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03/07/2000 | SUISSE | N°H.140/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 juillet 2000, H.140/99


«»
H 140/99 Rl

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Borella, Spira et Rüedi; Decaillet, Greffier

Arrêt du 3 juillet 2000

dans la cause

I.________, recourante, représentée par Maître Jean-Claude
Mathey, avocat, chemin des Trois-Rois 5bis, Lausanne,

contre

Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise, route du
Lac 2, Paudex, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- Par décision du 28 dé

cembre 1995, la Caisse AVS de
la Fédération patronale vaudoise (ci-après : la caisse) a
réclamé à l'association I._______ le paiement...

«»
H 140/99 Rl

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Borella, Spira et Rüedi; Decaillet, Greffier

Arrêt du 3 juillet 2000

dans la cause

I.________, recourante, représentée par Maître Jean-Claude
Mathey, avocat, chemin des Trois-Rois 5bis, Lausanne,

contre

Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise, route du
Lac 2, Paudex, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- Par décision du 28 décembre 1995, la Caisse AVS de
la Fédération patronale vaudoise (ci-après : la caisse) a
réclamé à l'association I._______ le paiement de

77 179 fr. 35, au titre des cotisations paritaires dues sur
les rémunérations servies à L.________, C.________,
M.________ et A.________ pour l'activité déployée par les
prénommés au Centre européen de recherche nucléaire (CERN)
entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1994.

B.- I.________ a recouru devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud contre cette décision dont
elle demandait l'annulation, au motif qu'elle n'était pas
l'employeur des intéressés et que les rémunérations
litigieuses avaient le caractère de bourses. L.________,
C.________, M.________ et A.________ ont également recouru
contre la décision de la caisse, en soutenant que la tota-
lité des cotisations devait être supportée par I.________,
dès lors que leurs rémunérations résultaient d'une
convention de salaire net.
Après avoir joint les recours, la Cour cantonale les a
rejetés par jugement du 2 février 1999. Elle a considéré en
bref que les quatre intéressés étaient assujettis à l'AVS
en qualité de travailleurs dépendants pour les activités
qu'ils ont exercées dans les locaux du CERN durant la pé-
riode litigieuse. Les premiers juges ont en outre retenu
qu'I.________ était le véritable employeur des intéressés,
motif pris que le financement de leur activité était assuré
par cette association et qu'ils travaillaient sous les or-
dres du professeur Z.________, président d'I.________,
lequel choisissait, notamment, les bénéficiaires d'un
financement par l'association. L'autorité cantonale a par
ailleurs nié que les rémunérations litigieuses constituent
des bourses ou résultent de conventions de salaire net.

C.- I.________ interjette recours de droit
administratif contre ce jugement dont elle demande
l'annulation, sous suite de frais et dépens. Elle sollicite
l'organisation de débats devant le Tribunal fédéral des

assurances. Elle fait valoir, d'une part, qu'elle n'est pas
l'employeur des intéressés, dès lors que ceux-ci ont
travaillé sous la direction de responsables du CERN, dans
les locaux de cette institution et ont perçu de celle-ci
leur rémunération. Elle soutient, d'autre part, que les
rémunérations des intéressés sont des bourses, lesquelles
ne constituent pas un revenu déterminant soumis à coti-
sations.
La caisse s'en remet à justice. L.________,
C.________, M.________ et A.________ concluent, sous suite
de frais et dépens, au rejet du recours. L'Office fédéral
des assurances sociales propose également le rejet du
recours. Invité à se déterminer en qualité d'intéressé, le
CERN a renoncé à présenter des observations.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur l'obligation de la recourante
de payer à la caisse intimée des cotisations paritaires sur
les rémunérations perçues par L.________, C.________,
M.________ et A.________ pour la période du 1er janvier
1990 au 31 décembre 1994, alors que ceux-ci exerçaient une
activité au CERN.

2.- Comme aucune prestation d'assurance n'est liti-
gieuse, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si le jugement de première instance viole le droit
fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus du pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été consta-
tés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a
et b et 105 al. 2 OJ).
Il faut en outre tenir compte de l'art. 114 al. 1 OJ,
selon lequel le Tribunal fédéral des assurances n'est pas
lié par les conclusions des parties en matière de contribu-

tions publiques, lorsque le litige porte sur la violation
du droit fédéral ou sur la constatation inexacte ou incom-
plète des faits.

3.- La recourante demande l'organisation de débats de-
vant le Tribunal fédéral des assurances dans la mesure où
l'autorité cantonale n'en a pas elle-même ordonnés.
L'audience et le prononcé du jugement sont publics. La
loi peut prévoir des exceptions (art. 30 al. 3 Cst). Selon
l'art. 112 OJ, en corrélation avec l'art. 132 OJ, il appar-
tient au Président du tribunal d'ordonner des débats. L'in-
terprétation de l'art. 30 al. 3 Cst est liée à celle de
l'art. 6 par. 1 CEDH (Häfelin/Haller; Schweizerisches
Bundesstaatsrecht, Supplement zur 4. Auflage «Die neue
Bundesverfassung», Zürich 2000, p. 77 par. 55; cf. égale-
ment Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suis-
se, Berne 2000, vol. II, p. 597, n. 1251 ss). Or, le Tribu-
nal fédéral des assurances a jugé que cette disposition
conventionnelle ne faisait pas obstacle à des exceptions au
principe de la publicité des débats. En particulier, le
droit à des débats publics devant le Tribunal fédéral des
assurances peut être nié lorsque l'instruction de la cause
est suffisante et que de tels débats ont eu lieu en ins-
tance cantonale (SVR 1998 UV no 5 p. 13). Le Tribunal
fédéral des assurances peut également renoncer à la tenue
de débats lorsqu'il s'agit de questions hautement techni-
ques ou qu'il y a lieu de tenir compte de l'exigence de
rapidité de la procédure, ainsi que lorsque le recours est
manifestement irrecevable ou mal fondé (ATF 122 V 52
consid. 2e).
En l'espèce, les parties ont pu s'exprimer devant
l'autorité cantonale au cours de deux audiences d'instruc-
tion. Compte tenu du pouvoir d'examen limité dont jouit le
Tribunal fédéral des assurances en l'occurrence (cf. con-
sid. 2 ci-dessus), l'organisation de débats ne ferait que
retarder inutilement la conclusion du procès, alors même

que le principe de célérité - désormais explicitement
consacré en droit interne par l'art. 29 al. 1 Cst - fait
obligation au juge, et notamment au juge des assurances
sociales, d'éviter tout retard propre à nuire à l'intérêt
des parties. Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner des
débats devant le Tribunal fédéral des assurances.

4.- a) Est considéré comme employeur, selon l'art. 12
al. 1 LAVS, celui qui verse à des personnes obligatoirement
assurées des rémunérations au sens de l'art. 5 al. 2 LAVS.
Selon la jurisprudence, il faut considérer comme employeur,
en règle générale, celui qui paie au salarié le salaire dé-
terminant. Cela ne signifie toutefois pas qu'il faille con-
sidérer comme employeur tenu de faire les décomptes et
payer les cotisations aussi bien celui qui verse le salaire
sur l'ordre d'un tiers; l'art. 12 LAVS indique seulement
qu'en cas de doute, c'est-à-dire lorsque l'on se demande
qui est le véritable employeur, il faut considérer comme
tel celui qui paie le salaire. Il n'est pas nécessaire que
la personne obligatoirement assurée se trouve en rapport de
service ou d'engagement avec la personne ou la collectivité
de personnes qui lui versent un salaire. Il suffit qu'elle
dépende soit du point de vue de l'économie d'entreprise,
soit de celui de l'organisation, de celui pour lequel elle
travaille (RCC 1990 p. 142 consid. 1b, 1987 p. 33 con-
sid. 2b). Si l'assuré est en même temps et pour la même
activité en rapport de dépendance et de subordination à
l'égard de plusieurs personnes, l'obligation de faire les
décomptes et de payer les cotisations incombe à l'employeur
qui à le contact le plus immédiat et le plus étroit avec
l'assuré (ATF 118 V 74).

b) En l'occurrence, conformément aux constatations des
premiers juges, L.________, C.________, M.________ et
A.________ ont tous conclu un contrat avec le CERN en
qualité d'associée non payée pour la première et d'associés

scientifiques non payés pour les seconds. Ils ont perçu
pour leur activité au CERN des rémunérations qui étaient
financées par ICSC, tout en étant versées par le CERN. Les
intéressés étaient en outre sous l'autorité de cette
institution du point de vue de l'organisation de leur
travail, ainsi qu'en témoignent les contrats les concer-
nant. S'il est exact qu'ils étaient également soumis aux
instructions du professeur Z.________ ou de ses subordonn-
és, il faut rappeler que ce scientifique occupait au moment
des faits la charge de directeur de projet au CERN. Certes,
c'est lui qui décidait, en sa qualité de président
d'I.________, de l'octroi ou de la suppression des rémuné-
rations versées aux intéressés. Le jugement entrepris se
réfère toutefois au jugement no 1166 du 15 juillet 1992 du
Tribunal administratif de l'OIT - juridiction appelée à
trancher en dernier ressort les litiges opposant le per-
sonnel des organisations internationales à leur employeur -
dans la cause opposant A.________ au CERN. Or, selon cette
décision, la suppression de la rémunération allouée au
prénommé n'avait pas mis fin à son contrat avec le CERN.
Dans ces conditions, il convient d'admettre, contrairement
à l'opinion des premiers juges, que ce n'est pas la
recourante mais le CERN qui était l'employeur des
intéressés. Il n'incombe dès lors pas à I.________
d'effectuer les décomptes et de payer les cotisations
d'assurances sociales relatives aux rémunérations allouées
à L.________, C.________, M.________ et A.________.
Au demeurant, le recours doit être admis pour un autre
motif, ainsi qu'on va le voir.

5.- a) Le salaire déterminant, au sens de l'art. 5
al. 2 LAVS, comprend toute rémunération pour un travail
dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé.
Font partie de ce salaire déterminant, par définition,
toutes les sommes touchées par le salarié, si leur ver-

sement est économiquement lié au contrat de travail; peu
importe, à ce propos, que les rapports de service soient
maintenus ou aient été résiliés, que les prestations soient
versées en vertu d'une obligation ou à titre bénévole. On
considère donc comme revenu d'une activité salariée, soumis
à cotisations, non seulement les rétributions versées pour
un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou
prestation ayant une relation quelconque avec les rapports
de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas
franches de cotisations en vertu de prescriptions légales
expressément formulées (ATF 124 V 101 consid. 2 et la ju-
risprudence citée).
Selon l'art. 6 al. 2 let. g RAVS, ne sont pas compri-
ses dans le revenu provenant d'une activité lucrative, les
bourses et autre prestations analogues destinées à permet-
tre les études, la formation ou le perfectionnement profes-
sionnels, ou à encourager ou récompenser la création artis-
tique, la recherche scientifique ou d'autres travaux émi-
nents, à condition qu'elles ne soient point allouées en
raison de rapports de service du bénéficiaire et que le do-
nateur ne puisse pas disposer des résultats acquis.
Selon la jurisprudence, si l'une de ces deux condi-
tions n'est pas remplie la bourse n'a pas un caractère pu-
rement altruiste mais est au contraire allouée en raison
d'un rapport de travail (ATFA 1964 p. 17 consid. 2; RCC
1988 p. 34 consid. 3c, cf. également RCC 1989 p. 167 con-
sid. 4).

b) Il ressort du jugement entrepris que pendant la pé-
riode litigieuse, L.________, titulaire d'un doctorat en
lettres, a accompli des tâches de vulgarisation scientifi-
que, notamment. C.________, M.________ et A.________,
docteurs en physique, ont oeuvré dans le domaine de la
recherche en physique théorique. Ils ont à ce titre
contribué à diverses publications en rapport avec les pro-
grammes de recherche dans lesquels ils étaient impli-

qués. Compte tenu de leur nature, on doit admettre que les
tâches qui incombaient aux intéressés contribuaient à leur
perfectionnement professionnel.
Par ailleurs, conformément aux considérations dévelop-
pées ci-dessus (consid. 4b), le CERN était le véritable em-
ployeur des intéressés au sens des dispositions de l'AVS.
En outre, le travail de L.________ consistait essentiel-
lement dans la traduction ou la rédaction d'articles pour
son propre compte ou celui du professeur Z.________, ainsi
que dans la réalisation d'un ouvrage scientifique. Quant
aux résultats des travaux de recherche de C.________,
A.________ et M.________, ils se limitaient à des publi-
cations scientifiques collectives, indépendantes de l'as-
sociation recourante. Le nom de cette dernière y était
certes fréquemment mentionné au titre de l'institut de
rattachement des chercheurs concernés. Ces constatations ne
suffisent toutefois pas pour retenir que la recourante
pouvait disposer du résultat des travaux accomplis par les
prénommés. Il faut en conclure que les rémunérations liti-
gieuses constituaient en réalité des bourses et que celles-
ci étaient donc exclues du revenu provenant d'une activité
lucrative, soumis à cotisations.
Le recours se révèle ainsi bien fondé et la décision
litigieuse, de même que le jugement attaqué doivent être
annulés.

6.- La procédure n'est pas gratuite s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-
tions d'assurance (art. 134 OJ a contrario). La caisse in-
timée qui succombe supportera les frais de justice
(art. 156 al. 1 OJ).
La recourante, qui obtient gain de cause, est repré-
sentée par un avocat, de sorte qu'elle a droit à une indem-
nité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en
liaison avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal
fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 2 février 1999
du Tribunal des assurances du canton de Vaud, ainsi
que la décision de la Caisse de compensation de la Fé-
dération patronale vaudoise du 28 décembre 1995 sont
annulés.

II. Les frais de justice, d'un montant de 4000 fr., sont
mis à la charge de la caisse.

III. L'avance de frais effectuée par la recourante, d'un
montant de 4000 fr., lui est restituée.

IV. La caisse intimée versera à la recourante la somme de
5000 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

V. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera
sur les dépens pour la procédure de première instance,
au regard de l'issue du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud, à l'Office fé-
déral des assurances sociales et à L.________,
C.________, M.________ et A.________.

Lucerne, le 3 juillet 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.140/99
Date de la décision : 03/07/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-03;h.140.99 ?
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