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05/07/2000 | SUISSE | N°4C.90/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 juillet 2000, 4C.90/2000


«AZA 3»

4C.90/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

5 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Foralith AG, à Gossau, demanderesse et recourante, représen-
tée par Me Emmanuel Stauffer, avocat à Genève,

et

Efimex S.A., à Genève, défenderesse et intimée, représentée
par Me Philippe de Boccard, avocat à Genève;

(contrat de vente; garantie des défauts)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat du 1...

«AZA 3»

4C.90/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

5 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Foralith AG, à Gossau, demanderesse et recourante, représen-
tée par Me Emmanuel Stauffer, avocat à Genève,

et

Efimex S.A., à Genève, défenderesse et intimée, représentée
par Me Philippe de Boccard, avocat à Genève;

(contrat de vente; garantie des défauts)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat du 15 janvier 1993, Foralith AG
s'est engagée envers KW Kurhotel Weissbad AG à construire un
puits destiné à alimenter en eau l'hôtel de cure de Weissbad
(Appenzell).

Pour réaliser cet ouvrage, Foralith AG a commandé à
Efimex S.A. par fax du 28 avril 1993, sur la base de l'offre
de cette société du 19 février 1993, des tubes et des man-
chons. Ce matériel a été livré et a donné lieu à une
facture,
s'élevant à 40 422 fr.40, envoyée par Efimex S.A. à Foralith
AG le 5 mai 1993.

Le 14 mai 1993, le coffrage s'est rompu à un point
d'accouplement et 200 m de tubes sont restés dans le puits
de
forage. Le lendemain, Foralith AG a envoyé une télécopie à
Efimex S.A., affirmant que le matériel livré était défec-
tueux.

Selon Foralith AG, les manchons livrés auraient dû
subir un traitement appelé "anti-galling" et l'accident se-
rait survenu parce que certains manchons n'avaient pas été
traités de cette façon. Efimex S.A. a fait valoir qu'elle
n'était pas tenue contractuellement de livrer des manchons
traités "anti-galling" et a allégué que l'accident était dû
à
un travail inapproprié de la part de l'entreprise mise en
oeuvre par Foralith AG pour le montage.

B.- Foralith AG a introduit une poursuite contre
Efimex S.A., puis, le 7 mai 1996, a ouvert action contre
celle-ci devant le Tribunal de première instance du canton
de
Genève. La demanderesse a conclu au paiement par sa partie
adverse de la somme de 311 256 fr.10 fr. en capital à titre

de dommages-intérêts, l'opposition de la défenderesse à la
poursuite étant définitivement levée.

Efimex S.A. a conclu à libération et formé une de-
mande reconventionnelle, réclamant pour l'essentiel le paie-
ment du matériel livré.

Réformant partiellement le jugement de première
instance rendu le 7 septembre 1999, la Chambre civile de la
Cour de justice genevoise, par arrêt du 18 février 2000, a
débouté Foralith AG de ses conclusions et l'a condamnée à
payer le matériel livré, soit 40 422 fr.40 fr. avec intérêts
à 5% l'an dès le 9 juillet 1993. Après avoir retenu que les
parties avaient passé un contrat de vente, la cour
cantonale,
sur la base d'une interprétation selon le principe de la con-
fiance, a admis qu'il n'avait pas été convenu que les man-
chons devaient être traités "anti-galling". Elle a encore
observé que Foralith AG avait reçu des manchons de deux cou-
leurs différentes et qu'elle aurait dû réagir immédiatement
à
la livraison si cela ne lui paraissait pas correspondre à
l'état convenu. Sur les causes de l'accident, la cour canto-
nale s'est bornée à constater ce qui suit: "Pour le surplus,
les experts Claude Schindler et Bruno Tonarelli ont relevé
que le serrage des tubes n'avait pas été correctement effec-
tué, ce qui avait constitué l'une des causes de l'accident;
or, ce fait n'est pas imputable à Efimex S.A. (arrêt
attaqué,
ch. 2, p. 17 al. 3)".

C.- Parallèlement à un recours de droit public qui
a été rejeté par arrêt de ce jour, Foralith AG recourt en ré-
forme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la
décision attaquée et reprend ses conclusions sur le fond, de-
mandant subsidiairement le renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

L'intimée propose la confirmation de l'arrêt at-
taqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par la partie qui a succombé dans
ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement fi-
nal rendu en dernière instance cantonale par un tribunal su-
périeur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont
la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46
OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puis-
qu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans
les
formes requises (art. 55 OJ).

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 123 III 337 consid. 3b, 395 consid. 1b,
414 consid. 3c).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et
les
arrêts cités). Dans la mesure où un recourant présente un
état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée sans se prévaloir de l'une des exceptions qui vien-
nent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir comp-

te. Il ne peut être présenté de griefs contre les constata-
tions de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ).

Si le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de
conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ),
il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63
al. 1 OJ), pas plus que par ceux de la décision cantonale
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246
consid. 2).

2.- a) La recourante soutient que le contrat conclu
entre les parties doit être qualifié de contrat d'entreprise
(art. 363 CO), et non de contrat de vente (art. 184 CO).

La cour cantonale a retenu que le matériel livré
par l'intimée n'avait pas été spécialement fabriqué pour la
recourante. Il s'agit là d'une constatation de fait, qui lie
le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63
al. 2 OJ).

Sur la base d'un tel état de fait, on ne voit pas
de violation du droit fédéral à retenir l'existence d'un con-
trat de vente (cf. Pierre Engel, Contrats de droit suisse,
2e
éd., p. 435 s.; Theodor Bühler, Commentaire zurichois, n.
136
ad art. 363 CO; Alfred Koller, Commentaire bernois, n. 108
ss
ad art. 363 CO).

Au demeurant, la notion de défaut, décisive en
l'espèce, est la même pour les deux contrats.

b) Une prestation est défectueuse s'il manque des
caractéristiques essentielles convenues entre les cocontrac-
tants (ATF 121 III 453 consid. 4a p. 455); il y a défaut
lorsqu'elle s'écarte du contrat dans un sens défavorable au

destinataire, qu'elle n'a pas les propriétés promises ou aux-
quelles le destinataire s'attendait et pouvait s'attendre se-
lon le principe de la bonne foi. Pour dire s'il y a ou non
défaut, il faut donc examiner le contenu concret du contrat
(ATF 114 II 239 consid. 5a/aa; Hans Giger, Commentaire ber-
nois, n. 52 ad art. 197 CO; Heinrich Honsell, Commentaire bâ-
lois, 2e éd., n. 2 ad art. 197 CO; Pierre Tercier, Les con-
trats spéciaux, 2e éd., n. 370, p. 48).

c) Savoir si le matériel livré était ou non défec-
tueux est fonction de la prestation qui était convenue,
qu'il
convient de déterminer en interprétant le contrat.

Pour déterminer l'objet et le contenu d'un contrat,
le juge doit recourir en premier lieu à l'interprétation
dite
subjective, c'est-à-dire qu'il doit rechercher la réelle et
commune intention des parties, le cas échéant sur la base
d'indices (cf. art. 18 al. 1 CO). Dans cette recherche, le
juge ne doit pas s'arrêter aux expressions ou dénominations
inexactes dont les parties ont pu se servir (art. 18 al. 1
CO). La priorité de l'interprétation subjective est un prin-
cipe dont la violation peut être invoquée dans un recours en
réforme. Lorsque la cour cantonale parvient à la conclusion
qu'elle peut ou ne peut pas déterminer la réelle et commune
intention des parties, elle procède à une appréciation des
preuves, laquelle ne saurait être remise en cause dans un
recours en réforme (ATF 125 III 305 consid. 2b et les nom-
breuses références).

Si cette volonté ne peut pas être établie, le juge
doit rechercher la volonté présumée des parties en interpré-
tant leurs déclarations de volonté selon le principe de la
confiance; cette interprétation dite objective consiste à re-
chercher le sens que chacune des parties pouvait et devait
raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'au-
tre, en tenant compte des termes utilisés ainsi que du con-

texte et de l'ensemble des circonstances dans lesquelles el-
les ont été émises; il s'agit d'une question de droit qui
peut être revue librement dans un recours en réforme (ATF
126
III 25 consid. 3c, 59 consid. 5b; 125 III 305 consid. 2b p.
308; 123 III 165 consid. 3a). Pour trancher cette question
de
droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la dé-
claration et les circonstances, lesquels relèvent du fait et
sont constatés souverainement par la cour cantonale (ATF 124
III 363 consid. 5a; 123 III 165 consid. 3a).

d) Pour déterminer la volonté présumée des parties
sur le point litigieux, la cour cantonale s'est fondée sur
le
contenu de l'offre et de l'acceptation. Il n'est pas établi
qu'il y aurait eu d'autres communications entre les parties
à
ce sujet avant la conclusion et le Tribunal fédéral est lié
par l'état de fait retenu (art. 63 al. 2 OJ).

Il a été constaté en fait que l'acceptation ne com-
portait aucune précision utile, de sorte qu'elle devait être
comprise en ce sens que la recourante acceptait l'offre
telle
qu'elle lui était présentée.

Selon les constatations cantonales, le texte de
l'offre ne prévoyait pas que le matériel à livrer serait con-
forme aux normes API en général ou à la norme API 5B en par-
ticulier. La seule référence à cette norme apparaît dans les
termes "forme des filets selon API 5B". Mais la forme des fi-
lets n'a évidemment aucun rapport avec la question d'un éven-
tuel traitement "anti-galling".

Les magistrats genevois ont encore constaté qu'il
n'était nullement dit que les manchons seraient traités
"anti-galling" ou qu'ils seraient de façon générale
conformes
à la norme API 5B.

Partant, il n'est pas possible de déduire des cons-
tatations cantonales qu'il va sans dire, dans la branche con-
cernée, que le matériel est traité "anti-galling"; il semble
au contraire parfaitement possible de conclure un contrat
portant sur la livraison de matériel non traité.

Ainsi, la recourante n'a reçu aucune assurance que
le matériel serait traité "anti-galling", elle n'en a pas de-
mandée et elle ne pouvait pas s'attendre, sur la base du con-
tenu de l'offre, à ce que ce traitement soit implicite. Au-
trement dit, en lisant l'offre dans les circonstances d'espè-
ce, la recourante ne pouvait pas escompter que le matériel
proposé soit traité "anti-galling". Du moment qu'elle a ac-
cepté l'offre sans formuler aucune exigence sur ce point, la
recourante a manifesté son accord avec la prestation telle
qu'elle lui était proposée.

En retenant qu'il n'avait pas été convenu que les
manchons devaient être traités "anti-galling", la cour canto-
nale n'a pas violé le principe de la confiance.

Et, comme le matériel livré était conforme au con-
trat, il n'y a pas de défauts, si bien que la cour cantonale
n'a pas enfreint le droit fédéral en rejetant la demande fon-
dée sur la garantie des défauts.

e) Dès lors qu'il n'y a pas de défauts, il est su-
perflu d'examiner les autres conditions de l'action (vérifi-
cation, avis des défauts, causalité naturelle et adéquate,
existence et quotité du dommage).

Hormis la question du défaut, la recourante ne
conteste pas le prix du matériel livré; il est ainsi inutile
de revenir sur cette question.

3.- En définitive, le recours doit être rejeté,
l'arrêt attaqué étant confirmé. Vu l'issue du litige, les
frais et dépens seront mis à la charge de la recourante
(art.
156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 6500 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 7000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice genevoise.

____________

Lausanne, le 5 juillet 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.90/2000
Date de la décision : 05/07/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-05;4c.90.2000 ?
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