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07/07/2000 | SUISSE | N°1P.415/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 juillet 2000, 1P.415/2000


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1P.415/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

I.________, représenté par Me Olivier Subilia, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 23 mai 2000 par le Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud;

(détention préven

tive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- I.________, ressortissant du Kosovo n...

«»

1P.415/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

I.________, représenté par Me Olivier Subilia, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 23 mai 2000 par le Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud;

(détention préventive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- I.________, ressortissant du Kosovo né le 1er
septembre 1965, se trouve en détention préventive depuis le
10 février 2000 sous la prévention d'infraction à la loi fé-
dérale sur les stupéfiants. Il est soupçonné d'avoir parti-
cipé à un trafic de drogue portant sur une grosse quantité,
en raison notamment de ses liens avec M.________, arrêté le
même jour en possession de 7 kilos d'héroïne.

B.- Par ordonnance du 10 mars 2000, le Juge d'ins-
truction de l'arrondissement de Lausanne (ci-après, le Juge
d'instruction) a refusé la mise en liberté de I.________ au
motif qu'en l'état de l'enquête, la libération du prévenu
présenterait des inconvénients sérieux pour l'instruction.

Le 16 mars 2000, le Juge d'instruction a également
refusé au conseil du prévenu, en raison des besoins de l'ins-
truction, la consultation du dossier d'enquête jusqu'au 15
avril 2000, à l'exception des déclarations de son client.

Le 22 mars 2000, le Tribunal d'accusation du Tribu-
nal cantonal vaudois (ci-après, le Tribunal d'accusation) a
confirmé l'une et l'autre de ces décisions. Statuant le 5
mai
2000 sur recours du prévenu, le Tribunal fédéral a annulé
cette décision et renvoyé la cause à la cour cantonale pour
qu'elle statue à nouveau à bref délai, après avoir donné à
I.________ un accès suffisant au dossier.

Le 23 mai 2000, le Tribunal d'accusation a rendu une
nouvelle décision confirmant le maintien de I.________ en dé-
tention après avoir mis l'entier du dossier de la cause à la
disposition du prévenu, pour consultation. Il a considéré
qu'il existait des présomptions suffisantes de culpabilité à

l'encontre de ce dernier car, dans une affaire instruite
contre des mineurs, I.________ était mis en cause pour leur
avoir vendu des stupéfiants et que les écoutes téléphoniques
tendaient également à démontrer l'implication du prévenu
dans
un trafic de drogue. Il a par ailleurs admis que l'issue des
investigations entreprises afin de déterminer la nature et
l'ampleur de l'activité délictueuse de I.________ pourrait
être compromise si celui-ci était remis en liberté. Il a en-
fin retenu que le principe de la proportionnalité était res-
pecté, compte tenu de la détention déjà subie et de la gra-
vité des infractions imputées au prévenu.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
I.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt
et
d'ordonner sa mise en liberté immédiate. Il reproche au Tri-
bunal d'accusation d'avoir admis l'existence de charges suf-
fisantes en violation de la présomption d'innocence, de
l'interdiction de l'arbitraire et de son droit d'être enten-
du. Il lui fait également grief d'utiliser la détention pré-
ventive comme moyen de pression pour obtenir des aveux. Il
prétend enfin que sa détention ne répondrait pas aux néces-
sités de l'enquête et qu'elle serait disproportionnée. Il
requiert l'assistance judiciaire.

Le Tribunal d'accusation et le Juge d'instruction se
réfèrent à leurs décisions respectives.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recourant est personnellement touché par
l'arrêt attaqué, qui confirme une décision refusant sa mise
en liberté provisoire; il a un intérêt personnel, actuel et
juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé, et a,
partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en

temps utile contre une décision prise en dernière instance
cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1
et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
Les conclusions du recourant tendant à sa libération immé-
diate sont par ailleurs recevables (ATF 124 I 327 consid.
4b/aa p. 333).

2.- Une mesure de détention préventive n'est compa-
tible avec la liberté personnelle, garantie par l'art. 10
al.
2 Cst. et par l'art. 5 CEDH, que si elle repose sur une base
légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espè-
ce l'art. 59 du code de procédure pénale vaudois (CPP
vaud.).
Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et res-
pecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et
3
Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le
cas, la privation de liberté doit être justifiée par les be-
soins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de
collusion ou de réitération (cf. art. 59 al. 1, 2 et 3 CPP
vaud.). La gravité de l'infraction ne peut à elle seule fon-
der la prolongation de la détention préventive (ATF 106 Ia
404 consid. 4c p. 407), même si, compte tenu de l'ensemble
des circonstances, elle permet souvent de présumer l'existen-
ce d'un risque de fuite eu égard à l'importance de la peine
privative de liberté dont l'intéressé est menacé (ATF 117 Ia
69 consid. 4a p. 70 et les arrêts cités). Préalablement à
ces
conditions, il doit exister à l'égard de celui-ci des
charges
suffisantes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144). Cette
dernière
exigence coïncide avec la règle de l'art. 5 § 1 let. c CEDH,
qui autorise l'arrestation d'une personne s'il y a des rai-
sons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infrac-
tion.

S'agissant d'une restriction grave à la liberté per-
sonnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces ques-
tions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves,
revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268

consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une
grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 281
consid. 3 p. 283).

3.- Le recourant conteste l'existence de charges
suffisantes pour le maintenir en détention préventive. Il se
plaint à cet égard d'une violation des art. 9, 10 al. 2, 31
al. 1 et 32 al. 1 Cst. ainsi que des art. 5 et 6 CEDH.

a) Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité
d'une décision de maintien en détention préventive, le Tribu-
nal fédéral n'a pas à procéder, à l'instar du juge du fond,
à
une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni à
apprécier la crédibilité des personnes ou des éléments de
preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement exami-
ner s'il existe des indices sérieux de culpabilité
justifiant
une telle mesure. L'intensité des charges n'est pas la même
aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons
encore peu précis, renforcés par exemple par des mensonges
de
l'inculpé ou des variations dans ses déclarations, peuvent
être considérés comme suffisants dans les premiers temps de
l'enquête, la perspective d'une condamnation doit paraître
fortement vraisemblable après l'accomplissement de tous les
actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 143 consid. 3c
p. 146; Gérard Piquerez, Les mesures provisoires en
procédure
civile, administrative et pénale, RDS 116/1997 II p. 1 ss,
spéc. pp. 43/44 et les arrêts cités).

b) Le recourant est mis en cause dans une affaire
instruite contre des mineurs pour leur avoir vendu des stupé-
fiants en vue de revente. La cour cantonale se fonde à cet
égard sur les renseignements de police recueillis par le
Juge
d'instruction ainsi que sur les écoutes téléphoniques mises
en oeuvre dans le cadre de la présente procédure. Lors d'une
conversation téléphonique tenue le 2 février 2000, à 16h40,
I.________ a en effet demandé à M.________ s'il savait "quel-

que chose pour ces garçons". Ce dernier lui a répondu qu'il
avait vu "son frère" et qu'"ils n'ont trouvé sur eux que des
leks". Certes, M.________ a déclaré par la suite qu'il était
seul impliqué dans cette affaire et que I.________ n'était
pas au courant de ce que faisaient ces garçons. Il appartien-
dra cependant au Juge d'instruction d'orienter ses
recherches
sur cet aspect de l'accusation et de déterminer le rôle res-
pectif des deux hommes dans cette affaire. En l'état actuel
de l'enquête, la cour cantonale n'a pas fait preuve d'arbi-
traire en voyant dans cette conversation téléphonique un in-
dice sérieux de la possible implication du recourant dans un
trafic de drogue mettant en cause des mineurs, venant corro-
borer les renseignements de police. Par ailleurs, dans la me-
sure où I.________ a eu accès aux retranscriptions des écou-
tes téléphoniques à la suite de l'arrêt rendu le 5 mai 2000
par le Tribunal fédéral, le droit d'être entendu a été res-
pecté sur ce point.

Le recourant conteste également avoir participé au
trafic de stupéfiants auquel s'adonnerait M.________. Il pré-
tend avoir reçu un téléphone mobile de ce dernier sur lequel
les fournisseurs de M.________ auraient continué à appeler
sans qu'il sache de quoi il retourne. Ces explications ne
permettent cependant pas d'exclure toute implication du pré-
venu dans un trafic de stupéfiants, notamment dans la
transaction portant sur les 7 kilos d'héroïne saisis en main
de M.________ le 10 février 2000. Le recourant aurait en
effet eu des contacts avec le fournisseur de la drogue ainsi
qu'avec d'autres personnes impliquées dans le financement de
ce trafic, lorsqu'il a accompagné M.________ à la gare
d'Olten, à Châtel-St-Denis, à Berne et à Genève; il se
serait
en outre proposé pour aller chercher l'argent nécessaire à
payer la drogue et l'amener à son destinataire, comme cela
résulte d'une conversation téléphonique qu'il a eue le 2 fé-
vrier 2000, à 18h45 avec M.________. L'autorité intimée pou-
vait voir dans ces différents éléments un indice suffisant

que le recourant a eu un rôle peut-être plus actif dans
l'opération du 10 février 2000, malgré ses dénégations et
les
déclarations de son coaccusé postérieures à l'arrêt attaqué,
pour autant que l'on puisse en tenir compte dans le cadre
d'un recours soumis à l'exigence de l'épuisement des instan-
ces cantonales (cf. art. 86 al. 1 OJ). Sur ce point égale-
ment, il appartiendra au Juge d'instruction de procéder aux
investigations nécessaires aux fins de déterminer le rôle
exact joué par I.________ dans cette opération, en entendant
les autres personnes impliquées qui ont été arrêtées dans
l'intervalle.

4.- Le recourant conteste également l'existence d'un
risque de collusion propre à fonder son maintien en déten-
tion.

a) Une telle mesure peut être justifiée par l'inté-
rêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par
exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa
liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preu-
ves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres
prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne
saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion
abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure
pénale
en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en
détention préventive, présenter une certaine vraisemblance
(ATF 123 I 31 consid. 3c p. 36; 117 Ia 257 consid. 4c p.
261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les gran-
des lignes et sous réserve des opérations à conserver secrè-
tes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer,
et
en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accom-
plissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p. 33/34; 116 Ia 149
consid. 5 p. 152).

b) La cour cantonale a tenu le risque de collusion
pour établi sur la base des investigations en cours afin de

déterminer la nature et l'ampleur de l'activité délictueuse
du prévenu, dont l'issue pourrait être compromise si
celui-ci
était remis en liberté. Elle n'indique toutefois pas de quel-
les opérations il s'agit ni par quels moyens le recourant
pourrait s'opposer à leur bon déroulement. De ce point de
vue, l'arrêt attaqué ne répond pas aux exigences de motiva-
tion dégagées par la jurisprudence. Dans son ordonnance du
10
mars 2000, le Juge d'instruction a vu un danger de collusion
dans le fait que I.________ avait eu des contacts avec les
fournisseurs de M.________ et d'autres personnes impliquées
notamment dans le financement de ce trafic et que ces person-
nes n'avaient pas toutes formellement été identifiées ou in-
terpellées. Or, depuis lors, l'homme qui a fourni les 7
kilos
d'héroïne à M.________ et celui qui a avancé la somme de
7'000 fr. pour payer une partie de la drogue ont tous deux
été arrêtés. Si un risque concret de collusion, motivé par
la
possibilité que le prévenu puisse influencer d'une manière
ou
d'une autre ces personnes, pouvait à la rigueur encore se
justifier s'agissant de l'opération pour laquelle il a été
arrêté, ce risque a disparu avec leur arrestation et
n'existait plus lorsque l'autorité intimée a statué.

Le recourant est également soupçonné d'avoir vendu
de la drogue à des mineurs qui ont été arrêtés quelques
jours
avant son interpellation. Pour l'heure, l'instruction ne pa-
raît pas avoir porté sur cet aspect de l'accusation, de
sorte
qu'il n'est pas possible de définir concrètement le danger
de
collusion que pourrait impliquer la libération éventuelle du
prévenu sur le déroulement de l'enquête. Pour le surplus, il
n'est pas établi que le recourant ait des liens avec
d'autres
personnes impliquées dans le trafic de stupéfiants dans le-
quel M.________ serait compromis et qui n'ont apparemment à
ce jour pas été appréhendées, de sorte qu'en l'absence d'él-

éments concrets sur ce point, il est exclu de motiver la
détention par un risque de collusion.

c) L'autorité intimée n'a pas invoqué d'autres mo-
tifs de détention à l'appui de son arrêt et il n'appartient
pas au Tribunal fédéral de vérifier d'office si de tels mo-
tifs existent. La décision attaquée doit dès lors être annu-
lée pour cette raison, sans qu'il y ait lieu d'examiner les
autres griefs invoqués. Cela ne signifie pas pour autant que
le recourant doive être libéré car il n'est pas exclu que
son
maintien en détention puisse être ordonné pour des raisons
liées aux besoins de l'enquête ou pour d'autres motifs. Il
appartiendra au Juge d'instruction de réexaminer cette ques-
tion sur le vu du résultat des diverses mesures
d'instruction
entreprises jusqu'à maintenant (cf. ATF 125 I 113 consid. 3
p. 118; 116 Ia 60 consid. 3b p. 64; 115 Ia 293 consid. 5g p.
308; 114 Ia 88 consid. 5d p. 93).

5.- Le recours doit ainsi être admis dans le sens
des considérants, ce qui rend sans objet la demande d'assis-
tance judiciaire. Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ, le can-
ton de Vaud est dispensé des frais judiciaires; il versera
en
revanche une indemnité de dépens au recourant qui obtient
gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours dans le sens des considérants et
annule la décision attaquée;

2. Rejette la demande de mise en liberté immédiate.

3. Alloue au recourant une indemnité de dépens de
1'500 fr., à la charge du canton de Vaud.

4. Déclare sans objet la demande d'assistance judi-
ciaire.

5. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

6. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Juge d'instruction de l'arrondissement
de
Lausanne et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud.

Lausanne, le 7 juillet 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.415/2000
Date de la décision : 07/07/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-07;1p.415.2000 ?
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