 6 al. 1 LAub est échu (cf. art. 89 OJ;
ATF
121 I 291 consid. 1b p. 293 et la jurisprudence citée). Sa
constitutionnalité ne peut dès lors être examinée qu'à titre
préjudiciel (contrôle concret) (sur ces deux types de contrô-
les, cf. ATF 113 Ia 257 consid. 3b p. 261). Si cette norme
s'avérait inconstitutionnelle, le Tribunal fédéral n'aurait
pas la possibilité, formellement, de remettre en question sa
validité mais pourrait uniquement annuler la décision qui
l'applique (cf. ATF 121 I 102 consid. 4 p. 103-104; Revue
fiscale 54/1999 p. 740 consid. 3a p. 742 et les références
citées).

b) aa) Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique
est garantie (al. 1); elle comprend notamment le libre choix
de la profession, le libre accès à une activité économique
lucrative privée et son libre exercice (al. 2).

Cette liberté protège toute activité économique pri-
vée, exercée à titre professionnel et tendant à la
production
d'un gain ou d'un revenu (cf. Message du Conseil fédéral du
20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédéra-
le, in FF 1997 I p. 1 ss [cité: Message], p. 176; Andreas
Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitution-
nel suisse, Vol. II, Berne 2000, n. 584 p. 307; Jörg Paul
Müller, Grundrechte in der Schweiz, 3ème éd. Berne 1999, p.
644), telle l'exploitation d'une station-service.

bb) Aux termes de l'art. 36 Cst., toute restriction
d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale;
les restrictions graves doivent être prévues par une loi;
les
cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés (al.
1); toute restriction d'un droit fondamental doit être justi-
fiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit
fondamental d'autrui (al. 2); toute restriction d'un droit

fondamental doit être proportionnée au but visé (al. 3);
l'essence des droits fondamentaux est inviolable (al. 4).

Les restrictions cantonales à la liberté économique
peuvent consister en des mesures de police ou d'autres mesu-
res d'intérêt général tendant à procurer du bien-être à l'en-
semble ou à une grande partie des citoyens ou à accroître ce
bien-être, telles des mesures sociales ou de politiques so-
ciales. Ces restrictions ne doivent toutefois pas se fonder
sur des motifs de politique économique et intervenir dans la
libre concurrence pour favoriser certaines formes d'exploita-
tion en dirigeant l'économie selon un certain plan, à moins
qu'elles ne soient prévues par une disposition constitution-
nelle spéciale ou fondées sur les droits régaliens des can-
tons (cf. art. 94 al. 4 Cst.; Message p. 300-301; Auer/Malin-
verni/Hottelier, op. cit., n. 684 ss p. 351 ss; Müller, op.
cit., p. 656-668).

c) aa) L'art. 6 LAub a la teneur suivante:

"La vente de boissons alcooliques est interdite dans
les stations-service, les kiosques et les cantines
scolaires.

Le Service des arts et métiers et du travail peut
accorder des dérogations à cette interdiction aux
conditions fixées dans une ordonnance du Gouverne-
ment."

Dans son message concernant notamment cette dispo-
sition, le Gouvernement jurassien a indiqué qu'elle visait
avant tout - comme cela était le cas sur les autoroutes - à
empêcher que les automobilistes puissent acquérir des bois-
sons alcooliques avant de prendre le volant. En certaines
circonstances toutefois, cette interdiction devait être le-
vée, notamment si l'unique magasin d'un village était lié à
une station-service (cf. Journal des débats du Parlement de
la République et canton du Jura, séance du 18 février 1998,
p. 68).

bb) L'art. 6 de l'ordonnance du Gouvernement juras-
sien du 30 juin 1998 sur l'hôtellerie, la restauration et le
commerce de boissons alcooliques (Ordonnance sur les auber-
ges; ci-après: OAub) dispose:

" Le Service des arts et métiers et du travail (...)
peut autoriser la vente de boissons alcooliques
dans
une station-service ou dans un kiosque tant et
aussi
longtemps qu'il s'agit du seul point de vente au dé-
tail de la localité et que les heures d'ouverture
sont comprises entre 6 et 19 heures."

5.- a) Il est indubitable que, même si elle est une
personne morale, la recourante est titulaire de la liberté
économique garantie par l'art. 27 Cst. (cf. Müller, op.
cit.,
p. 653). Il est en outre incontesté que l'art. 6 al. 1 LAub
prévoit une restriction à cette liberté qui repose sur une
base légale formelle. Reste à examiner si cette restriction
est justifiée par un intérêt public et respecte le principe
de la proportionnalité (cf. art. 36 al. 2 et 3 Cst.), ce que
l'intéressée conteste.

b) Comme l'a relevé à bon droit l'arrêt attaqué, et
ainsi que cela ressort des travaux préparatoires, l'inter-
diction de vendre des boissons alcooliques prescrite par
l'art. 6 al. 1 LAub est une mesure de police (cf. consid.
4b/bb ci-dessus) qui vise à garantir la sécurité du trafic
routier en prévenant la consommation d'alcool au volant (cf.
dans la même sens ATF 109 Ib 285 consid. 4b p. 295 et 4c p.
296; Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., n. 686 p. 351).
Elle est dès lors justifiée par un intérêt public. A cet
égard, l'autorité intimée pouvait se référer à l'arrêt non
publié précité rendu le 18 mai 1999 par le Tribunal fédéral
qui arrivait à la même conclusion s'agissant de l'interdic-
tion de vendre des boissons alcooliques dans les stations-

service sises dans le canton de Vaud. En effet, même si le
droit vaudois prévoit des exceptions plus généreuses que cel-

les instituées par le droit jurassien, l'intérêt public pour-
suivi par ces deux réglementations cantonales est identique.

c) aa) Le principe de la proportionnalité se compose
traditionnellement des règles d'aptitude - qui exige que le
moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de néces-
sité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choi-
sisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts
privés -, et de proportionnalité au sens étroit - qui met en
balance les effets de la mesure choisie sur la situation de
l'administré et sur le résultat escompté du point de vue de
l'intérêt public (cf. ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 et la
jurisprudence citée).

bb) Contrairement à ce que pense la recourante,
l'interdiction prescrite par l'art. 6 al. 1 LAub est propre
à
atteindre le but d'intérêt public poursuivi par le législa-
teur, soit la prévention de la consommation d'alcool au vo-
lant en vue de garantir la sécurité du trafic routier. Il
n'est en effet pas douteux qu'une partie importante de la
clientèle des stations-service est constituée d'usagers de
la
route en déplacement. A cet égard, l'intéressée ne peut sé-
rieusement prétendre que l'interdiction prévue n'a "aucune
incidence sur la sécurité routière". Elle affirme en outre
que l'arrêt attaqué se serait trompé en retenant que l'essen-
tiel de la clientèle d'une station-service est composée de
personnes achetant du carburant; elle ne démontre toutefois
nullement en quoi l'opinion de l'autorité intimée serait er-
ronée (cf. art. 90 al. 1 lettre b OJ). Par ailleurs, le fait
que la vente de boissons alcooliques est autorisée, ou en
voie de l'être, dans presque tous les cantons et dans les
pays voisins n'affecte en rien l'efficacité de
l'interdiction
litigieuse. Il n'est pas non plus déterminant que, comme le
soutient la recourante, le problème de l'alcool au volant
soit "inhérent aux activités sociales où il existe une con-
sommation d'alcool et qui sont fréquentées par des personnes

motorisées". En effet, même si en interdisant l'achat d'al-
cool dans les stations-service, le problème général de la
consommation d'alcool au volant n'est pas entièrement
résolu,
il ne fait pas de doute que cette mesure contribue à
prévenir
au moins une partie de cette consommation et augmente ainsi
la sécurité routière. Certes, comme le relève l'intéressée,
le droit jurassien aurait pu, à l'instar du droit vaudois,
autoriser la vente de boissons alcooliques dans un local dis-
tinct de celui contenant la caisse du distributeur de carbu-
rant. Une telle solution aurait effectivement été moins inci-
sive que celle retenue par la réglementation litigieuse;
elle
aurait toutefois permis de déroger facilement à l'interdic-
tion de principe instituée, de sorte que l'on peut se deman-
der si cette dernière ne serait alors pas devenue purement
illusoire. Le fait que le droit jurassien préfère une solu-
tion plus restrictive - qui admet cependant des exceptions
(cf. art. 6 OAub) - ne suffit pas à rendre celle-ci dispro-
portionnée. Au contraire, comme la jurisprudence a déjà eu
l'occasion de l'indiquer, une interdiction - même absolue,
comme c'est le cas sur les autoroutes (cf. art. 4 al. 3 de
l'ordonnance du Conseil fédéral du 18 décembre 1995 sur les
routes nationales [ORN; RS 725.111]) - paraît raisonnable
par
rapport au but d'intérêt public poursuivi (cf. arrêt non pu-
blié précité du 18 mai 1999, consid. 2b; ATF 109 Ib 285 con-
sid. 5 p. 297). En conséquence, l'autorité intimée n'avait
pas à rechercher spontanément des alternatives moins rigou-
reuses à la réglementation litigieuse.

d) Force est dès lors de constater que l'art. 6 al.
1 LAub est justifié par un intérêt public et respecte le
principe de la proportionnalité (cf. art. 36 al. 2 et 3
Cst.), ce qui conduit au rejet, dans la mesure où ils sont
recevables, des griefs soulevés par la recourante.

6.- a) Cette dernière soutient que l'art. 6 al. 1
LAub crée une inégalité de traitement entre concurrents di-

rects, soit entre "commerçants" autorisés à vendre de l'al-
cool et exploitants de stations-service.

b) Selon le principe de l'égalité de traitement en-
tre personnes appartenant à la même branche économique, les
mesures qui causent une distorsion de la compétition entre
concurrents directs, c'est-à-dire qui ne sont pas neutres
sur
le plan de la concurrence, sont interdites. On entend par
concurrents directs, les membres de la même branche, qui
s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satis-
faire les mêmes besoins (cf. Auer/Malinverni/Hottelier, op.
cit., n. 695 ss p. 356 ss; Müller, op. cit., p. 649-650).

c) L'intéressée ne précise pas quels sont les "com-
merçants" qu'elle estime être en concurrence directe avec
les
exploitants de stations-service. S'il s'agit des tenanciers
d'établissements publics, il apparaît d'emblée qu'ils ne
sont
pas dans un rapport de concurrence directe avec lesdits ex-
ploitants. Il est en effet manifeste qu'ils ne s'adressent
pas au même public, avec les mêmes offres pour satisfaire
aux
mêmes besoins. Il en va de même s'il s'agit des
propriétaires
de magasins d'alimentation, une station-service étant desti-
née en priorité à la vente de carburant aux conducteurs de
véhicules à moteur et non pas à l'approvisionnement général
de la population en denrées alimentaires. En outre, même si,
comme le prétend la recourante, la vente d'aliments
constitue
une activité non négligeable des stations-service
"modernes",
le fait que ces dernières offrent en partie les mêmes pres-
tations que des magasins d'alimentation ne suffirait pas en-
core à les placer dans un rapport de concurrence directe
dans
la mesure où ces deux types de commerces ne relèvent pas du
même secteur économique (Gewerbekategorie) pour leur
activité
principale (cf. dans ce sens ATF 120 Ia 236 consid. 2b p.
239
et les références citées; cf. également Patrick
Schönbächler,
Wettbewerbsneutralität staatlicher Massnahmen, thèse Zurich
1998, p. 192-193).

d) Selon la société, les stations-service sises dans
une communauté urbaine, à proximité d'autres commerces munis
de licence d'alcool, devraient être traités différemment de
celles situées en rase campagne aux abords d'un grand axe
routier; leur clientèle serait en effet "totalement" diffé-
rente. Elle ne démontre toutefois pas le bien-fondé de cette
dernière affirmation (cf. art. 90 al. 1 lettre b OJ) qui
seul
permettrait de justifier le système qu'elle préconise au re-
gard du principe de l'égalité de traitement entre
concurrents
directs.

e) Enfin, l'intéressée prétend en vain que le légis-
lateur cantonal n'offrirait pas les mêmes droits à un
"centre
commercial comprenant une station-service (exemple: Centre
M.________ de C.________) et [à] une station-service ratta-
chée à un magasin d'une certaine importance". En effet, le
droit cantonal n'institue aucune différence de traitement en-
tre les stations-service, selon qu'elles sont ou non ratta-
chées à un centre commercial (cf. art. 6 al. 1 LAub). Il au-
torise uniquement la vente d'alcool par celles qui consti-
tuent le seul point de vente au détail d'une localité et res-
pectent certaines heures d'ouverture (cf. art. 6 OAub). La
recourante ne critique pas le bien-fondé de cette exception.
En outre, dans la mesure où elle ferait allusion à des sta-
tions-service autorisées à vendre des boissons alcooliques
sans toutefois satisfaire aux conditions posées pour bénéfi-
cier de ladite exception, elle n'établit ni quelles seraient
ces stations-service, ni que les autorités jurassiennes
souhaiteraient maintenir à l'avenir une telle pratique illé-
gale (cf. ATF 125 II 152 consid. 5 p. 166; 122 II 446
consid.
4a p. 451-452).

7.- Mal fondé, le présent recours doit être rejeté
dans la mesure où il est recevable.

Succombant, l'intéressée supporte les frais judi-
ciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à
des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re de la recourante, au Service des arts et métiers et du
travail ainsi qu'à la Chambre administrative du Tribunal can-
tonal du canton du Jura.

_________

Lausanne, le 25 juillet 2000
DBA/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.84/2000
Date de la décision : 25/07/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-25;2p.84.2000 ?
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