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24/07/2000 | SUISSE | N°1P.215/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 juillet 2000, 1P.215/2000


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1P.215/2000
1P.319/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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24 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Favre. Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur les recours de droit public
formés par

la Banque cantonale vaudoise, à Lausanne, représentée par Me
Jacques Haldy, avocat à Lausanne,

contre

les arrêts rendus le 9 mars et le 20 avril 2000 par le Tribu-
nal d'accusation d

u Tribunal cantonal du canton de Vaud dans
la cause opposant la recourante aux époux B.________, repré-
sentés par Me R...

«»

1P.215/2000
1P.319/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

24 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Favre. Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur les recours de droit public
formés par

la Banque cantonale vaudoise, à Lausanne, représentée par Me
Jacques Haldy, avocat à Lausanne,

contre

les arrêts rendus le 9 mars et le 20 avril 2000 par le Tribu-
nal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans
la cause opposant la recourante aux époux B.________, repré-
sentés par Me Robert Lei Ravello, avocat à Lausanne, à
S.________, représenté par Me Ralph Schlosser, avocat à
Lausanne, à C.________, représenté par Me Marc Lironi,
avocat
à Genève, et au Juge d'instruction de l'arrondissement de La
Côte;

(Art. 5, 9 et 49 Cst.; 87 OJ;
séquestre dans la procédure pénale cantonale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les époux B.________ ont fondé, en 1992, la so-
ciété D.________ , dont ils détenaient l'entier du capital-
actions de 100'000 fr., divisé en 1000 actions nominatives
de
100 fr. En 1994, ils ont changé la raison sociale de cette
société qui est devenue X.________, dont ils étaient les ac-
tionnaires et les administrateurs.

Le 5 septembre 1994, la Banque cantonale vaudoise
(ci-après: la Banque) a augmenté le compte de crédit ouvert
au nom des époux B.________ de 3'250'000 fr. à 3'700'000 fr.
En contrepartie, la Banque a exigé la remise en gage, par la
société A.________ dont les époux B.________ étaient les ac-
tionnaires et les administrateurs, de la totalité du capital-
actions de X.________. Conformément à cet accord, les époux
B.________ ont remis à la Banque, en janvier 1995, un certi-
ficat d'actions n° 1, correspondant à 900 actions portant
les
n° 1 à 900, dont dame B.________ était la propriétaire et un
certificat d'actions n° 2, correspondant à 100 actions, por-
tant les n°s 901 à 1000, dont B.________ était le
propriétaire. Ces conditions ont été renouvelées le 8 mars
1995.

En 1996, les époux C.________ ont accepté de repren-
dre une partie du capital-actions de X.________ et d'entrer
dans le Conseil d'administration.

Le 31 octobre 1996, X.________ a changé de raison
sociale pour s'appeler désormais Y.________. Le capital-
actions de 100'000 fr. était divisé en 1000 actions nomina-
tives d'une valeur de 100 fr. chacune. Les époux B.________,
d'une part, et les époux C.________, d'autre part, ont passé
une convention, le 28 juillet 1997, selon laquelle les époux
B.________ cédaient aux époux C.________ 500 actions nomina-
tives entièrement libérées de Y.________ (art. 1 de la con-

vention). Ces actions, portant les n°s 501 à 1000 étaient re-
présentées par huit certificats d'actions. Le prix de vente,
fixé à 150'000 fr., devait être réglé en trois versements de
50'000 fr. chacun, le premier à la signature de la conven-
tion, le deuxième le 30 septembre 1997 au plus tard, le troi-
sième le 30 novembre 1997 au plus tard (art. 2 de la conven-
tion). Il a été convenu de déposer les actions cédées auprès
de la fiduciaire S.________; 150 actions seraient remises
après la conclusion de la convention, 150 actions après le
paiement de la deuxième partie du prix de vente et 200 ac-
tions après le paiement du solde du prix (art. 3 de la con-
vention). Si l'acquéreur ne versait pas les deuxième et troi-
sième parties du prix de vente, les actions seraient resti-
tuées dans un délai d'un mois au vendeur ou à leurs ayants
droit, l'acquéreur devant en outre s'acquitter d'une indem-
nité de 5000 fr. par tranche d'actions (art. 5 de la conven-
tion).

C.________ a reçu, après la conclusion de la conven-
tion, deux certificats d'actions correspondant à 150 actions
désignées par les n°s 726 à 800 et 501 à 575. Le 10 octobre
1997, il a versé aux époux B.________ un montant de 25'000
fr. En raison de difficultés financières, il n'a pu verser
le
solde dû, soit 75'000 fr., dans les délais prévus par la
convention.

Le 4 juin 1998, la Banque a accordé à A.________ un
crédit d'un montant de 500'000 fr. En contrepartie, les
époux
B.________ ont dû remettre en nantissement 1000 actions nomi-
natives de Y.________, à raison de 900 actions par dame
B.________ et 100 actions par B.________, ces titres étant
transférés du compte afférent au crédit accordé le 5 septem-
bre 1994. Les époux B.________ ont remis à la Banque huit
certificats d'actions, portant les n°s 1, 2, 4, 5, 7, 8, 9
et
10, correspondant à 850 actions portant les n°s 1 à 250, 251
à 500, 576 à 650, 651 à 725, 801 à 875, 876 à 950, 951 à 975
et 976 à 1000. Samuel B.________ était désigné comme proprié-
taire du certificat n° 1, dame B.________ comme propriétaire
du certificat n° 2, C.________ comme propriétaire des
certificats n°s 4, 5 et 9, et dame C.________ comme
propriétaire des certificats n°s 7, 8 et 10.

Ayant appris, le 18 août 1998, que les époux
B.________ lui avaient vendu des actions de X.________ alors
que celles-ci étaient remises en gage à la Banque, sans
l'avertir de ce fait, C.________ a, le 3 septembre 1998, dé-
posé plainte pénale contre eux, ainsi qu'à l'encontre de
S.________, notamment pour escroquerie, abus de confiance,
faux dans les titres et gestion déloyale.

Le 31 mars 1999, le Juge d'instruction de La Côte a
reconnu à la Banque la qualité de partie civile à la procé-
dure.

Le 6 janvier 2000, C.________ a requis le Juge
d'instruction d'ordonner la saisie conservatoire des titres
et garanties détenus par la Banque. Le 11 janvier 2000, le
Juge d'instruction a rejeté cette requête.

Le 9 mars 2000, le Tribunal d'accusation du Tribunal
du canton de Vaud a admis le recours formé par C.________
contre cette décision qu'il a annulée. Le Tribunal d'accusa-
tion a estimé le séquestre justifié notamment pour clarifier
le dommage que la Banque prétendait avoir subi par le fait
que le prix de vente des actions litigieuses ne lui avait
pas
été reversé. Il a invité le Juge d'instruction à procéder
dans ce sens.

B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
la Banque cantonale vaudoise demande au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt du 9 mars 2000 (procédure 1P.215/2000).
Elle invoque les art. 5, 9 et 49 Cst.

Le Tribunal d'accusation se réfère à son arrêt. Le
Juge d'instruction a renoncé à se déterminer. C.________ con-
clut au rejet du recours. Les intimés B.________ et
S.________ n'ont pas produit d'observations.

C.- Le 15 mars 2000, le Juge d'instruction a ordonné
"le séquestre en mains de la Banque cantonale vaudoise des
deux certificats d'actions n°s 1 et 2, pour respectivement
900 et 100 actions nominatives de Y.________ S.A.
(anciennement X.________)".

Par arrêt du 20 avril 2000, le Tribunal d'accusation
a rejeté le recours formé par la Banque contre cette déci-
sion, en se référant à son arrêt du 9 mars 2000.

D.- Agissant par la voie du recours de droit public,
la Banque cantonale vaudoise demande au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt du 20 avril 2000 (procédure 1P.319/2000).
Elle invoque les art. 5, 9 et 49 Cst.

Il n'a pas été demandé de réponse à ce recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Les deux recours émanent de la même personne mo-
rale. Ils sont dirigés contre deux décisions concernant le
même aspect de la même procédure pénale mettant aux prises
les mêmes parties. Il se justifie de joindre les procédures
et de statuer par un seul arrêt (cf. ATF 113 Ia 390 consid.
1
p. 394).

2.- a) Selon l'art. 87 OJ dans sa teneur du 8 octo-
bre 1999, entrée en vigueur le 1er mars 2000 (RO 2000 p. 416-
418), le recours de droit public est recevable contre les dé-

cisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et
sur
les demandes de récusation, prises séparément; ces décisions
ne peuvent être attaquées ultérieurement (al. 1); le recours
de droit public est recevable contre d'autres décisions pré-
judicielles et incidentes prises séparément s'il peut en ré-
sulter un dommage irréparable (al. 2); lorsque le recours de
droit public n'est pas recevable selon l'art. 87 al. 2 OJ ou
qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et
incidentes peuvent être attaquées avec la décision finale
(al. 3).

La novelle du 8 octobre 1999 a pour effet d'étendre
le champ d'application de l'art. 87 OJ à tous les recours de
droit public formés contre des décisions préjudicielles et
incidentes, alors que l'ancien art. 87 OJ s'appliquait uni-
quement aux recours formés pour la violation de l'art. 4
aCst. (Message du 11 août 1999, FF 1999 p. 7145, p. 7160).

b) Le litige porte sur le séquestre, auprès de la
recourante, des certificats d'actions n°s 1 et 2,
correspondant à l'entier des actions de Y.________, selon la
décision du Juge d'instruction du 15 mars 2000, conformément
aux arrêts des 9 mars et 20 avril 2000. Ce séquestre ne met
pas fin à la procédure pénale et présente, partant, un
caractère incident (cf. ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327; 122
I 39 consid. 1a/aa p. 41; 120 Ia 369 consid. 1b p. 372, et
les arrêts cités).

c) Le dommage irréparable mentionné à l'art. 87 OJ
s'entend exclusivement d'un dommage juridique qui ne peut
pas
être réparé ultérieurement, notamment par le jugement final
(ATF 122 I 39 consid. 1a/bb p. 42; 117 Ia 247 consid. 3, p.
249, 396 consid. 1 p. 398; 115 Ia 311 consid. 2c p. 314); en
revanche, il n'y a pas lieu de prendre en considération un
dommage de fait, tel que celui lié à la longueur ou au coût
de la procédure (ATF 122 I 39 consid. 1a/bb p. 42; 117 Ia
251
consid. 1b p. 253/254; 115 Ia 311 consid. 2c p. 314).

Selon la jurisprudence relative à l'art. 87 OJ dans
son ancienne teneur - et dont il n'y a pas lieu de se dépar-
tir sous l'empire du nouveau droit - le séquestre cause un
dommage irréparable au sens de l'art. 87 OJ à la personne
privée temporairement de la libre disposition des objets ou
avoirs séquestrés (ATF 89 I 185 consid. 4 p. 187; cf. aussi
ATF 118 II 369 consid. 1 p. 371; 108 II 69 consid. 1 p. 71;
103 II 119 consid. 1 p. 122, ainsi que l'arrêt P. du 23 juin
2000, destiné à la publication, consid. 1b).

d) Il reste à examiner si, en l'absence de séques-
tre, la recourante pouvait disposer effectivement et libre-
ment des certificats d'actions litigieux. Elle ne peut pré-
tendre à cet égard faire usage d'un droit de propriété, puis-
que la constitution du nantissement ne change rien au fait
que les époux B.________ ou leurs ayants droit sont restés
propriétaires des actions gagées (cf. art. 894 al. 2 CC;
Thomas Bauer, Basler Kommentar, N.2 ad Art. 884; Urs Philipp
Roth, Pfandrechte in der Praxis der Banken, in: Mobiliar-
sicherheiten, Berner Bankrechtstag 1998, Berne, p. 137 ss,
143/144, 149). La Banque n'a sur celles-ci aucun pouvoir de
disposition, mais seulement la faculté de faire réaliser le
droit de propriété du constituant, aux conditions prévues
par
l'art. 891 al. 1 CC. Sans doute les conditions générales
liées au nantissement (cf. à ce sujet: Bénédict Foëx,
Sûretés
bancaires et droits réels, in: Sûretés et garanties bancai-
res, Cedidac n° 33, Lausanne, 1997, p. 121ss, 132/133; cf.
119 II 344) prévoient-elles, en dérogation à l'art. 891 al.
1
CC, que "si, nonobstant sommation par lettre recommandée ou,
en cas d'urgence, par tout moyen qu'elle jugera approprié,
le
débiteur n'exécute pas son obligation, la Banque a le droit,
même si sa créance n'est pas encore exigible, de réaliser
tout ou partie des gages" (ch. 7 des conditions générales).
Mais la recourante ne prétend pas toutefois, avoir pris, ni
même envisagé, de telles mesures. Ainsi, on ne discerne pas
concrètement en quoi le séquestre contesté limiterait un pou-
voir de disposition dont la recourante pourrait actuellement
se prévaloir. Faute d'un tel dommage juridique irréparable,
les recours sont irrecevables au regard de l'art. 87 al. 2
OJ.

3.- Les frais sont mis à la charge de la recourante
qui succombe (art. 156 al. 1 OJ), ainsi que les dépens al-
loués à l'intimé C.________, qui a conclu au rejet du
recours
dirigé contre l'arrêt du 9 mars 2000 (art. 159 al. 1 OJ). Il
n'y a pas lieu d'allouer des dépens pour le surplus.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Joint les causes 1P.215/2000 et 1P.319/2000.

2. Déclare les recours irrecevables.

3. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire global de 5000 fr.

4. Dit que la recourante versera à l'intimé
C.________ une indemnité de 1000 fr. à titre de dépens, pour
la procédure 1P.215/2000.

5. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens pour le sur-
plus.

6. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Juge d'instruction de
l'arrondissement
de La Côte et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.

Lausanne, le 24 juillet 2000
ZIR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.215/2000
Date de la décision : 24/07/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-24;1p.215.2000 ?
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