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11/07/2000 | SUISSE | N°H.410/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 juillet 2000, H.410/99


«AZA 7»
H 410/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Wagner,
Greffier

Arrêt du 11 juillet 2000

dans la cause

G.________, recourante, représentée par Maître Paul
Marville, avocat, avenue Juste-Olivier 17, Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS/AI/APG, rue
du Lac 37, Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) G.________, alors mariée, mère de trois
enfants, a

été mise au bénéfice d'une rente de vieillesse
de 900 fr. par mois dès le 1er mars 1992.

Le 14 avril 1996, la prénommée a avisé...

«AZA 7»
H 410/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Wagner,
Greffier

Arrêt du 11 juillet 2000

dans la cause

G.________, recourante, représentée par Maître Paul
Marville, avocat, avenue Juste-Olivier 17, Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS/AI/APG, rue
du Lac 37, Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) G.________, alors mariée, mère de trois
enfants, a été mise au bénéfice d'une rente de vieillesse
de 900 fr. par mois dès le 1er mars 1992.

Le 14 avril 1996, la prénommée a avisé la Caisse
cantonale vaudoise de compensation qu'elle avait besoin,
avant de signer une convention pour une procédure de
divorce simplifiée, de renseignements sur le «splitting» et
le bonus éducatif. En effet, L.________, son mari, n'aurait
droit à une rente de vieillesse qu'à partir du 1er novembre
1999. Elle désirait dès lors savoir si elle avait droit au
«splitting» et, dans l'affirmative, si son droit existerait
dès le 1er janvier 1997, date de l'entrée en vigueur de la
10e révision de l'AVS, ou seulement à partir du 1er novem-
bre 1999. Elle demandait également si elle avait droit au
bonus éducatif.
Dans sa réponse, du 18 avril 1996, la caisse a informé
l'assurée que selon la législation en vigueur en 1996, elle
pourrait tenir compte, sitôt en possession d'une copie de
son livret de famille, des tâches éducatives qu'elle avait
accomplies. En ce qui concerne les innovations apportées
par la 10e révision de l'AVS dès 1997, elle lui remettait
un mémento édité par l'Office fédéral des assurances
sociales (OFAS). Elle ajoutait :

«Si vous êtes divorcée, vous pourrez demander un nouveau
calcul incluant le partage des revenus AVS des ex-conjoints
durant le mariage (système dit du splitting). Si vous
n'êtes pas divorcée, ce partage interviendra lorsque votre
mari aura droit à la rente de vieillesse».

b) Par jugement du 30 juillet 1996, le Président du
Tribunal du district de Lausanne a prononcé le divorce des
époux L.________ - G.________ et ratifié la convention
signée par les parties les 27 mars/24 avril 1996, dont le
ch. I. prévoit que L.________ versera à G.________ une
pension mensuelle de 1800 fr. dès jugement de divorce
définitif et exécutoire et jusqu'à ce qu'il prenne sa
retraite. Faute de recours ou de relief, ce jugement est
devenu définitif et exécutoire dès le 5 août 1996.

Par décision du 30 septembre 1996, la caisse a alloué
à G.________ une rente de vieillesse d'un montant mensuel
de 1298 fr. à partir du 1er septembre 1996. Au bas de la
décision, elle indiquait qu'elle avait pris en compte les
bonifications pour tâches éducatives durant 19 années.
Les 7 et 23 janvier 1997, G.________ a invité la
caisse à calculer à nouveau sa rente de vieillesse dès le
1er janvier 1997, en procédant au partage des revenus réa-
lisés durant son mariage, ce que, par écrit du 4 février
1997, celle-ci a refusé. L'assurée, par lettre du 17 avril
1997, ayant renouvelé sa demande, la caisse, dans une prise
de position du 8 août 1997, l'a rejetée.
Le 2 décembre 1998, G.________ a requis une décision
formelle. Invoquant sa bonne foi, elle invitait la caisse à
se conformer à sa réponse du 18 avril 1996, en procédant en
sa faveur au partage des revenus «splitting» réalisés par
les époux durant leur mariage.
Par acte du 17 décembre 1998, la caisse a refusé de
donner suite à cette requête.

B.- G.________ ayant saisi le Tribunal des assurances
du canton de Vaud, celui-ci, par jugement du 25 juin 1999,
a rejeté le recours.

C.- G.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de
frais et dépens, à la réforme de celui-ci en ce sens que la
caisse est condamnée à la mettre au bénéfice du «splitting»
sur les comptes individuels de son ex-mari et à lui allouer
une rente de vieillesse adaptée à ce nouveau calcul, dès et
y compris le 1er janvier 1997.
La Caisse cantonale vaudoise de compensation conclut
au rejet du recours.

Considérant en droit :

1.- a) Le Tribunal fédéral des assurances examine
d'office les conditions de recevabilité du recours, sans
égard aux conclusions ou aux arguments des parties (ATF
116 V 50 consid. 7b in fine, 319 consid. 1b in fine,
111 V 281 consid. 2a). Son examen porte également sur les
conditions formelles de validité et de régularité de la
procédure administrative, soit en particulier le point de
savoir si c'est à juste titre que la juridiction précédente
est entrée en matière sur le recours ou sur l'action (ATF
122 V 322 consid. 1).

b) Invoquant sa bonne foi, l'assurée, dans sa lettre
du 2 décembre 1998, a requis une décision formelle. Par
acte du 17 décembre 1998, la caisse a refusé de donner
suite à cette requête, attendu que selon elle, les condi-
tions ne sont pas remplies pour qu'elle procède à la re-
considération de sa décision du 30 septembre 1996, passée
en force faute d'avoir été attaquée dans le délai légal de
trente jours.
Toutefois, dans ses prises de position des 4 février
et 8 août 1997, l'intimée est bel et bien entrée en matière
sur les demandes de la recourante des 23 janvier et
17 avril 1997, tendant à un nouveau calcul de sa rente de
vieillesse dès le 1er janvier 1997, fondé sur le partage
des revenus réalisés par les époux durant leur mariage,
demandes qu'elle a rejetées. Il n'est donc pas déterminant
que la décision du 30 septembre 1996, dans laquelle la
caisse ne se prononce pas sur la question du «splitting»,
soit entrée en force.
Cela étant, bien que l'acte du 17 décembre 1998 ne
soit pas une décision formelle, la juridiction cantonale
pouvait entrer en matière sur le recours, par économie de
procédure (ATF 110 V 168 sv. consid. 3a).

2.- Le litige porte sur le calcul de la rente de
vieillesse de la recourante à partir du 1er janvier 1997.
Il a pour objet la question du partage des revenus réalisés
par les époux L.________ - G.________ durant leur mariage.

3.- Il est établi que, par jugement du 30 juillet
1996, le Président du Tribunal du district de Lausanne a
prononcé le divorce des époux, jugement qui est devenu
définitif et exécutoire dès le 5 août 1996.

a) La let. c des dispositions transitoires relatives
aux modifications de la LAVS, concernant l'introduction
d'un nouveau système de rentes, dispose à l'al. 4 que
l'art. 29quinquies al. 3 LAVS est également applicable au
calcul de la rente de vieillesse des personnes divorcées,
lorsque le mariage a été dissous avant le 1er janvier 1997
(RO 1996 2486).
Il s'agit là, toutefois, d'une application du nouveau
droit aux nouvelles rentes. En effet, conformément à la
let. c al. 1 première phrase des dispositions transitoires
relatives aux modifications de la LAVS, les nouvelles dis-
positions s'appliquent à toutes les rentes dont le droit
prend naissance après le 31 décembre 1996. La ratio legis
de la let. c al. 4 des dispositions transitoires en
question est de préciser que le moment déterminant pour
l'application du partage des revenus chez les personnes
divorcées n'est pas le moment du divorce, mais celui de la
naissance du droit à la rente. Le système de partage des
revenus réglé par l'art. 29quinquies al. 3 LAVS n'est
applicable au calcul de la rente des personnes divorcées
que lorsque le mariage a été dissous avant le 1er janvier
1997 et que le droit à la rente a pris naissance après le
31 décembre 1996 (Pra 1998 no 177 p. 944 sv. consid. 3).

b) Le mariage de la recourante a été dissous avant le
1er janvier 1997 et elle a droit à une rente de vieillesse
depuis le 1er mars 1992. En conséquence, l'art. 29quinquies
al. 3 LAVS n'est pas applicable au calcul de sa rente.

4.- Invoquant sa bonne foi, la recourante demande
pourtant à bénéficier de ce mode de calcul, sa rente de
vieillesse devant être calculée à partir du 1er janvier
1997 en procédant au partage des revenus réalisés par les
époux durant leur mariage.

5.- a) Le droit à la protection de la bonne foi permet
au citoyen d'exiger que l'autorité respecte ses promesses
et qu'elle évite de se contredire. Ainsi, un renseignement
ou une décision erronés peuvent obliger l'administration à
consentir à un administré un avantage contraire à la loi,
si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

1. il faut que l'autorité soit intervenue dans une situa-
tion concrète à l'égard de personnes déterminées;
2. qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limi-
tes de sa compétence;
3. que l'administré n'ait pu se rendre compte immédiatement

de l'inexactitude du renseignement obtenu;
4. qu'il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispo-
sitions qu'il ne saurait modifier sans subir un préju-
dice;
5. que la loi n'ait pas changé depuis le moment où le ren-
seignement a été donné (ATF 121 V 66 consid. 2a et les
références; arrêt S. du 9 mai 2000 [K 23/98], selon le-
quel la jurisprudence rendue à ce propos sur la base de
l'art. 4 al. 1 aCst. s'applique également dans le cadre
de l'art. 9 Cst. du 18 avril 1999).

b) La protection de la bonne foi ne suppose pas tou-
jours l'existence d'un renseignement ou d'une décision

erronés. Le droit à la protection de la bonne foi peut
aussi être invoqué avec succès en présence, simplement,
d'assurances ou d'un comportement de l'administration
susceptibles d'éveiller chez l'administré une attente ou
une espérance légitime (ATF 111 Ib 124 consid. 4; Grisel,
Traité de droit administratif, p. 390 sv.). Mais, dans un
tel cas, l'assuré ne peut, conformément à l'art. 3 al. 2
CC, se prévaloir de sa bonne foi si, nonobstant les doutes
qui s'imposent, il a manqué de la diligence requise par les
circonstances, notamment en s'abstenant de vérifier une
information (RAMA 1999 no KV 97 p. 525 consid. 4b et les
références).

6.- Selon les premiers juges, le renseignement concer-
nant le «splitting», donné à la recourante par l'intimée
dans sa réponse du 18 avril 1996, s'est effectivement
révélé erroné. Toutefois, ont-ils considéré, si l'on peut
admettre que les caisses ont tendance à souvent donner des
renseignements d'ordre général, on ne saurait pour autant
retenir, en l'espèce, vu le caractère trop vague de ce
renseignement, que la caisse ait fait à l'assurée une
promesse suffisamment précise pour que l'autorité de céans
puisse considérer qu'elle s'est engagée à verser une rente
non prévue par la loi. Par ailleurs, contrairement à la
thèse de la recourante, il n'est pas possible de retenir
que c'est cette promesse, qu'elle n'a sans doute pas été à
même de comprendre dans toute sa portée, vu son caractère
relativement ambigu, qui l'ait décidée à signer la conven-
tion de divorce et à renoncer à toute pension alimentaire
dès la retraite de son mari. De plus, même si une action en
modification du jugement de divorce au sens de l'art. 157
CC apparaît assez aléatoire, elle n'est pas dénuée de toute
chance de succès et il n'est guère possible d'admettre, à
ce stade, que l'assurée a pris des dispositions sur les-
quelles elle ne peut pas revenir.

7.- a) La recourante conteste ce point de vue. En
effet, elle soutient qu'au moment de son divorce, elle ne
pouvait que se fonder sur la précision apportée par l'in-
timée dans sa réponse du 18 avril 1996, «soit sur la prise
en compte du "splitting", très clairement assuré par la
(caisse)», d'une part, et confirmé par sa décision (du
30 septembre 1996) sur la prise en compte de la bonifica-
tion pour tâches éducatives, d'autre part. En outre, sur la
base de la réponse de la caisse, elle a pris dans la con-
vention sur les effets accessoires du divorce des disposi-
tions qui sont irréversibles pour elle, le jugement de
divorce étant définitif et exécutoire depuis le 5 août
1996.

b) En l'espèce, la recourante, dans sa lettre du
14 avril 1996, a indiqué que sa situation en 1996 était
celle d'une femme divorcée, laissant ainsi entendre que son
divorce serait prononcé en 1996, et non pas en 1997. Il ne
s'agissait donc pas d'une demande de renseignements sur le
moment le plus avantageux pour divorcer, soit avant ou
après l'entrée en vigueur de la 10e révision de l'AVS, à la
différence de ce qui était le cas dans l'arrêt G.-A. du
6 septembre 1999 (H 203/98).
L'intimée, dans sa réponse du 18 avril 1996, a remis à
la recourante un mémento de l'OFAS sur la 10e révision de
l'AVS, dont il ressort notamment ce qui suit :

«10 Lors du calcul d'une rente de vieillesse ou d'invali-
dité de personnes mariées, veuves ou divorcées, les
revenus que les époux ont réalisés pendant les années
civiles de mariage commun sont répartis et attribués
par moitié à chacun des conjoints. On ne procède ce-
pendant au partage des revenus»

«12 - que si la mariage est dissous par un divorce ou dé-
claré nul. Les personnes qui divorcent peuvent solli-
citer le partage des revenus auprès d'une caisse de
compensation à laquelle elles ont versé des cotisations
AVS. Nous recommandons aux conjoints divorcés d'entre-
prendre une démarche commune sitôt le divorce prononcé,
pour permettre à la procédure de partage des revenus de
se dérouler le plus rapidement et le plus simplement
possible. Si aucune démarche en partage n'est entre-
prise, la caisse de compensation procédera d'office au
partage des revenus lors du calcul de la rente s'il
appert que l'ayant-droit est divorcé(e). Un tel partage
interviendra également si les conjoints ont divorcé
avant le 1er janvier 1997».

En soi, le texte précité était susceptible d'éveiller
chez la recourante l'attente ou l'espérance que le partage
des revenus réalisés par les époux durant le mariage inter-
viendrait également si elle
divorçait avant le 1er janvier
1997. De plus, l'affirmation de l'intimée dans sa réponse
du 18 avril 1996, selon laquelle «Si vous êtes divorcée,
vous pourrez demander un nouveau calcul incluant le partage
des revenus AVS des ex-conjoints durant le mariage (système
dit du splitting)», n'était pas de nature à la détromper
dans son attente ou son espérance.
Cependant, des doutes s'imposaient. En effet, s'agis-
sant d'une rente de vieillesse en cours, puisque la recou-
rante y a droit depuis le 1er mars 1992, le ch. 31 du
mémento signale que les rentes en cours ne sont, pour
l'instant, pas touchées par la 10e révision de l'AVS. Y
sont énumérés les cas d'un futur transfert dans le nouveau
droit, lesquels ne concernent pas la recourante, dont le
calcul de la rente de vieillesse ne tient pas compte des
revenus de l'ex-conjoint. Enfin, les ch. 34 et 36 du mé-
mento - selon lesquels certains groupes de rentières et de

rentiers peuvent néanmoins solliciter un nouveau calcul de
leur rente dès le 1er janvier 1997 s'il s'avère plus avan-
tageux à leur égard, ce qui concerne les personnes dont la
rente a dû être recalculée suite à un divorce ou un rema-
riage - ne sont pas décisifs en l'espèce.
N'ayant pas vérifié si l'information de l'intimée sur
le nouveau calcul de la rente selon le système du partage
des revenus valait également dans le cas d'une rente de
vieillesse en cours, la recourante a manqué de la diligence
requise par les circonstances. Elle ne saurait dès lors se
prévaloir de sa bonne foi. Le recours est mal fondé.

8.- Représentée par un avocat, la recourante, qui
succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec
l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 juillet 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.410/99
Date de la décision : 11/07/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-11;h.410.99 ?
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