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10/07/2000 | SUISSE | N°4C.28/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juillet 2000, 4C.28/2000


«AZA 3»

4C.28/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

10 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett, juges, et M. Pagan, juge suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

________________

Dans la cause civile pendante
entre

Denis Kopp, à Genève, défendeur et recourant, représenté par
Me Patrice Riondel, avocat à Genève,

et

l'Association genevoise du Coin de Terre, à Vernier, demande-
resse et intimée

, représentée par Me Christiane de
Senarclens
Combe, avocate à Genève;

(droit de réméré)

Vu les pièces du dossier d'où...

«AZA 3»

4C.28/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

10 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett, juges, et M. Pagan, juge suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

________________

Dans la cause civile pendante
entre

Denis Kopp, à Genève, défendeur et recourant, représenté par
Me Patrice Riondel, avocat à Genève,

et

l'Association genevoise du Coin de Terre, à Vernier, demande-
resse et intimée, représentée par Me Christiane de
Senarclens
Combe, avocate à Genève;

(droit de réméré)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) L'Association genevoise du Coin de Terre
(ci-après: l'Association), reconnue d'utilité publique
depuis
1933, a pour but principal de faciliter aux familles de con-
dition modeste l'acquisition et la construction d'habita-
tions. A cet effet, elle peut, en particulier, recourir aux
dispositions légales concernant le droit de réméré. La durée
- indéterminée -, les modalités de l'annotation au registre
foncier (pour une période de dix ans) et les conditions
d'exercice de ce droit ont été fixées dans un règlement inté-
rieur approuvé par le Conseil d'Etat genevois. Selon ce rè-
glement, les ventes de parcelles avec la maison familiale et
d'appartements font l'objet d'un acte notarié spécial pré-
voyant un droit de réméré en faveur de l'Association. En ou-
tre, les propriétaires présents ou futurs de terrains vendus
par l'Association doivent satisfaire aux conditions de celle-
ci et en être membres aussi longtemps qu'elle subsistera.

La qualité de membre de l'Association se perd no-
tamment par le décès. Au décès d'un membre actif propriétai-
re, son conjoint ou, à défaut, ses descendants peuvent requé-
rir leur admission au sein de l'Association. Le successeur
jouit de la situation acquise par le défunt.

b) Le 25 septembre 1962, Jean Kopp a acquis de
l'Association, pour le prix de 75 944 fr.80, une parcelle
avec villa sise à Aïre. L'acte de vente reprenait les
clauses
et conditions réglementaires concernant le droit de réméré.
L'acquéreur s'y engageait à signer un nouveau contrat en vue
d'une seconde annotation de ce droit à l'expiration de la pé-
riode initiale de dix ans. Pour garantir le respect du droit
de réméré, l'immeuble vendu a été grevé d'une hypothèque de
20 000 fr. au profit de l'Association.

Jean Kopp est décédé le 8 août 1984. Son fils Denis
devint propriétaire de la villa, tandis que son épouse Irène
en hérita l'usufruit et y demeura jusqu'à son décès, survenu
le 27 mai 1994. Irène Kopp paya les cotisations de membre de
l'Association, mode de procéder que son fils Denis accepta
en
pleine connaissance de cause.

En décembre 1987, Denis Kopp sollicita de l'Asso-
ciation une estimation de la valeur de la villa, afin de cal-
culer ses droits de succession. Il lui fut répondu, avec es-
timation détaillée à l'appui, que la valeur de la villa
s'élevait à 287 000 fr. "selon les calculs du droit de rémé-
ré".

Le 28 août 1988, l'Association s'adressa au notaire
chargé de la liquidation de la succession de Jean Kopp pour
lui faire savoir que l'hypothèque de 20 000 fr. devait être
portée à 100 000 fr. conformément à une décision de son comi-
té prise le 7 décembre 1977. Denis Kopp ne donna pas suite à
cette demande. En septembre 1988, il changea de notaire et
fit constituer une cédule hypothécaire grevant la villa pour
un montant de 550 000 fr. en garantie d'un prêt octroyé par
la Patria Assurances.

Au cours de l'automne 1994, l'Association, ayant
appris que Denis Kopp entendait vendre la villa, lui
signifia
son intention d'exercer son droit de réméré. Contestant la
validité de ce droit, Denis Kopp lui offrit la villa pour le
prix de 650 000 fr. L'Association refusa cette offre et con-
firma sa volonté de faire valoir le droit de réméré. A sa de-
mande, le prix de la villa fut estimé par voie d'expertise,
selon les critères statutaires, et arrêté à 306 560 fr.60,
valeur au 19 décembre 1994.

Par ordonnance de mesures provisionnelles du 22 dé-
cembre 1994, l'Association fut autorisée à faire annoter au

registre foncier une restriction du droit d'aliéner l'immeub-
le en question, moyennant la fourniture de sûretés d'un mon-
tant de 40 000 fr.

B.- a) Le 31 janvier 1995, l'Association ouvrit une
action en validation de ces mesures provisionnelles. Ses con-
clusions visaient à faire constater la validité tant du
droit
de réméré que de son exercice, à obtenir le transfert de pro-
priété contre versement par elle-même de la somme de
306 600 fr. à Denis Kopp et à enjoindre ce dernier de faire
radier la cédule hypothécaire de 550 000 fr. constituée par
lui sur l'immeuble litigieux.

Le défendeur conclut au déboutement de la demande-
resse et, reconventionnellement, au paiement par celle-ci de
divers montants à titre de dommages-intérêts (charges couran-
tes et intérêts débiteurs) consécutifs à l'annotation préten-
dument injustifiée de la restriction du droit d'aliéner sa
villa.

Statuant "sur partie", le 14 décembre 1995, le Tri-
bunal de première instance du canton de Genève constata la
validité du droit de réméré, dit qu'il avait été valablement
exercé par la demanderesse, ordonna la libération des sûre-
tés, rejeta la demande reconventionnelle et invita les par-
ties à plaider sur expertise pour déterminer la valeur, au 6
octobre 1994, de la parcelle et de la villa du défendeur, en
leur impartissant des délais pour ce faire.

Par arrêt du 21 juin 1996, la Cour de justice reje-
ta l'appel formé par le défendeur contre ce jugement et ren-
voya la cause à cette autorité pour qu'elle fixe la suite de
la procédure.

Un recours en réforme interjeté par le défendeur
contre cette décision fut déclaré irrecevable par arrêt du
Tribunal fédéral du 24 mars 1997.

b) Les experts mis en oeuvre par le Tribunal de
première instance fixèrent à 332 000 fr. le prix de rachat
de
l'immeuble en fonction de la méthode décrite dans le contrat
conclu le 25 septembre 1962.

Sur la base de leur rapport, chacune des parties
formula ses conclusions définitives. Celles de la demanderes-
se tendaient, en substance, au transfert à son nom de la pro-
priété de l'immeuble en cause, franc de tout gage immobilier
et autre droit réel limité, contre paiement de 332 000 fr.
Le
défendeur a conclu, de son côté, au rejet intégral de la de-
mande, à la radiation de l'inscription de la restriction du
droit d'aliéner et de l'hypothèque de 20 000 fr. constituée
en faveur de la demanderesse, ainsi qu'à la restitution des
cotisations perçues par cette dernière entre 1988 et 1994;
reconventionnellement, le défendeur a conclu à ce que la de-
manderesse soit condamnée à lui verser différents montants
par mois, du 1er novembre 1994 jusqu'à l'entrée en
jouissance
effective du nouveau propriétaire de la villa, pour qu'il
puisse payer les charges courantes et les intérêts débiteurs
se rapportant à celle-ci.

Par jugement du 6 mai 1999, le Tribunal de première
instance a fait entièrement droit aux conclusions de la de-
manderesse.

Statuant le 12 novembre 1999, sur appel du défen-
deur, la Cour de justice a confirmé ledit jugement.

C.- Le défendeur interjette un recours en réforme
au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de l'ar-
rêt cantonal et l'admission des conclusions qu'il avait pri-

ses devant la Cour de justice. A titre subsidiaire, il re-
quiert le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
qu'elle se prononce sur sa demande reconventionnelle.

La demanderesse propose le rejet du recours et la
confirmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fé-
déral doit conduire son raisonnement sur la base des faits
figurant dans la décision attaquée, à moins que des disposi-
tions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il
faille compléter les constatations de l'autorité cantonale
parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid.
5c/aa p. 357, 117 II 256 consid. 2a, 115 II 484 consid. 2a
p.
485 s.). Dans la mesure où un recourant présente un état de
fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée,
sans se prévaloir de manière précise de l'une des exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir
compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les consta-
tations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ).

Dans la partie de son recours consacrée au "rappel
des faits pertinents", le défendeur se livre en réalité,
sous
forme de commentaires, à une critique des faits retenus par
la Cour de justice à l'appui de son arrêt du 12 novembre
1999. Une telle façon de procéder, en dehors des hypothèses
susvisées, n'est pas admissible, car elle revient à faire du

Tribunal fédéral une juridiction d'appel susceptible de re-
voir librement les faits.

2.- En premier lieu, le défendeur soutient que le
pacte de réméré convenu par feu son père et la demanderesse
était frappé de nullité en raison de l'obligation de renou-
vellement dont il était assorti. A l'en croire, ce pacte ne
lui serait donc pas opposable.

a) Sous l'empire de l'art. 683 al. 2 aCC, les
droits d'emption et de réméré faisant l'objet de cette dispo-
sition cessaient, dans tous les cas, dix ans après leur anno-
tation au registre foncier. Néanmoins, il était admis que ce
délai décennal ne valait que pour les effets de nature
réelle
du contrat, si bien que les parties pouvaient constituer en-
tre elles un droit de réméré d'une durée indéterminée, dans
les limites des art. 2 et 27 CC (cf., mutatis mutandis,
l'ATF
121 III 210 consid. 2 et l'arrêt cité).

b) En l'espèce, l'engagement pris par Jean Kopp de
signer un nouveau pacte de réméré à l'expiration de la durée
de validité de l'annotation au registre foncier, afin que le
droit de réméré puisse être annoté derechef pour une période
supplémentaire de dix ans, était entaché de nullité (ATF 73
II 158 consid. 1). Toutefois, force est d'admettre que, par
un comportement concluant, les parties à l'acte de vente du
25 septembre 1962 ont renoncé à cette clause. En effet, l'en-
gagement incriminé n'a donné lieu à aucune contestation
entre
elles en 1972, à l'expiration du délai de dix ans, et la si-
tuation n'a pas évolué depuis le 25 septembre 1972. Sur ce
point, il faut encore remarquer, avec la demanderesse, que
l'arrêt déféré est entaché d'une inadvertance manifeste en
ce
sens que l'hypothèque de 20 000 fr. était censée garantir
l'engagement de Jean Kopp de ne pas vendre l'immeuble sans
l'accord de la demanderesse et non pas d'exécuter l'obliga-
tion de renouvellement, hypothèse dans laquelle la garantie

eût été souscrite pour un engagement nul (cf. ATF 73 II 158
consid. 2).

Quoi qu'il en soit, il y aurait tout au plus matiè-
re à nullité partielle selon l'art. 20 al. 2 CO par la seule
annulation de la clause litigieuse, s'agissant de mettre en
oeuvre le principe de la favor negotii en présence d'une dis-
position qui n'avait d'ailleurs aucune incidence sur la
durée
- indéterminée - du droit de réméré stipulé dans l'acte de
vente du 25 septembre 1962 et qui ne modifiait pas non plus
l'économie de ce contrat (cf. ATF 120 II 35 consid. 4a).

La première critique formulée par le défendeur
tombe dès lors à faux.

3.- Le défendeur invoque ensuite une violation de
l'art. 216a CO. Il fait grief à la cour cantonale de n'avoir
pas constaté que le droit de réméré litigieux s'était défini-
tivement éteint en 1987, 25 ans après sa constitution, en
vertu de cette disposition.

a) aa) Les droits de préemption, d'emption et de
réméré conventionnels sont des droits d'acquisition condi-
tionnels qui font naître un rapport générateur d'obligations

et qui sont soumis, comme tels, aux dispositions générales
relatives aux contrats. De tels droits n'ont, en principe,
que des effets personnels. Peuvent, toutefois, s'y ajouter
les effets réels de l'annotation au registre foncier, laquel-
le permet de garantir l'exécution de ces droits personnels
par un mode réel, en les rendant opposables à tout droit pos-
térieurement acquis sur l'immeuble (art. 959 al. 2 CC; ATF
120 Ia 240 consid. 3b et les références).

Selon le texte des art. 681 al. 3 et 683 al. 2 aCC,
les droits de préemption, d'emption et de réméré cessent,
dans tous les cas, dix ans après l'annotation. La jurispru-

dence a néanmoins interprété ces dispositions en ce sens que
le délai décennal ne s'appliquait qu'aux effets réels de
l'annotation. Ainsi, les parties pouvaient constituer entre
elles des droits personnels d'une durée indéterminée, dans
les limites des art. 2 et 27 CC (ATF 102 II 243 consid. 3 et
les références; voir aussi l'ATF 121 III 210 consid. 2). Cet-
te jurisprudence a été approuvée par une majorité d'auteurs
(voir les références indiquées par Felix Schöbi, Die Bedeu-
tung der Revision der Bestimmungen über vertragliche Kaufs-,
Vorkaufs- und Rückkaufsrechte für die Sachenrechtsdogmatik,
recht 1993, p. 177 note de pied n. 4).

Dans la perspective d'une révision de la loi, le
Conseil fédéral avait sollicité un avis de droit du profes-
seur Pio Caroni (Berne), lequel avait préconisé le maintien
de la distinction entre la durée des effets personnels et la
durée des effets réels des droits de préemption,
d'emption
et
de réméré. La commission d'experts lui avait emboîté le pas
(pour les références, cf. Schöbi, op. cit., p. 178). Cepen-
dant, le 19 octobre 1988, le Conseil fédéral a présenté un
projet de loi où il proposait de ne plus faire de différence
entre la durée à caractère simplement obligatoire de ces
droits personnels et celle qui revêtait un caractère d'obli-
gation réelle (Message à l'appui des projets de loi fédérale
sur le droit foncier rural et de loi fédérale sur la
révision
partielle du code civil (droits réels immobiliers) et du
code
des obligations (vente d'immeubles), in FF 1988 III 889 ss,
1015 s.). Cette proposition n'a rencontré aucune opposition
devant les commissions parlementaires et les Chambres fédéra-
les; elle a été tacitement adoptée et introduite dans la loi
à l'art. 216a CO (pour les références, cf. Schöbi, op. cit.,
p. 178 note de pied n. 9; voir aussi l'appréciation critique
de Rey, Die Neuregelung der Vorkaufsrechte in ihren Grund-
zügen, RDS 113 (1994) I 39 ss, 40 s.). Aux termes de cette
disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 1994, les
droits de préemption et de réméré peuvent être convenus pour

une durée de 25 ans au plus, les droits d'emption pour dix
ans au plus, et être annotés au registre foncier.

bb) En l'espèce, la demanderesse a fait valoir son
droit de réméré en novembre 1994, soit après l'entrée en vi-
gueur de l'art. 216a CO.

A supposer que ce droit soit régi, quant à sa du-
rée, par la disposition topique applicable à l'époque de sa
constitution, à savoir l'art. 683 al. 2 aCC tel
qu'interprété
par la jurisprudence précitée, il serait assurément
opposable
au défendeur, en sa qualité de successeur universel de la
personne qui l'avait octroyé à la demanderesse. Seuls pour-
raient y faire obstacle les art. 2 et 27 al. 2 CC.
Cependant,
le défendeur n'a pas porté le débat sur ce terrain-là et il
n'avance aucun motif susceptible de justifier la mise en oeu-
vre de la soupape de sécurité que représentent ces deux dis-
positions. Il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter.

En revanche, si le droit de réméré constitué en
1962 devait être limité ab ovo dans le temps par l'art. 216a
CO et qu'il tombât matériellement sous le coup de cette dis-
position, la demanderesse ne pourrait plus s'en prévaloir,
parce qu'il se serait alors éteint en 1987, avant qu'elle en
fît usage. Il convient donc d'examiner successivement ces
deux questions en commençant par la seconde, car la réponse
qui lui sera apportée pourrait rendre superflu le traitement
de la première. Aussi bien, dans l'hypothèse où le droit de
réméré en cause serait exorbitant ratione materiae de l'art.
216a CO, il importerait peu de savoir quel est le champ
d'application ratione temporis de cette disposition.

b) aa) Les nouvelles durées maximales fixées à
l'art. 216a CO ne valent que pour les droits personnels qui
ont été constitués par convention, à l'exclusion de ceux qui
existent de par la loi, tels les droits de préemption légaux

(par ex. art. 682 et 682a CC). En outre, selon le message
susmentionné du Conseil fédéral, la durée maximale de 25 ans
n'est pas non plus applicable lorsque les droits de préemp-
tion sont créés, conformément à l'art. 712c al. 1 CC, dans
l'acte constitutif de la propriété par étages ou par conven-
tion ultérieure (FF 1988 III 1016). Cet avis est partagé par
une majorité d'auteurs (Engel, Contrats de droit suisse, 2e
éd., p. 103 ch. 4; Rey, op. cit., p. 43; Steinauer, La nou-
velle réglementation du droit de préemption, RNRF 1992, p. 1
ss, 8; Robert Meier, Das neue Vorkaufs-, Kaufs- und Rück-
kaufsrecht - vier Neuerungen und drei Auslegungsfragen, PJA
1994, p. 139 ss, 145; Roland Pfäffli, Neuerungen im Immobi-
liarsachenrecht und beim Grundstückkauf, Le Notaire bernois
(NB) 1992, p. 449 ss, 456; pour une critique de cet avis,
cf.
Bénédict Foëx, La nouvelle réglementation des droits de
préemption, d'emption et de réméré dans le CC/CO, SJ 1994,
p.
381 ss, 403 s.). Schöbi (Die Revision des Kaufs-, des Vor-
kaufs- und des Rückkaufsrechts, PJA 1992, p. 567 ss), quant
à
lui, va encore plus loin, puisqu'il soutient que les durées
fixées à l'art. 216a CO ne s'appliquent pas en toute hypothè-
se et qu'il faut, en particulier, en faire abstraction lors-
que la relation juridique en cause offre les caractères
d'une
société, auquel cas la modulation des délais (dans un sens
ou
dans l'autre) peut répondre à des besoins légitimes (p.
569).
D'autres auteurs refusent d'admettre, ou du moins
critiquent,
une interprétation aussi extensive du texte légal (Foëx,
ibid.; Meier, ibid.).

L'opinion de Schöbi, qui se heurte certes au texte
en soi clair de l'art. 216a CO, mais qui paraît conforme à
l'esprit et à la systématique de la loi, n'est en tout cas
pas dénuée d'intérêt. De fait, si les droits de préemption
légaux ne sont pas soumis à la durée maximale prévue par la
disposition citée, c'est parce que la relation juridique des
parties dans laquelle ils s'insèrent ne se résume pas à leur
seule existence. Contrairement aux droits de préemption con-

ventionnels, qui visent essentiellement à satisfaire les be-
soins spécifiques de leurs titulaires, les droits de préemp-
tion légaux poursuivent des buts d'intérêt plus général et
servent, notamment, à la réalisation d'objectifs de
politique
structurelle, de politique en matière de propriété ou de po-
litique familiale (comme le droit de préemption des parents,
au sens des art. 42 ss LDFR; RS 211.412.11) ou encore à
l'aménagement et au renforcement d'autres rapports de droit
(droits de préemption en matière de copropriété et de droit
de superficie, au sens de l'art. 682 CC; droit de préemption
du fermier, au sens de l'art. 47 LDFR). Il est donc logique
que de tels droits accessoires subsistent aussi longtemps
que
dure la relation juridique qui constitue leur raison d'être.
Qu'il en aille de même en ce qui concerne le droit de préemp-
tion du copropriétaire d'étage, bien que ce droit n'existe
pas ex lege (cf. art. 712c al. 1 CC), est tout à fait justi-
fié au regard des considérations qui ont guidé le législa-
teur, d'autant plus que la propriété par étages n'est qu'une
forme particulière de la copropriété. Aussi paraît-il diffi-
cile, prima facie, de retenir une solution différente, du
point de vue téléologique, pour d'autres rapports de droit
fondés sur une structure corporative. On pense ici, par exem-
ple, aux coopératives d'habitation visant à faciliter
l'accès
à la propriété d'un logement.

bb) La demanderesse est une association d'utilité
publique qui a principalement pour but de permettre aux fa-
milles de condition modeste d'acquérir et de construire des
habitations. Ses statuts et règlements ont été approuvés par
le Conseil d'Etat. Les droits d'emption et de réméré qui y
figurent servent de toute évidence à la mise en oeuvre du
but
statutaire, en tant qu'ils permettent à cette association de
lutter contre la spéculation immobilière. Dans ces condi-
tions, on peut raisonnablement se demander si de tels droits
entrent dans les prévisions de l'art. 216a CO.

La question, délicate, pourra cependant rester in-
décise s'il devait s'avérer, sous l'angle du droit transitoi-
re, que cette disposition n'a pas empêché la demanderesse
d'exercer valablement son droit de réméré.

c) aa) La loi fédérale du 4 octobre 1991, qui a in-
troduit l'art. 216a dans le Code des obligations, ne
contient
pas de dispositions transitoires. Conformément à la jurispru-
dence, il faut donc s'en tenir aux règles générales du titre
final du Code civil (ATF 116 II 33 consid. 3a p. 36, 116 III
120 consid. 3a p. 124). Celles-ci reposent sur le principe
de
la non-rétroactivité (art. 1er al. 1 Tit. fin. CC), lequel
souffre toutefois des exceptions, notamment lorsque l'ordre
public est en jeu (art. 2 Tit. fin. CC) ou qu'il est
question
de cas réglés par la loi indépendamment de la volonté des
parties (art. 3 Tit. fin. CC). Les rapports de droit visés
par ces deux dernières dispositions sont soumis à la loi nou-
velle, même s'ils ont pris naissance avant son entrée en vi-
gueur.

Dans un arrêt du 28 juin 1995, le Tribunal fédéral
a soulevé le problème de la rétroactivité de l'art. 216a CO,
mais il a pu se dispenser de le résoudre, étant donné que le
bénéficiaire du droit d'emption s'était porté acquéreur de
l'immeuble avant l'entrée en vigueur de cette disposition
(ATF 121 III 210). En l'espèce, la demanderesse a fait
valoir
son droit de réméré après le 1er janvier 1994. Il s'impose,
dès lors, d'examiner si l'art. 216a CO s'opposait ou non à
l'exercice de ce droit.

bb) La question de la rétroactivité de l'art. 216a
CO est l'objet de controverses.

Selon Bucher (Commentaire bernois, n. 243 ad art.
27 CC), les limites fixées par cette disposition quant à la
durée des droits de préemption, d'emption et de réméré
(comme

les prescriptions de forme de l'art. 216 CO) ne valent que
pour les contrats conclus après le 1er janvier 1994, parce
que la durée maximale ne constitue pas un élément de l'ordre
public suisse. Denis Piotet (Le droit transitoire des lois
fédérales sur le droit foncier rural et sur la révision par-
tielle du code civil et du code des obligations du 4 octobre
1991, RDS 113 (1994) I 125 ss, 142 ss) est du même avis;
pour
cet auteur, l'art. 216a CO n'est pas d'ordre public, au sens
de l'art. 2 Tit. fin. CC, et la durée maximale qu'il fixe
pour les droits personnels précités est une question qui ne
relève pas non plus de l'art. 3 Tit. fin. CC. Pour Foëx (op.
cit., p. 415) également, la disposition en cause n'a pas
trait au contenu, mais à l'existence même des droits de
préemption, d'emption et de réméré, de sorte qu'elle n'entre
pas dans le champ d'application de l'art. 3 Tit. fin. CC.

De leur côté, Schöbi (op. cit., PJA 1992, p. 570 et
op. cit., recht 1993, p. 177 note de pied n. 5) et Vito Ro-
berto (Teilrevision des Zivilgesetzbuches und des Obliga-
tionenrechts, recht 1993, p. 172 ss, 174 s.) professent
l'opinion inverse. Selon eux, la durée maximale des droits
de
préemption, d'emption et de réméré visés par l'art. 216a CO
est de droit impératif, au sens de l'art. 3 Tit. fin. CC;
par
conséquent, les droits personnels constitués sous l'empire
de
l'ancien droit ne peuvent plus être exercés lorsque, à l'en-
trée en vigueur du nouveau droit, la durée maximale fixée
par
celui-ci s'est déjà écoulée. Giger (Commentaire bernois, n.
461 ad art. 216 CO), Hess (Commentaire bâlois, n. 8 ad art.
216a CO), Pfäffli (op. cit., p. 455) ainsi que l'Office fédé-
ral chargé du droit du registre foncier et du droit foncier
(ZBGR 1996 p. 390 ss, 404 s.) - ce dernier en tout cas jus-
qu'à ce qu'une décision de justice différente et représenta-
tive ait été rendue - sont du même avis que ces deux
auteurs.

cc) Considéré sous l'angle du droit comparé, le
rattachement d'un rapport d'obligation au droit en vigueur
au

moment de sa constitution (lex prior) est usuel; il vise à
protéger la confiance subjective des parties, qui ont soumis
leurs relations à un droit matériel qui leur était connu, et
tend aussi à empêcher que des droits valablement acquis par
un acte juridique soient enlevés à leur titulaire par le
seul
effet de la loi (Burkhard Hess, Intertemporales Privatrecht,
Tübingen 1998, p. 143 avec des références au droit d'autres
pays à la note de pied n. 108). Telle est également la ratio
legis de l'art. 1er al. 1 Tit. fin. CC.

L'art. 2 Tit. fin. CC apporte une exception au
principe général de la non-rétroactivité des lois lorsque
l'ordre public est en cause. Dans l'ATF 49 II 330 consid. 3,
le Tribunal fédéral avait jugé que la durée maximale insti-
tuée par l'art. 683 al. 2 aCC pour les droits de réméré
avait
été établie dans l'intérêt de l'ordre public et qu'elle s'ap-
pliquait donc, conformément à l'art. 2 Tit. fin. CC, aux an-
ciens droits de réméré constitués en vertu du droit
cantonal.
Toutefois, cet arrêt a été critiqué par la doctrine
(Mutzner,
Commentaire bernois, n. 83 ss ad art. 17 Tit. fin. CC). Le
Tribunal fédéral lui-même l'a d'ailleurs remis en question
quelques années plus tard, mais il a laissé le problème en
suspens car le jugement attaqué devait être réformé pour un
autre motif (ATF 53 II 392 consid. 2 et 3). Quoi qu'il en
soit, l'opinion qui prévaut à juste titre à l'heure actuelle
dénie à l'art. 216a CO le caractère de disposition d'ordre
public au sens de l'art. 2 Tit. fin. CC (Piotet, op. cit.,
p.
143; Bucher, ibid.).

Une autre exception au principe de non-rétroactivi-
té résulte de l'art. 3 Tit. fin. CC, lequel prévoit que les
cas réglés par la loi indépendamment de la volonté des par-
ties sont soumis à la loi nouvelle, après l'entrée en
vigueur
du code civil, même s'ils remontent à une époque antérieure.
L'interprétation de cette disposition a soulevé de tout
temps
des difficultés (voir déjà: Heinrich Giesker-Zeller, Die

Grundprinzipien des Übergangsrechtes zum Schweizerischen Zi-
vilgesetzbuche, RDS 1915, p. 1 ss, 47 ss; pour un examen com-
plet de la question, cf. Markus Vischer, Die allgemeinen
Bestimmungen des schweizerischen intertemporalen Privat-
rechts, thèse Zurich 1986, p. 65 ss; voir aussi: Broggini,
Intertemporales Privatrecht, in Schweizerisches Privatrecht,
vol. I, p. 443 ss). L'une des différentes opinions émises à
ce sujet restreint le champ d'application de l'art. 3 Tit.
fin. CC aux cas dans lesquels le contenu d'un rapport juri-
dique est fixé par la loi, sans égard à la volonté des par-
ties; en revanche, lorsque le contenu du rapport juridique
découle de la volonté autonome des parties, la protection de
la confiance éveillée chez celles-ci
commande de ne pas por-
ter atteinte à une position contractuelle valablement
acquise
par acte juridique sous l'empire de la loi ancienne (Tuor/
Schnyder/Schmid, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 11e
éd.,
p. 905; Vischer, op. cit., p. 61 ss; le même, Commentaire bâ-
lois, n. 1 ss ad art. 3 Tit. fin. CC; Piotet, op. cit., p.
143; dans le même sens, voir déjà: Mutzner, op. cit., n. 3
ad
art. 3 Tit. fin. CC). Le Tribunal fédéral s'est rallié à cet
avis dans sa jurisprudence la plus récente (ATF 116 II 63
consid. 3a et 4, 116 III 120 E. 3d).

dd) En l'occurrence, le droit de réméré litigieux a
été stipulé dans le contrat de vente du 25 septembre 1962
pour une durée indéterminée. S'il fallait considérer, du
point de vue du droit transitoire, que la durée du droit de
réméré fait partie du contenu de celui-ci, tel qu'il découle
de la volonté autonome des parties, le droit de réméré
serait
soumis, quant à sa durée admissible, à l'ancien droit. Par
conséquent, dans cette hypothèse, rien ne s'opposait à son
exercice en novembre 1994, au moment où la demanderesse l'a
fait valoir.

Force est, toutefois, de souligner, s'agissant de
la durée du droit de réméré, que l'autonomie privée était dé-

jà limitée sous l'empire de l'ancien droit en ce sens que,
si
les parties pouvaient certes constituer entre elles un droit
personnel d'une durée indéterminée, elles n'en devaient pas
moins respecter les limites imposées par l'art. 27 CC et ne
pouvaient pas attribuer au droit de réméré des effets réels
excédant la durée maximale prévue à l'art. 683 al. 2 aCC.
Aussi, comme la durée maximale des rapports de droit est gé-
néralement soustraite à l'autonomie privée, pourrait-on se
demander si elle ne ressortit pas au contenu fixé par la
loi.
Il n'est cependant pas nécessaire d'examiner plus avant
cette
question. En effet, même s'il fallait y répondre par l'affir-
mative, la protection de la confiance exclurait de fixer le
point de départ du délai de 25 ans à une date antérieure à
celle de l'entrée en vigueur de l'art. 216a CO, en particu-
lier à la date de constitution du droit de réméré. Au con-
traire, le dies a quo pour le calcul de ce délai ne pourrait
être que le 1er janvier 1994, de sorte qu'au regard de
l'art.
216a CO, les droits de réméré constitués avant cette date,
comme celui que fait valoir la demanderesse, expireraient le
1er janvier 2019. La solution inverse conduirait à des résul-
tats difficilement justifiables, serait source d'une grande
insécurité juridique et soulèverait d'autre part en pratique
des questions complexes d'indemnisation et de vices de la vo-
lonté ensuite d'une réduction légale de la durée d'un droit
personnel valablement constitué pour une durée indéterminée.
A cet égard, un parallèle peut être établi entre la question
examinée et celle de l'effet dans le temps d'une nouvelle rè-
gle touchant la prescription. Dans sa jurisprudence en la ma-
tière, le Tribunal fédéral a posé le principe selon lequel,
s'il est généralement admis qu'une nouvelle règle de pres-
cription ou de péremption s'applique également aux droits
jusqu'alors imprescriptibles, la protection des droits exis-
tants exige qu'en pareil cas le délai de prescription ne com-
mence pas à courir avant l'entrée en vigueur du nouveau
droit
(ATF 102 V 206 consid. 2 p. 208 et les références; voir
aussi
le consid. 3 de l'arrêt du 16 août 1994 reproduit in Rivista

di diritto amministrativo e tributario ticinese [RDAT] 1995
I
n° 46 p. 114 ss, 116). Il ne saurait en aller différemment
en
ce qui concerne la péremption d'un droit de réméré conven-
tionnel.

Cela étant, les juges précédents n'ont pas violé le
droit fédéral en constatant que la demanderesse avait fait
valoir son droit de réméré en temps utile.

4.- a) La cour cantonale se voit encore reprocher
d'avoir retenu, d'une part, que la demanderesse s'était con-
formée à ses statuts, alors que tel n'aurait pas été le cas,
et, d'autre part, que la mère du défendeur était devenue mem-
bre de l'Association.

En argumentant de la sorte, le défendeur s'en prend
aux constatations de fait de l'arrêt attaqué, ce qui rend
son
recours irrecevable.

De toute manière, ces circonstances ne sont pas dé-
terminantes, étant donné que le droit de réméré prévu dans
l'acte authentique du 25 septembre 1962 qui en renfermait
les
conditions était opposable au défendeur, en sa qualité d'hé-
ritier de Jean Kopp, signataire de cet acte, conformément à
l'art. 560 al. 2 CC (cf. Tuor/Picenoni, Commentaire bernois,
n. 3 et 5 ad art. 560 CC). En effet, les droits d'emption,
de
préemption et de réméré consentis par le défunt échoient à
ses héritiers qui en reprennent les obligations (cf. Giger,
op. cit., n. 7 ad art. 216b CO et les références).

b) Le défendeur soutient, par ailleurs, qu'en ac-
ceptant qu'il soit inscrit comme propriétaire de la villa et
que sa mère soit réduite à un droit d'usufruit, la demande-
resse a consenti du même coup à ce que l'immeuble sorte de
son emprise et a ainsi renoncé à se prévaloir d'un
quelconque
droit de réméré.

A nouveau, le défendeur ne tient pas compte des
constatations de fait de la cour cantonale, dont il ne résul-
te aucunement que la demanderesse aurait renoncé à invoquer
son droit de réméré.

Semblable allégation est du reste dénuée de tout
fondement. En effet, à la requête du défendeur, la demande-
resse a adressé à celui-ci, en date du 11 janvier 1988, une
estimation de la valeur de l'immeuble établie en fonction
des
critères prévus pour l'exercice du droit de réméré; en
outre,
le 28 août 1988, elle est intervenue auprès du notaire
chargé
de la liquidation de la succession de Jean Kopp pour qu'il
fasse passer l'hypothèque de 20 000 fr. à 100 000 fr., ce
qui
démontre bien que, pour elle, le droit de réméré était tou-
jours valable et qu'il n'était pas question d'y renoncer.

Pour le surplus, l'argumentation du défendeur ne
permet pas de comprendre en quoi la décision déférée serait
contraire au droit fédéral de manière causale et l'on n'y
discerne pas la disposition légale qui pourrait avoir été
violée (cf. Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédé-
ral, in SJ 2000 II p. 1 ss, 46), si bien qu'il ne se
justifie
pas d'examiner de manière plus approfondie les points soule-
vés par le défendeur.

c) A suivre ce dernier, la demanderesse aurait
adopté un comportement constitutif d'un abus de droit, vu le
temps qui s'était écoulé entre le moment où il avait hérité
de l'immeuble et celui auquel elle avait manifesté son inten-
tion d'exercer son droit de réméré.

Une telle opinion est manifestement erronée, étant
donné qu'Irène Kopp, en sa qualité d'usufruitière, occupait
toujours l'immeuble, que, de ce fait, la situation existant
du vivant de Jean Kopp a perduré et qu'elle s'est trouvée en
quelque sorte figée jusqu'au décès de l'intéressée survenu
le

27 mai 1994, de sorte que la demanderesse n'avait aucune rai-
son de faire valoir auparavant son droit de réméré.

Ce qui précède est si vrai que, dès qu'elle eut ap-
pris, au cours de l'automne 1994, soit peu après le décès
d'Irène Kopp, que le défendeur avait l'intention de vendre,
la demanderesse est intervenue afin de faire valoir le droit
de réméré dont elle bénéficiait.

En d'autres termes, il faut considérer que la de-
manderesse n'avait pas de raison d'exercer son droit de rémé-
ré tant que la famille Kopp occupait l'immeuble et qu'elle
entendait y rester.

d) Enfin, le défendeur soutient, contrairement à
l'avis des juges précédents, qu'il était en droit de consti-
tuer, en septembre 1988, une hypothèque de 550 000 fr. gre-
vant l'immeuble litigieux.

Le droit de réméré est un droit d'acquisition con-
ditionnel subordonné à une condition potestative, la déclara-
tion d'exercice du droit (ATF 109 II 219 consid. 2b). Aussi,
en vertu de l'art. 152 al. 1 CO relatif aux obligations con-
ditionnelles, tant que la condition n'est pas accomplie, le
propriétaire de l'immeuble doit s'abstenir de tout acte qui
empêcherait que l'obligation qui lui incombe de souffrir le
rachat de l'immeuble soit dûment exécutée. Il lui est inter-
dit, en particulier, de constituer des droits réels limités
sur le bien-fonds, sous peine de devoir payer des dommages-
intérêts au titulaire du droit de réméré (cf. Steinauer, Les
droits réels, tome II, 2e éd., n. 1708a).

En l'espèce, la Cour de justice n'a fait que se
conformer à ces principes. Le défendeur ne saurait donc le
lui reprocher.

5.- Dans un dernier moyen, le défendeur fait grief
à la cour cantonale de ne pas avoir examiné sa demande recon-
ventionnelle. Les considérations qui précèdent rendent toute-
fois sans objet son recours sur ce point, puisqu'il est ac-
quis que la restriction provisoire du droit d'aliéner
obtenue
par la demanderesse, le 22 décembre 1994, l'a été
valablement
sur la base du droit de réméré appartenant à l'intéressée.

Au demeurant, le défendeur ne dit pas quel principe
de droit fédéral aurait été violé. Par conséquent, il ne se
justifie pas d'entrer davantage en matière sur ce grief à la
recevabilité douteuse.

6.- Cela étant, le recours ne peut qu'être rejeté,
dans la mesure où il est recevable. Le défendeur, qui succom-
be, sera dès lors condamné à payer les frais de la procédure
fédérale (art. 156 al. 1 OJ) et à verser des dépens à la de-
manderesse (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 8000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une in-
demnité de 8000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 10 juillet 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.28/2000
Date de la décision : 10/07/2000
1re cour civile

Analyses

Droit de réméré (art. 216a CO): champ d'application matériel et droit transitoire. Un droit de réméré figurant dans les statuts d'une association d'utilité publique entre-t-il dans les prévisions de l'art. 216a CO? Question laissée ouverte (consid. 3b). Le point de départ du délai de 25 ans correspondant à la durée maximale prévue à l'art. 216a CO ne saurait être fixé à une date antérieure à l'entrée en vigueur de cette disposi- tion (1er janvier 1994), même si le droit de réméré a été constitué sous l'empire de l'ancien droit (consid. 3c).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-10;4c.28.2000 ?
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