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06/07/2000 | SUISSE | N°5P.138/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 juillet 2000, 5P.138/2000


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5P.138/2000

IIe C O U R C I V I L E
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6 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Merkli, juges. Greffier: M. Fellay.

Statuant sur le recours de droit public formé

par

X.________,
Y.________,
tous deux à Fribourg et représentés par Me Alain Ribordy,
avocat à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 28 février 2000 par la IIe Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg dans la cause qui op-

pose les recourants à Z.________, représenté par Me René
Schneuwly, avocat à Fribourg;

(art. 9 Cst.; mainlevée d'oppositi...

«»
5P.138/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

6 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Merkli, juges. Greffier: M. Fellay.

Statuant sur le recours de droit public formé

par

X.________,
Y.________,
tous deux à Fribourg et représentés par Me Alain Ribordy,
avocat à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 28 février 2000 par la IIe Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg dans la cause qui op-
pose les recourants à Z.________, représenté par Me René
Schneuwly, avocat à Fribourg;

(art. 9 Cst.; mainlevée d'opposition)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Z.________ a loué à Y.________ et dame
X.________, du 1er décembre 1990 au 30 novembre 1999, un
appartement sis à la rue X.________, pour un loyer mensuel
de
1'000 fr., plus 150 fr. d'acompte chauffage/eau chaude par
mois.

Le 25 octobre 1999, le bailleur a fait notifier aux
locataires deux commandements de payer (poursuites nos
832715
et 832712) pour le montant de 2'300 fr. plus accessoires, re-
présentant les loyers de septembre et octobre 1999. Ces com-
mandements de payer ont été frappés d'opposition totale.

B.- Par ordonnance du 30 novembre 1999, le Prési-
dent du Tribunal civil de la Sarine a prononcé la mainlevée
provisoire des oppositions.

Les débiteurs ont fait appel de cette décision au-
près du Tribunal cantonal fribourgeois, en se prévalant no-
tamment de ce que le président du tribunal n'avait pas tenu
compte d'une lettre du débiteur Y.________ du 30 novembre
1999 dénonçant le fait que le créancier s'était permis d'ef-
fectuer, "au nom et à la place de sa société Z.________ SA",
une compensation avec les locations dues. En cours d'instan-
ce, par lettre du 1er février 2000, les débiteurs ont en ou-
tre invité la cour d'appel cantonale à prendre en considéra-
tion le fait nouveau constitué par la cession, du
poursuivant
à Z.________ SA, de la créance objet de l'ordonnance de main-
levée du 30 novembre 1999, cession intervenue le 20 janvier
2000 et portée à leur connaissance par la détermination du
conseil du créancier du 28 janvier 2000.

Par arrêt du 28 février 2000, notifié le 7 mars aux
parties, la cour d'appel a déclaré le recours irrecevable.
Elle a considéré que le moyen de la compensation, objet de
la
lettre du 30 novembre remise à la poste le 1er décembre
1999,
soit après l'audience de mainlevée, avait été invoqué tardi-
vement. Elle n'a pas du tout mentionné le fait nouveau allé-
gué dans la lettre du 1er février 2000.

C.- Par acte du 6 avril 2000, les débiteurs ont
formé un recours de droit public pour violation de l'art. 9
Cst., concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué avec suite
de frais et dépens.

Le créancier conclut, avec suite de frais et
dépens,
au rejet du recours dans la mesure où il est recevable et à
la confirmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La décision d'une autorité cantonale de der-
nière instance qui accorde ou refuse la mainlevée provisoire
de l'opposition est une décision finale pouvant, comme
telle,
faire l'objet d'un recours de droit public pour violation de
l'art. 9 Cst. (ATF 120 Ia 256 consid. 1a p. 257; 111 III 8
consid. 1 p. 9 et arrêts cités). La loi fédérale du 8
octobre
1999 sur les adaptations de lois de procédure à la nouvelle
Constitution fédérale, modifiant notamment l'art. 87 OJ avec
effet au 1er mars 2000 (RO 2000, p. 417 s.), n'a rien changé
à cet égard (cf. Message concernant la mise en vigueur de la
nouvelle Constitution fédérale et les adaptations législati-
ves consécutives, FF 1999 VII 7160 s.).

Contrairement à ce que soutient l'intimé, le fait
qu'il aurait cédé à un tiers la créance objet de
l'ordonnance

de mainlevée provisoire en date du 20 janvier 2000 ne prive
pas le recours d'intérêt actuel et pratique selon l'art. 88
OJ. En effet, en cas de cession de créance en cours de pour-
suite, le cessionnaire prend simplement la place du cédant
dans la procédure d'exécution forcée déjà engagée, qui sub-
siste donc sous réserve de suspension ou d'annulation sur la
base des art. 77 al. 3, 85 et 85a LP (cf. ATF 96 I 1; Gillié-
ron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 3e éd.,
Lausanne 1993, p. 75; idem, Commentaire de la loi fédérale
sur la poursuite pour dettes et la faillite, Lausanne 1999,
n. 38 ad art. 77).

Interjeté dans les délai et forme requises (art. 89
et 90 OJ) contre un arrêt rendu en dernière instance cantona-
le, le présent recours est donc recevable.

b) Dans la procédure de recours de droit public, la
partie adverse n'a aucun droit de disposition sur l'objet du
litige (Marti, Die staatsrechtliche Beschwerde, 4e éd., p.
53
n° 70 et p. 144 n° 259; Kälin, Das Verfahren der staatsrecht-
lichen Beschwerde, 2e éd. 1994, p. 221/222 et 376); elle ne
peut que conclure à l'irrecevabilité ou au rejet du recours,
et critiquer les points de l'arrêt attaqué qui lui sont défa-
vorables (ATF 101 Ia 521 consid. 3 p. 525, 89 I 513 consid.
4
p. 523), sans pouvoir prendre de conclusions propres sur le
fond. Le chef de conclusions de l'intimé qui vise à la con-
firmation de l'arrêt attaqué est par conséquent irrecevable.

c) Saisi d'un recours de droit public pour
violation
de l'art. 9 Cst., le Tribunal fédéral ne prend pas en consi-
dération les allégations, preuves ou faits qui n'ont pas été
soumis à l'autorité cantonale: nouveaux, ils sont irreceva-
bles (ATF 118 III 37 consid. 2a p. 39 et arrêts cités). Il
s'en tient donc, en principe, à l'état de fait sur lequel la
décision attaquée s'est fondée, à moins qu'il ne soit établi

que l'autorité cantonale a constaté des faits inexactement
ou
incomplètement (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26 et arrêt ci-
té). Cette règle s'applique également au mémoire de réponse
de l'intimé (cf. ATF 118 III 37 consid. 2a in fine), lequel
en l'espèce fait état de nombreux éléments nouveaux, posté-
rieurs même à l'arrêt attaqué, voire étrangers à la présente
cause de mainlevée d'opposition.

2.- Les recourants font valoir que c'est
uniquement
au regard du droit cantonal que la cour d'appel aurait dû
traiter les faits nouveaux invoqués par leurs lettres des 30
novembre 1999 et 1er février 2000; le refus de les prendre
en
considération serait arbitraire en tant qu'il se fonde sur
l'art. 82 al. 2 LP.

a) S'agissant de la lettre du 30 novembre 1999, la
juridiction intimée s'est référée à l'art. 82 al. 2 LP pour
rappeler que le débiteur doit rendre vraisemblable sa libéra-
tion immédiatement, ou "séance tenante" selon la version pré-
cédente, mais équivalente, du texte français de l'art. 82
al.
2 LP (Gilliéron, op. cit. 1999, n. 5 ad art. 82). La lettre
en question ayant été adressée au juge compétent après l'au-
dience de mainlevée, le moyen qu'elle soulevait
(compensation
opérée prétendument à tort par le créancier) était à l'évi-
dence invoqué tardivement au regard du droit fédéral, de sor-
te qu'en vertu de ce seul droit il n'y avait pas lieu d'en
tenir compte (cf. Daniel Staehelin, in: Kommentar zum Bundes-
gesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 86 ad art. 82).

Il appartient certes au droit cantonal de régler
l'admission des nova et/ou des pseudo-nova dans la procédure
de recours cantonale (Gilliéron, op. cit. 1999, n. 109 ad
art. 82). Or, comme le relève l'intimé, la jurisprudence fri-
bourgeoise relative à l'admissibilité des nova en appel est
restrictive; elle a posé, par exemple, que le moyen tiré de

la compensation ou de la prescription ne peut être invoqué
pour la première fois en appel (Extraits 1986, p. 59; RFJ
1993 p. 322 et 1994 p. 117). Le Tribunal fédéral a jugé
cette
jurisprudence compatible avec l'art. 4 aCst. (ATF 119 III
108). La décision de la cour d'appel étant conforme à cette
jurisprudence, il n'y a pas lieu de lui renvoyer la cause à
seule fin qu'elle le constate formellement.

b) L'arrêt attaqué ne fait nullement état de la let-
tre du 1er février 2000, second novum invoqué. Toutefois, un
renvoi à l'autorité cantonale pour complément de décision
sur
ce point ne s'impose pas non plus. En effet, outre que le
fait nouveau en question serait vraisemblablement tenu pour
inadmissible au regard de la jurisprudence cantonale préci-
tée, ce qui peut rester indécis en l'espèce, il
n'appartenait
de toute façon pas à la cour d'appel de décider des consé-
quences que la cession de créance annoncée par la lettre du
1er février 2000 aurait pu avoir sur le sort de l'opposition
pendante. En effet, en cas de cession de créance en cours de
poursuite, la procédure d'opposition tardive prévue par
l'art. 77 LP est ouverte et il incombe alors au juge du for
de la poursuite d'en connaître, à l'instance du poursuivi
(art. 77 al. 1 et 2 LP; Gilliéron, op. cit. 1993 p. 75;
Amonn/Gasser, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkurs-
rechts, 6e éd., Berne 1997, § 18 n. 30 ss; Balthasar Besse-
nich, in: Kommentar SchKG déjà cité, n. 5 ad art. 77 et les
références), le juge compétent étant en l'occurrence le pré-
sident du tribunal d'arrondissement (art. 19 al. 1 ch. a de
la loi fribourgeoise concernant l'exécution de la loi fédéra-
le sur la poursuite pour dettes et la faillite).

3.- Il résulte de ce qui précède que l'arrêt atta-
qué n'est en tout cas pas arbitraire dans son résultat (ATF
120 Ia 369 consid. 3a p. 373 et arrêts cités) et qu'il y a
donc lieu de rejeter le recours.

Les recourants, qui succombent, doivent par consé-
quent être condamnés aux frais et dépens de l'instance fédé-
rale (art. 156 al. 1 et 7, 159 al. 1 et 5 OJ), le montant
des
dépens étant fixé, conformément aux art. 4 et 6 al. 1 du Ta-
rif des dépens (RS 173.119.1), en tenant compte de l'irrece-
vabilité partielle de la réponse de l'intimé (consid. 1).

Par ces motifs,

le T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge des recourants, solidairement
entre eux:
a) un émolument judiciaire de 750 fr.,
b) une indemnité de 650 fr. à payer
à l'intimé à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour d'appel du Tribunal can-
tonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 6 juillet 2000
FYC/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.138/2000
Date de la décision : 06/07/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-06;5p.138.2000 ?
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