La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2000 | SUISSE | N°1P.396/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 juillet 2000, 1P.396/2000


«»

1P.396/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________, représenté par Me Kathrin Gruber, avocate à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 30 mai 2000 par le Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud;

(détention préven

tive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.________, ressortissant italien né ...

«»

1P.396/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________, représenté par Me Kathrin Gruber, avocate à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 30 mai 2000 par le Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud;

(détention préventive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.________, ressortissant italien né le 27 dé-
cembre 1952, se trouve en détention préventive depuis le 23
août 1999 sous la prévention de participation à une organisa-
tion criminelle et de blanchiment d'argent; il a par la
suite
également été inculpé d'escroquerie, de faux dans les
titres,
de fabrication et de mise en circulation de fausse monnaie
ainsi que d'infraction à la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers. Il lui est reproché d'avoir
participé, de concert avec V.________, P.________ et
C.________, à une organisation ayant fabriqué et mis en cir-
culation de la fausse monnaie en Suisse et à l'étranger, et
ayant recyclé de l'argent provenant d'activités illicites
telles que la prostitution, le jeu, le commerce de matières
dangereuses ou la drogue. Il aurait en outre participé à des
escroqueries portant sur des investissements à haut
rendement
et confectionné une fausse garantie bancaire portant sur une
somme de 9 millions de francs suisses, sur la base d'un rele-
vé de compte à son nom, dont le solde était en réalité de
300
fr. Il est enfin soupçonné d'avoir participé en 1997 à un im-
portant trafic de cocaïne entre la Colombie et différents
pays, dont la Russie.

Le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est
vaudois a rejeté plusieurs demandes de mise en liberté for-
mées par B.________, dont la dernière en date du 6 mars
2000.
Par arrêt du 24 mars 2000, le Tribunal d'accusation du Tri-
bunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal d'ac-
cusation) a confirmé cette décision sur recours du prévenu;
il a considéré qu'au vu du dossier, il existait des indices
de culpabilité suffisants; il a en outre tenu pour établis
les risques de récidive, de fuite et de collusion.

B.- Par ordonnance du 9 mai 2000, le Juge d'instruc-
tion de l'arrondissement de l'Est vaudois a rejeté une nou-
velle demande de mise en liberté provisoire présentée par
B.________, décision que ce dernier a vainement contestée
devant le Tribunal d'accusation. Dans son arrêt du 30 mai
2000, cette autorité a justifié le maintien de la détention
préventive par les nécessités de l'enquête ainsi que les ris-
ques de collusion, de fuite et de récidive, et s'est référée
pour le surplus aux motifs exposés à l'appui de son arrêt du
24 mars 2000. Elle a en outre considéré que le principe de
la
proportionnalité était respecté, compte tenu de la durée de
la détention déjà subie et de la gravité des infractions im-
putées au prévenu.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des art. 9, 10 al. 2, 31 al. 1, 32 al. 1 et
36
Cst. ainsi que des art. 5 et 6 CEDH, B.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa mise
en
liberté immédiate. Il voit une violation de son droit d'être
entendu dans le fait que l'autorité intimée s'est référée
aux
motifs exposés dans un précédent arrêt pour rejeter sa deman-
de de mise en liberté provisoire, sans se prononcer sur les
arguments nouveaux développés à l'appui de celle-ci. Il est
également d'avis que sa détention serait illégale en tant
qu'elle repose sur des faits en relation avec une infraction
pour laquelle il n'a pas été inculpé à ce jour. Il prétend
en
outre que les conditions à son maintien en détention ne
seraient pas réunies, faute d'éléments concrets permettant
de
retenir un risque de collusion ou de réitération. Il tient
enfin la durée de la détention pour excessive au regard des
infractions reconnues et requiert l'assistance judiciaire.

Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants
de son arrêt. Le Juge d'instruction de l'arrondissement de
l'Est vaudois n'a pas déposé d'observations.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recourant est personnellement touché par
l'arrêt attaqué, qui confirme une décision refusant sa mise
en liberté provisoire; il a un intérêt personnel, actuel et
juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé, et a,
partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en
temps utile contre une décision prise en dernière instance
cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1
et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
Les conclusions du recourant tendant à sa libération immé-
diate sont par ailleurs recevables (ATF 124 I 327 consid.
4b/aa p. 333).

2.- Une mesure de détention préventive n'est compa-
tible avec la liberté personnelle, garantie par l'art. 10
al.
2 Cst. et par l'art. 5 CEDH, que si elle repose sur une base
légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espè-
ce l'art. 59 du code de procédure pénale vaudois (CPP
vaud.).
Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et res-
pecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et
3
Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le
cas, la privation de liberté doit être justifiée par les be-
soins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de
collusion ou de réitération (cf. art. 59 al. 1, 2 et 3 CPP
vaud.). La gravité de l'infraction ne peut à elle seule fon-
der la prolongation de la détention préventive (ATF 106 Ia
404 consid. 4c p. 407), même si, compte tenu de l'ensemble
des circonstances, elle permet souvent de présumer l'existen-
ce d'un risque de fuite eu égard à l'importance de la peine
privative de liberté dont l'intéressé est menacé (ATF 117 Ia
69 consid. 4a p. 70 et les arrêts cités). Préalablement à
ces
conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des
charges suffisantes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144). Cette
dernière exigence coïncide avec la règle de l'art. 5 § 1
let.

c CEDH, qui autorise l'arrestation d'une personne s'il y a
des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une in-
fraction.

S'agissant d'une restriction grave à la liberté per-
sonnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces ques-
tions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves,
revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268
consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une
grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 281
consid. 3 p. 283).

3.- Dans un argument d'ordre formel qu'il convient
d'examiner en premier lieu, le recourant voit une violation
de son droit d'être entendu dans le fait que l'autorité in-
timée s'est référée aux motifs exposés dans son arrêt du 24
mars 2000 sans se prononcer sur les arguments nouveaux qu'il
avait développés à l'appui de sa requête de mise en liberté.

a) La jurisprudence rendue sous l'empire de l'art.
4 aCst., mais qui garde toute sa valeur dans le cadre de
l'art. 29 al. 2 Cst., a déduit du droit d'être entendu
l'obligation pour l'autorité de motiver ses décisions, afin
que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses
droits de recours en connaissance de cause. Pour satisfaire
cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins
brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle
a
fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de
discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués
par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux
qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents
(ATF
124 II 146 consid. 2a p. 149; 122 IV 8 consid. 2c p. 14/15;
121 I 54 consid. 2c p. 57 et les arrêts cités).

L'autorité saisie d'une demande de mise en liberté
provisoire doit statuer à bref délai. Cette règle implique

que les motifs soient communiqués rapidement, si la décision
n'est pas motivée en même temps qu'elle est prononcée. Il
est
donc admissible, tout spécialement en cas de prolongations
successives d'une détention, que l'autorité renonce à une
motivation détaillée, reprenant l'ensemble des circonstances
de fait et en droit; elle peut, au contraire, ne spécifier
que les éléments essentiels, que la personne détenue peut
comprendre sans l'assistance de son conseil. Dans cette me-
sure, il est admis que l'autorité se borne à adhérer aux mo-
tifs de la demande de prolongation de la détention (ATF 114
Ia 281 consid. 4c p. 285), pour autant que le recourant ne
fasse pas valoir d'arguments nouveaux pertinents (ATF 103 Ia
407 consid. 3a p. 409). En revanche, le renvoi pur et simple
aux actes de la procédure ne suffit pas (ATF 123 I 31
consid.
2c p. 34 et les arrêts cités).

b) En l'espèce, l'autorité intimée n'a pas renvoyé
aux motifs de la décision du Juge d'instruction, mais à ceux
exposés à l'appui d'un arrêt qu'elle avait rendu deux mois
auparavant. Un tel procédé ne viole pas nécessairement le
droit du détenu à titre préventif à une décision motivée,
pour autant que ce dernier ne fasse pas valoir d'éléments
nouveaux pertinents qui conduiraient à une appréciation dif-
férente des faits. Or, le recourant reproche précisément à
l'autorité intimée de ne pas avoir répondu aux arguments nou-
veaux contenus dans sa demande de mise en liberté
provisoire;
il n'indique toutefois pas de quels arguments il s'agit, de
sorte que le Tribunal fédéral n'est pas en mesure d'examiner
si l'autorité intimée pouvait, de manière soutenable, les te-
nir pour dénués de toute pertinence et, par conséquent, les
écarter sans autre motivation. Le recours ne répond donc pas
sur ce point aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ et
doit être déclaré irrecevable (cf. ATF 125 I 492 consid. 1b
p. 495). On observera au demeurant que le Tribunal d'accusa-
tion a expliqué les raisons pour lesquelles il considérait
que les motifs de détention retenus à l'appui de son arrêt
du

24 mars 2000 étaient encore pertinents, respectant ainsi son
devoir de motivation.

4.- Le recourant prétend que la motivation retenue
par le Juge d'instruction à l'appui de son ordonnance du 9
mai 2000, selon laquelle "il est évident que B.________ et
V.________, bien qu'ils s'en défendent, opèrent au sein
d'une
même structure" serait arbitraire et violerait le principe
de
la présomption d'innocence consacré à l'art. 32 al. 1 Cst.
Ce
faisant, il perd de vue que l'objet du litige consiste exclu-
sivement dans l'arrêt rendu le 30 mai 2000 par le Tribunal
d'accusation, de sorte que le grief est irrecevable en tant
qu'il s'adresse au Juge d'instruction. Pour le surplus,
l'arrêt attaqué ne renferme aucune motivation de nature à
prêter le flanc à la critique sous l'angle du principe de la
présomption d'innocence (cf. ATF 124 I 327 consid. 3b p. 331
et les références citées).

5.- Le recourant conteste l'existence de charges
suffisantes pour le maintenir en détention préventive. Il se
plaint à cet égard d'une violation des art. 10 al. 2, 31 al.
1 Cst. et 5 CEDH.

a) Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité
d'une décision de maintien en détention préventive, le Tribu-
nal fédéral n'a pas à procéder, à l'instar du juge du fond,
à
une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni à
apprécier la crédibilité des personnes ou des éléments de
preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement exami-
ner s'il existe des indices sérieux de culpabilité
justifiant
une telle mesure. L'intensité des charges n'est pas la même
aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons
encore peu précis, renforcés par exemple par des mensonges
de
l'inculpé ou des variations dans ses déclarations, peuvent
être considérés comme suffisants dans les premiers temps de
l'enquête, la perspective d'une condamnation doit paraître

fortement vraisemblable après l'accomplissement de tous les
actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 143 consid. 3c
p. 146; Gérard Piquerez, Les mesures provisoires en
procédure
civile, administrative et pénale, RDS 116/1997 II p. 1 ss,
spéc. pp. 43/44 et les arrêts cités).

b) En l'espèce, B.________ admet avoir mis en circu-
lation deux fausses coupures de 200 Deutschmark au Casino de
Montreux, dans la soirée du 10 juin 1999; il reconnaît en
outre une infraction mineure à la loi fédérale sur le séjour
et l'établissement des étrangers. Il conteste pour le
surplus
les autres accusations portées à son encontre.

aa) Le recourant nie en particulier avoir participé
à une quelconque organisation criminelle mise en place par
V.________ ou soutenu celle-ci dans son activité. Il prétend
que V.________ et lui-même avaient leur propre domaine d'ac-
tivité et menaient leurs activités en parallèle sans aucune
forme d'association. Les éléments constitutifs de l'infrac-
tion de participation à une organisation criminelle ne
seraient en outre pas réunis dès lors qu'elle suppose l'exis-
tence d'un groupe structuré d'au moins trois personnes conçu
pour durer indépendamment d'une modification de la composi-
tion de ses effectifs et ayant pour but de commettre des ac-
tes de violence criminels ou de se procurer des revenus par
des moyens criminels (cf. Message du Conseil fédéral concer-
nant la modification du Code pénal suisse et du Code pénal
militaire, du 30 juin 1993, FF 1993 III 289 et 290). Il res-
sort des témoignages versés au dossier que V.________ et
B.________ apparaissaient le plus souvent ensemble vis-à-vis
des tiers, le premier se présentant
alors comme le patron et
le second comme son avocat. L'autorité intimée pouvait donc
admettre, en l'état, des indices sérieux en faveur d'une col-
laboration étroite entre les deux hommes. Par ailleurs,
P.________ paraît avoir joué un rôle actif dans l'organisa-
tion en amenant notamment plusieurs clients intéressés au

programme d'investissement à haut rendement conçu par
V.________. Enfin, la position de C.________ par rapport aux
autres prévenus doit encore être définie, les récents déve-
loppements de l'enquête portant à croire qu'il serait engagé
au sein de l'organisation de manière plus importante que la
seule tentative de blanchiment à laquelle il reconnaît avoir
participé. Au stade actuel de l'enquête, on ne peut exclure
que la structure mise en place par V.________, B.________,
P.________ et, éventuellement, C.________ présente les carac-
téristiques d'une "organisation criminelle" au sens de
l'art.
260ter CP. L'autorité intimée n'a dès lors pas fait preuve
d'arbitraire en admettant qu'il existait des indices suffi-
sants que le recourant aurait participé à une organisation
criminelle et qu'il occuperait, avec V.________, une
position
dirigeante au sein de cette organisation.

bb) Le recourant conteste aussi toute participation
dans l'opération de blanchiment de fonds slovaques provenant
du jeu et de la prostitution, dans laquelle seraient impli-
qués V.________ et C.________. Toutefois, selon les déclara-
tions de ces derniers, il était au courant de la nature
réelle de l'opération et aurait pris une part active dans sa
préparation, étant précisé qu'il aurait touché sa part si
l'affaire s'était concrétisée. Au stade actuel de l'enquête,
on ne peut donc exclure que B.________ soit également mêlé à
cette opération. Aux dires de S.________, celui-ci lui
aurait
demandé de l'accompagner lorsqu'il se rendait dans les ban-
ques pour y déposer des valises contenant de fortes sommes
d'argent. G.________ a précisé pour sa part que B.________
et
V.________ l'auraient contacté parce qu'il connaissait un em-
ployé de banque susceptible d'ouvrir un compte au nom de la
société E.________ destiné à recevoir une somme de l'ordre
de
100 millions de Deutschmark, de provenance douteuse. Selon
R.________, le recourant lui aurait dit qu'il faisait n'im-
porte quel type d'affaires, qu'il pouvait tout faire et
qu'il
connaissait un banquier prêt à lui changer la fausse
monnaie.

Il se serait en outre vanté auprès d'un dénommé M.________
d'avoir vécu en Sicile chez un parrain de la mafia et
d'avoir
récupéré l'argent de la prostitution auprès des prostituées
pour le compte de ce dernier. Quant à L.________, il a in-
diqué que le recourant s'occupait accessoirement
d'opérations
"valise contre valise" en collaboration avec R.________.
Dans
ces conditions, il existe des indices suffisants d'une pos-
sible implication du recourant dans des opérations de blan-
chiment d'argent.

cc) Le recourant prétend que les charges feraient
également défaut pour toutes les inculpations
complémentaires
retenues à son encontre. L'enquête n'a, pour l'heure, pas
permis d'établir qui de B.________ ou de V.________ avait
confectionné les fausses garanties bancaires utilisées aux
fins d'inciter les clients potentiels à émettre des
évidences
de fonds ou à verser des fonds pour les placer dans le pro-
gramme d'investissements à haut risque conçu par V.________.
A cet égard, ce dernier a formellement contesté les alléga-
tions du recourant, selon lesquelles il n'avait ni la possi-
bilité d'accéder à son ordinateur ni les connaissances né-
cessaires pour procéder à la confection de fausses garanties
bancaires. Il appartiendra au Juge d'instruction de détermi-
ner l'auteur de ces faux. L'incertitude qui subsiste sur ce
point ne saurait conduire à écarter l'infraction de faux
dans
les titres. I.________ a en effet déclaré que, pour prouver
l'existence de fonds aux maîtres d'état chargés d'aménager
les nouveaux bureaux de l'organisation, B.________ se serait
servi d'une fausse garantie bancaire du Crédit Suisse, à Mon-
treux, attestant qu'une somme de 9 millions provenant d'une
société anglaise avait été transférée sur un compte ouvert à
son nom auprès de cet établissement. X.________ a affirmé
s'être fait passer, à la demande de B.________, pour un ban-
quier du Crédit Suisse de Montreux auprès d'un couple de per-
sonnes âgées d'origine italienne, à qui il aurait présenté
le
même document pour démontrer l'existence de liquidités. Il

existe ainsi des indices concrets que, s'il n'a peut-être
pas
lui-même confectionné les fausses garanties, le recourant en
aurait à tout le moins fait usage, ce qui permet en l'état
actuel de l'enquête, de retenir des charges suffisantes de
faux dans les titres. Par ailleurs, des recherches sont ac-
tuellement menées en collaboration avec la Chambre interna-
tionale de commerce afin de retrouver d'éventuelles victimes
d'escroquerie à l'investissement. Enfin, les écoutes télépho-
niques dont B.________ a fait l'objet laissent envisager un
trafic de fausse monnaie de plus grande ampleur que celui au-
quel il déclare avoir été mêlé. A ce sujet, le recourant
aurait déclaré à R.________ connaître un banquier disposé à
lui échanger la fausse monnaie. Il s'est par ailleurs assuré
les services de S.________, qui fait actuellement l'objet
d'une procédure pénale en Italie pour des faits analogues,
et
de I.________, qui avait déjà été arrêté par la police can-
tonale vaudoise en août 1992 dans le cadre d'une vaste af-
faire de fausse monnaie qui avait débouché sur la saisie
d'une somme de 1'224'000 dollars américains en fausse mon-
naie.

c) Vu ce qui précède, il existe des présomptions
suffisantes de culpabilité pour les différents chefs d'accu-
sation retenus à l'encontre du recourant, sans qu'il y ait
lieu d'examiner ce qu'il en est du trafic de drogue entre la
Colombie et l'Europe auquel il est également soupçonné
d'avoir participé. Cela étant, la durée de la détention pré-
ventive subie à ce jour est inférieure à celle à laquelle le
recourant s'expose s'il devait être reconnu coupable des in-
fractions qui lui sont reprochées. De ce point de vue, le
principe de la proportionnalité est respecté.

6.- Le recourant reproche au Tribunal d'accusation
d'avoir retenu à tort que les nécessités de l'instruction et
les risques de fuite et de récidive s'opposaient à sa mise
en
liberté immédiate.

a) Le maintien en détention peut être justifié par
l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours,
par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne
mette
sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les
preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou
d'autres
prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne
saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion
abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure
pénale
en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en
détention préventive, présenter une certaine vraisemblance
(ATF 123 I 31 consid. 3c p. 36; 117 Ia 257 consid. 4c p.
261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les gran-
des lignes et sous réserve des opérations à conserver secrè-
tes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer,
et
en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accom-
plissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p. 33/34; 116 Ia 149
consid. 5 p. 152).

b) En l'espèce, le Tribunal d'accusation a justifié
le risque de collusion par la nécessité de procéder à des
investigations complémentaires à la suite des informations
transmises par la police russe, s'agissant de l'implication
du recourant dans un trafic de drogue d'envergure interna-
tionale. Le recourant prétend qu'il ne serait pas possible
de
motiver sa détention pour cette raison, parce qu'il n'a à ce
jour pas été inculpé d'infraction à la loi fédérale sur les
stupéfiants. Au stade actuel de l'enquête, il n'est pas
exclu
que les faits reprochés au recourant en relation avec un
éventuel trafic de cocaïne mis en place en 1997 entre la
Colombie et l'Europe par le biais de sa société Y.________
puissent entrer dans le cadre de l'inculpation de participa-

tion à une organisation criminelle ou de blanchiment d'ar-
gent. Peu importe en définitive, car le maintien en
détention
préventive se justifie de toute manière par un risque
concret
de collusion, indépendant du trafic de drogue reproché au
recourant, et n'est de ce fait pas illégal. L'examen de
l'ordinateur de V.________ a en effet révélé la présence de
fausses garanties bancaires et d'environ 1'500 dossiers ima-
ges et autant de documents qui requièrent des vérifications
aux fins d'établir un éventuel lien avec le recourant. Par
ailleurs, la Chambre internationale de commerce n'a pas
encore rendu un rapport écrit concernant l'étendue des escro-
queries éventuellement commises par le biais du programme
d'investissements à haut rendement mis en place par
V.________, sur la base des documents déjà recueillis. Le
Tribunal fédéral n'a dès lors aucune raison de s'écarter de
l'appréciation retenue sur ce point à l'égard du principal
coaccusé du prévenu dans son arrêt du 7 mars 2000. Même si
l'on voit mal comment le recourant pourrait influer sur les
renseignements que doit prochainement transmettre cette
autorité, il se pourrait qu'une fois fournis, ceux-ci
permettent d'orienter les recherches dans une direction
jusqu'alors inconnue et que le recourant mette sa liberté à
profit pour tenter de dissimuler ou d'altérer, à l'avance,
les preuves nécessaires. Le risque de collusion ne saurait
par conséquent être nié.

c) Le risque de fuite ne peut par ailleurs être
écarté. Celui-ci ne doit pas s'apprécier sur la seule base
de
la gravité de l'infraction, même si la perspective d'une lon-
gue peine privative de liberté permet souvent d'en présumer
l'existence (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts ci-
tés); il doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critè-
res, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses
ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit et ses con-
tacts avec l'étranger (ATF 117 Ia 69 consid. 4 et les arrêts
cités).

En l'occurrence, le recourant, de nationalité ita-
lienne, a toute sa famille en Italie et n'a aucune attache
avec la Suisse. Il existe ainsi un risque évident et impor-
tant qu'il retourne dans son pays d'origine et se soustraie
à
la justice s'il était libéré, nonobstant la durée de la dé-
tention préventive déjà subie. Ce risque serait renforcé si
les vérifications des informations recueillies sur l'ordina-
teur de V.________ devaient aboutir à retenir de nouvelles
charges à son encontre.

d) Le maintien en détention étant justifié pour les
motifs évoqués ci-dessus, il n'est pas nécessaire d'examiner
s'il existe également un risque de récidive, comme l'a
retenu
l'autorité intimée.

7.- Le recourant voit enfin dans le fait que le Tri-
bunal d'accusation cumule les fonctions d'autorité de sur-
veillance et d'autorité de recours en matière de détention
préventive une circonstance de nature à mettre en doute son
indépendance et son impartialité au sens de l'art. 30 al. 1
Cst.

En vertu de l'art. 86 al. 1 OJ, celui qui prétend
avoir le droit de soumettre une contestation à un tribunal
indépendant et impartial doit invoquer ce droit au plus tard
devant l'autorité cantonale de dernière instance; soulevé
pour la première fois devant le Tribunal fédéral, le grief
tiré d'une violation de l'art. 30 al. 1 Cst. est irrecevable
(ATF 120 Ia 19 consid. 2c p. 23 et les références citées).
Au
demeurant, on ne voit a priori pas en quoi le fait que le
Tribunal d'accusation contrôle d'office la légalité de la
détention préventive, en qualité d'autorité de surveillance,
serait de nature à susciter un doute sur son indépendance et
son impartialité lorsqu'il est appelé à l'examiner une nou-
velle fois sur recours de l'inculpé.

8.- Le recours doit par conséquent être rejeté dans
la mesure où il est recevable. Les conditions de l'art. 152
al. 1 OJ étant réunies, il convient de faire droit à la de-
mande d'assistance judiciaire et de statuer sans frais. Me
Kathrin Gruber est désignée comme avocate d'office du recou-
rant pour la présente procédure et une indemnité lui sera
versée (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Admet la demande d'assistance judiciaire.

3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4. Désigne Me Kathrin Gruber en qualité de mandatai-
re d'office du recourant.

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à
la mandataire du recourant une indemnité de 1'500 fr. à
titre
d'honoraires.

6. Communique le présent arrêt en copie à la manda-
taire du recourant, au Juge d'instruction de
l'arrondissement
de l'Est vaudois et au Tribunal d'accusation du Tribunal can-
tonal du canton de Vaud.

___________

Lausanne, le 7 juillet 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.396/2000
Date de la décision : 07/07/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-07;1p.396.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award