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24/07/2000 | SUISSE | N°5C.37/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 juillet 2000, 5C.37/2000


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5C.37/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

24 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me
François Chaudet, avocat à Lausanne,

et

X.________, Société suisse d'assurances sur la vie SA,
défenderesse et intimée;

(nantissement de prétentions d'assurance)


Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________ a conclu auprès de X.________,
Société ...

«»
5C.37/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

24 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me
François Chaudet, avocat à Lausanne,

et

X.________, Société suisse d'assurances sur la vie SA,
défenderesse et intimée;

(nantissement de prétentions d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________ a conclu auprès de X.________,
Société suisse d'assurances sur la vie SA (ci-après:
X.________), une police d'assurance sur la vie n° ...'...
qui
comprenait plusieurs assurances, à savoir une assurance tem-
poraire en cas de décès avec capital décroissant et deux as-
surances temporaires complémentaires: la première libérait
le
preneur du paiement des primes en cas d'incapacité de gain
par suite de maladie ou d'accident pendant une certaine pé-
riode, et la seconde lui assurait une rente d'invalidité
d'un
montant annuel de 30'000 fr. en cas d'incapacité de travail
par suite de maladie ou d'accident durant la même période.

Par lettre du 8 avril 1991 adressée à la Banque
Z.________ de Monthey (Z.________; actuellement: Y.________
SA), le preneur a notamment déclaré mettre en gage par nan-
tissement "la police risque pur n° ...'... de X.________",
pour garantir un crédit. En annexe à ce courrier, il a remis
à la banque l'original de la police.

Le 11 avril 1991, ladite banque a accusé réception
de la "police d'assurance risque-décès avec capital décrois-
sant, de 200'000 fr. à l'origine souscrite par [P.________]
auprès de la X.________ ...". Elle a informé l'assurance du
nantissement de la police n° ...'... le 1er septembre 1992.

Par courrier du 4 août 1993, P.________ a requis de
X.________ le paiement des prestations d'invalidité aux-
quelles il estimait avoir droit. Invoquant la lettre
adressée
par lui à la Z.________ de Monthey le 8 avril 1991, l'assu-
rance a versé de son propre chef les prestations demandées à
la banque. Dès le 22 août 1996, les versements ont été consi-
gnés conformément à l'art. 906 al. 2 et 3 CC.

A la réquisition de P.________, l'Office des pour-
suites de Nyon a notifié à X.________, le 26 juin 1996, un
commandement de payer les sommes de 143'266 fr. plus
intérêts
à 5% dès le 1er janvier 1996 et de 12'134 fr. sans intérêts.
Le poursuivant mentionnait comme cause de l'obligation, pour
le premier montant, les versements effectués à tort auprès
de
la Z.________, et pour le second, les "intérêts calculés".
X.________ a fait opposition totale à cette poursuite.

Le 19 septembre 1996, le poursuivant a requis la
mainlevée de l'opposition. Par prononcé du 19 novembre 1996,
le président du Tribunal du district de Nyon a rejeté la re-
quête et dit que l'opposition était maintenue. Le recours
formé par le poursuivant contre ce prononcé a été rejeté par
la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du
canton de Vaud le 17 avril 1997.

B.- Le 20 juin 1997, P.________ a intenté action
devant la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de
Vaud.
Il a conclu à ce que X.________ soit reconnue comme sa débi-
trice et à ce qu'elle soit condamnée à lui payer immédiate-
ment la somme de 143'266 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le
1er janvier 1996, ainsi qu'un montant de 12'134 fr. sans in-
térêts. Il a de plus requis la levée définitive de l'opposi-
tion formée au commandement de payer n° ....... de l'Office
des poursuites de Nyon, libre cours étant laissé à cette
poursuite. La défenderesse a conclu à libération.

Par jugement du 10 décembre 1999, la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté les conclusions
prises par le demandeur.

C.- P.________ exerce un recours en réforme au Tri-
bunal fédéral contre le jugement précité, en reprenant ses
conclusions de première instance.

Une réponse n'a pas été requise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile - compte tenu de la
suspension des délais prévue à l'art. 34 al. 1 let. c OJ -
contre une décision finale prise en dernière instance canto-
nale (cf. art. 451a LPC vaud.), dans une contestation civile
dont la valeur dépasse manifestement 8'000 fr., le recours
est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- Il convient en premier lieu d'examiner si, comme
le soutient le recourant, la mise en gage de son assurance
complémentaire en cas d'incapacité de travail constitue un
engagement financier excessif et doit être considérée comme
nulle, en application des art. 27 al. 2 CC et 20 CO.

Contrairement à la plupart des lois d'assurances so-
ciales (cf. art. 20 al. 1 LAVS, 50 LAI), la loi sur le con-
trat d'assurance (LCA; RS 221.229.1) permet en principe la
cession ou la mise en gage des droits découlant des assuran-
ces privées (Alfred Maurer, Privatversicherungsrecht, p.
391). Le recourant soutient dès lors à tort que la mise en
gage des droits résultant de l'assurance complémentaire en
cause serait dans tous les cas contraire à l'art. 27 al. 2
CC. Selon la jurisprudence, une restriction contractuelle de
la liberté économique n'est considérée comme excessive au re-
gard de cette disposition que si elle livre celui qui s'est
obligé à l'arbitraire de son cocontractant, supprime sa li-
berté économique ou la limite dans une mesure telle que les
bases de son existence économique sont mises en danger (ATF
123 III 337 consid. 5 p. 345; 114 II 159 consid. 2a et les
arrêts cités). Or, on ne saurait affirmer de façon générale
que le nantissement d'une assurance en cas d'incapacité de
gain constitue une telle restriction. Dans un arrêt publié
aux ATF 77 II 161, le Tribunal fédéral n'a d'ailleurs pas

considéré comme contraire aux droits de la personnalité la
cession de prestations pour cause d'invalidité résultant
d'un
contrat d'assurance-accident. En l'espèce, la cour cantonale
a retenu que l'assuré percevait une rente de l'assurance-
invalidité au taux de 50%; de plus, il n'avait ni établi, ni
même allégué que le défaut de versement des prestations liti-
gieuses porterait atteinte à son minimum vital. Le nantisse-
ment de son assurance perte de gain est donc en principe
admissible.

3.- Le recourant soutient que le contrat de gage n'a
pas été valablement conclu, faute d'accord sur tous les élé-
ments essentiels de celui-ci. En effet, l'arrêt entrepris ne
mentionnerait que l'existence d'un "crédit", sans autres pré-
cisions. La créance garantie n'aurait dès lors pas été suffi-
samment déterminée ou déterminable au moment de la signature
de l'acte.

Cette argumentation juridique n'a pas été discutée
dans le jugement entrepris. Or, selon une jurisprudence cons-
tante, le recours en réforme ne peut comporter des moyens de
droit nouveaux que s'ils déduisent des conséquences juridi-
ques de faits régulièrement soumis à l'appréciation de l'au-
torité cantonale et constatés par elle dans la décision atta-
quée (arrêt du Tribunal fédéral du 15 janvier 1986 dans la
cause P. c/ S., in RSPI 1986 p. 325, consid. 3 p. 327 s.;
ATF
107 II 465 consid. 6a p. 472; 90 II 34 consid. 7 p. 41 et
les
arrêts cités; J.-F. Poudret, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, n. 1.5.2.5. ad art. 55). Ces con-
ditions ne sont pas réalisées en l'espèce. En effet, le juge-
ment déféré - selon lequel les parties s'accordent sur le
fait qu'un contrat d'assurance a valablement été passé entre
elles - ne contient pas la moindre constatation qui permet-
trait de vérifier s'il y a eu ou non accord des parties sur
ce point. Le recourant ne saurait toutefois utiliser cet ar-
gument - la désignation insuffisamment explicite de la créan-

ce garantie - pour mettre en cause la validité du contrat de
gage, dès lors que cette question n'a fait l'objet d'aucune
allégation ni offre de preuve de sa part en instance cantona-
le; le recourant ne prétend d'ailleurs pas que le jugement
soit lacunaire à cet égard (art. 55 et 64 al. 1 let. d OJ).
Sur ce point, le recours apparaît ainsi irrecevable. Au de-
meurant, le recourant précise lui-même que, selon sa lettre
à
la Z.________ du 8 avril 1991, le nantissement était destiné
à garantir un crédit accordé par compte courant n°.......;
or, s'agissant d'un tel compte, la garantie porte en
principe
sur le solde négatif de celui-ci, plus les accessoires (cf.
ATF 120 II 35 consid. 5). Enfin, dans la mesure où le recou-
rant affirme que la garantie porterait aussi sur toutes cré-
ances futures que la banque pourrait avoir contre lui, ce
qui
serait contraire aux moeurs, ses allégations portent sur des
faits qui ne ressortent pas du jugement cantonal et qui ne
peuvent dès lors être pris en compte (art. 63 al. 2 OJ).

4.- Le recourant prétend aussi qu'il n'y a pas eu
accord concordant des parties sur le nantissement de l'assu-
rance perte de gain. Invoquant le principe de la confiance,
il se réfère à son courrier à la Z.________ du 8 avril 1991,
dans lequel il a déclaré mettre en gage la police "risque
pur" n° ...'..., et à l'accusé de réception de la banque,
qui
utilise les termes d'assurance "risque-décès".

L'autorité cantonale a considéré sur ce point que
l'expression "risque pur" est utilisée dans le domaine des
assurances sur la vie pour distinguer les polices
d'assurance
en cas de décès sans épargne et celles, dites "mixtes", dans
lesquelles le risque de décès est assuré en parallèle avec
un
plan d'épargne, et non pour distinguer les assurances-vie
des
assurances en cas de perte de gain. L'emploi des mots
"risque
pur" n'avait dès lors pas pour effet d'exclure les
assurances
complémentaires. De plus, le demandeur avait remis à la ban-
que la police n° ...'... dans son entier; or, sur la
première

page de cette police, il était notamment mentionné que l'as-
surance complémentaire en cas de maladie et d'invalidité en
faisait partie intégrante. Dès lors, si le demandeur avait
réellement eu l'intention de limiter le gage à la seule assu-
rance en cas de décès, il aurait dû l'expliciter plus claire-
ment.

Cette opinion doit être confirmée. Contrairement à
ce que soutient le recourant, on pouvait en effet attendre
de
lui, bien qu'il ne soit pas un spécialiste des assurances,
qu'en tant que notaire habitué à rédiger des actes juridi-
ques, il exprime sa volonté de manière précise; ce d'autant
plus que les différentes assurances conclues avec l'intimée
étaient contenues dans un livret relié, qui a de ce fait été
intégralement remis à la banque. Que celle-ci ait utilisé
les
termes "risque-décès", et non pas "perte de gain" dans son
accusé de réception ne permet pas non plus d'affirmer que
l'accord excluait le nantissement des assurances complémen-
taires. L'interprétation des déclarations des parties faite
par la cour cantonale est conforme au principe de la confian-
ce et ne viole nullement le droit fédéral (sur le principe
de
la confiance: cf. ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308/309, 435
consid. 2a/aa p. 436/437 et les arrêts cités; sur son contrô-
le dans un recours en réforme: cf. ATF 125 III 305 consid.
2b
p. 308 et les références).

5.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art.
156 al. 1 OJ), et le jugement entrepris confirmé. Il n'y a
pas lieu d'allouer des dépens, une réponse n'ayant pas été
requise.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme le jugement entrepris.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 5'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 24 juillet 2000
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.37/2000
Date de la décision : 24/07/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-24;5c.37.2000 ?
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