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04/07/2000 | SUISSE | N°4C.463/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2000, 4C.463/1999


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4C.463/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

4 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffière: Mme Charif Feller.

_______________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame A.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Joanna Bürgisser, avocate à Genève,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Yves Pirenne,

avocat à Genève;

(contrat de travail; résiliation immédiate; égalité entre
femmes et hommes)

Vu les pièces du dossier d...

«»

4C.463/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

4 juillet 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffière: Mme Charif Feller.

_______________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame A.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Joanna Bürgisser, avocate à Genève,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Yves Pirenne, avocat à Genève;

(contrat de travail; résiliation immédiate; égalité entre
femmes et hommes)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) X.________S.A. (ci-après: X.________), so-
ciété spécialisée dans le courtage en assurance et réassuran-
ce, a engagé dame A.________, née en 1950, dès le 1er
juillet
1992 en qualité de secrétaire-gestionnaire, chargée en outre
d'assister le président du conseil d'administration de
X.________. Le salaire mensuel de dame A.________ s'élevait
à
5700 fr., plus 300 fr. de participation aux frais. Elle tra-
vaillait depuis 1975 dans le domaine des assurances et avait
déjà été engagée par X.________ une première fois en 1987 et
1988. A la fin de l'année 1994, dame A.________ a été promue
au poste de conseillère en entreprise, avec, dès le 1er jan-
vier 1995, un salaire mensuel de 6200 fr., plus 500 fr. de
frais forfaitaires et une gratification de 2000 fr. Un an
plus tard, la rémunération mensuelle et la gratification ont
été portées à 6330 fr. Dans le même temps, dame A.________ a
été dispensée de la recherche de clientèle. Au mois de juil-
let 1996, X.________ a confié à dame A.________ le soin de
s'occuper des clients privés possédant de petits portefeuil-
les d'assurances. Invoquant la loi fédérale sur l'égalité
entre femmes et hommes (LEg; RS 151.1), dame A.________ a
sollicité, le 21 août 1996, l'adaptation de son salaire.
X.________ a refusé cette requête, notamment pour le motif
qu'une dispense lui avait été accordée quant à la recherche
de clientèle. Malgré les protestations de dame A.________,
X.________ a persisté dans sa décision. Par lettre du 18 oc-
tobre 1996, celle-là a fait savoir qu'elle renonçait à sa
revendication, par crainte des conséquences d'un
licenciement
sur sa situation personnelle (art. 64 al. 2 OJ).

b) Le 5 septembre 1997, X.________ a reproché à da-
me A.________ son attitude et des réflexions négatives à
l'encontre de la direction ainsi qu'un manque de collabora-

tion pour suppléer à la réceptionniste durant ses vacances.
Le lendemain, dame A.________ s'est plainte auprès du prési-
dent du conseil d'administration d'être la victime de
mobbing
et de harcèlement sexuel, notamment de la part du directeur.
Le 9 septembre 1997, le président du conseil
d'administration
lui a annoncé qu'il chargera la direction de l'ouverture
d'une enquête à ce sujet (art. 64 al. 2 OJ). Dame A.________
a protesté contre cette réaction qu'elle tenait pour mala-
droite. Le 16 septembre 1997, elle s'est adressée à l'Office
cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-
après: OCIRT) pour dénoncer le mobbing dont elle prétendait
faire l'objet. Le 18 septembre 1997, dame A.________ a
échangé, sur le système informatique de l'employeur, avec
deux collègues de travail, divers messages personnels conte-
nant des réflexions vulgaires. Informé de ce fait, l'em-
ployeur a, par courrier du 19 septembre 1997, licencié dame
A.________ avec effet immédiat. X.________ lui reprochait,
en
substance, d'avoir diffamé par écrit des membres de la di-
rection et d'autres collègues de travail, d'avoir incité de
jeunes collaboratrices à se comporter négativement envers la
direction et de les avoir associées à la création de propos
honteux sur le réseau informatique, d'émettre régulièrement
des remarques et allusions sexuelles lors de dialogues avec
les collaborateurs, d'exercer une influence négative dans la
société, de diffuser des supports pornographiques,
d'utiliser
Internet dans ce but et, enfin, de se servir de ce système à
titre privé. A la demande de X.________, un huissier judi-
ciaire a assisté au licenciement et a pris possession d'une
copie de sauvegarde du disque dur de l'ordinateur utilisé
par
dame A.________. Les deux collègues de travail de celle-ci,
dont celle qui avait pris l'initiative de l'échange des mes-
sages incriminés, n'ont pas été licenciées. Souffrant d'un
état dépressif, dame A.________ s'est retrouvée en
incapacité
totale de travailler dès le 23 septembre 1997 (art. 64 al. 2
OJ). Elle a déposé une demande de rente AI, qui a été admise
le 19 novembre 1999, à raison de 100%.

B.- Le 7 novembre 1997, dame A.________ a ouvert
action contre X.________ auprès du Tribunal des prud'hommes
du canton de Genève. Ses dernières conclusions tendaient au
paiement de 14 886 fr., à titre de salaire du 19 septembre
au
30 novembre 1997; de 30 280 fr. (recte: 38 280 fr.), à titre
d'indemnité pour congé immédiat injustifié; de 10 000 fr., à
titre d'indemnité pour tort moral et de 109 476 fr., à titre
de différence de salaire en vertu du principe de l'égalité
des salaires entre femmes et hommes, le tout plus intérêts.

Par jugement du 17 novembre 1998, le Tribunal des
prud'hommes a condamné X.________ au paiement de 14 886 fr.,
à titre de salaire, et de 6000 fr., à titre d'indemnité pour
résiliation immédiate injustifiée. Le Tribunal a, en revan-
che, débouté dame A.________ de ses prétentions relatives à
l'indemnité pour tort moral et à la disparité salariale.
S'agissant de celles-ci, il a considéré que dame A.________,
tout en ayant le même titre (de conseillère en entreprise)
que ses collègues masculins, n'effectuait pas le même
travail
qu'eux, car elle ne faisait pas partie de la direction et
n'avait aucun employé sous ses ordres.

Statuant sur appel de dame A.________, la Chambre
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de
Genève
a, par arrêt du 8 novembre 1999, confirmé la condamnation au
paiement de 14 886 fr., à titre de salaire, mais lui a
alloué
12 000 fr., à titre d'indemnité pour résiliation immédiate
injustifiée. La Chambre d'appel a refusé à dame A.________
une indemnité pour tort moral et a rejeté ses prétentions
fondées sur la LEg.

C.- Dame A.________ interjette un recours en réfor-
me au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'ar-
rêt cantonal et maintient, à titre principal, ses dernières
conclusions formulées précédemment. Elle conclut, à titre
subsidiaire, au renvoi de la cause à la juridiction
cantonale

pour statuer sur la quotité du salaire dû en vertu de la
LEg.
La demanderesse requiert l'assistance judiciaire, selon
l'art. 152 OJ.

La défenderesse propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Vu l'importance des prétentions fondées sur la
LEg, elles seront examinées en premier lieu.

a) En matière d'égalité des salaires entre femmes
et hommes, le Tribunal fédéral a posé des exigences particu-
lièrement élevées quant à la constatation des faits, à la
procédure probatoire, au devoir d'examen du juge et à la com-
plétude du dossier (cf. ATF 118 Ia 35 consid. 2; 117 Ia 262
consid. 4 p. 276). En instance de réforme, le Tribunal fédé-
ral examine librement si les critères, en vertu desquels
l'employeur apprécie les prestations de travail et détermine
les salaires, constituent une discrimination directe ou indi-
recte fondée sur le sexe. Rentre également dans son pouvoir
d'examen la question de savoir si l'autorité cantonale a res-
pecté les exigences spécifiques de droit fédéral quant à la
constatation des faits ainsi que les dispositions fédérales
en matière de preuve, singulièrement celles prévues aux ar-
ticles 6 et 12 LEg (en rapport avec l'art. 343 CO). En revan-
che, les constatations de faits qui résultent de l'apprécia-
tion des preuves par la dernière autorité cantonale ne sau-
raient être remises en cause dans le cadre du recours en ré-
forme, sous réserve de la rectification d'office de celles
reposant manifestement sur une inadvertance (art. 63 al. 2
OJ; ATF 125 III 368 consid. 3 p. 372).

b) Dans la mesure où la demanderesse relève la vio-
lation par la cour cantonale des exigences spécifiques de
droit fédéral quant à la constatation des faits, voire
l'existence de constatations reposant sur une inadvertance
manifeste, ses griefs seront examinés ci-après, en rapport
avec les discriminations alléguées.

2.- La demanderesse invoque la violation par la
cour cantonale de l'art. 6 LEg, qui concerne l'allégement du
fardeau de la preuve. Elle soutient que les faits qu'elle al-
lègue suffiraient à présumer une discrimination dans la ré-
tribution, une discrimination dans l'attribution des tâches
et une discrimination dans les conditions de travail, alors
que l'employeur aurait échoué à apporter la preuve de la jus-
tification objective des discriminations, dont le fardeau
lui
incombe.

L'art. 6 LEg s'applique notamment à l'attribution
des tâches, à l'aménagement des conditions de travail et à
la
rémunération, qui sont inclus dans l'interdiction de discri-
mination, prévue à l'art. 3 al. 2 LEg.

a) Aux termes de l'art. 6 LEg, l'existence d'une
discrimination est présumée pour autant que la personne qui
s'en prévaut la rende vraisemblable. Pour qu'il y ait vrai-
semblance, le juge n'a pas à être entièrement convaincu; il
suffit qu'il lui apparaisse une certaine probabilité de dis-
crimination salariale, même s'il envisage que cette discri-
mination pourrait finalement ne pas exister (ATF 125 III 368
consid. 4 p. 372 et l'arrêt cité). L'application de l'art. 6
LEg implique que le juge se détermine d'abord sur la vraisem-
blance alléguée, ce qui doit figurer dans sa décision. Dans
la mesure où le juge considère que la discrimination est
prouvée, ou qu'elle est plus vraisemblable que la non-discri-
mination ou qu'elle est plutôt invraisemblable mais pas ex-
clue, il doit examiner si la partie adverse a rapporté la

preuve de l'inexistence d'une discrimination ou la preuve de
la justification objective de celle-ci; si en revanche le
juge considère que la discrimination est entièrement
douteuse
ou qu'elle a simplement été alléguée, il doit débouter la
travailleuse des conclusions y relatives (Sabine Steiger-
Sackmann, in: Kommentar zum Gleichstellungsgesetz, Bâle
1997,
n. 57, 58 et 64 ad art. 6 LEg).

b) La Chambre d'appel ne se détermine pas claire-
ment sur la question de la vraisemblance, au sens de l'art.
6
LEg, qu'elle ne semble pas exclure d'emblée. Elle déclare
d'abord laisser ouverte la question de savoir si cette dispo-
sition doit être interprétée en ce sens qu'elle
contraindrait
invariablement l'employeur à démontrer une absence de discri-
mination entre les salaires les plus élevés, accordés aux
hommes, et ceux des employés de sexe féminin. Puis elle trai-
te de la discrimination, relevant que les collègues
masculins
de la demanderesse géraient des portefeuilles plus
importants
et avaient l'obligation de rechercher de nouveaux clients.
La
cour cantonale reproche ensuite à la travailleuse de ne pas
avoir satisfait à certaines de ses obligations procédurales.
La Chambre d'appel conclut encore à la justification admissi-
ble d'une différence de salaire par rapport à un collègue
masculin, dont le portefeuille géré serait plus petit que
celui de la demanderesse. Enfin, la cour cantonale revient à
la question de la vraisemblance de la discrimination salaria-
le, considérant que "le dossier ne fournit de surcroît aucun
indice sérieux donnant à croire que l'appelante aurait souf-
fert d'une discrimination salariale à raison de son sexe".

3.- a) En règle générale, une discrimination sala-
riale est considérée comme vraisemblable, lorsque le salaire
des représentants d'un sexe est, pour un travail identique
ou
de valeur égale, nettement inférieur à celui des représen-
tants de l'autre sexe. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré
une discrimination salariale comme vraisemblable dans le cas

d'une travailleuse dont le salaire était d'environ 15% à 25%
plus bas que celui du travailleur qui accomplissait le même
travail (ATF 125 III 368 consid. 4 p. 373).

b) aa) La demanderesse fait valoir une disparité
salariale, par rapport à ses collègues masculins, pour les
années 1995, 1996 et 1997, soit dès sa promotion au poste de
conseillère d'entreprise. Selon l'art. 5 al. 1 let. d LEg,
elle peut prétendre au paiement des salaires dus, lesquels,
en tant que redevances ou prestations "périodiques" au sens
des art. 128 ch. 1 et 131 CO, ne se prescrivent que par cinq
ans dès la mise en demeure ou dès l'ouverture de l'action en
justice (Margrith Bigler-Eggenberger, in: Kommentar zum
Gleichstellungsgesetz, Bâle 1997, n. 19-20 ad art. 5 LEg),
laquelle a eu lieu, en l'espèce, le 7 novembre 1997.

Il ressort de l'arrêt attaqué, que la demanderesse
a exposé qu'à l'exception du salaire annuel de G.________,
comparable au sien malgré le fait que ce collègue est de 17
ans son cadet, sa rétribution serait inférieure à celle de
ses autres collègues masculins, qui auraient été rémunérés
comme suit:

B.________ : 150 000 fr.
C.________ : 100 000 fr.
D.________ : 100 000 fr.
E.________ : 120 000 fr.
F.________ : 170 000 fr.

bb) D'emblée, il convient de relever que les cons-
tatations de fait de la cour cantonale ne portent que sur
les
salaires versés par la défenderesse en 1996, à l'exclusion
de
ceux versés en 1995 ou 1997. Il découle de l'art. 343 al. 4
CO, auquel
renvoie l'art. 12 al. 2 LEg, que le juge peut et
doit fonder son prononcé sur tous les faits pertinents résul-
tant des débats, même si les parties ne les ont pas invoqués

à l'appui de leurs conclusions (ATF 107 II consid. 2b p.
236). En l'espèce, la production des attestations de salaire
pour les années 1995, 1996 et 1997 a constamment été requise
pendant la procédure cantonale par la demanderesse, dont les
prétentions portaient sur les salaires versés pendant ces
trois années. L'employeur ayant produit l'attestation AVS
pour l'année 1996, rien ne l'empêchait d'en faire autant
pour
les deux autres années, cela d'autant plus que des change-
ments dans les conditions de travail de la demanderesse
étaient intervenus à deux reprises en 1996 (cf. consid. 4a
et
4d), ce qui rendait impérative la comparaison des salaires
versés en 1995, soit avant lesdits changements.

cc) Selon l'attestation AVS pour l'année 1996, sur
laquelle s'est basée la cour cantonale, le montant des salai-
res mensuels étaient les suivants:

B.________ (calculé sur 6,5 mois) fr. 12 098.40
C.________ (calculé sur 9 mois) fr. 9 446.35
D.________ fr. 8 287.50
E.________ fr. 9 686.90
F.________ fr. 14 408.35
G.________ fr. 6 739.60
Dame A.________ fr. 6 902.10

À l'exception du salaire de G.________ et de celui
du directeur F.________ (cf. consid. 4g), ces montants font
apparaître pour l'année 1996 des différences entre les salai-
res des conseillers masculins et celui de la demanderesse de
l'ordre de 17% à 42% environ, qui permettraient de conclure
à
la vraisemblance, au sens de l'art. 6 LEg, d'une discrimina-
tion dans la rétribution. Toutefois, la cour cantonale a
constaté que le volume des portefeuilles gérés par les per-
sonnes susmentionnées n'était pas identique et qu'il était
réparti, à la fin de l'année 1996, voire au 30 septembre
1997, de la façon suivante:

B.________ fr. 7 697 000 fr. 10 470 000
C.________ fr. 3 681 091 fr. 5 458 040
D.________ fr. 1 691 630 fr. 1 091 890
E.________ fr. 4 867 401 fr. 6 336 311
F.________ fr. 4 650 852 fr. 4 363 943
G.________ fr. 4 009 111 fr. 7 928 283
Dame A.________ fr. 2 488 619 fr. 2 202 000

dd) La cour cantonale a déduit de ces montants ain-
si que du fait que la demanderesse était, depuis le 1er jan-
vier 1996, dispensée de la recherche de nouveaux clients,
une
absence de discrimination salariale fondée sur le sexe. Elle
a également relevé que le salaire de la demanderesse ne sau-
rait être comparé à celui du directeur, ni à celui d'un
autre
collaborateur qui assumait la responsabilité de conseiller
les membres de la société. Or, ce faisant, la cour cantonale
a omis de tenir compte de plusieurs éléments déterminants
qui
seront examinés dans les considérants suivants.

ee) Pour décider si un salaire déterminé ou si la
différence entre les salaires est discriminatoire, il faut,
d'une part, tenir compte de questions relevant du fait, tels
le montant du salaire ou le montant de la différence entre
les salaires ainsi que de l'existence de circonstances allé-
guées, tels la formation professionnelle, l'âge, etc.; il
faut déterminer, d'autre part, si les critères
d'appréciation
ou de différenciation sont admissibles, ce qui est une ques-
tion de droit (cf. ATF 124 II 436 respectivement consid. 9
p.
446 et consid. 8 p. 442). Pour qu'une différence de traite-
ment soit justifiée objectivement, il ne suffit pas que l'em-
ployeur invoque n'importe quel motif, il doit démontrer
qu'il
poursuit un but objectif. Peu importe qu'il démontre avoir
agi sans aucune intention discriminatoire (ATF 113 Ia 107
consid. 4a p. 116). Il incombe au juge d'apprécier les
faits,
afin de déterminer la portée exacte du critère avancé par
l'employeur pour justifier une différence de traitement (cf.

Monique Cossali Sauvain, La loi fédérale sur l'égalité entre
femmes et hommes, in: Journée 1995 de droit du travail et de
la sécurité sociale, Zurich 1999, p. 57 ss/64).

4.- a) Tout d'abord, la cour cantonale a constaté
qu'une réorganisation du travail a eu lieu le 1er juillet
1996, qui a abouti à une nouvelle répartition des portefeuil-
les gérés par les conseillers de l'entreprise, plus précisé-
ment au regroupement des portefeuilles des clients privés en
mains de la demanderesse. L'incidence de cette
réorganisation
ne ressort pas de l'arrêt attaqué, qui ne distingue pas
entre
le volume des portefeuilles avant le 1er juillet 1996 et
après cette date, de sorte que les chiffres précités ne peu-
vent constituer, tels quels, une base valable pour la compa-
raison du travail effectué par les conseillers de la société
pendant les deux semestres de 1996. Au sujet de ladite réor-
ganisation, la cour cantonale se borne à reprocher à la de-
manderesse de ne s'être plainte d'avoir perdu la responsabi-
lité de plusieurs polices que dans sa dernière écriture du 2
juillet 1999, au stade ultime des débats, alors que l'ins-
truction avait déjà entièrement eu lieu. La demanderesse
tient cette affirmation pour une inadvertance manifeste.

b) Il y a inadvertance manifeste, au sens de l'art.
63 al. 2 OJ, lorsque l'autorité, par inattention, n'a pas lu
ou a omis de prendre en considération tout ou partie d'une
pièce déterminée, versée au dossier, l'a mal lue ou mal com-
prise. Il ne suffit pas qu'elle ait mal apprécié les preuves
réunies (ATF 109 II 159 consid. 2b). Il faut qu'une constata-
tion soit manifestement contraire aux pièces du dossier et
que cela ne puisse s'expliquer que par l'inadvertance (cf.
ATF 108 II 216 consid. 1a). La rectification, qu'elle inter-
vienne d'office ou sur requête, doit non seulement être de
nature à influencer la décision, mais aussi être possible
sur
la base des seules pièces du dossier (Poudret, COJ II, n.
5.1
et 5.5 ad art. 63 OJ).

c) A la page 2 et 3, respectivement chiffres 12. et
14. de son mémoire d'appel du 8 février 1999, la
défenderesse
a écrit ce qui suit: " (...) le portefeuille de clients en-
treprises ainsi que le portefeuille que Mme A.________
gérait
à la place de H.________ lui ont été enlevés" et "Il
convient
de préciser à ce sujet que la gestion des portefeuilles des
privés est pénible et onéreuse pour l'entreprise, raison
pour
laquelle ces dossiers avaient été auparavant répartis entre
plusieurs employés (...)".

L'affirmation de la cour cantonale résulte donc
bien d'une inadvertance manifeste, en raison de laquelle, el-
le ne s'est pas prononcée sur les circonstances de cette ré-
organisation et sur ses conséquences, en particulier sur le
plan salarial. L'arrêt attaqué sera donc annulé sur ce
point,
et la cause renvoyée à l'autorité cantonale, afin qu'elle
procède aux constatations nécessaires et tranche cette ques-
tion (art. 64 al. 1 OJ).

d) S'agissant de l'argument, avancé par l'employeur
et retenu par la cour cantonale, selon lequel la
demanderesse
a été dispensée, dès le 1er janvier 1996, de la recherche de
clientèle, il est vrai que ce critère pourrait constituer
une
justification objective de la différence entre les salaires,
s'il se révélait déterminant pour la prestation de travail
et, par là-même, pour une attribution différenciée des salai-
res (ATF 125 III 368 consid. 5 p. 374). En l'espèce, il res-
sort toutefois des constatations de fait de la cour cantona-
le, qui lient le Tribunal fédéral en instance de réforme,
que
ladite dispense est intervenue parallèlement à la promotion
de la demanderesse, qui s'est traduite par une augmentation
de son salaire et de sa gratification, ce qui permet de dou-
ter de l'importance de la recherche de clientèle dans le
cahier des charges de la demanderesse, dont on ignore du res-
te la teneur.

Au vu de ce qui précède, la cour cantonale ne pou-
vait considérer sans autre le critère de la recherche de
clientèle, inadéquat en l'espèce, comme justifiant objective-
ment une différence entre les salaires, du moins pas sans
avoir procédé à l'éclaircissement des circonstances de la
dispense, intervenue seulement en 1996 et apparemment en fa-
veur de la demanderesse. Par ailleurs, la Chambre d'appel
aurait dû déterminer préalablement en quels termes et dans
quelle mesure la recherche de clientèle faisait partie du
cahier des charges des différents conseillers en entreprise
et, le cas échéant, le taux de cette activité par rapport à
l'ensemble des tâches effectuées. Cette dernière remarque
vaut également pour toute autre activité extraordinaire,
exercée par les collègues de la demanderesse, pour autant
qu'elle soit dûment établie et donc susceptible de justifier
une différence de salaire.

e) La demanderesse reproche à la cour cantonale de
ne s'être fondée, pour admettre la justification de l'écart
entre les salaires versés, que sur le critère du volume des
portefeuilles, sans tenir compte du nombre de polices à gé-
rer. S'agissant précisément du volume géré par la demande-
resse, la cour cantonale relève seulement que celle-ci
s'occupait des dossiers d'assurance en collaboration avec le
président du conseil d'administration de la société et que
l'on ne sait, sur les volumes qu'elle a articulés en dernier
lieu, ce qui doit lui être attribué en propre et ce qui rele-
vait de la compétence du président du conseil d'administra-
tion. Pour la demanderesse, il s'agit là d'une inadvertance
manifeste, puisqu'elle indique avoir produit deux pièces,
n°s
57 et 58, en annexe à son mémoire complémentaire du 2
juillet
1999, dont il ressort qu'en 1995 elle gérait 1148 polices
"privés" et "entreprises", totalisant un chiffre d'affaires
de 6 473 470 fr., et qu'elle s'occupait de surcroît du porte-
feuille du président du conseil d'administration, soit de
413 polices, totalisant un chiffre d'affaires de 3 654 823
fr.

Mis à part le fait que les deux pièces contenant
ces données ont été effectivement produites, ce qui signifie
que la cour cantonale a bien commis une inadvertance manifes-
te à cet égard, à laquelle elle devra remédier (art. 64 al.
1
OJ), il lui appartenait, en vertu de l'art. 12 al. 2 LEg (en
rapport avec l'art. 343 al. 4 CO), de tenir compte des faits
juridiquement pertinents (cf. ATF 107 II 233 consid. 2b p.
236), la demanderesse lui ayant soumis les pièces
nécessaires
conformément à son devoir de collaboration à la procédure
(principe de la maxime inquisitoriale sociale). Or, la dis-
tinction entre les portefeuilles gérés par la demanderesse
en
son propre nom et pour le compte d'autrui, depuis 1995 et
jusqu'à son licenciement, est sans aucun doute un élément
pertinent en l'espèce.

f) aa) Lorsque le cahier des charges est le même ou
qu'il est identique pour les travailleurs d'une société, in-
dépendamment de leur sexe, de meilleures prestations de tra-
vail, quantitatives ou qualitatives, peuvent justifier une
différence de salaire, à condition qu'elles soient établies
(ATF 125 III 368 consid. 5b p. 375). À supposer que de 1995
jusqu'au licenciement en 1997 le cahier des charges des dif-
férents conseillers en entreprise ait été le même ou identi-
que, ce qui ne ressort pas de l'arrêt attaqué, l'on ne peut
d'emblée considérer, en l'espèce, que les prestations de la
demanderesse justifiaient une différence de salaire par rap-
port à ses collègues masculins. En effet, d'après les consta-
tations de fait de la cour cantonale, la demanderesse bénéfi-
ciait d'une expérience de plus de vingt ans en matière d'as-
surance, elle avait été réengagée par son employeur et elle
avait été promue à deux reprises en 1995 et en 1996, soit en
l'espace de deux ans.

bb) Les circonstances particulières intervenues par
la suite, à savoir la dispense de la recherche de nouveaux
clients et la redistribution des portefeuilles, n'ont pas
été

examinées par les juges précédents, si bien que l'on ne
sait,
en l'état, si les prestations de la demanderesse avaient,
par
rapport à celles de ses collègues masculins, diminué quanti-
tativement ou qualitativement, justifiant ainsi éventuelle-
ment une différence de salaire.

cc) Quand bien-même le critère du chiffre d'affai-
res réalisé revêt généralement une importance primordiale -
encore faudrait-il examiner les conditions contractuelles à
ce propos -, l'on ne saurait, en l'espèce et compte tenu des
circonstances précitées, d'emblée exclure d'autres critères
pour comparer les salaires versés aux conseillers entre 1995
et 1997, tels le nombre et le genre des portefeuilles gérés,
l'âge et la formation des conseillers, leur expérience pro-
fessionnelle ou leurs années de service, allégués par la de-
manderesse et dont on ne trouve aucune trace dans l'arrêt at-
taqué.

g) Enfin, s'il est juste de ne pas comparer le sa-
laire d'une travailleuse avec celui du directeur de la socié-
té qui l'emploie, il est en revanche parfaitement admissible
de tenir compte, à titre de comparaison, du salaire perçu
par
les collaborateurs de la défenderesse alors qu'ils ne fai-
saient pas encore partie de la direction ou qu'ils n'exer-
çaient pas encore d'activité extraordinaire, mais qu'ils ac-
complissaient les mêmes tâches que la demanderesse. Or, les
constatations de fait de la cour cantonale ne portent pas
sur
ce point.

5.- a) La demanderesse voit dans la redistribution
des portefeuilles, intervenue le 1er juillet 1996, prétendu-
ment à son insu, une discrimination dans l'attribution des
tâches, au sens de l'art.
3 al. 2 LEg. Elle allègue avoir
rendu vraisemblable, voire avoir prouvé, que cette nouvelle
attribution des tâches avait pour conséquence le
regroupement
des activités les moins intéressantes et les plus pénibles
en

ses mains. L'employeur n'aurait, quant à lui, pas cherché à
prouver le contraire.

La demanderesse relève encore qu'en tant que con-
seillère en entreprise, engagé par un contrat de travail
identique à celui de ses collègues masculins, elle ne bénéfi-
ciait pas de l'aide, ne serait-ce qu'à temps partiel, d'une
secrétaire pour l'assister dans son travail. La demanderesse
se plaint également du fait qu'elle était la seule parmi les
conseillers à ne pas disposer d'un bureau individuel, parta-
geant le même espace que les secrétaires de la société. Elle
dit avoir démontré qu'elle était la seule parmi les conseil-
lers à être appelée à répondre au téléphone, en l'absence de
la réceptionniste, l'employeur n'ayant pas fourni de motif
objectif pour justifier cette différence de traitement.

b) La cour cantonale n'a pas statué sur ces as-
pects, allégués par la demanderesse dans son mémoire d'appel
(chiffre 87) ou ressortant partiellement de l'arrêt attaqué
(suppléance de la réceptionniste, cf. arrêt attaqué p.
4/d.),
qui pourraient relever respectivement de la discrimination
dans l'attribution des tâches et dans l'aménagement des con-
ditions de travail, au sens de l'art. 3 al. 2 LEg. Si elles
sont avérées, ces discriminations peuvent également fonder
un
droit à des indemnités (cf. Elisabeth Freivogel, in: Kommen-
tar zum Gleichstellungsgesetz, Bâle 1997, n. 58 et 60 ad
art.
3 LEg).

c) L'allégement du fardeau de la preuve, au sens de
l'art. 6 LEg, ne signifie pas qu'une discrimination rendue
vraisemblable est d'emblée déjà établie, lorsque la preuve
du
contraire n'a pas été rapportée; bien plus, les règles rela-
tives au fardeau de la preuve n'interviennent que lorsqu'une
preuve ne peut être rapportée par les moyens probatoires à
disposition dans la procédure en cours. Si un état de faits
est incomplet, il doit d'abord être complété, dans la mesure

ou la procédure le permet et dans la mesure où c'est possi-
ble. La présomption légale n'intervient que si au terme de
la
procédure probatoire il n'y a toujours pas de résultat.

d) Dans la mesure où, en l'espèce, certaines cons-
tatations de fait font défaut, il convient de renvoyer la
cause à la cour cantonale en application de l'art. 64 al. 1
OJ, afin qu'elle les complète et qu'elle tranche. En revan-
che, là où l'état de fait est complet, la Chambre d'appel
doit se déterminer sur la vraisemblance des prétendues dis-
criminations et, le cas échéant, sur les conséquences quant
au fardeau de la preuve, conformément à l'art. 6 LEg.

6.- En résumé, l'on ne saurait exclure, contraire-
ment à l'avis de la cour cantonale, une vraisemblance, voire
la constatation de discriminations fondées sur le sexe à
l'encontre de dame A.________. L'arrêt doit par conséquent
être annulé sur ces points et la cause renvoyée à la cour
cantonale pour une nouvelle décision dans le sens des consi-
dérants (cf. ATF 125 III 368 p. 370). Si elle conclut à
l'existence de discriminations, la Chambre d'appel statuera
également sur les indemnités dues à ce titre.

7.- a) Invoquant la violation par la cour cantonale
des art. 5 al. 3 LEg et 33 de la loi fédérale sur le travail
dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (ci-après: LTr;
RS 822.11) ainsi que de l'art. 49 CO (cf. consid. 9h), la
demanderesse reproche, en substance, à la cour cantonale
d'avoir nié l'existence de harcèlement sexuel et de lui
avoir
refusé une indemnité de 10 000 fr., qu'elle qualifie de ma-
nière imprécise d'indemnité pour tort moral, laquelle englo-
berait la réparation de plusieurs atteintes à sa
personnalité
(cf. consid. 9b).

b) aa) Aux termes de l'art. 33 al. 1 LTr, invoqué
par la demanderesse conformément à l'art. 342 al. 2 CO, l'em-

ployeur doit avoir les égards voulus pour la santé des
femmes
et veiller à la sauvegarde de la moralité.

Selon l'art. 5 al. 3 LEg, lorsque la discrimination
porte sur un cas de harcèlement sexuel, le tribunal peut con-
damner l'employeur à verser au travailleur une indemnité, à
moins que l'employeur ne prouve qu'il a pris les mesures que
l'expérience commande, qui sont appropriées aux
circonstances
et que l'on peut équitablement exiger de lui pour prévenir
ces actes ou y mettre fin. L'indemnité due sera fixée compte
tenu de toutes les circonstances et sera calculée sur la
base
du salaire moyen suisse (cf. Margrith Bigler-Eggenberger,
op.
cit., n. 40 ad art. 5 LEg). Aux termes de l'art. 5 al. 4 in
fine LEg, ladite indemnité n'excédera pas le montant corres-
pondant à six mois de salaire.

De manière générale, le devoir de protection de la
personnalité du travailleur par l'employeur est prévu à
l'art. 328 CO, qui a été complété lors de l'introduction de
la LEg par la mention expresse de la protection contre le
harcèlement sexuel. Dans la mesure où la LEg constitue une
loi spéciale par rapport aux dispositions du Code des obli-
gations et où la réparation du même préjudice est prévue
dans
les deux lois, le travailleur n'aura droit qu'à une seule
indemnité pour la même atteinte (Monique Cossali Sauvain,
op.
cit., p. 75 in fine; cf. également Margrith Bigler-
Eggenberger, op. cit., n. 42 ad art. 5 LEg).

bb) Les remarques sexistes et les commentaires
grossiers ou embarrassants rentrent dans la définition de
l'harcèlement sexuel (FF 1993 I p. 1219), prévu à l'art. 4
LEg, dont l'énumération n'est pas exhaustive. Bien que les
exemples cités dans cette disposition ne se réfèrent qu'à
des
cas d'abus d'autorité, la définition n'exclut pas d'autres
actes portant atteinte à la dignité du travailleur et ne
relevant pas d'un abus d'autorité, mais contribuant à rendre

le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries
déplacées (Monique Cossali Sauvain, op. cit., p. 68; Claudia
Kaufmann, in: Kommentar zum Gleichstellungsgesetz, Bâle
1997,
n. 17 ss ad art. 4 LEg).

cc) Il sied de relever que la LEg ne traite que de
la responsabilité de l'employeur et non de celle de l'auteur
du harcèlement sexuel, qui peut être tenu notamment de répa-
rer le tort moral de la victime en vertu des art. 41 ss CO.
La LEg a introduit à l'art. 5 al. 3 un droit supplémentaire,
lequel permet au juge de condamner l'employeur à verser au
travailleur une indemnité, indépendamment du préjudice subi.
L'employeur peut se libérer en démontrant qu'il a pris les
mesures que l'expérience commande, qui sont appropriées aux
circonstances et que l'on peut équitablement exiger de lui
pour prévenir le harcèlement sexuel ou y mettre fin. Si
l'employeur prouve qu'il a rempli son devoir de diligence,
il
ne peut être condamné au versement de ladite indemnité
(Margrith Bigler-Eggenberger, op. cit., n. 37 ad art. 5 LEg;
Monique Cossali Sauvain, op. cit., p. 69; Claudia Kaufmann,
op. cit., n. 44 ss ad art. 4 LEg; Sabine Steiger-Sackmann,
Der Beweis in Gleichstellungsprozessen, in: Das Bundesgesetz
über die Gleichstellung von Frau und Mann, St. Gall 1996,
p. 117-118).

c) En l'espèce, la cour cantonale a constaté que
des histoires osées circulaient parmi le personnel de la so-
ciété, que le directeur s'est une fois exclamé "toutes des
salopes" en entrant au secrétariat, qu'il a demandé à la de-
manderesse, en présence d'une nouvelle employée, si elle
était "lesbienne" et qu'un autre collaborateur s'est égale-
ment adressé à la demanderesse de manière grivoise. Tout en
admettant que les remarques du directeur étaient déplacées,
la cour cantonale reproche à la demanderesse d'avoir eu re-
cours au même vocabulaire, de s'être abstenue de dénoncer
les
faits aux administrateurs de la société pour obtenir que le

directeur cesse son comportement et de ne pas avoir ouvert
action en réparation contre le directeur personnellement.
Elle considère en outre que la dénonciation de la demanderes-
se à l'OCIRT s'est révélée en définitive infondée au regard
de l'ensemble des circonstances.

d) Au vu des principes énoncés, la demanderesse
n'était pas tenue d'actionner le directeur personnellement,
comme le suggère la cour cantonale, mais pouvait s'en
prendre
à l'employeur en vertu de l'art. 5 al. 3 LEg. Par ailleurs,
aucun élément de l'arrêt attaqué ne permet de considérer la
dénonciation à l'OCIRT comme infondée, ce point n'étant du
reste pas décisif dans l'examen de l'application des art. 33
LTr et 5 al. 3 LEg. En outre, la cour cantonale se
contredit,
puisqu'elle a elle-même constaté que la demanderesse a avisé
le président du conseil d'administration du harcèlement et
du
mobbing subis. L'employeur alerté se devait d'intervenir et
de prendre des mesures pour mettre fin aux comportements in-
criminés ou pour prévenir d'autres comportements inadéquats.
Or, il s'est borné à annoncer qu'il confierait l'ouverture
d'une enquête à la direction, laquelle faisait également
l'objet d'accusations de la part de la demanderesse. Cette
mesure ne peut en aucun cas être qualifiée d'appropriée.
Quant au fait que la demanderesse avait recours au même vo-
cabulaire - encore faut-il que l'utilisation d'un tel
langage
n'ait pas eu lieu dans un contexte a priori personnel, tel
les messages échangés entre les collègues de travail -, il
ne
saurait justifier l'admission par l'employeur de remarques
sexistes, grossières ou embarrassantes, en particulier de la
part d'un supérieur hiérarchique, dont le comportement peut
déteindre sur celui de ses subordonnés.

e) En l'espèce, l'employeur n'a pas réussi à démon-
trer qu'il a rempli le devoir de diligence, qui lui incombe.
La demanderesse réclame la somme de 10 000 fr., à titre de
diverses atteintes à sa personnalité, examinées séparément

(cf. consid. 5, 8 et 9h ). Selon l'art. 63 al. 1 OJ, le Tri-
bunal fédéral est lié par les conclusions des parties, mais
non par les motifs qu'elles invoquent. Il convient par consé-
quent de lui allouer, en vertu de l'art. 5 al. 3 LEg, un mon-
tant de 4'988 fr., correspondant au salaire mensuel brut
suisse (valeur centrale) en 1996; (Office fédérale de la
statistique, L'enquête suisse sur la structure des salaires
1996, Domaine 3 Emploi et vie active, Neuchâtel 1999, p.
19).

8.- La demanderesse fait valoir la violation par la
cour cantonale de l'art. 328 CO et de l'art. 26 de l'Ordon-
nance 3 relative à la loi sur le travail (OLT 3; RS
822.113),
qui prohibe l'utilisation de systèmes de surveillance ou de
contrôle destinés à surveiller le comportement des travail-
leurs à leur poste de travail. La surveillance illicite de
son poste de travail aurait permis à l'employeur de prendre
connaissance du texte rédigé sur son traitement de texte et
adressé, le 16 septembre 1997, par fax à l'OCIRT. Pour la de-
manderesse, c'est la connaissance de ce texte par
l'employeur
qui aurait déclenché sa décision de la licencier.

La cour cantonale a considéré que la surveillance
illicite du poste de travail informatique n'était pas éta-
blie. Il s'agit là d'une appréciation des preuves que la de-
manderesse ne peut remettre en cause dans le cadre du
recours
en réforme (ATF 122 III 219 consid. 3c).

9.- a) La demanderesse critique le montant de l'in-
demnité, alloué en application de l'art. 337c al. 3 CO et
correspondant à moins de deux mois de salaire. Pour elle, la
Chambre d'appel n'aurait pas pris en considération la dispa-
rité de la situation sociale et économique des deux parties,
la gravité de l'atteinte à sa personnalité, la manière de
licencier ainsi que le caractère abusif et discriminatoire
du
licenciement injustifié (art. 10 LEg qui renvoie à l'art.

336a CO; cf. à ce sujet Anne-Marie Barone, in: Kommentar zum
Gleichstellungsgesetz, Bâle 1997, n. 44 ad art. 10 LEg).

b) De plus, la demanderesse voit dans le refus de
l'octroi d'une indemnité pour tort moral, la violation par
la
cour cantonale de l'art. 49 CO. Elle estime que les
atteintes
à sa personnalité, soit le harcèlement sexuel, la surveillan-
ce illicite de son outil de travail et les discriminations
fondées sur le sexe, exercées principalement par le
directeur
de la société, sont d'autant plus graves qu'elles intervien-
nent après sa requête auprès de l'employeur, relative au res-
pect de l'égalité entre femmes et hommes. Ces aspects ont dé-
jà été traités ci-dessus, à l'exception de l'atteinte résul-
tant de l'attitude de l'auteur du harcèlement sexuel, seule
à
être encore prise en considération ci-après.

c) Selon la jurisprudence, les indemnités prévues
aux art. 336a et 337c al. 3 CO sont de même nature et visent
les mêmes buts (ATF 123 III 391 consid. 3). Elles ont une
double finalité, punitive et réparatrice. Du fait de leur
finalité réparatrice, lesdites indemnités ne laissent guère
de place à l'application cumulative de l'art. 49 CO, car
elles embrassent toutes les atteintes à la personnalité du
travailleur qui découlent de la résiliation abusive ou in-
justifiée du contrat. Demeure réservée l'hypothèse dans
laquelle une telle atteinte serait à ce point grave qu'un
montant correspondant à six mois de salaire du travailleur
ne
suffirait pas à la réparer. Sous cette réserve,
l'application
de l'art. 49 CO, parallèlement aux art. 336a et 337c al. 3
CO, ne saurait entrer en ligne de compte que dans des cir-
constances exceptionnelles.

d) Le montant des indemnités prévues aux art. 336a
et 337c al. 3 CO est fixé librement par le juge en fonction
de toutes les circonstances (art. 4 CC); le pouvoir d'appré-
ciation qui est reconnu de la sorte à l'autorité cantonale

conduit le Tribunal
fédéral à ne substituer sa propre appré-
ciation à celle de l'instance inférieure qu'avec une
certaine
retenue. Il n'interviendra que si la décision s'écarte sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurispruden-
ce en matière de libre appréciation ou s'appuie sur des
faits
qui, en l'occurrence, ne devaient jouer aucun rôle ou encore
ne tient, au contraire, pas compte d'éléments qui auraient
absolument dû être pris en considération; le Tribunal
fédéral
sanctionnera, en outre, les décisions rendues en vertu d'un
tel pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un ré-
sultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante
(ATF
121 III 64 consid. 3c et les références).

e) Dès lors que la loi impose au juge de tenir
compte de toutes les circonstances, il ne saurait faire
abstraction, entre autres éléments, de la durée des rapports
de travail et des effets économiques du licenciement.
Peuvent
également être déterminants la gravité de l'atteinte à la
personnalité de la personne congédiée et le comportement des
deux parties lors de la résiliation du rapport contractuel,
notamment une faute concomitante de la personne congédiée
(arrêt non publié du 8 janvier 1999, dans la cause
4C.310/1998, reproduit in: SJ 1999 I 277, consid. 3c).

La jurisprudence a posé qu'une résiliation immédia-
te injustifiée, intervenue dans des conditions qui correspon-
dent à une résiliation abusive, ne peut donner droit aux
deux
indemnités prévues par les art. 336a et 337c al. 3 CO. Dans
un tel cas, le juge n'allouera qu'une indemnité fondée sur
l'art. 337c al. 3 CO (ATF 121 III 64 consid. 2a p. 66 et les
références). Dans la détermination du montant de l'indemnité
de l'art. 337c al. 3 CO, la résiliation abusive peut être
prise en considération au nombre de "toutes les circonstan-
ces" dont le juge doit tenir compte (ATF 121 III 64 consid.
2b p. 67 in fine et 68); il en est de même lorsqu'on est en
présence d'un congé de rétorsion au sens de l'art. 10 LEg

(cf. à ce sujet Kathrin Klett, Schutz vor Rachekündigungen,
in: Das Bundesgesetz über die Gleichstellung von Frau und
Mann, p. 161 ss/177 et 178; Thomas Geiser, AJP 1995 p. 941
s., qui désapprouve l'interdiction du cumul).

f) En l'espèce, la cour cantonale a tenu compte, à
juste titre, de la durée de l'engagement de la demanderesse,
soit cinq ans. Les juges précédents ont également estimé
avec
raison que nonobstant l'avertissement qui lui avait été
adressé - lequel, il convient de le préciser, ne
sanctionnait
pas expressément une attitude vulgaire, mais négative -, la
conduite de la demanderesse le 18 septembre ne justifiait
pas
un licenciement immédiat, puisqu'il a été établi que bon nom-
bre de collaborateurs et même des membres de la direction de
la société avaient coutume de formuler, en s'adressant à des
collègues ou à des subordonnés, des réflexions à connotation
sexuelle, parfaitement déplacées.

Toutefois, la cour cantonale estime que la demande-
resse devait être consciente, à l'époque, que sa place de
travail se trouvait sérieusement remise en question. La cour
cantonale ne voit pas dans le recours à un huissier judiciai-
re un manque d'égard particulier de la part de l'employeur,
mais uniquement une mesure étant essentiellement destinée à
sauvegarder des preuves. Elle relève encore que la demande-
resse, née en 1950, n'a pas retrouvé de travail, et
considère
que celle-ci ne saurait imputer à l'employeur les problèmes
psychiques qu'elle a ensuite rencontrés.

g) Si l'âge du travailleur au moment du licencie-
ment est un élément pouvant être pris en compte par le juge,
c'est à bon droit que la demanderesse critique cette
dernière
appréciation de la cour cantonale. En effet, celle-ci a omis
de tenir compte de l'incapacité totale de la demanderesse de
travailler dès le 23 septembre 1997, soit quatre jours après
son licenciement. Du reste, il ne ressort pas de l'arrêt at-

taqué que la demanderesse aurait souffert de troubles simi-
laires déjà avant son licenciement et indépendamment de
celui-ci. Par ailleurs, l'état de santé de la demanderesse,
qui a donné lieu à l'octroi d'une rente AI à 100%, témoigne
de la gravité de l'atteinte à sa personnalité. La cour can-
tonale n'a pas non plus tenu compte des répercussions du
licenciement sur l'avenir professionnel de la demanderesse,
ni de la capacité financière du débiteur. Même si la deman-
deresse aurait pu, au vu des difficultés sur son lieu de
travail, faire preuve de plus de retenue, le texte de la
lettre de licenciement, dont le contenu est en contradiction
évidente avec les faits constatés par la cour cantonale,
contrevient manifestement au principe de la bonne foi et
confère au licenciement un caractère abusif (ATF 125 III 70
consid. 2b p. 73) devant être pris en considération lors de
la fixation de l'indemnité. Il en est de même du fait que
l'employeur n'a pas établi que la réclamation adressée au
président du conseil d'administration le 6 septembre 1997 ne
constituait pas la cause du licenciement intervenu le 19
septembre 1997. En effet, dès qu'il y a réclamation, au sens
de l'art. 10 LEg, un tel rapport de causalité est présumé
(cf. Kathrin Klett, op. cit. p. 173; Monique Cossali
Sauvain,
op. cit., p. 84). Enfin, la présence de l'huissier
judiciaire
peut être considérée comme disproportionnée, dès lors
qu'elle
n'était pas indispensable pour effectuer une copie de sauve-
garde du contenu de l'ordinateur de la demanderesse, et
qu'il
ne ressort pas des faits constatés que l'attitude de
celle-ci
par le passé aurait nécessité une telle présence.

La décision cantonale a fait abstraction d'éléments
pertinents, qui justifient l'octroi à la demanderesse d'une
indemnité de 31 900 fr. au total, équivalant à cinq mois de
son salaire mensuel en 1997, dont le montant est demeuré in-
contesté par l'employeur.

h) S'agissant en revanche de l'attitude du direc-
teur, même si elle doit être qualifiée de critiquable, il
n'est pas établi qu'elle ait entraîné, avant le licenciement
et indépendamment de celui-ci, une atteinte à la santé de la
demanderesse, qui fonderait l'octroi de l'indemnité excep-
tionnelle prévue à l'art. 49 CO (cf. arrêt non publié du 8
janvier 1999, dans la cause 4C.310/1998, reproduit in: SJ
1999 I 277, consid. 4b).

10.- a) La demanderesse conteste que le certificat
de travail, daté du 7 janvier 1999, reflète le travail
qu'elle a accompli chez la défenderesse. Elle invoque une
violation de l'art. 330a CO, selon lequel le travailleur
peut
demander en tout temps à l'employeur un certificat portant
notamment sur la nature des rapports de travail.
L'entreprise
ayant fait savoir à l'ensemble de sa clientèle que la deman-
deresse assurait dès le 1er juillet 1996 la direction du ser-
vice des clients privés, celle-ci est d'avis que cette men-
tion devrait figurer sur son certificat de travail, lequel
devrait également tenir compte de son activité antérieure au
1er juillet 1996.

La cour cantonale considère que ledit certificat
est suffisant et qu'il n'y a pas lieu de le compléter par
une
mention sur "la direction du département client privé", la
demanderesse n'ayant eu aucun employé sous ses ordres.

b) Le certificat de travail doit être véridique
(consid. 4c/aa non publié de l'arrêt paru aux ATF 123 III
391). En l'espèce, le fait pour la demanderesse de ne pas
avoir un employé sous ses ordres n'empêchait pas de la
considérer comme l'unique responsable dudit service. Cet
aspect ne ressort toutefois pas de manière précise du
certificat incriminé. De même, le texte donne l'impression
que, depuis sa promotion au poste de conseillère d'entrepri-
se, la demanderesse s'est exclusivement occupée des porte-

feuilles d'assurances des clients privés, à l'exclusion de
ceux des entreprises. Le certificat devra donc être complété
sur ces deux points.

11.- La demanderesse ne remet pas en cause l'allo-
cation par la cour cantonale du montant de 14 886 fr., à ti-
tre de salaire durant le préavis de congé. L'arrêt attaqué
sera donc confirmé sur ce point. Il sera en revanche
réformé,
en tant qu'il porte sur les indemnités dues en vertu de
l'art. 5 al. 3 LEg et en raison du licenciement immédiat in-
justifié. Pour le surplus, la cause sera renvoyée à la cour
cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considé-
rants.

Selon l'art. 12 al. 2 LEg, qui renvoie à l'art. 343
CO, la procédure est gratuite, indépendamment de la valeur
litigieuse. Cela vaut également lorsque des prétentions, dé-
coulant du contrat de travail mais supérieures à 20 000 fr.,
sont, comme en l'espèce, indissociables de la question de
l'égalité entre femmes et hommes.

La demanderesse, qui est dans le besoin, est mise
au bénéfice de l'assistance judiciaire (art. 152 OJ). Son
recours est admis dans une large mesure. Toutefois, elle ob-
tient moins d'un tiers des prétentions qu'elle fait valoir;
pour le reste l'issue de la cause est incertaine. Dans une
telle situation, il se justifie de compenser les dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours et réforme l'ar-
rêt attaqué en ce sens que la défenderesse versera à dame
A.________ les sommes de 4'988 fr. et de 31 900 fr., avec in-
térêts à 5% dès le 19 septembre 1997; confirme cet arrêt en
tant qu'il condamne la défenderesse à verser à dame
A.________ la somme de 14 886 fr. brut (sous déduction des
charges sociales), plus intérêts à 5% dès le 19 septembre
1997;

2. Renvoie pour le surplus la cause à la cour can-
tonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants;

3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires;

4. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à
Me Joanna Bürgisser la somme de 7000 fr. à titre d'honorai-
res, sous réserve de l'application de l'art. 152 al. 3 OJ;

6. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève (Cause n° C/32585/97-9).

_____________

Lausanne, le 4 juillet 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.463/1999
Date de la décision : 04/07/2000
1re cour civile

Analyses

Harcèlement sexuel; devoir de diligence de l'employeur (art. 4 et 5 al. 3 LEg). Les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants rentrent dans la définition du harcèlement sexuel, prévu à l'art. 4 LEg. La LEg ne traite que de la responsabilité de l'employeur et non de celle de l'auteur du harcèlement sexuel. Devoir de diligence de l'employeur et preuve libératoire (consid. 7).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-04;4c.463.1999 ?
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