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13/07/2000 | SUISSE | N°4C.278/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juillet 2000, 4C.278/1999


«AZA 3»

4C.278/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

1. Vaudoise Assurances, à Lausanne,
2. Jacques Perroux, à Puplinge,
3. Madeleine Perroux, à Puplinge,
défendeurs et recourants, représentés par Me Philippe
Zoelly, avocat à Genève,

et

Philippe Brennenstuhl, à Genève

, demandeur, intimé et recou-
rant par voie de jonction, représenté par Me Pierre Sidler,
avocat à Genève,

et

1. TCS Assuran...

«AZA 3»

4C.278/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

1. Vaudoise Assurances, à Lausanne,
2. Jacques Perroux, à Puplinge,
3. Madeleine Perroux, à Puplinge,
défendeurs et recourants, représentés par Me Philippe
Zoelly, avocat à Genève,

et

Philippe Brennenstuhl, à Genève, demandeur, intimé et recou-
rant par voie de jonction, représenté par Me Pierre Sidler,
avocat à Genève,

et

1. TCS Assurances S.A., à Genève,
2. Gérald Cerf, à Puplinge,
appelés en cause et intimés, tous deux représentés par
Me Gérard Montavon, avocat à Genève,

(responsabilité civile du détenteur de véhicule automobile)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 20 septembre 1983, vers 11 h 40, Philippe
Brennenstuhl, né le 14 octobre 1969, circulait à vélo sur la
route de Jussy, après avoir quitté le Cycle d'orientation du
Foron, à Thônex, pour rejoindre le village de Puplinge où il
était domicilié. Le temps était beau, la chaussée sèche et
la
visibilité bonne. Telle qu'elle se présentait alors, la
route
de Jussy comportait une bande cyclable jusqu'à son intersec-
tion avec la route de Mon-Idée, intersection dotée d'une si-
gnalisation lumineuse; sur une certaine distance après cette
intersection, elle était séparée au milieu par un refuge et
la bande cyclable était interrompue en raison d'un arrêt de
bus. En direction de Puplinge, la chaussée avait une largeur
de 5 m 60 entre le refuge, à gauche, et le bord de la route,
à droite. La vitesse autorisée sur cette artère principale
était limitée à 60 km/h. De nombreux élèves circulaient
alors
sur la route de Jussy.

Jusqu'à l'intersection avec la route de Mon-Idée,
distante de l'établissement scolaire de plus d'un kilomètre,
Philippe Brennenstuhl avait tenu le bras gauche de son cama-
rade Gérald Cerf, né le 28 avril 1969, qui pilotait un cyclo-
moteur; il se trouvait ainsi plus proche du milieu de la rou-
te que le cyclomotoriste. Peu après l'intersection avec la
route de Mon-Idée, Philippe Brennenstuhl et Gérald Cerf se
sont séparés pour dépasser un autre cycliste, Pascal Goetsch-
mann, né en 1971. Juste après ce dépassement, Philippe Bren-
nenstuhl, qui circulait avec un léger décalage vers
l'arrière
par rapport à Gérald Cerf, a tenté, de sa propre initiative,
de se replacer à côté de ce dernier. Alors qu'il se rabat-
tait, la roue avant de son vélo a touché la pédale gauche du
cyclomoteur et il est tombé à gauche, sur la chaussée.
Venant
de l'arrière à une vitesse de 50 km/h, une voiture conduite

par Madeleine Perroux, n'a pu éviter le cycliste et a roulé
sur le corps de celui-ci avec la roue avant droite, malgré
un
freinage et la tentative de la conductrice d'éviter le cy-
cliste à terre par la gauche en se rapprochant le plus
possible du refuge.

Grièvement blessé, Philippe Brennenstuhl a subi un
traumatisme cranio-cérébral, avec contusion cérébrale, ainsi
que des fractures du bassin et de la colonne vertébrale.
Après avoir sombré dans un coma pendant plusieurs semaines,
il s'est rétabli progressivement, mais il est resté handica-
pé. Il a cependant réussi à terminer sa scolarité
obligatoire
dans une école privée, avant d'entreprendre un apprentissage

d'horticulteur, profession qu'il exerce à plein temps depuis
le 1er janvier 1998 pour le compte de la Ville de Genève.

B.- a) Le 21 avril 1989, Philippe Brennenstuhl a
ouvert action contre Madeleine Perroux, Jacques Perroux,
époux de la conductrice et détenteur de l'automobile impli-
quée dans l'accident, ainsi que la Vaudoise Assurances, qui
couvre la responsabilité civile du détenteur et des
personnes
dont il répond. Le demandeur a conclu, en dernier lieu, au
paiement d'un montant total de 529 518 fr.35 en capital, à
titre de dommages-intérêts et de réparation morale.

Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande.
Subsidiairement, ils ont appelé en cause Gérald Cerf et son
assureur en responsabilité civile, TCS Assurances S.A., pour
qu'ils les relèvent, à concurrence de 80% au moins, de
toutes
sommes qu'ils pourraient être condamnés à payer au demandeur.

Par jugement du 8 janvier 1996, le Tribunal de pre-
mière instance du canton de Genève a rejeté la demande et
les
conclusions sur appel en cause des défendeurs.

Saisie par le demandeur, la Cour de justice du can-
ton de Genève a annulé ce jugement par arrêt du 22 novembre
1996. Statuant à nouveau, elle a libéré Madeleine Perroux de
toute responsabilité dans l'accident, constaté que Jacques
Perroux et la Vaudoise Assurances étaient tenus
solidairement
entre eux de réparer, à raison de 60%, le dommage subi par
le
demandeur, à l'exclusion de tout tort moral, et renvoyé la
cause au premier juge pour complément d'instruction et nou-
velle décision. La cour cantonale a, en outre, débouté les
défendeurs de leurs conclusions visant les appelés en cause.

Par arrêt du 27 mai 1997, le Tribunal fédéral a dé-
claré irrecevable le recours en réforme interjeté par les dé-
fendeurs et dirigé uniquement contre le rejet de leurs con-
clusions sur appel en cause.

b) Le Tribunal de première instance a rendu son
nouveau jugement le 3 septembre 1998. Il a d'abord déclaré
irrecevable la demande d'intervention présentée par les ap-
pelés en cause, puis a condamné solidairement Jacques
Perroux
et la Vaudoise Assurances à payer au demandeur un total de
372 901 fr.95, plus intérêts, sur les 449 859 fr.45 réclamés
par ce dernier.

Les défendeurs ont appelé de ce jugement, concluant
derechef à leur libération totale des fins de la demande. De
son côté, le demandeur, agissant par la voie de l'appel inci-
dent, a réclamé l'allocation d'un montant de 452 393 fr.60
en
capital. Quant aux appelés en cause, ils s'en sont remis à
justice et ont sollicité, au besoin, la confirmation de l'ar-
rêt du 22 novembre 1996 dans la mesure où il rejetait les
prétentions récursoires élevées par les défendeurs à leur en-
contre.

Par arrêt du 21 mai 1999, la Cour de justice a con-
firmé le jugement de première instance en tant, d'une part,

qu'il avait trait à la demande d'intervention des appelés en
cause et, d'autre part, qu'il condamnait solidairement Jac-
ques Perroux et la Vaudoise Assurances à payer au demandeur
550 fr.45, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 1985, à ti-
tre de remboursement des frais de cure et de dactylographie,
ainsi que 8823 fr.50, avec intérêts à 5% dès le 1er août
1985, à titre de remboursement des frais de scolarité
privée.
Pour le surplus, elle a annulé ledit jugement et condamné so-
lidairement les trois défendeurs à payer au demandeur les
sommes suivantes: 2480 fr.15, avec intérêts à 5% dès le 1er
juillet 1995, à titre de remboursement de la taxe
d'exemption
du service militaire déjà acquittée; 3698 fr.90, avec inté-
rêts à 5% dès le 1er janvier 1999, pour le préjudice résul-
tant de l'obligation de payer cette taxe jusqu'en 2011;
216 719 fr.50, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 1999,
pour atteinte à l'avenir économique; enfin, 10 000 fr., avec
intérêts à 5% dès le 20 septembre 1983, à titre d'indemnité
pour tort moral.

c) Le 12 juillet 1999, Madeleine Perroux a déposé
une demande de révision de l'arrêt du 21 mai 1999. Elle s'y
plaignait d'avoir été associée par erreur à la condamnation
solidaire frappant Jacques Perroux et la Vaudoise Assurances.

La Cour de justice, statuant le 10 décembre 1999, a
admis la demande de révision, annulé l'arrêt du 21 mai 1999
en tant qu'il condamnait Madeleine Perroux solidairement
avec
les deux autres défendeurs et rectifié en conséquence le dis-
positif de cet arrêt.

C.- Le 12 juillet 1999, les trois défendeurs ont
interjeté un recours en réforme au Tribunal fédéral contre
les arrêts des 22 novembre 1996 et 21 mai 1999. A titre prin-
cipal, ils ont conclu au rejet intégral de la demande. Subsi-
diairement, ils ont invité le Tribunal fédéral, s'agissant
de
la demande principale, à constater que leur responsabilité

n'est engagée qu'à hauteur de 25% (au lieu de 60%) et à ré-
duire en conséquence de 75% (au lieu de 40%) les indemnités
allouées au demandeur; à constater ensuite que le taux de
l'atteinte à l'avenir économique de ce dernier s'élève au ma-
ximum à 10% (au lieu de 30%); enfin, à leur donner acte
qu'ils ne contestent pas le calcul du dommage, ni le montant
retenu à titre de réparation morale, et qu'ils admettent ain-
si devoir les montants suivants, intérêts en sus: 229 fr.35,
3676 fr.45, 1033 fr.40, 1541 fr.20, 30 099 fr.95 et 10 000
fr.
Toujours dans le cadre de leurs conclusions subsidiaires,
les
défendeurs ont, par ailleurs, requis la condamnation solidai-
re des deux appelés en cause à les relever, à concurrence de
80%, de toutes sommes qu'ils pourraient être tenus de verser
au demandeur en rapport avec l'accident du 20 septembre 1983.

Le demandeur propose le rejet du recours. Par la
voie du recours en réforme joint, il conclut à ce que
Jacques
Perroux et la Vaudoise Assurances soient également condamnés
à lui payer 47 800 fr. et 36 000 fr., avec intérêts à 5% dès
le 1er mai 1994, à titre, respectivement, de perte de gain
temporaire et de perte d'une année scolaire; il réclame, de
surcroît, que l'indemnité qui lui a été allouée pour
atteinte
à son avenir économique soit portée de 216 719 fr.50 à
241 128 fr. et l'indemnité pour tort moral de 10 000 fr. à
40 000 fr. Les défendeurs concluent au rejet du recours
joint
dans la mesure où il est recevable.

Pour leur part, les appelés en cause requièrent la
confirmation de l'arrêt de la Cour de justice du 22 novembre
1996 en tant qu'il rejette les prétentions récursoires éle-
vées contre eux par les défendeurs.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Les défendeurs attaquent non seulement l'ar-
rêt final, rendu le 21 mai 1999, par la Cour de justice,
mais
également l'arrêt prononcé le 22 novembre 1996 par la même
autorité. Ils ont le droit de le faire, dès lors que le re-
cours en réforme qu'ils avaient interjeté contre l'arrêt du
22 novembre 1996, sur la base de l'art. 50 OJ, a été déclaré
irrecevable par arrêt du Tribunal fédéral du 27 mai 1997
(art. 48 al. 3 OJ; ATF 118 II 91 consid. 1b).

b) Par arrêt du 10 décembre 1999, la Cour de justi-
ce a admis la demande de révision présentée par Madeleine
Perroux et annulé l'arrêt du 21 mai 1999 en tant qu'il con-
damnait cette personne solidairement avec les deux autres dé-
fendeurs. En conformité avec l'arrêt du 10 décembre 1999, le
demandeur, dans son recours en réforme joint, ne prend des
conclusions qu'à l'encontre de Jacques Perroux et de la Vau-
doise Assurances.

Il suit de là que le recours en réforme, interjeté
avant droit connu sur la demande de révision, est devenu
sans
objet en ce qui concerne Madeleine Perroux (Poudret, COJ, n.
4.3 ad art. 57). Il y aura lieu de constater la chose dans
le
dispositif du présent arrêt.

c) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fé-
déral doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus dans la décision attaquée, à moins que des disposi-
tions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il
faille compléter les constatations de l'autorité cantonale
parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid.

5c/aa p. 357, 117 II 256 consid. 2a, 115 II 484 consid. 2a
p.
485 s.). Dans la mesure où un recourant présente un état de
fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée,
sans se prévaloir de manière précise de l'une des exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir
compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les consta-
tations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des con-
clusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs
qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation
juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 123 III 246 consid. 2, 122 III 150 consid. 3 p. 156, 116
II 209 consid. 2b/cc).

2.- a) Dans son arrêt du 22 novembre 1996, la Cour
de justice a tenté de déterminer la part de responsabilité
des différentes personnes impliquées dans l'accident du 20
septembre 1983.

S'agissant de Madeleine Perroux, conductrice non
détentrice dont la responsabilité devait être examinée au re-
gard de l'art. 41 al. 1 CO, la cour cantonale l'a mise hors
de cause aux motifs qu'elle n'avait pas de raison d'imaginer
que le demandeur tomberait brusquement vers le milieu de la
chaussée, qu'elle disposait de l'espace nécessaire pour dé-
passer les deux cyclistes circulant pratiquement l'un à côté
de l'autre et que sa vitesse de 50 km/h était adaptée aux
circonstances.

Les juges précédents ont ensuite analysé le compor-
tement du demandeur. Ils ont retenu à la charge de ce
dernier
le fait d'avoir circulé pratiquement à côté de son camarade,
en violation des art. 46 al. 2 LCR et 43 al. 1 OCR, de
n'avoir pas longé le plus possible le bord droit de la chaus-

sée, contrairement aux prescriptions de l'art. 34 al. 1 LCR,
et d'avoir tenté de se faire remorquer à nouveau par le cy-
clomotoriste, manoeuvre interdite par les art. 46 al. 4 LCR
et 71
al. 1 OCR. A la décharge du demandeur, ils ont toute-
fois considéré que la capacité de discernement de cet ado-
lescent - il avait un peu moins de 14 ans au moment de l'ac-
cident et c'était un élève qui avait souvent de la peine à
contrôler son comportement et à se plier à la discipline
scolaire - était réduite en raison de son jeune âge.

Quant à Gérald Cerf, la cour cantonale a exclu la
possibilité de lui imputer un comportement fautif en
relation
de causalité avec l'accident, étant donné qu'il ne
remorquait
plus le demandeur au moment déterminant et que l'initiative
de circuler à nouveau de front avait été prise par le cyclis-
te.

La Cour de justice a ainsi conclu à la rencontre de
la responsabilité aquilienne du cycliste et de la responsabi-
lité causale du détenteur de la voiture impliquée dans l'ac-
cident. Tenant compte de la faute commise par le lésé mineur
et de l'élément de risque auquel est nécessairement exposé
un
cycliste, en raison de l'instabilité même de son moyen de lo-
comotion, l'autorité cantonale a estimé qu'il convenait de
réduire de 40% les dommages-intérêts à payer par Jacques Per-
roud et son assurance-responsabilité civile.

b) A l'appui de leur recours en réforme, les défen-
deurs reprochent principalement à la Cour de justice d'avoir
violé les art. 16 CC et 59 al. 1 LCR, ainsi que les règles
tirées de l'expérience générale de la vie, en considérant,
de
manière abstraite, que la capacité de discernement du deman-
deur était réduite du fait de son jeune âge, alors que, si
elle avait tenu compte des éléments concrets ressortant de
ses propres constatations, elle aurait dû en inférer la plei-
ne capacité du demandeur et, partant, exclure la responsabi-

lité du détenteur du véhicule automobile, conformément à
l'art. 59 al. 1 LCR, en raison de la faute grave du lésé. A
titre subsidiaire, les défendeurs estiment que la réduction
des dommages-intérêts alloués au demandeur aurait dû attein-
dre au moins 75%, eu égard au fait que Jacques Perroud ne ré-
pondait que du risque inhérent à l'emploi de son véhicule au-
tomobile. Ils sont en outre d'avis que Gérald Cerf a créé un
état de choses dangereux sans prendre les précautions comman-
dées par les circonstances, de sorte qu'il devrait supporter
le 80% des dommages-intérêts auxquels ils pourraient être
condamnés.

Dans sa réponse au recours, le demandeur déclare se
rallier à la réduction de 40%, admise par la cour cantonale,
bien qu'il ait agi initialement en remboursement du 75% de
son dommage. Il s'en prend toutefois à l'arrêt attaqué, en
tant qu'il n'a retenu aucune faute à la charge de la conduc-
trice Madeleine Perroux. Selon lui, la défenderesse ne circu-
lait pas à une vitesse adaptée aux circonstances et elle n'a
pas fait preuve de la prudence particulière qui s'imposait à
l'égard des jeunes usagers de la route qui roulaient devant
elle. Aussi, compte tenu, d'une part, de la faute commise
par
la conductrice et de l'important risque inhérent à l'emploi
de la voiture, et, d'autre part, de la faute du cycliste, ob-
jectivement dénuée de gravité et atténuée de surcroît par le
jeune âge de son auteur, le demandeur qualifie-t-il d'élevée
la réduction de 40% des dommages-intérêts opérée par l'auto-
rité cantonale.

De leur côté, les appelés en cause emboîtent le pas
à la Cour de justice, dans la mesure où elle a considéré que
Gérald Cerf n'avait pas provoqué l'accident litigieux par sa
faute; ils se distancient d'elle, en revanche, au sujet de
l'appréciation du comportement adopté à cette occasion par
la
conductrice de la voiture, estimant eux aussi, à l'instar du

demandeur, que Madeleine Perroux a commis une faute de circu-
lation.

c) Avant d'examiner les circonstances dans lesquel-
les s'est produit l'accident du 20 septembre 1983, il con-
vient de rappeler, au préalable, certains principes
régissant
la responsabilité du détenteur d'un véhicule automobile et
des personnes dont il répond, singulièrement dans le cas où
le lésé est une personne mineure, ainsi que le recours du
détenteur et/ou de son assureur en responsabilité civile con-
tre un cyclomotoriste. Il y aura lieu, en outre, de passer
en
revue les règles de prudence que doivent observer les cyclis-
tes et les cyclomotoristes dans la circulation routière, en
tant que ces règles ont un rapport avec la cause en litige.

aa) Le détenteur de véhicule automobile répond du
dommage causé par l'emploi de son véhicule (art. 58 al. 1
LCR), mais il est libéré de sa responsabilité, notamment,
s'il prouve que l'accident a été causé par une faute grave
du
lésé, sans que lui-même ou les personnes dont il est respon-
sable - en particulier, le conducteur (art. 58 al. 4 LCR) -
aient commis de faute (art. 59 al. 1 LCR). Comme l'indique
le
texte de l'art. 59 al. 1 LCR, le fardeau de la preuve des
circonstances permettant d'exclure la responsabilité incombe
au détenteur (ATF 115 II 283 consid. 1a); le cas échéant, le
lésé pourra profiter de l'impossibilité d'établir certains
faits à ce sujet (ATF 111 II 89 consid. 1 p. 90). Les consta-
tations de la cour cantonale touchant les circonstances et
les causes de l'accident relèvent de l'appréciation des preu-
ves; elles ressortissent au domaine des faits et lient, par-
tant, la juridiction fédérale de réforme (art. 63 al. 2 OJ).
En revanche, il y a violation du droit fédéral si l'autorité
cantonale méconnaît la notion même de causalité naturelle
(ATF 122 IV 17 consid. 2c/aa et les arrêts cités). L'appré-
ciation de la faute est, elle aussi, une question de droit

que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 115 II 283 con-
sid. 1a in fine).

Selon la jurisprudence, constitue une faute grave
la violation de règles élémentaires qui devraient s'imposer
à
tout homme prudent dans la même situation. Pour décider de
la
gravité de la faute, le juge prend en considération non seu-
lement les circonstances objectives de l'acte, mais
également
les conditions subjectives propres à son auteur, notamment
quant à son discernement. Lorsqu'il s'agit d'apprécier la
faute d'enfants, il faut donc considérer non seulement leur
comportement mais aussi leur âge; celui-ci joue un rôle pour
juger de l'existence même du discernement et de la faute,
ainsi que de l'importance de celle-ci. En effet, plus un en-
fant est jeune, moins on peut lui adresser de reproches
selon
les critères applicables aux adultes, dont il n'a ni l'expé-
rience, ni la maturité; son âge l'expose à un jugement moins
objectif et à des décisions moins réfléchies. Il est égale-
ment conforme au but protecteur de la loi sur la circulation
routière et de la responsabilité causale qu'elle instaure
que
la faute des enfants et sa gravité soient mesurées en fonc-
tion de leur âge. En effet, la loi tend à protéger les lésés
contre les risques spécifiques liés à l'emploi des véhicules
à moteur, en raison de leur masse et de leur vitesse (art.
58
LCR). Par ailleurs, elle contient une règle de circulation
exigeant une attention particulière à l'égard des enfants,
des infirmes et des personnes âgées (art. 26 al. 2 LCR), par-
ce que ces personnes sont spécialement exposées aux risques
créés par la circulation automobile. Le but de la loi comman-
de donc que l'on tienne également compte de cette exposition
accrue au risque, lorsqu'il s'agit de fixer la
responsabilité
civile (ATF 111 II 89 consid. 1a et les arrêts cités).

La notion d'enfant est difficile à définir et l'on
s'accorde généralement pour reconnaître qu'il n'est guère
possible de fixer un plafond au-dessus duquel il ne serait

plus permis de parler d'enfant (Roth, Les enfants dans la
circulation routière [Rapport de droit pénal], in Journées
du
droit de la circulation routière, Fribourg 1992, p. 10). Se-
lon Brehm (La responsabilité civile automobile, Berne 1999,
n. 360 à 365), il n'est pas certain que l'on puisse attendre
de l'adolescent âgé de 14 ans un comportement d'adulte. En
effet, l'assimilation complète du jeune usager à un adulte
en
matière de circulation routière ne se fait guère avant l'âge
de 15-16 ans. Aussi l'âge de 14 ans constitue-t-il la limite
inférieure de la faute grave en matière de circulation.
Cette
opinion paraît correspondre à l'avis exprimé, avec des nuan-
ces, par une majorité d'auteurs (cf., parmi d'autres: Bussy,
Responsabilité civile automobile, VIII, accidents d'enfants,
FJS n° 913, p. 3, ch. 6; Keller, Haftpflicht im Privatrecht,
vol. I, 5e éd., p. 288 i. l.; Schaffhauser/Zellweger, Grund-
riss des schweizerischen Strassenverkehrsrechts, vol. II, n.
1059; Roth, op. cit., p. 10/11). Dans le même ordre d'idées,
on soulignera que le Tribunal fédéral a encore admis récem-
ment, s'agissant d'un demandeur âgé de 15 ans et 3 mois au
moment de l'accident, que la faute commise par cette
personne
était "atténuée subjectivement par le jeune âge du lésé"
(ATF
124 III 182 consid. 5 p. 187); à la même époque, il a tenu
compte de la jeunesse d'une cyclomotoriste de presque 17 ans
(arrêt non publié du 19 janvier 1998, dans la cause 4C.347/
1997, consid. 3c, cité par Brehm, op. cit., n. 361). La ju-
risprudence n'admet du reste qu'avec une grande retenue
l'existence de la faute grave d'un enfant dans la
circulation
(pour des exemples, cf., notamment, Brehm, op. cit., n. 364,
et Chappuis, Les enfants dans la circulation routière [Rap-
port de droit civil], in Journées du droit de la circulation
routière, Fribourg 1992, p. 30, ch. 2). Il lui arrive aussi
de retenir d'autres circonstances que le jeune âge comme fac-
teur d'atténuation de la gravité de la faute commise, par
exemple le fait que l'enfant avait une raison de se hâter
(ATF 62 II 314 consid. 3 p. 317; cf. également l'ATF 102 II
363 consid. 4 p. 367/368). A l'inverse, le fait pour
l'enfant

d'avoir pu bénéficier d'une instruction sur le comportement
à
adopter en matière de circulation routière ou sa
connaissance
des conditions de circulation locales peuvent constituer des
circonstances susceptibles d'aggraver le degré de la faute
commise (ATF 72 II 198 consid. 2b p. 205 et les arrêts ci-
tés).

Si le détenteur ne peut se libérer en vertu de
l'art. 59 al. 1 LCR, mais prouve qu'une faute du lésé a con-
tribué à l'accident, le juge fixe l'indemnité en tenant comp-
te de toutes les circonstances (art. 59 al. 2 LCR), telles
que la faute du conducteur, celle du lésé ou encore le
risque
inhérent à l'emploi du véhicule automobile (pour plus de dé-
tails sur la notion de "circonstances" et sur la pondération
des différents facteurs entrant en ligne de compte à ce ti-
tre, cf. Bussy/Rusconi, Code suisse de la circulation routiè-
re, 3e éd., n. 2.1 ss ad art. 59 LCR). En revanche, comme
les
cyclistes ne sont pas soumis à la responsabilité causale ins-
tituée par la loi sur la circulation routière, mais à la res-
ponsabilité pour faute conformément à l'art. 41 CO en
liaison
avec l'art. 70 al. 1 LCR, il n'y a, en principe, pas lieu de
prendre en considération, s'agissant d'un accident subi par
un cycliste, le risque auquel s'est exposé le lésé lui-même
en utilisant un moyen de locomotion aussi instable qu'une bi-
cyclette qui peut occasionner des accidents lourds de consé-
quences pour son usager et dont l'utilisation requiert une
prudence particulière (ATF 95 II 573 consid. 3; Bussy/Rusco-
ni, op. cit., n. 2.3 ad art. 59 LCR; Schaffhauser/Zellweger,
op. cit., n. 1090 et 1369). L'examen des circonstances, au
sens de l'art. 59 al. 2 LCR, fait appel au pouvoir d'appré-
ciation du juge. Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réser-
ve la décision rendue dans l'exercice de ce pouvoir (arrêt
précité du 19 janvier 1998, consid. 3b, avec renvoi à l'ATF
123 III 274 consid. 1a/cc); il n'intervient que si
l'autorité
cantonale s'est écartée sans raison des règles établies par
la doctrine et la jurisprudence en matière de libre apprécia-

tion ou lorsqu'elle s'est appuyée sur des faits qui, dans le
cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inver-
se, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient
absolument dû être pris en considération (cf. ATF 123 III
246
consid. 6a p. 255, 274 consid. 1a/cc; 122 III 262 consid.
2a/bb; 121 III 64 consid. 3c).

bb) Selon l'art. 60 al. 2, 1ère phrase, LCR, le
dommage doit être réparti compte tenu de toutes les circons-
tances entre les personnes responsables impliquées dans un
accident où un véhicule est en cause. Cette disposition
s'applique notamment en cas de concours entre la responsa-
bilité du détenteur de véhicule automobile et celle d'un
responsable en vertu d'une faute (Bussy/Rusconi, op. cit.,
n.
2.10 ad art. 60 LCR), tel le cyclomotoriste dont la responsa-
bilité est régie par le code des obligations, conformément à
l'art. 70 al. 1 LCR en liaison avec l'art. 38 al. 1 OAV. Ain-
si, le détenteur du véhicule automobile qui a indemnisé le
tiers lésé peut, en principe, recourir contre le cyclomoto-
riste qui a commis un acte illicite (art. 41 CO). Il en va
de
même de son assureur en responsabilité civile (ATF 116 II
645
consid. 2).

cc) En vertu de l'art. 1er al. 2 LCR, les cyclistes
sont soumis aux règles de la circulation (art. 26 à 57 de la-
dite loi) sur toutes les routes servant à la circulation pu-
blique. Ils doivent tenir leur droite et longer le plus pos-
sible le bord droit de la chaussée (art. 34 al. 1 LCR). Il
leur est interdit de circuler de front (art. 46 al. 2 LCR);
ils peuvent toutefois le faire, à deux, dans les hypothèses
énumérées à l'art. 43 al. 1 OCR, soit, notamment, sur une
chaussée d'au moins 8 m de large, lorsque la circulation des
cycles et des cyclomoteurs est dense (let. b). Au demeurant,
les cyclistes ne doivent pas remorquer ni se faire
remorquer
par un véhicule (art. 46 al. 4 LCR; art. 71 al. 1 OCR). Il
leur est donc interdit, en particulier, de se tenir à un au-

tre cycliste (Bussy/Rusconi, op. cit., n. 2.9 ad art. 46
LCR).

Quant aux cyclomotoristes, l'art. 42 al. 4 OCR leur
enjoint de se conformer aux prescriptions concernant les cy-
clistes.

d) Il y a lieu d'examiner maintenant, au regard des
principes susmentionnés et des faits constatés
souverainement
par la cour cantonale, quel a été le comportement adopté par
chacune des personnes impliquées dans l'accident litigieux
et
s'il peut leur être imputé à faute.

aa) En circulant pratiquement à côté de Gérald
Cerf, en léger décalage vers l'arrière, sur une chaussée lar-
ge de 5 m 60, délimitée à gauche par un refuge et ne compor-
tant pas de piste cyclable, puis en se rapprochant dangereu-
sement du cyclomoteur de son camarade, en plein mouvement,
dans l'intention de se faire remorquer à nouveau, le deman-
deur a sans conteste violé les règles précitées et commis
une
faute. Il est d'ailleurs le premier à le reconnaître. Objec-
tivement, cette faute ne saurait être qualifiée de légère.
En
effet, quiconque utilise un moyen de locomotion aussi insta-
ble qu'une bicyclette, sur une chaussée relativement étroite
où la circulation est dense, devrait être conscient du
risque
auquel il s'expose et expose les autres usagers en se rappro-
chant d'un cyclomoteur en mouvement - moyen de locomotion
qui
n'est guère plus stable que le sien - dans le but de s'agrip-
per au bras du conducteur de ce véhicule. On peut admettre
que tout homme raisonnable se trouvant dans des
circonstances
semblables eût renoncé à exécuter une manoeuvre aussi péril-
leuse. De là à assimiler une telle faute, du point de vue de
sa gravité objective, à celle que commet, par exemple, le cy-
cliste qui traverse une route principale, en dehors d'une lo-
calité, sans s'assurer que la voie est libre (ATF 111 II 89
consid. 1b) ou celui qui débouche de derrière un camion pour

obliquer subitement à gauche (cf. Brehm, op. cit., n. 311),
il y a sans doute un pas que l'on ne saurait franchir.

Quoi qu'il en soit, la Cour de justice a relativi-
sé, comme il se doit, la gravité de la faute commise par le
cycliste en tenant compte à juste titre du jeune âge de ce
dernier. Ce faisant, elle s'est conformée aux principes
posés
par la jurisprudence en la matière, si bien que les
reproches
formulés à son encontre par les défendeurs tombent à faux.
Ceux-ci lui font grief d'avoir considéré uniquement de maniè-
re abstraite que la capacité de discernement du demandeur
était réduite du fait de son jeune âge. Ils ont tort. D'une
part, s'agissant d'un problème dont la solution fait appel à
l'expérience générale de la vie, un certain degré d'abstrac-
tion est inévitable en raison de la nature même du critère
d'expérience, qui dépasse les faits de la cause et se rappro-
che d'un principe de droit. Or, l'expérience enseigne qu'il
n'est guère possible, sinon exclu, d'imputer une faute grave
en matière de circulation routière à une personne âgée de
moins de 14 ans. D'autre part, et contrairement à ce que sou-
tiennent les défendeurs, la cour cantonale n'a pas retenu
que
le seul âge du lésé - presque 14 ans - pour déterminer l'im-
portance de la faute commise par lui. Elle a, en effet,
fondé
son jugement de valeur sur d'autres circonstances concrètes,
relatives au seul demandeur, telles que son degré d'intelli-
gence (normal), la peine qu'il avait à contrôler son compor-
tement et à se plier à la discipline scolaire, l'incertitude
quant à l'instruction qu'il avait reçue au sujet des dangers
de la circulation, ainsi qu'une "certaine pratique de la bi-
cyclette".

Dans ces conditions, les juges précédents n'ont pas
violé le droit fédéral en admettant que la capacité du deman-
deur d'agir correctement en fonction de sa compréhension rai-
sonnable de la situation était réduite en raison du jeune
âge
de cet adolescent, sans être complètement exclue, de sorte

que la gravité de la faute commise par le cycliste était al-
légée au point de ne pas libérer totalement le détenteur de
la voiture impliquée dans l'accident. Le recours des défen-
deurs sera, dès lors, rejeté en tant qu'il vise à faire re-
connaître l'existence d'une faute grave exclusive à la
charge
du demandeur.

bb) Le demandeur et les appelés en cause reprochent
à la cour cantonale de n'avoir pas apprécié correctement le
comportement adopté par la conductrice de la voiture en con-
cluant à l'absence de toute faute de cette personne. Il
n'est
cependant pas nécessaire d'examiner cette question, étant
donné qu'elle n'a pas d'incidence sur le sort du litige pour
les motifs indiqués plus loin (cf. même consid., let. e).

cc) Les défendeurs font également grief à la cour
cantonale d'avoir exclu à tort la responsabilité du cyclomo-
toriste et de son assurance-responsabilité civile.
Cependant,
ils perdent de vue le fait que les juges précédents ont
dénié
tout caractère causal au comportement de Gérald Cerf, en ce
qui concerne tant le remorquage que la circulation de front,
dans le premier cas parce que le cyclomotoriste ne
remorquait
plus son camarade au moment où l'accident était survenu,
dans
le second parce que le cycliste avait tenté de sa propre ini-
tiative de se replacer à côté du cyclomotoriste. Or, comme
on
l'a déjà souligné, les considérations émises par l'autorité
cantonale quant à l'existence ou à l'absence d'une relation
de cause à effet entre un comportement donné et un certain
résultat relèvent du domaine des faits et sont dès lors sous-
traites à l'examen du Tribunal fédéral lorsqu'il statue sur
un recours en réforme.

Dans la mesure où les défendeurs s'en prennent à la
libération totale des appelés en cause, leur recours en ré-
forme est, en conséquence, irrecevable.

e) Pour fixer l'indemnité en tenant compte de tou-
tes les circonstances, conformément à l'art. 59 al. 2 LCR,
la
cour cantonale a pris en considération le risque inhérent à
l'emploi du véhicule automobile, la faute du cycliste, dont
elle a évalué la gravité en fonction de l'âge de son auteur,
ainsi que le danger auquel s'expose tout cycliste en raison
de l'instabilité de son moyen de locomotion. Comme on l'a in-
diqué plus haut, elle aurait dû faire abstraction de ce der-
nier élément (même consid., let. c/aa in fine).

Cela étant, même si on l'examine en fonction des
seuls éléments admis par la Cour de justice, en faisant
abstraction d'une éventuelle faute commise par la conductri-
ce, la réduction de 40% de l'indemnité allouée au demandeur,
à laquelle ce dernier s'est soumis, n'apparaît pas manifeste-
ment insuffisante et reste dans les limites du large pouvoir
d'appréciation que la jurisprudence reconnaît à l'autorité
cantonale dans ce domaine (cf., mutatis mutandis, au sujet
des taux de réduction retenus dans des causes présentant
quelque analogie avec la présente affaire, les arrêts réper-
toriés par Brehm, op. cit., n. 362).

L'arrêt attaqué sera donc confirmé sur ce point,
après rejet du grief formulé à titre subsidiaire par les dé-
fendeurs relativement au taux de réduction de l'indemnité li-
tigieuse.

3.- Dans son arrêt du 21 mai 1999, la Cour de jus-
tice a déterminé le dommage subi par le demandeur à la suite
de l'accident du 20 septembre 1983. Certaines des considéra-
tions qu'elle a émises à ce sujet sont critiquées tant par
les défendeurs, dans leur recours en réforme, que par le de-
mandeur, dans son recours joint. L'examen de leur pertinence
nécessite le rappel préalable des règles de droit et des
principes jurisprudentiels régissant cette question.

a) En vertu de l'art. 46 al. 1 CO, applicable par
renvoi de l'art. 62 al. 1 LCR, la victime de lésions corpo-
relles a droit à la réparation du dommage qui résulte de son
incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'at-
teinte portée à son avenir économique.

aa) Le préjudice s'entend au sens économique; est
déterminante la diminution de la capacité de gain. Selon la
jurisprudence, le dommage consécutif à l'invalidité doit, au-
tant que possible, être établi de manière concrète. Le juge
partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et re-
cherchera ses effets sur la capacité de gain du lésé (ATF
117
II 609 consid. 9 p. 624; 113 II 345 consid. 1a p. 347; 100
II
298 consid. 4a p. 304; 99 II 214 consid. 3a p. 216; arrêt
non
publié du 15 décembre 1993 reproduit in SJ 1994 p. 275 ss).

Le calcul concret des conséquences pécuniaires de
l'incapacité de travail jusqu'au moment du jugement rendu
par
l'autorité cantonale qui peut encore connaître de faits nou-
veaux implique d'abord la détermination du gain que le lésé
aurait obtenu par son activité professionnelle s'il n'avait
pas subi d'accident, compte tenu des améliorations ou change-
ments de profession probables. Puis il y a lieu de déduire
de
ce gain le revenu effectif de l'activité professionnelle
exercée durant la même période. La différence représente le
dommage concret issu de l'incapacité de travail (ATF 99 II
214 consid. 3a et b).

La fixation du dommage ressortit en principe au ju-
ge du fait. Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral n'intervient que si l'autorité cantonale a méconnu la no-
tion juridique du dommage (ATF 116 II 480 consid. 3a) ou
s'est laissé guider par des critères erronés (ATF 113 II 345
consid. 1 p. 346 et les arrêts cités; arrêt précité in SJ
1994 p. 275 ss, consid. 3; Poudret, op. cit., n. 4.6.22 ad
art. 63).

Le taux d'invalidité médicale (degré de l'atteinte
médico-théorique à l'intégrité corporelle) relève du fait
(ATF 113 II 345 consid. 1a p. 348). En revanche, le Tribunal
fédéral, saisi d'un recours en réforme, revoit librement si
l'autorité cantonale est partie de critères justifiés pour
apprécier la diminution de la capacité de gain, si elle n'a
pas écarté à tort certains facteurs ou, inversement, si elle
n'a pas pris en considération des éléments dénués de perti-
nence. Pour apprécier l'incidence du taux d'invalidité médi-
cale sur la capacité de gain, le juge se fondera sur la si-
tuation personnelle de l'intéressé, son métier, son avenir
professionnel (ATF 99 II 214 consid. 4a p. 218; arrêt
précité
in SJ 1994 p. 275 ss, consid. 4d et les références).

bb) Le fait que la victime d'un accident dispose
d'une capacité de travail totale et réalise ainsi un gain
équivalent à celui qu'elle aurait obtenu sans l'accident
n'exclut pas qu'elle soit atteinte dans son avenir
économique
(ATF 99 II 214 consid. 4c p. 219 et l'arrêt cité). En effet,
d'autres facteurs que la capacité de travail sont suscepti-
bles d'influer sur les possibilités de gain futures d'une
personne invalide. C'est ainsi par exemple qu'une personne
handicapée sera désavantagée sur le marché du travail
(Brehm,
Commentaire bernois, n. 90 ad art. 46 CO); elle aura plus de
difficultés qu'une personne valide à trouver et à conserver
un emploi avec une rémunération identique; le risque de chô-
mage se trouve également accru (ATF 99 II 214 consid. 4c p.
219). L'infirmité peut également entraver un changement de
profession (ATF 102 II 232 consid. 6c p. 242) ou réduire les
perspectives de promotion dans l'entreprise (ATF 82 II 25
consid. 6 p. 34). La personne invalide doit en outre
déployer
des efforts plus intenses pour conserver son gain, ce qui
est
de nature notamment à réduire la durée de son activité lucra-
tive (Brehm, dernier op. cit., n. 92 ad art. 46 CO).

b) Dans son recours joint, le demandeur conteste
tout d'abord, sur deux points, les modalités du calcul con-
cret du dommage jusqu'au jour du jugement.

aa) A l'issue de sa scolarité obligatoire, le de-
mandeur a obtenu, en juillet 1989, le certificat fédéral de
capacité d'horticulteur. Il a ensuite occupé divers emplois
dans son métier, avant de renoncer à exercer celui-ci pour
embrasser une nouvelle activité, en premier lieu auprès
d'une
société de surveillance, puis dans les domaines social et mé-
dical. Il a connu une certaine période de chômage avant
d'être engagé comme aide hospitalier. Enfin, dès le 1er jan-
vier 1998, revenant à sa profession initiale, il a travaillé
à plein temps comme horticulteur au service de la Ville de
Genève.

Devant les juridictions cantonales, le demandeur
avait soutenu que, sans l'accident, il aurait choisi et pu
exercer le métier de policier, si bien qu'il aurait gagné da-
vantage que ce qu'il a effectivement perçu jusqu'au jour du
jugement. En conséquence de quoi, il réclamait le 60% du
gain
manqué de ce chef pour la période de septembre 1989 à fin dé-
cembre 1998. La Cour de justice n'est pas entrée dans les
vues du demandeur, au motif qu'il n'était pas possible de te-
nir pour constant que ce dernier serait actuellement fonc-
tionnaire de police s'il n'avait pas subi l'accident en ques-
tion. A cet égard, elle a souligné, notamment, qu'un compor-
tement exemplaire est exigé de tout candidat à une fonction
de police et que les membres de la gendarmerie genevoise
sont
soumis à la discipline militaire. Examinant ensuite la situa-
tion du demandeur à la lumière de ces principes, elle a rele-
vé qu'au cours de sa scolarité antérieure à l'accident, l'in-
téressé avait obtenu à plusieurs reprises une moyenne généra-
le très proche de 4 (note correspondant au minimum requis),
alors même qu'il était élève dans la section la moins exi-
geante des filières de l'enseignement obligatoire, et que,
de

surcroît, sa note moyenne de comportement avait été inférieu-
re à 4 pendant les deux années scolaires précédant l'acci-
dent, les observations des enseignants portant à chaque
fois
sur des problèmes de discipline.

A l'appui de son recours joint, le demandeur fait
grief à la cour cantonale d'avoir violé les art. 42 al. 2 et
46 CO. Selon lui, le refus des juges précédents d'admettre
qu'il serait devenu policier ne les autorisait pas à nier
l'existence de toute perte de gain temporaire. Au contraire,
ils auraient dû retenir que ses revenus auraient été supé-
rieurs de 20% à ce qu'ils ont été en réalité et lui allouer
à
ce titre 47 800 fr., c'est-à-dire le 60% de la somme de
79 666 fr. représentant le cinquième de ce qu'il avait effec-
tivement perçu durant la période considérée (398 331 fr.10).
L'argumentation, essentiellement appellatoire, développée
sur
ce point par le demandeur est d'une recevabilité douteuse.
Dans la mesure où elle viserait à infirmer la conclusion à
laquelle la cour cantonale a abouti en ce qui concerne la
profession de policier que le lésé aurait prétendument
choisi
d'exercer sans l'accident, il n'y aurait pas lieu d'entrer
en
matière dès lors que cette conclusion ne repose pas sur la
seule expérience générale de la vie, mais découle de la mise
en évidence de circonstances de fait concrètes propres à la
personne du demandeur (cf. ATF 117 II 256 consid. 2b et les
références). Pour le reste, il convient de rappeler que
l'art. 42 al. 2 CO ne libère pas le lésé de l'obligation
d'alléguer et de prouver les faits permettant de conclure à
l'existence d'un dommage et qui rendent possible ou facili-
tent son estimation (ATF 97 II 216 consid. 1). Or, en l'espè-
ce, le demandeur ne prétend pas ni ne démontre avoir
allégué,
devant les juridictions cantonales, que, sans l'accident, il
aurait pu exercer un autre métier que celui de policier et
qu'il en aurait tiré des revenus supérieurs à ceux qu'il a
effectivement réalisés. Quant à sa suggestion de déterminer

ex aequo et bono sa perte de gain temporaire sur la base
d'un
pourcentage des gains effectifs, on ne voit pas sur quelle
base juridique il la fonde.

Dans ces conditions, le premier grief formulé par
le demandeur est dénué de pertinence, si tant est qu'il soit
recevable.

bb) Le demandeur avait encore élevé une prétention
visant à l'indemnisation du dommage qu'il disait avoir subi
en raison de la perte d'une année scolaire, qui avait
retardé
d'autant son entrée dans la vie active. La Cour de justice a
rejeté cette prétention, entre autres motifs, parce que la
perte d'une année scolaire et le dommage en découlant
étaient
à son avis des faits nouveaux, non invoqués en première ins-
tance, dont l'allégation n'était plus possible en appel
selon
la procédure civile genevoise.

Le rejet de ladite prétention est intervenu en ver-
tu du droit cantonal. Saisi d'un recours en réforme, le Tri-
bunal fédéral ne revoit pas l'application de ce droit (art.
55 al. 1 let. c OJ). Sur ce point, le recours joint est, dès
lors, irrecevable. Les arguments qui y sont avancés n'y chan-
gent rien. Le demandeur souligne que la question de savoir
si
une prétention déduite du droit fédéral a été suffisamment
alléguée en procédure relève du droit fédéral (ATF 123 III
183 consid. 3e p. 188). Certes, il dit vrai. En revanche, dé-
terminer jusqu'à quel stade de la procédure un fait peut
être
allégué est un problème qui ressortit au droit cantonal (ATF
108 II 337 consid. 2c). Il en va ainsi en l'espèce, s'agis-
sant de décider si un fait pertinent pour l'application du
droit fédéral pouvait encore être allégué en instance d'ap-
pel. Le demandeur invoque, en outre, la jurisprudence
voulant
que, dans les procédures régies par la maxime des débats,
lorsque la demande tend à l'allocation de divers postes du
dommage reposant sur la même cause, le tribunal n'est lié
que

par le montant total réclamé, si bien qu'il peut, en princi-
pe, allouer davantage pour un des éléments du dommage et
moins pour un autre (ATF 119 II 396). Cette jurisprudence ne
lui est cependant d'aucun secours, dans la mesure où la fa-
culté qu'elle accorde au juge n'autorise pas celui-ci à ad-
mettre une prétention fondée sur un fait qu'il ne lui est
pas
permis de retenir en vertu du droit de procédure cantonal.

c) aa) Selon les constatations faites par la cour
cantonale sur le vu du rapport d'expertise judiciaire et des
autres pièces médicales produites, le demandeur a conservé
des séquelles neurologiques, neuropsychologiques et ostéo-ar-
ticulaires. Il ne peut pas utiliser normalement sa main droi-
te, présente des troubles de mémoire et de concentration,
est
devenu sensible au stress et souffre de lombalgies basses.
Il
devra éviter de porter des charges lourdes ou de travailler
en flexion antérieure du tronc, sous peine d'une aggravation
des lombalgies et, surtout, d'une précipitation de lésions
dégénératives au niveau de la charnière lombo-sacrée. Ce han-
dicap pèse lourd dans la recherche d'un emploi chez une per-
sonne déjà limitée par ses difficultés neuropsychologiques.
Ainsi, au dire de l'expert, le taux d'invalidité médicale
partielle permanente du demandeur doit être fixé à 60%.

Pour les juges cantonaux, si le demandeur est un
"lutteur", il est évident qu'il doit fournir un effort parti-
culier pour travailler normalement comme horticulteur, qu'il
est menacé de lombalgies et, à terme, de lésions dégénérati-
ves au dos, ce qui risque de mettre fin prématurément à sa
vie active. Par ailleurs, il ne pourra pas exécuter
certaines
tâches particulièrement pénibles; enfin, il sera nettement
désavantagé lors de chaque recherche d'un nouvel emploi et à
l'occasion de chaque changement d'activité professionnelle.

Aussi, compte tenu du fait que le demandeur gagne
normalement sa vie à l'heure actuelle, mais que, d'un autre

côté, son avenir économique est partiellement compromis à
plus long terme, la Cour de justice a-t-elle fixé ex aequo
et
bono à 30% le degré de l'atteinte portée à l'avenir économi-
que du lésé et elle a appliqué ce taux à la valeur capitali-
sée du revenu annuel déterminant de 61 116 fr.60 perçu par
l'intéressé pour allouer à ce dernier le 60% de la somme ain-
si calculée.

bb) Les défendeurs soutiennent, dans leur recours
en réforme, que le taux de l'atteinte à l'avenir économique
du demandeur ne saurait excéder 10%, au regard des circons-
tances du cas concret, et que la jurisprudence n'aurait
d'ailleurs jamais admis une atteinte à l'avenir économique
supérieure à ce taux-là.

Le second argument est contraire à la réalité. Pour
ne citer qu'un seul exemple, on mentionnera l'arrêt du 4
juin
1997, en la cause 4C.8/1997, dans lequel le Tribunal fédéral
a fixé à 15% le degré de l'atteinte portée à l'avenir écono-
mique d'une personne dont le taux d'invalidité médicale ne
se
situait qu'entre 25 et 30% (consid. 2c). Il serait du reste
illusoire de fixer un plafond en la matière, tant peuvent
être variées et d'intensité différente les diverses formes
de
l'atteinte à l'avenir économique.

Pour le reste, force est de constater que les élé-
ments de fait mis en évidence par les défendeurs dans leur
recours en réforme, qui se rapportent à la période comprise
entre l'entrée du demandeur dans la vie active et le jour du
jugement, visent à démontrer que la capacité de travail du
lésé n'est pas réduite à ce jour. Toutefois, la question
n'est pas là puisque, sur ce point, la cour cantonale est du
même avis que les défendeurs. Ce qui est déterminant, c'est
de savoir quelles sont les perspectives du demandeur en ce
qui concerne son avenir économique, nonobstant sa pleine ca-
pacité de travail actuelle. Les constatations faites par les

juges précédents à ce sujet ne peuvent pas être revues par
la
juridiction fédérale de réforme, non plus que la fixation du
taux d'invalidité médicale que les défendeurs critiquent de
manière irrecevable. Or, considéré à la lumière des circons-
tances précitées et du taux d'invalidité médicale de 60%, le
taux de 30% retenu dans l'arrêt attaqué reste dans les limi-
tes du pouvoir d'appréciation de l'autorité cantonale et
peut
dès lors être maintenu.

Le dernier grief formulé par les défendeurs est
ainsi dénué de fondement.

cc) De son côté, le demandeur se plaint que la Cour
de justice se soit fondée exclusivement sur le gain annuel
brut de 61 116 fr.60 réalisé par lui en 1998 et n'ait pas te-
nu compte d'une évolution future de ses revenus, en particu-
lier de la compensation du renchérissement qui serait attes-
tée par une pièce du dossier cantonal. Selon lui, il convien-
drait de retenir, à la suite du premier juge, un revenu dé-
terminant moyen de 68 000 fr.

Il est vrai que les augmentations (ATF 116 II 295
consid. 3a/aa) ou les diminutions (ATF 100 II 352 consid. 6)
futures probables du salaire réel du lésé doivent être
prises
en compte par le juge (Brehm, Commentaire bernois, n. 12 ss
ad Remarques préliminaires aux art. 45 et 46 CO et les réfé-
rences). Encore faut-il qu'il dispose pour cela d'un minimum
de données concrètes. En l'espèce, le demandeur ne démontre
pas, ni même ne prétend, lui avoir fourni des éclaircisse-
ments à ce sujet. Quant à tabler, en fonction de la simple
expérience générale de la vie, sur une augmentation
régulière
des salaires de la fonction publique, ce serait faire preuve
de beaucoup d'optimisme dans la conjoncture économique ac-
tuelle caractérisée plutôt, sinon par un blocage des salai-
res, à tout le moins par l'introduction progressive et géné-
ralisée du salaire au mérite. Enfin, d'après la
jurisprudence

fédérale, il n'y a en principe pas lieu de prendre en consi-
dération la dépréciation future de la monnaie (ATF 113 II
323
consid. 3a p. 332). L'argument du demandeur relatif à cette
question ne repose d'ailleurs pas sur une constatation des
juges précédents, mais sur une pièce extraite du dossier can-
tonal; elle est donc irrecevable.

Le moyen soulevé par le demandeur à propos du cal-
cul de l'atteinte à son avenir économique est en conséquence
mal fondé.

4.- Dans un dernier moyen, le demandeur fait valoir
que le montant de 10 000 fr. qui lui a été alloué à titre de
réparation morale est manifestement insuffisant. Aussi récla-
me-t-il l'allocation d'une somme de 40 000 fr. de ce chef.

a) Le juge peut, en tenant compte de circonstances
particulières, allouer à la victime de lésions corporelles
une indemnité équitable à titre de réparation morale (art.
47
CO auquel renvoie l'art. 62 al. 1 LCR). Cette indemnité a
pour but exclusif de compenser le préjudice que représente
une atteinte au bien-être moral. Le principe d'une indemnisa-
tion du tort moral et l'ampleur de la réparation dépendent
d'une manière décisive de la gravité de l'atteinte et de la
possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement
d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale (ATF 118
II 404 consid. 3 b/aa, 116 II 733 consid. 4f, 115 II 156 con-
sid. 2). L'art. 59 al. 1 et 2 LCR s'applique aussi à la répa-
ration du tort moral, qui pourra être exclue ou réduite sui-
vant le degré de gravité de la faute commise par le lésé
(ATF
124 III 182 consid. 4d et e). La proportion dans laquelle
l'indemnité pour tort moral sera réduite devra, en principe,
rester dans l'ordre de grandeur de la réduction opérée pour
l'indemnité destinée à réparer le dommage matériel (ATF 116
II 733 consid. 4g).

La fixation de l'indemnité pour tort moral est une
question d'application du droit fédéral, que le Tribunal fé-
déral examine donc librement. Dans la mesure où cette ques-
tion relève pour une part importante de l'appréciation des
circonstances, le Tribunal fédéral intervient avec retenue,
notamment si l'autorité cantonale a mésusé de son pouvoir
d'appréciation en se fondant sur des considérations étrangè-
res à la disposition applicable, en omettant de tenir compte
d'éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité iné-
quitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée;
comme il s'agit cependant d'une question d'équité - et non
pas d'une question d'appréciation au sens strict, qui limite-
rait son pouvoir d'examen à l'abus ou à l'excès du pouvoir
d'appréciation -, le Tribunal fédéral examine librement si
la
somme allouée tient suffisamment compte de la gravité de
l'atteinte ou si elle est disproportionnée par rapport à
l'intensité des souffrances morales causées à la victime
(ATF
125 III 269 consid. 2a et les arrêts cités).

b) Pour fixer l'indemnité litigieuse, la Cour de
justice a émis, en substance, les considérations suivantes:
le demandeur a subi un polytraumatisme qui a nécessité une
hospitalisation du 20 septembre au 4 novembre 1983. Il n'a
toutefois gardé aucun souvenir de l'accident et des trois
premières semaines passées à l'hôpital, ayant alors sombré
dans un coma qui le laissait indifférent à la douleur. Une
période de rééducation s'est ensuivie, puis une
réintégration
difficile dans le cursus scolaire obligatoire. Le demandeur
conserve des séquelles permanentes de l'accident qui le gê-
nent non seulement dans la vie professionnelle (ce dont il a
déjà été tenu compte dans le cadre du dommage matériel),
mais
également dans la vie courante et dans ses loisirs. Il en ré-
sulte une atteinte certaine, quoique modérée, au bien-être
moral. D'un autre côté, le demandeur s'est bien adapté à ses
handicaps et il mène une vie affective normale. Compte tenu
de ces éléments et de la réduction à opérer en raison de sa

faute concomitante, une indemnité de 10 000 fr. est nécessai-
re et suffisante pour atténuer le tort moral qu'il a subi.

Il ressort du seul énoncé de ces motifs que la cour
cantonale a examiné avec soin toutes les circonstances sus-
ceptibles d'influer sur la fixation de l'indemnité pour tort

moral. Le demandeur lui reproche de n'avoir pas tenu compte
de l'"importante cicatrice de brûlure ou dermabrasion" qu'il
porte à la cuisse droite. Le passage du jugement de première
instance qu'il cite à ce propos ne fait état que de "lésions
de dermabrasion", sans les qualifier d'importantes. Au demeu-
rant, cette seule circonstance, qui peut fort bien être ran-
gée sous la notion de "séquelles permanentes de l'accident"
utilisée par la cour cantonale, n'est pas de nature à
changer
fondamentalement les données du problème et elle n'a apparem-
ment pas d'incidence sur la vie affective du demandeur, qua-
lifiée de normale par les juges cantonaux. Pour le surplus,
dans la mesure où il insiste sur les conséquences négatives
de ses handicaps pour son avenir professionnel, en mettant
l'accent sur le taux d'invalidité médicale retenu par l'ex-
pert judiciaire, le demandeur perd de vue que la cour canto-
nale a déjà pris en considération cet élément au titre de
l'atteinte à son avenir économique. Si l'on fait abstraction
de la réduction de 40% opérée par la Cour de justice en rai-
son de la faute concomitante imputable au lésé, l'indemnité
allouée dépasse les 16 000 fr. Quoi qu'en dise son bénéfi-
ciaire, elle n'apparaît nullement déraisonnable, même en te-
nant compte de la dépréciation monétaire (ATF 125 III 269
consid. 2a p. 273). Le demandeur s'abstient totalement, du
reste, de mentionner des précédents comparables dans
lesquels
des indemnités sensiblement plus élevées auraient été al-
louées à la victime de lésions corporelles.

Cela étant, il y a lieu de confirmer l'arrêt atta-
qué sur ce point également.

5.- Les défendeurs Jacques Perroux et la Vaudoise
Assurances succombent dans leurs conclusions libératoires,
qui portaient sur un montant de 242 272 fr.50, tandis que le
demandeur n'a pas réussi à faire augmenter cette somme, qui
lui a été allouée, à 380 481 fr. Partant, les deux
défendeurs
précités, débiteurs solidaires, et le demandeur devront
payer
un émolument judiciaire fixé, respectivement, à 6000 fr. et
à
4000 fr. Entre ces parties, la répartition des dépens s'opé-
rera à raison de 3/5 à la charge des défendeurs, solidaire-
ment entre eux, et de 2/5 à la charge du demandeur, ce qui
reviendra à allouer à ce dernier des dépens réduits se mon-
tant à 2000 fr.

Les défendeurs succombent également dans les con-
clusions récursoires qu'ils ont prises à l'encontre des deux
appelés en cause. En conséquence, ils seront condamnés soli-
dairement à verser à ceux-ci, créanciers solidaires, une in-
demnité de 6000 fr. à titre de dépens.

Enfin, Madeleine Perroux, dont le recours a été
déclaré sans objet, mais qui aurait obtenu gain de cause
s'il
ne l'était pas devenu dans l'intervalle en raison de l'admis-
sion de sa demande de révision cantonale, n'aura pas à payer
de frais ni à indemniser les autres parties.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare sans objet le recours en réforme inter-
jeté par Madeleine Perroux;

2. Rejette, dans la mesure où ils sont recevables,
le recours en réforme interjeté par Jacques Perroux et la
Vaudoise Assurances ainsi que le recours joint interjeté par
Philippe Brennenstuhl;

3. Confirme les arrêts rendus le 22 novembre 1996
et le 21 mai 1999 par la Cour de justice du canton de Genève;

4. Met un émolument judiciaire de 6000 fr. à la
charge de Jacques Perroux et de la Vaudoise Assurances, soli-
dairement entre eux, et un émolument judiciaire de 4000 fr.
à
la charge de Philippe Brennenstuhl;

5. Condamne solidairement Jacques Perroux et la
Vaudoise Assurances à verser à Philippe Brennenstuhl une in-
demnité de 2000 fr., à titre de dépens réduits, et à Gérald
Cerf ainsi qu'à TCS Assurances S.A., créanciers solidaires,
une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens;

6. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 13 juillet 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.278/1999
Date de la décision : 13/07/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-13;4c.278.1999 ?
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