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07/07/2000 | SUISSE | N°5P.4/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 juillet 2000, 5P.4/2000


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5P.4/2000/odi

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

7 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Weyermann,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Merkli, juges.
Greffier: M. Braconi.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

1. Société S.________ et
2. Société D.________,
toutes deux à Paris (F), représentées par Me Pierre
Perritaz,
avocat à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 23 décembre 1999 par

la IIe Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg dans la cause qui op-
pose les recourantes à C.________, représentée...

«»
5P.4/2000/odi

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

7 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Weyermann,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Merkli, juges.
Greffier: M. Braconi.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

1. Société S.________ et
2. Société D.________,
toutes deux à Paris (F), représentées par Me Pierre
Perritaz,
avocat à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 23 décembre 1999 par la IIe Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg dans la cause qui op-
pose les recourantes à C.________, représentée par Me Marian-
ne Loretan, avocate à Fribourg;

(Convention de Lugano, séquestre)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par acte notarié du 3 novembre 1992, revêtu de
la formule exécutoire, la société O.________, à Paris, a oc-
troyé à la Compagnie T.________, à Paris, un prêt de
8'000'000 FF, plus intérêts à 11,5%; ce crédit était
garanti,
notamment, par la "caution personnelle, solidaire et indivi-
se" de C.________. Le prêteur a cédé le 28 mai 1996 sa créan-
ce à la société S.________, à Paris, qui a engagé des pour-
suites en France contre la caution. Par jugement du 12 avril
1999, le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné
celle-ci à payer 9'159'730.44 FF, avec suite d'intérêts; la
défenderesse s'est pourvue en appel.

B.- a) Le 13 avril 1999, la société S.________ a re-
quis l'exequatur de l'acte notarié français ainsi que le sé-
questre des avoirs détenus par C.________ auprès de la
Banque
X.________ à Fribourg. Par décision du 15 avril suivant, la
Présidente du Tribunal civil de la Sarine a accueilli la re-
quête et pris, le même jour, une ordonnance de séquestre fon-
dée sur "l'art. 39 de la Convention de Lugano"; l'Office des
poursuites de la Sarine a exécuté cette mesure.

b) C.________ a d'abord formé opposition au séques-
tre, puis recouru contre la décision d'exequatur et de mesu-
res conservatoires. A la requête des avocats des parties, la
procédure d'opposition a été suspendue sine die. Statuant le
23 décembre 1999, la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal
de
l'Etat de Fribourg a annulé le séquestre (1) et sursis à sta-
tuer sur l'exequatur jusqu'à droit jugé sur la validité de
l'acte notarié (2).

C.- a) Les sociétés S.________ et D.________ exer-
cent un recours de droit public au Tribunal fédéral contre
cet arrêt, concluant à son annulation en tant qu'il révoque
le séquestre.

L'intimée propose le rejet du recours.

Les recourantes ont été invitées à répliquer aux
observations de l'autorité cantonale.

b) Par ordonnance du 25 janvier 2000, le Président
de la IIe Cour civile a accordé l'effet suspensif au
recours,
en ce sens que le séquestre est provisoirement maintenu.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La société S.________, elle-même cessionnaire
des droits de la société O.________, a cédé le 3 novembre
1999 sa prétention à la société D.________; cette cession
n'ayant pas encore été notifiée à la débitrice cédée à la
date du dépôt du présent recours, elle s'est jointe "par me-
sure de précaution" à la cessionnaire, toutes deux agissant
en qualité de "consorts". Il ne ressort pas du dossier que
ce
transfert aurait été porté à la connaissance des magistrats
inférieurs, dont la décision est muette sur ce point. Il y a
lieu, néanmoins, d'en tenir compte d'office (arrêt non
publié
de la Ie Cour de droit public du 18 mars 1996 dans la cause
1P.605/1995, consid. 1b).

L'explication de la recourante 1 pour justifier de
sa qualité pour recourir ne saurait être suivie. Les parties
ont, en effet, expressément prévu dans l'acte de cession que
le "cédant s'engage [...] à rembourser le cessionnaire pour

tout paiement qui pourrait lui être ultérieurement effectué
entre ses mains par le débiteur cédé" (cf. art. 2), si bien
que l'absence d'un avis de cession à l'intimée est dépourvue
de pertinence. L'existence d'un mandat d'encaissement n'est
en outre pas établie, ni même alléguée (ATF 119 II 452; 96 I
1 consid. 2a p. 3). Il s'ensuit que, faute d'être titulaire
de la créance en garantie de laquelle des mesures de sûreté
ont été requises, la recourante 1 ne peut plus se prévaloir
d'un intérêt juridique actuel et personnel (art. 88 OJ;
arrêt
non publié 1P.605/1995 précité, consid. 1a); cette condition
faisant déjà défaut à la date du dépôt du recours, celui-ci
est dès lors irrecevable en ce qui la concerne (ATF 118 Ia
488 consid. 1a p. 490 et les arrêts cités).

2.- L'intimée ayant également formé opposition au
séquestre (art. 278 LP) - dont l'instruction a été suspendue
d'entente entre les parties par le Président du Tribunal de
la Sarine -, il convient d'examiner si cette voie était bien
ouverte en l'espèce et, partant, devait être préalablement
épuisée (art. 86 al. 1 OJ; à ce sujet: Braconi, Les voies de
recours au Tribunal fédéral dans les contestations de droit
des poursuites, in FS 75 Jahre Konferenz der Betreibungs-
und
Konkursbeamten der Schweiz, p. 249 ss, spéc. 257; Piegai, La
protection du débiteur et des tiers dans le nouveau droit du
séquestre, th. Lausanne 1997, p. 199 et les références
citées
par ces auteurs).

Tel ne paraît pas être le cas. La Cour de justice
des Communautés européennes a rappelé que le seul moyen pour
contester la décision qui autorise l'exécution est le
recours
institué par l'art. 36 CL; par conséquent, "tout autre moyen
prévu par le droit national du juge saisi, fût-il limité à
la
seule partie de la décision qui autorise implicitement les
mesures conservatoires, reste exclu" (arrêt du 3 octobre
1985
dans la cause Capelloni et Aquilini c/ Pelkmans, aff.
119/84,
in Rec. 1985, p. 3154 ss, spéc. 3162 n° 35). C'est
d'ailleurs

en se référant à cette jurisprudence que la requérante avait
conclu à l'irrecevabilité de l'opposition au séquestre. Quoi
qu'il en soit, la question souffre de demeurer indécise, le
recours étant, de toute manière, mal fondé.

3.- En l'espèce, le recours dénonce une violation de
l'art. 39 al. 2 CL (RS 0.275.11), d'après lequel la décision
qui accorde l'exequatur emporte l'autorisation de procéder à
des mesures conservatoires sur les biens de la partie contre
laquelle l'exécution est demandée, et se fonde expressément
sur l'"article 84 al. 1 lettre c OJ"; dans le cadre d'un tel
recours, le Tribunal fédéral revoit librement l'application
du droit conventionnel (ATF 119 II 380 consid. 3b p. 382/383
et la jurisprudence citée).

Ce motif de recours ne saurait toutefois entrer en
considération. La disposition précitée se borne à poser le
principe que la partie ayant sollicité et obtenu l'exécution
peut procéder à des mesures conservatoires; c'est au droit
de
l'Etat du juge saisi, en l'occurrence le droit suisse, qu'il
appartient de définir le type de mesures susceptibles d'être
ordonnées (cf. notamment: Bucher, Droit international privé
suisse, T. I/1, n° 822; Cambi Favre-Bulle, La mise en oeuvre
en Suisse de l'art. 39 al. 2 de la Convention de Lugano, in
RSDIE 1998, p. 335 ss, spéc. 343; Donzallaz, La Convention
de
Lugano, vol. II, § 4119; Gassmann, Arrest im internationalen
Rechtsverkehr, th. Zurich 1998, p. 184 ss; Gaudemet-Tallon,
Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, 2e éd., n° 401 in
fine; Geimer/Schütze, Europäisches Zivilverfahrensrecht, N.
9
et Kropholler, Europäisches Zivilprozessrecht, 6e éd., N. 5
ad art. 39 CB/CL). En écartant le séquestre au profit de la
saisie provisoire (cf. infra, consid. 4), la Cour d'appel ne
pouvait dès lors violer la convention, puisque, précisément,
celle-ci ne règle pas ce point.

La question litigieuse relevant du droit interne,
le Tribunal fédéral ne peut en connaître que sous l'angle
restreint de l'arbitraire (art. 84 al. 1 let. a OJ; ATF 125
III 386 consid. 3a p. 388; 105 Ib 37 consid. 4c p. 43/44; 87
I 163 consid. 3 p. 167/168); il s'ensuit que l'arrêt déféré
ne doit être annulé que s'il est manifestement insoutenable,
méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair
et incontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment
de
la justice et de l'équité (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168);
il ne suffit pas qu'une autre solution soit concevable,
voire
préférable (ATF 125 II 129 consid. 5b p. 134).

4.- Pour annuler le séquestre, la cour cantonale a
tout d'abord tiré argument du refus du législateur fédéral
de donner suite à la proposition de la commission d'experts
tendant à introduire un nouveau cas de séquestre fondé sur
l'art. 39 al. 2 CL (art. 271 ch. 6 PLP; Rep. 1992, p. 163
ss,
spéc. 169 ss); elle a ensuite considéré que d'autres mesures
de sûreté sont à la disposition du créancier, "telle que la
saisie provisoire qui est conforme à la CL et qui s'inscrit
dans le système général de la LP".

a) Savoir quelles sont les mesures conservatoires
pouvant être ordonnées en application de l'art. 39 al. 2 CL
est une question controversée (Cambi Favre-Bulle, op. cit.,
p. 363 ss; Gassmann, op. cit., p. 189 ss et les références
citées par ces auteurs). Dans ses observations du 18 octobre
1991 concernant l'exécution des jugements qui emportent une
condamnation pécuniaire dans l'optique de l'entrée en
vigueur
de la Convention de Lugano, l'Office fédéral de la justice a
proposé de retenir le séquestre au sens des art. 271 ss LP,
la "clause d'exequatur" constituant par elle-même un nouveau
cas de séquestre (FF 1991 IV 312/313); cette solution a été
suivie par plusieurs auteurs (notamment: Donzallaz, op.
cit.,
§§ 4180 ss; Leuenberger, Lugano-Übereinkommen: Verfahren der
Vollstreckbarerklärung ausländischer "Geld"-Urteile, in AJP

1992, p. 965 ss, spéc. 972; Merkt, Les mesures provisoires
en droit international privé, th. Neuchâtel 1993, p. 196 ss,
spéc. 199/200 n° 487; Ottomann, Der Arrest, in RDS 115/1996
I
241 ss, spéc. 273 ss; Schwander, Neuerungen in den Bereichen
der Rechtsöffnung sowie der Aufhebung oder Einstellung der
Betreibung, aber fehlende Regelung von Exequaturverfahren im
SchKG, in Publication FSA, vol. 13, p. 35 ss, spéc. 55 ss;
en
ce sens: Gassmann, op. cit., p. 198, lorsque le débiteur est
domicilié à l'étranger et n'a pas de succursale en Suisse,
ou
qu'il est domicilié en Suisse, mais sans y être soumis à la
poursuite par voie de faillite).

Cette opinion n'est pourtant pas incontestée, loin
s'en faut. Une partie de la doctrine se prononce en faveur
de
la saisie provisoire instituée à l'art. 83 al. 1 LP (Dutoit,
in FJS n° 158, p. 14/15 n° 208; Gilliéron, L'exequatur des
décisions étrangères condamnant à une prestation pécuniaire
ou à la prestation de sûretés selon la Convention de Lugano,
in RSJ 88/1992, p. 117 ss, spéc. 127; Meier, Vorschlag für
ein effizientes Verfahren zur Vollstreckung von Urteilen auf
Leistung von Geld oder Sicherheit, in RSJ 89/1993, p. 282
ss,
spéc. 284; D. Staehelin, Die internationale Zuständigkeit
der
Schweiz im Schuldbetreibungs- und Konkursrecht, in AJP 1995,
p. 259 ss, spéc. 271; Stoffel, Das Verfahren zur Anerkennung
handelsrechtlicher Entscheide nach dem Lugano-Übereinkommen,
in RSDA 1993, p. 107 ss, spéc. 115 ss; idem, in Kommentar
zum
Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, N. 118 ss ad
art. 271 LP; Walder, Zur Vollstreckung von "Lugano-Urteilen"
über Geldverpflichtungen in der Schweiz, in Mitteilungen aus
dem Institut für zivilgerichtliches Verfahren in Zürich n°
13
[1991], p. 5 ss, spéc. 7; cf. aussi Bucher, op. cit., n°
860,
pour qui une telle mesure représente, "de par sa nature, le
moyen de protection le plus proche des mesures
conservatoires
au sens de l'art. 39 CL"). Dans le prolongement de cet avis,
d'aucuns accordent au créancier ayant obtenu l'exequatur (en
première instance) le droit de requérir directement la
saisie

des biens du débiteur; n'ayant d'abord que les effets d'une
saisie "provisoire", cette saisie devient "définitive" sitôt
que le jugement d'exequatur est passé en force (cf. art. 83
al. 3 LP), et ouvre la voie de la réalisation sans poursuite
préalable, même contre le débiteur sujet à la poursuite par
voie de faillite (Walter, Zur Sicherungsvollstreckung gemäss
Art. 39 des Lugano-Übereinkommens, in RJB 128/1992, p. 90
ss,
spéc. 98, approuvé par Pestalozzi/Wettenschwiler, Art. 39
des
Lugano-Übereinkommens - Ein neuer Arrestgrund ?, in FS Peter
Forstmoser, p. 327 ss, spéc. 334 ss; sur ce dernier point,
cf. également: Bucher, op. cit., n° 858; Stoffel, Das neue
Arrestrecht, in AJP 1996, p. 1401 ss, spéc. 1404).

Enfin, la doctrine apparaît aussi largement divisée
quant à la possibilité de requérir un inventaire
conformément
à l'art. 162 LP (pro: Dutoit, Meier et D. Staehelin, ibidem;
Stoffel, in RSDA 1993, p. 117 [plus réservé, apparemment, in
AJP 1996, p. 1404]; Gassmann, op. cit., p. 198, pour le cas
où le débiteur est sujet à la poursuite par voie de faillite
d'après l'art. 39 LP; Gilliéron, Itérativement: L'exécution
des décisions rendues dans un Etat partie à la Convention de
Lugano, portant condamnation à payer une somme d'argent ou à
la prestation de sûretés, in RSJ 90/1994, p. 73 ss, spéc.
78;
contra: Bucher, op. cit., n° 851 in fine; Cambi Favre-Bulle,
op. cit., p. 367; Pestalozzi/Wettenschwiler, op. cit., p.
331
et les références citées; Schwander, op. cit., p. 58; idem,
note ad ATF 122 III 36, in AJP 1996, p. 630;
Kaufmann-Kohler,
L'exécution des décisions étrangères selon la Convention de
Lugano, in SJ 119/1997, p. 561 ss, spéc. 578).

Ces controverses n'ont guère épargné les autorités
judiciaires. La voie du séquestre est consacrée à Zurich (ZR

90/1991 n° 35 ch. 6) et à Lucerne (LGVE 1991 I n° 34 ch. 5);
le Tribunal de première instance de Genève s'était également
rallié à cette solution (RSDIE 1994, p. 422 et note Volken),
que la Cour de justice a désavouée ultérieurement (arrêt non

publié du 9 mai 1996, rapporté par Jeanneret, Aperçu de la
validation du séquestre sous l'angle de la nouvelle LPDF, in
Le séquestre selon la nouvelle LP, p. 89 ss, spéc. 113). En
revanche, le Président du Tribunal du district de
Kreuzlingen
a opté pour la saisie provisoire, mais sans l'avis préalable
au débiteur (BlSchK 1996, p. 103 ss = RSDIE 1997, p. 413 ss
et note Volken). Le Tribunal fédéral n'a pas eu l'occasion
de
trancher le débat (arrêt non publié de la IIe Cour civile du
4 novembre 1996 dans la cause 5P.151/1996, où
l'admissibilité
du séquestre n'était pas mise en cause comme telle); dans sa
prise de position sur le rapport du groupe d'experts chargé
d'examiner la nécessité d'adapter le projet de révision de
la
LP à la Convention de Lugano (in Rep. 1992, p. 163 ss), il a
néanmoins souligné que l'opinion de Walter (citée
ci-dessus),
en tant qu'elle implique une saisie provisoire sans
poursuite
préalable, représente "einen weit grösseren Einbruch in das
geltende schweizerische Vollstreckungsrecht" (cité par Reeb,
Procès-verbal de la 131e assemblée annuelle de la SSJ, in
RDS
116/1997 II 540).

b) Aucune des deux mesures entrant en considération
en l'occurrence - séquestre et saisie provisoire - ne peut
être adoptée sans de notables aménagements, et même l'auteur
cité dans l'acte de recours fait appel à une institution
"sui
generis" qui s'appuie directement sur l'art. 39 al. 2 CL et
dont les effets correspondent à ceux du séquestre
(Donzallaz,
op. cit., § 4188); une tendance récente affirme, d'ailleurs,
qu'il n'est pas nécessaire de choisir entre l'une ou l'autre
si chacune d'elles est appliquée conformément aux exigences
de la convention (Bucher, op. cit., n° 859; Kaufmann-Kohler,
op. cit., p. 579; M. Staehelin, in Kommentar zum
Bundesgesetz
über Schuldbetreibung und Konkurs, N. 43 ad art. 30a LP).

A l'encontre de la solution du séquestre, on a fait
valoir qu'il serait exclu d'astreindre le créancier à
valider
la mesure et à fournir des sûretés (Bucher, op. cit., n°
854;

Cambi Favre-Bulle, op. cit., p. 356 et 366; Kaufmann-Kohler,
op. cit., p. 579 et les références citées; contra: FF 1991
IV
313), et que le juge de l'exequatur ne pourrait suppléer au
défaut de base légale (Pestalozzi/Wettenschwiler, op. cit.,
p. 332 et 334; réservés également: Bucher, op. cit., n° 854;
Schwander, op. cit., p. 57/58; critique: Gassmann, op. cit.,
p. 193 et les citations). En outre, la question est discutée
de savoir si l'obligation de désigner les biens à mettre
sous
main de justice (art. 272 al. 1 ch. 3 LP; cf. ATF 126 III 95
consid. 4a p. 96 ss et les références) est compatible ou non
avec l'art. 39 CL (d'une part: Donzallaz, op. cit., § 4190;
Leuenberger, op. cit., p. 971; Stoffel, in RSDA 1993, p.
116;
Walter, op. cit., p. 94; Rep. 1992, p. 175 in fine; d'autre
part: Bucher, n° 855; Cambi Favre-Bulle, op. cit., p. 365);
ce point n'a cependant aucune incidence dans le cas présent,
la requérante s'y étant conformée spontanément.

Quoi qu'en pensent la cour cantonale et l'intimée,
la saisie provisoire ne satisfait pas mieux que le séquestre
aux impératifs du traité. L'argument déduit de l'absence de
base légale vaut aussi pour la saisie provisoire, qui n'est
autorisée qu'après le prononcé de la mainlevée provisoire,
et
non définitive, de l'opposition (D. Staehelin, in Kommentar
zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, N. 4 ad
art. 83 LP et les références; cf. les remarques de
Gilliéron,
Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes
et la faillite, N. 70 ad art. 30a, N. 7, 8 et 50 ad art. 80,
N. 32 ad art. 83 LP et les citations). Alors que le
séquestre
est exécuté à l'improviste (ATF 107 III 29 consid. 3 p. 31),
la saisie provisoire ne peut l'être sans que le débiteur en
soit préalablement avisé (art. 90 LP; D. Staehelin, ibidem,
N. 8); pour respecter l'effet de surprise (art. 34 al. 1
CL),
il faudrait alors y renoncer (Bucher, op. cit., n° 858 et
les
références). En outre, selon la jurisprudence récente, elle
ne peut être requise tant que le jugement de mainlevée est
susceptible d'un recours muni de l'effet suspensif (ATF 122

III 36; critiques: Gilliéron, op. cit., N. 16 ad art. 83 LP;
idem, note in JdT 1998 II 67 ss; D. Staehelin, ibidem, N. 5;
Reeb, Les mesures provisoires dans la procédure de
poursuite,
in RDS 116/1997 II 421 ss, spéc. 442 n. 103), solution qui
ne
satisfait pas aux exigences de l'art. 39 CL (Bucher, ibidem;
cf. Schwander, in AJP 1996, p. 630, qui y voit là un
obstacle
déterminant à la saisie provisoire). Est enfin mentionnée la
nécessité d'un for de poursuite en Suisse (Cambi
Favre-Bulle,
op. cit., p. 368 let. b in fine; Gassmann, op. cit., p. 196
et n. 65), aspect qui ne soulève toutefois pas de difficulté
dans le cas particulier. L'objection selon laquelle la
saisie
provisoire ne pourrait pas être ordonnée dans le cadre d'une
procédure séparée d'exequatur n'apparaît pas décisive -
comme
le démontre la décision du Président du Tribunal du district
de Kreuzlingen (supra, consid. 4a in fine) -, ce d'autant
que
l'admissibilité d'une telle procédure (sur ce point: ATF 125
III 386 consid. 3a p. 387/388 et les références;
Rapin/Wakim,
Cour de justice des Communautés européennes et Convention de
Bruxelles, Chronique de jurisprudence 1999, in SJ 122/2000
II
317 ss, spéc. 336) est explicitement évoquée dans l'acte de
recours.

En résumé, l'opinion de l'autorité cantonale, dont
la motivation est pour le moins indigente au sujet de la
mise
en oeuvre de la mesure préconisée, n'est certes pas à l'abri
de toute critique; elle n'est cependant pas isolée et
tranche
une question âprement débattue, si bien qu'on ne peut parler
d'une norme ou d'un principe juridique clair et indiscuté
que
les magistrats d'appel auraient arbitrairement violés
(supra,
consid. 3 in fine; cf. ATF 119 III 108 consid. 3b p. 112;
117
III 76 consid. 7c p. 83; 115 III 125 consid. 3 p. 130).

5.- Dans sa réponse, à laquelle les recourantes ont
été invitées à répliquer (art. 93 al. 2 OJ; ATF 107 Ia 1 et
les citations), l'autorité inférieure a considéré qu'elle ne
pouvait ordonner un séquestre sur la base du droit cantonal,

car une telle mesure ne saurait être prise pour la garantie
de créances soumises à la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la faillite.

Selon l'art. 347 al. 3 CPC/FR, lorsque l'exécution
d'un jugement étranger est accordée, la partie qui a requis
l'exécution peut obtenir des "mesures conservatoires"; cette
norme renvoie pour le surplus aux art. 366 ss, relatifs aux
mesures provisionnelles. Ce renvoi englobant aussi l'art.
367
al. 2, d'après lequel celles-ci ne peuvent être prises pour
la sûreté de créances pécuniaires, il n'y a pas d'arbitraire
à admettre que l'art. 347 al. 3 CPC/FR se rapporte
uniquement
aux mesures conservatoires qui - fussent-elles même fondées
sur l'art. 39 al. 2 CL - n'ont pas pour objet de garantir de
pareilles prétentions (Donzallaz, op. cit., § 4184;
Gassmann,
op. cit., p. 188/189 et les références citées; Leuch et al.,
Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 5e éd., N. 2d
ad
art. 400d ZPO). La prohibition de mesures provisionnelles du
droit cantonal n'est, il est vrai, pas incontestée (Bucher,
op. cit., n° 861; M. Staehelin, op. cit., N. 42 ad art. 30a
LP), mais cela ne rend pas insoutenable pour autant
l'opinion
de la cour cantonale.

6.- Vu ce qui précède, le recours de la société
S.________ doit être déclaré irrecevable et celui de la so-
ciété D.________ rejeté dans la mesure de sa recevabilité,
les frais et dépens étant mis solidairement à la charge des
recourantes (art. 156 al. 7 et 159 al. 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours de la recourante 1 irreceva-
ble.

2. Rejette le recours de la recourante 2 dans la
mesure où il est recevable.

3. Met à la charge des recourantes, solidairement
entre elles:
a) un émolument judiciaire de 10'000 fr.,
b) une indemnité de 10'000 fr. à payer
à l'intimée à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, à la IIe Cour d'appel du Tribunal canto-
nal de l'Etat de Fribourg et à l'Office des poursuites de la
Sarine.
_____________

Lausanne, le 7 juillet 2000
BRA

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.4/2000
Date de la décision : 07/07/2000
2e cour civile

Analyses

Art. 84 al. 1 let. a et c OJ; Art. 39 al. 2 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale; art. 83 al. 1 et 271 ss LP; mesures conservatoires après l'octroi de l'exequatur. Cognition du Tribunal fédéral (consid. 3). Il n'est pas arbitraire de refuser d'ordonner un séquestre à titre de mesures conservatoires au sens de l'art. 39 al. 2 CL (consid. 4); un tel refus ne procède pas non plus d'une application arbitraire des dispositions cantonales, en l'espèce fribourgeoises, relatives aux mesures provisionnelles (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-07;5p.4.2000 ?
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