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04/07/2000 | SUISSE | N°5C.24/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2000, 5C.24/2000


126 III 327

58. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 4 juillet 2000 dans
la cause C. contre C.-E. (recours en réforme)
A.- C., ressortissant suisse, et dame E., musulmane de nationalité
libanaise, se sont mariés le 29 janvier 1993 à Beyrouth (Liban). A
cette occasion, C. s'est converti à la religion musulmane. Deux
enfants sont issus de cette union: Gilles, né le 1er avril 1994, et
Rami, né le 30 mai 1995.
Par mémoire du 13 octobre 1998, l'épouse, alors domiciliée à
Beyrouth, a introduit une action en divorce devant le Tribu

nal civil
du district de Delémont, soit au for d'origine de son mari, domicilié
quant...

126 III 327

58. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 4 juillet 2000 dans
la cause C. contre C.-E. (recours en réforme)
A.- C., ressortissant suisse, et dame E., musulmane de nationalité
libanaise, se sont mariés le 29 janvier 1993 à Beyrouth (Liban). A
cette occasion, C. s'est converti à la religion musulmane. Deux
enfants sont issus de cette union: Gilles, né le 1er avril 1994, et
Rami, né le 30 mai 1995.
Par mémoire du 13 octobre 1998, l'épouse, alors domiciliée à
Beyrouth, a introduit une action en divorce devant le Tribunal civil
du district de Delémont, soit au for d'origine de son mari, domicilié
quant à lui en Jordanie. Elle a sollicité notamment l'attribution de
l'autorité parentale sur les deux enfants, affirmant avoir la ferme
intention de s'installer en Suisse avec eux.
Dans sa réponse du 9 décembre 1998, le défendeur a conclu
principalement au rejet de la demande, faisant valoir à titre
préjudiciel l'exception de chose jugée, subsidiairement de
litispendance, et en tout état de cause, l'incompétence du tribunal
saisi. Il a produit à cet effet un acte rendu les 29/31 octobre 1998
par le Tribunal char'i sunnite de Beyrouth, selon lequel la décision
de dissolution du mariage des époux C. était entrée en force de chose
jugée le 17 septembre 1998. Reconventionnellement, il a conclu au
divorce et à l'attribution de l'autorité parentale sur les enfants.

B.- Le 18 août 1999, le Tribunal civil du district de Delémont,
statuant à titre préjudiciel, a rejeté les exceptions soulevées par
le défendeur et admis sa compétence pour connaître de la procédure de
divorce introduite par la demanderesse, pour le principal motif que
la décision libanaise viole gravement l'ordre public suisse et ne
saurait être reconnue par les autorités suisses, conformément aux
art. 27 et 65 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit
international privé (LDIP; RS 291).
Statuant le 15 décembre 1999 sur appel du défendeur, la Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Jura a confirmé ce jugement.

C.- Le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était
recevable, le recours en réforme interjeté par C. contre cet arrêt,
qui a dès lors été confirmé.
Extrait des considérants:
1.- c) L'arrêt du Tribunal cantonal jurassien constitue une
décision prise séparément du fond par la juridiction suprême du
canton au sujet de la compétence territoriale. En tant que telle,
elle peut faire l'objet d'un recours en réforme pour violation des
prescriptions de droit fédéral sur la compétence, en particulier
internationale (art. 49
2.- En l'absence de convention entre le Liban et la Suisse en la
matière, les conditions de la reconnaissance de l'acte de dissolution
du mariage émanant du Tribunal de Beyrouth sont régies par la loi
fédérale sur le droit international privé, du 18 décembre 1987 (art.
1er LDIP).
a) Selon l'art. 65 LDIP, les décisions étrangères de divorce ou de
séparation de corps sont reconnues en Suisse, notamment, lorsqu'elles
ont été rendues dans l'Etat du domicile de la résidence habituelle,
3.- Le recourant soutient que l'acte émanant du Tribunal de
Beyrouth constitue un jugement de divorce prononcé par défaut et non
une répudiation. Il serait dès lors susceptible d'être reconnu en
Suisse, ce qui exclurait une nouvelle procédure de divorce. Il
prétend en outre que, même s'il s'agissait d'une répudiation, l'ordre
public suisse ne s'opposerait pas à sa reconnaissance.
a) Le Liban connaît différents modes de dissolution du mariage. En
ce qui concerne les musulmans sunnites, le Code de la famille du 25
octobre 1917, modifié par la loi du 16 juillet 1962, prévoit
notamment la répudiation par le mari ("talaq") et le divorce
judiciaire ("tafreeq").
4.- Il y a dès lors lieu d'examiner si, comme le prétend le
recourant, une répudiation par déclaration unilatérale du mari est
une décision susceptible d'être reconnue au sens des art. 25 ss et 65
LDIP.
a) Sous l'empire de la LRDC, le Tribunal fédéral a refusé de
reconnaître une répudiation islamique par déclaration unilatérale du
mari; selon l'art. 7g al. 3 LRDC, un divorce ne pouvait être reconnu
que s'il avait été "prononcé" par un tribunal, ce qui supposait que
l'autorité compétente y ait apporté un "concours décisif" (ATF 88 I
48 consid. 2 p. 50 ss). Depuis l'entrée en vigueur de la LDIP, il
n'est plus possible de s'en tenir à cette jurisprudence restrictive
sur la notion de "décision susceptible d'être reconnue", déjà
critiquée à l'époque. La réserve de l'ordre public de l'art. 27 LDIP
permet toutefois de s'opposer à la reconnaissance d'une dissolution
de mariage qui serait absolument incompatible avec les conceptions
juridiques suisses (ATF 122 III 344 consid. 3a et b p. 346 ss et les
références citées).
b) La répudiation est une prérogative maritale mettant fin au
mariage du seul fait de son exercice par son titulaire. L'enveloppe
procédurale exigée par les diverses législations positives
d'inspiration islamique reste une formalité de nature probatoire,
fût-elle impérative et parfois assortie de sanctions pénales. Il en
va ainsi en droit libanais, qui prévoit que le mari qui a répudié sa
femme est tenu d'en informer le juge (art. 110 du Code de la famille
de 1917); il doit également dans un délai d'un mois notifier sa
décision aux services de l'état civil (art. 27 de la loi du 7
décembre 1951). Le défaut d'accomplissement de ces formalités
n'expose les parties qu'au paiement d'une faible amende et ne saurait
rejaillir sur la validité de la
5.- Le recourant invoque en outre l'art. 9 al. 1 LDIP. Selon cette
disposition, lorsqu'une action ayant le même objet est déjà pendante
entre les mêmes parties à l'étranger, le tribunal suisse suspend la
cause s'il est à prévoir que la juridiction étrangère rendra, dans un
délai convenable, une décision pouvant être reconnue en Suisse. Dès
lors qu'elle a considéré à juste titre que cette dernière condition
n'était pas réalisée, l'autorité cantonale n'a pas non plus violé le
droit fédéral en écartant l'exception de litispendance soulevée par
le recourant.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.24/2000
Date de la décision : 04/07/2000
2e cour civile

Analyses

Art. 9, 25 ss et 65 LDIP, art. 49 al. 1 OJ; procédure de divorce; compétence du juge suisse; reconnaissance d'une répudiation libanaise; recevabilité du recours en réforme. Recevabilité du recours en réforme sous l'angle de l'art. 49 al. 1 OJ (consid. 1c). Refus de reconnaissance d'une répudiation unilatérale de la femme par le mari, jugée en l'occurrence contraire à l'ordre public suisse, ce qui implique le rejet des exceptions de chose jugée et de litispendance au Liban soulevées par le défendeur (consid. 2-5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-04;5c.24.2000 ?
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