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20/07/2000 | SUISSE | N°C.398/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juillet 2000, C.398/99


«»
C 398/99 Kt

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Widmer et Meyer; Addy, Greffier

Arrêt du 20 juillet 2000

dans la cause

F.________, recourant, représenté par B.________,

contre

Caisse de chômage du Syndicat interprofessionnel de tra-
vailleuses et travailleurs (SIT), rue des Chaudronniers 16,
Genève, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- Depuis le 1e

r janvier 1983, F.________ travaillait
comme vendeur au service de la société coopérative
M.________. Par lettre du 13 mai 1998, il a r...

«»
C 398/99 Kt

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Widmer et Meyer; Addy, Greffier

Arrêt du 20 juillet 2000

dans la cause

F.________, recourant, représenté par B.________,

contre

Caisse de chômage du Syndicat interprofessionnel de tra-
vailleuses et travailleurs (SIT), rue des Chaudronniers 16,
Genève, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- Depuis le 1er janvier 1983, F.________ travaillait
comme vendeur au service de la société coopérative
M.________. Par lettre du 13 mai 1998, il a résilié les
rapports de travail pour le 27 juin 1998, car il avait en
vue de reprendre l'exploitation d'un bureau de tabac à
C.________. Comme ce projet ne s'est finalement pas concré-
tisé, il s'est inscrit au chômage le 29 juin 1998.

Par décision du 4 août 1998, la Caisse de chômage du
SIT (ci-après : la caisse) a prononcé à l'encontre de l'as-
suré une suspension du droit aux indemnités de chômage
d'une durée de 31 jours, au motif que celui-ci avait commis
une faute grave en résiliant son contrat de travail sans
s'être préalablement assuré d'un autre emploi.
F.________ a contesté cette décision devant le Groupe
réclamations de l'Office cantonal genevois de l'emploi. Il
a exposé qu'en mai 1998, il s'était oralement mis d'accord
avec un dénommé N.________ pour reprendre, au prix de
45 000 fr., un bureau de tabac que ce dernier cherchait à
remettre à C.________; il a expliqué que si l'affaire ne
s'était finalement pas faite, c'est parce que le remettant
était, peu de temps après la conclusion de leur accord,
«revenu sur sa parole», en demandant un prix de 60 000 fr.;
or, n'ayant pas les moyens de payer un tel prix, il s'était
trouvé contraint de renoncer à la reprise du bureau de
tabac et à son projet d'activité indépendante.
Par décision du 8 décembre 1998, le Groupe réclama-
tions a rejeté la réclamation de l'assuré.

B.- Celui-ci a recouru contre cette décision devant la
Commission cantonale genevoise de recours en matière d'as-
surance-chômage, en concluant à la levée de la suspension
du droit aux indemnités prononcée à son égard.
Entendu par la commission le 15 avril 1999, N.________
a déclaré ceci :

«Je certifie que je voulais vendre mon commerce pour
la somme de frs. 45.000.--, le stock étant compris dans le
prix de vente. En revanche, je ne vendais pas les journaux
car ils dépendent de X.________. Aujourd'hui je n'ai tou-
jours pas trouvé un acquéreur.
M. F.________ m'avait dit qu'il était d'accord pour
frs. 45.000.--. Il est effectivement passé à mon magasin et
je lui ai remis, pour qu'il les regarde, les livres de
caisse. Mon chiffre d'affaires moyen est de frs. 1.000 par
jour.

J'ai un bail de 5 ans qui vient à échéance en octo-
bre 2000. Je lui ai fourni l'indication du loyer du com-
merce.
Quand M. F.________ est revenu, je lui ai dit que le
prix était de frs. 50.000.-- car j'avais modifié l'agence-
ment à concurrence de frs. 5.000.--. Je peux justifier par
factures ce montant.
Il est exact que j'ai dit à M. F.________ que le prix
était de frs 60.000.--. Je reconnais d'ailleurs que j'ai
fait passer des annonces pour vendre le commerce à
frs. 65.000.--
M. F.________ ne m'a jamais répondu (...).
Pour moi, (l'affaire n'était pas conclue), puisque je
n'avais même pas présenté M. F.________ à la régie.»

Par jugement du 4 mars 1999, les juges cantonaux ont
partiellement admis le recours de l'assuré, en ce sens
qu'ils ont réduit à 20 jours la durée de la suspension de
son droit aux indemnités.

C.- F.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en
concluant derechef, sous suite de dépens, à la levée de la
suspension de son droit aux indemnités.
La caisse et le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco)
ne se sont pas déterminés sur le recours.

Considérant en droit :

1.- Selon l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de
l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi
que celui-ci est sans travail par sa faute.
L'art. 44 al. 1 OACI énumère - de façon non exhaustive
(ATF 122 V 45 consid. 3c/bb) - les situations dans lesquel-
les le chômage est imputable à une faute de l'assuré. Ain-
si, est notamment réputé sans travail par sa propre faute
l'assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail, sans
avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi,
sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il conservât son
ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b OACI).

2.- a) Selon les premiers juges, le recourant «a quit-
té son emploi sans s'être assuré d'avoir un nouvel emploi;
il a agi avec une grande légèreté dès lors que le contrat
de remise du commerce n'était pas signé au moment de la
résiliation de son contrat de travail». Ils considèrent
néanmoins que le recourant avait des raisons fondées de
penser qu'il pourrait reprendre le commerce au prix de
45 000 fr., si bien que sa faute ne doit pas être qualifiée
de grave, mais de moyenne, et la durée de la suspension de
son droit aux indemnités de chômage ramenée de 31 à
20 jours.
De son côté, le recourant soutient que, du point de
vue juridique, la reprise du bureau de tabac qu'il avait en
vue pouvait valablement se faire par un simple accord oral
sur les éléments essentiels du contrat (art. 2 al. 1 CO)
entre lui-même et le dénommé N.________. Il en infère que
son chômage n'est pas imputable à une faute de sa part mais
résulte bien plutôt du seul fait que son cocontractant n'a
pas respecté ses engagements, situation qui est à ses yeux
en tous points comparable à celle de l'assuré à l'encontre
duquel une mesure de suspension ne se justifie pas, parce
qu'il s'était assuré d'un autre emploi avant de résilier
ses rapports de travail et de se retrouver au chômage
(art. 44 al. 1 let. b OACI).

b) D'après la jurisprudence et la doctrine, pour qu'on
puisse admettre qu'avant la résiliation de son contrat de
travail un assuré s'est, au sens de la disposition préci-
tée, «assuré d'obtenir un autre emploi», il faut que lui-
même et le nouvel employeur aient, de façon expresse ou par
actes concluants, manifesté réciproquement et d'une manière
concordante leur volonté de conclure un contrat de travail
au sens des art. 319 ss CO (DTA 1992 no 17 p. 153 con-
sid. 2a; Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in :
Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale
Sicherheit, ch. 696). Un contrat de travail - voire un

précontrat - en la forme orale suffit donc (Gerhards, Kom-
mentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz, n. 15 ad
art. 30 LACI; Chopard, Die Einstellung in der Anspruchs-
berechtigung, p. 115 sv), comme le soutient le recourant.
Il n'en demeure pas moins que ce dernier est sans
travail par sa propre faute : ayant pour but de s'établir à
son compte, il ne s'est pas assuré d'un autre emploi avant
de résilier ses rapports de travail, de telle sorte qu'il
réalise précisément les conditions de l'art. 44 al. 1
let. b OACI. A cet égard, on ne saurait le suivre lorsqu'il
soutient que, de la même manière que la loi ne sanctionne
pas les chômeurs qui se sont assurés d'un autre emploi
avant de donner leur congé, le chômage de ceux qui ont mis
fin à leur activité salariée en vue d'entreprendre une
activité indépendante ne leur est pas imputable à faute si
cette dernière ne s'est finalement pas concrétisée pour des
motifs indépendants de leur volonté. En effet, quand bien
même l'art. 44 al. 1 OACI ne contient pas une énumération
exhaustive des cas de chômage imputables à une faute de
l'assuré (cf. ATF 122 V 45 précité), il n'en reste pas
moins que le raisonnement du recourant reviendrait, non pas
à étendre cette énumération, mais à restreindre la portée
de l'art. 44 al. 1 let. b OACI; or le texte clair de cette
disposition ne laisse guère de place à une telle interpré-
tation. Par ailleurs, on ne voit pas de motifs qui justi-
fieraient de mettre sur le même pied les assurés qui ont
donné leur congé pour changer d'employeur et ceux qui l'ont
fait dans l'intention de se mettre à leur compte, les deux
situations n'étant pas comparables. Car si l'on conçoit ai-
sément que les premiers peuvent, au moyen d'un simple con-
trat de travail - ou d'un précontrat - s'assurer d'un autre
emploi avant de résilier les rapports de travail, on ne
voit en revanche pas comment les seconds pourraient se pré-
valoir d'une garantie équivalente, tant les éléments dont
dépendent l'aboutissement et le succès d'un projet d'acti-

vité indépendante sont nombreux et difficilement évaluables
à l'avance.
Partant, l'assuré qui donne congé à son employeur dans
l'intention de s'établir à son compte mais qui échoue par
la suite dans son entreprise, doit être réputé sans travail
par sa propre faute s'il sollicite des indemnités de chô-
mage (cf. Chopard, op. cit. p. 125), quelle que soit la
responsabilité qu'il porte dans son échec.

c) Au demeurant, on relèvera que le recourant n'avait,
quoi qu'il en dise, pas pris toutes les dispositions utiles
pour s'assurer du succès de son projet d'activité indépen-
dante. D'une part, il est douteux qu'il se fût entendu avec
N.________ sur les points essentiels concernant la reprise
du bureau de tabac, notamment sur le prix et sur ce que
celui-ci englobait (cf. leurs déclarations pour partie
contradictoires devant la juridiction cantonale). En outre,
même s'il fallait tenir pour parfait le contrat - ou la
promesse de contrat - qu'ils ont passé, le recourant devait
encore à tout le moins s'assurer que le propriétaire du
bureau de tabac consentît, soit au transfert du bail - ce
qui supposait son accord écrit (art. 263 al. 1 CO; ATF
125 III 228 sv consid. 2b) -, soit à la conclusion d'un
nouveau contrat de bail (au sens des art. 253 ss CO). Or
cette précaution n'a pas été prise, le recourant ayant
déclaré à ce sujet devant la juridiction cantonale : «nous
n'avions pas eu de contact avec la régie, mais pour moi il
n'y avait pas de problèmes car j'étais déjà locataire dans
la même régie».

d) C'est donc à raison que l'administration et les
premiers juges ont considéré que le recourant s'était trou-
vé sans travail par sa propre faute et qu'ils ont sanction-
né son comportement.

Par ailleurs, en fixant la durée de la suspension de
son droit aux indemnités à 20 jours - ce qui correspond à
une faute de gravité moyenne - les juges cantonaux n'ont
pas excédé leur pouvoir d'appréciation.

3.- Le recourant, qui succombe, ne saurait prétendre
une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-chômage et au Secrétariat d'Etat à l'éco-
nomie.

Lucerne, le 20 juillet 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.398/99
Date de la décision : 20/07/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-20;c.398.99 ?
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