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03/07/2000 | SUISSE | N°4C.235/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 juillet 2000, 4C.235/1999


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4C.235/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

3 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

dame K.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Freddy Rumo, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

X.________ AG, défenderesse et intimée;

(contrat de travail; délai du congé ordinaire)

Vu les pièce

s du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Dame K.________ a été engagée le 1er octo-
bre 1996 par X._______...

«»

4C.235/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

3 juillet 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

dame K.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Freddy Rumo, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

X.________ AG, défenderesse et intimée;

(contrat de travail; délai du congé ordinaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Dame K.________ a été engagée le 1er octo-
bre 1996 par X.________ AG comme voyageuse de commerce pour
prospecter la Suisse romande à partir des bureaux de la fidu-
ciaire Y.________ S.A., dans le canton de Neuchâtel. Son der-
nier salaire mensuel brut se montait à 3698 fr.10.

Après des négociations relatives au salaire de dame
K.________, X.________ AG lui a écrit, le 14 août 1997, pour
lui proposer de mettre un terme au contrat. Le 19 août 1997,
dame K.________, empêchée non fautivement de travailler de-
puis le 15 août précédent, a fait une contre-proposition, en
indiquant à l'employeur que, au cas où cette dernière ne se-
rait pas acceptée, X.________ AG était invitée à lui donner
son mois de dédite dès la fin de son incapacité de travail
et
à lui payer ses jours de vacances. Le même jour, X.________
AG a eu des entretiens téléphoniques avec dame K.________.
Ces entretiens ont été confirmés par dame K.________ dans
une
télécopie du 21 août 1997, comportant le passage suivant:

"Suite à nos entretiens (...), j'ai appris (...)
que vous vouliez donc me licencier avec effet immé-
diat, ceci malgré mon incapacité de travail".

La salariée a ajouté ce qui suit:

"Je pars donc du principe que je serai licenciée,
dès la fin de mon incapacité de travail".

Le 22 août 1997, X.________ AG a pris position sur
cette télécopie, en présentant une nouvelle contre-proposi-
tion.

b) Dame K.________ a été en incapacité totale de
travailler jusqu'au 1er octobre 1997, date à laquelle elle a
de nouveau été apte à travailler à 50%.

Par lettre du 10 octobre 1997, l'avocat de dame
K.________ a formellement proposé à X.________ AG que sa
cliente reprenne son travail.

Par courrier du 15 octobre 1997, le conseil de
X.________ AG a soutenu le point de vue selon lequel il
n'existait aucun contrat de travail entre elle et dame
K.________; cet avocat a clairement manifesté l'intention de
X.________ AG de ne pas entrer en matière sur l'offre de re-
prendre le travail formulée par dame K.________.

Une première procédure a opposé les parties devant
le Tribunal des prud'hommes du district de la
Chaux-de-Fonds,
qui a condamné X.________ AG à payer à dame K.________, no-
tamment, les salaires d'août, septembre, octobre et novembre
1997.

B.- Le 2 juin 1998, dame K.________ a formé une
nouvelle demande portant sur les salaires de décembre 1997,
janvier et février 1998, le 13ème salaire pour 1997, la part
du 13ème salaire pour 1998 et le droit aux vacances, soit un
total de 21 199 fr.40 sans intérêts. Elle a allégué que le
contrat n'avait jamais été résilié par X.________ AG et que
c'est elle-même qui avait résilié le contrat de travail par
lettre de son avocat du 12 décembre 1997.

La Caisse cantonale neuchâteloise d'assurance-
chômage est intervenue au litige pour les prestations
qu'elle
a versées à la demanderesse de décembre 1997 à février 1998.

Par jugement du 5 novembre 1998, le Tribunal des
prud'hommes du district de la Chaux-de-Fonds a admis la de-

mande à concurrence de 3684 fr.50 bruts, représentant des
vacances non prises, et l'a rejetée pour le surplus. Il a ad-
mis que le contrat de travail avait été valablement résilié
le 14 août 1997 et que le congé avait été confirmé oralement
au cours des entretiens du 19 août 1997. Compte tenu de la
prolongation du délai de congé en raison de la maladie de
dame K.________, le contrat avait pris fin le 30 novembre
1997.

Par arrêt du 28 avril 1999, la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal neuchâtelois, par substitution
de
motifs, a rejeté le recours formé par dame K.________ contre
ce jugement. Contrairement à l'opinion du Tribunal des
prud'hommes, elle a considéré que l'écriture adressée par la
défenderesse à la demanderesse le 14 août 1997 ne contenait
qu'une proposition de mettre un terme à la collaboration des
parties. Quant au congé donné oralement le 19 août 1997, il
l'avait été en temps inopportun (art. 336c al. 1 let. b et
al. 2 CO), dès lors que la demanderesse était alors en inca-
pacité de travail. En revanche, comme l'incapacité de
travail
de la salariée n'était pas prouvée au-delà de la première se-
maine d'octobre 1997, le courrier que lui a envoyé le 15 oc-
tobre 1997 le conseil de la défenderesse devait être compris
de bonne foi par la travailleuse comme la manifestation de
volonté de X.________ AG de se passer de ses services à par-
tir du 30 novembre 1997. Peu importait à cet égard que la dé-
fenderesse ait toujours nié la conclusion d'un contrat de
travail.

C.- Parallèlement à un recours de droit public qui
a été déclaré irrecevable par arrêt de ce jour, dame
K.________ recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle
conclut à ce que l'intimée soit condamnée à lui payer
1849 fr.05 à titre de salaire, ainsi qu'un montant de
9245 fr.25 à titre de dommages-intérêts avec intérêt à 5%
dès
le 12 décembre 1997; elle requiert également qu'il lui soit

donné acte, ainsi qu'à la Caisse cantonale neuchâteloise
d'assurance-chômage, que 6136 fr.70 sont à distraire des
conclusions précitées en faveur de ladite caisse. A titre
subsidiaire, la demanderesse conclut à ce que la
défenderesse
soit condamnée à lui payer 3698 fr.10 à titre de salaire
pour
le mois de décembre 1997, avec intérêt à 5% dès le 1er jan-
vier 1998.

L'intimée, agissant en personne, propose le rejet
du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-
ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement
allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et les
arrêts
cités). Dans la mesure où un recourant présente un état de
fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée
sans se prévaloir de l'une des exceptions qui viennent
d'être
rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il ne
peut être présenté de griefs contre les constatations de
fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ).

Si le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des
conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs
qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), pas plus que par ceux
de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III 59
consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

2.- a) La demanderesse fait grief à la cour canto-
nale d'avoir conféré au courrier de l'intimée du 15 octobre
1997 la portée d'une résiliation valable du contrat de tra-
vail, en violation des art. 18 et 335 CO. A la suivre, le
pli
précité ne pouvait pas exprimer la volonté de la
défenderesse
de résilier la convention, puisque celle-ci contestait
l'existence même d'un contrat de travail. Elle en veut pour
preuve que la lettre du 15 octobre 1997 ne comportait pas
les
termes "résiliation" ou "mettre un terme au contrat".

b) Les déclarations de volonté, lorsque, comme en
l'espèce, le juge n'est pas parvenu à déterminer la volonté
réelle des parties, doivent s'interpréter selon le principe
de la confiance, soit selon le sens que leur destinataire
pouvait et devait leur donner de bonne foi (ATF 126 III 59
consid. 5b; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa; 123
III 165 consid. 3a).

Quels que soient les termes utilisés par la défen-
deresse, la demanderesse ne saurait soutenir n'avoir pas com-
pris, à réception du courrier du 15 octobre 1997, que les re-
lations entre les plaideurs devaient prendre fin le 30 novem-
bre 1997 dans l'hypothèse où les parties étaient liées par
un
contrat de travail, comme la salariée l'affirmait contre
l'avis de l'employeur. En effet, quand une personne nie être
liée comme employeur par un contrat de travail et refuse la
prestation qui lui est offerte, le destinataire de la décla-
ration de volonté doit de bonne foi considérer, a fortiori,
que cette personne entend se délier du contrat au cas où ce
dernier aurait été valablement conclu. La demanderesse est

d'autant moins fondée à soutenir le contraire qu'elle a
écrit
à la défenderesse le 21 août 1997 qu'elle partait du
principe
qu'elle serait licenciée dès la fin de son incapacité de tra-
vail. Comme elle s'attendait à un licenciement, elle devait
manifestement comprendre comme tel le courrier de l'intimée
du 15 octobre 1997.

Dans la mesure où la demanderesse prétend que la
défenderesse n'avait pas, en réalité, la volonté de résilier
le contrat au cas où il aurait été effectivement conclu,
elle
se prévaut d'une allégation qui n'a pas été retenue par la
cour cantonale, de sorte que le Tribunal fédéral ne saurait
la prendre en considération (art. 63 al. 2 OJ).

Le grief n'a aucun fondement.

3.- a) A titre subsidiaire, la recourante soutient
que même si l'écriture du 15 octobre 1997 devait être consi-
dérée comme une lettre de congé, le contrat ne pouvait pas
prendre fin avant le 31 décembre 1997, car, au moment où la
résiliation est intervenue, elle avait entamé sa seconde an-
née de service. Pour ne pas l'avoir vu, la Cour de cassation
aurait enfreint l'art. 335c al. 1 CO.

La cour cantonale a considéré que la résiliation
notifiée le 15 octobre 1997 mettait fin au contrat avec
effet
au 30 novembre 1997.

Pourtant, le 15 octobre 1997, la demanderesse, qui
avait été engagée le 1er octobre 1996, se trouvait bel et
bien dans sa seconde année de service. Le délai de congé
était donc de deux mois pour la fin d'un mois (art. 335c al.
1 CO), de sorte que le contrat devait prendre fin le 31 dé-
cembre 1997.

Le grief est bien fondé. Sous réserve de ce qui
suit, la conclusion subsidiaire de la demanderesse doit être
admise.

b) Il ressort de l'acte de recours que la Caisse
cantonale neuchâteloise d'assurance-chômage a alloué à la re-
courante des prestations à compter de la mi-décembre 1997.
Or, la Caisse d'assurance-chômage qui octroie des
prestations
lorsqu'il y a doute sur les prétentions de salaire ou d'in-
demnisation de l'assuré envers son employeur est subrogée au
chômeur dans tous ses droits à concurrence des indemnités
qu'elle a versées (art. 29 al. 2 de la loi fédérale sur
l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'in-
solvabilité, du 25 juin 1982, LACI; RS 837.0). Ainsi, la
créance de la demanderesse envers la défenderesse est
réduite
à concurrence des prestations qu'elle a reçues de la Caisse
d'assurance-chômage pour le mois de décembre 1997.

Le salaire mensuel brut de la demanderesse se mon-
tait en dernier lieu à 3698 fr.10. La Caisse d'assurance-
chômage est intervenue au litige en réclamant notamment le
remboursement de 1488 fr.40 à titre d'indemnités versées
pour
le mois de décembre 1997. Partant, il convient de déduire
ces
indemnités du salaire brut de la recourante pour décembre
1997, d'où un solde en sa faveur de 2209 fr.70 (3698 fr.10 -
1488 fr.40). Il n'y a pas lieu de condamner la défenderesse
à
payer des intérêts, qui n'ont pas été demandés en instance
cantonale (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ).

4.- En définitive, le recours doit être partielle-
ment admis, l'arrêt attaqué annulé et la défenderesse condam-
née à verser à la demanderesse 2209 fr.70 brut. La valeur li-
tigieuse étant supérieure à 20 000 fr., la procédure n'est
pas gratuite (cf. art. 343 al. 2 et 3 CO). Comme la recouran-
te n'obtient que sa conclusion subsidiaire, sous déduction
du
montant dû à la Caisse d'assurance-chômage, l'émolument judi-

ciaire doit être mis pour moitié à la charge de chacune des
parties (art. 156 al. 3 OJ). Vu l'issue du litige et compte
tenu encore que la défenderesse a procédé sans le ministère
d'un avocat, il n'y a pas lieu d'allouer des dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours, annule l'arrêt
attaqué et condamne la défenderesse à payer à la demanderesse
2209 fr.70 brut;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. pour
moitié à la charge de chaque partie;

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du can-
ton de Neuchâtel.

_____________

Lausanne, le 3 juillet 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.235/1999
Date de la décision : 03/07/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-07-03;4c.235.1999 ?
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