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30/06/2000 | SUISSE | N°6P.53/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 juin 2000, 6P.53/2000


«»
6P.53/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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30 juin 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider, M. Wiprächtiger,
M. Kolly et Mme Escher, Juges. Greffier: M. Denys.
____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Gian Andrea Danuser, avocat
à Zurich,

contre

l'arrêt rendu le 9 septembre 1999 par la Cour

de cassa-
tion pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du Canton...

«»
6P.53/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

30 juin 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider, M. Wiprächtiger,
M. Kolly et Mme Escher, Juges. Greffier: M. Denys.
____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Gian Andrea Danuser, avocat
à Zurich,

contre

l'arrêt rendu le 9 septembre 1999 par la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du Canton de
V a u d;

(défense d'office; droit d'être entendu; arbitraire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 22 juillet 1999, le Tribu-
nal criminel du district de Lavaux a condamné X.________,
pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupé-
fiants (en abrégé: LStup), à neuf ans de réclusion sous
déduction de la détention préventive subie et à son ex-
pulsion du territoire suisse pour une durée de quinze
ans.

B.- Par arrêt du 9 septembre 1999, dont la moti-
vation écrite a été envoyée aux parties le 9 mars 2000,
la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois
a rejeté le recours de X.________.

Il en ressort notamment les éléments suivants:

Né en 1974 et originaire d'Albanie, X.________
est arrivé en Suisse en septembre 1997. Il a fait l'objet
d'une décision de renvoi le 20 novembre 1997 avec un
délai de départ fixé au 31 janvier 1998. Après cette
date, il a vécu clandestinement dans le pays. Son casier
judiciaire est vierge et il est inconnu des services de
police genevois.

De septembre 1997 jusqu'à son arrestation le
19 mars 1998, X.________ s'est livré au trafic d'héroïne
et de cocaïne. Initié à ces opérations par Y.________, il
a reconnu avoir assisté à des transactions avec des
toxicomanes à Lausanne, puis avoir livré des paquets de
drogue pour le compte de ce dernier. Y.________ ayant été
refoulé en Albanie au début février 1998, X.________ a
été chargé de poursuivre le trafic en fournissant des

revendeurs à la Claie-aux-Moines, à Lausanne, à Zurich et
à Berne. Il a participé à des transactions portant sur
des quantités globales de 1'700 grammes d'héroïne et de
430 grammes de cocaïne environ, correspondant à 450
grammes d'héroïne pure et à 136 grammes de cocaïne pure.

X.________ a admis avoir été initié au trafic de
stupéfiants par Y.________ et avoir procédé à plusieurs
livraisons d'héroïne et de cocaïne. Il a été interpellé le
19 mars 1998 en possession de 350 grammes d'héroïne
destinés à Z.________. Il a toutefois fait valoir qu'il
n'avait été qu'un simple exécutant, se bornant à procéder
à des livraisons sans toujours connaître la nature de la
drogue transportée ni sa quantité exacte. Il a en outre
soutenu que c'était principalement le dénommé B.________
qui était chargé par Y.________ de livrer la drogue et
d'encaisser l'argent résultant des ventes.

Cette version des faits a été écartée. Il a été
retenu que, dès le départ de Y.________, X.________ avait
poursuivi les activités délictueuses liées au trafic de
stupéfiants, soit l'acquisition de la drogue auprès de
grossiste, son conditionnement et la revente à des
trafiquants de la Claie-aux-Moines, de Lausanne, de
Zurich et de Berne et qu'il avait rendu compte
périodiquement du développement du trafic à Mustafi
Ferizaj avec qui il était en contact téléphonique. Il a
été relevé que les affirmations de X.________ selon
lesquelles le dénommé B.________ avait repris
l'organisation du trafic de Y.________ n'étaient pas
crédibles et qu'il ressortait clairement des conversa-
tions téléphoniques enregistrées durant l'enquête que
c'était X.________ qui avait assumé ce rôle, même s'il
était prévu que B.________ reprenne le trafic au cas où
ce dernier viendrait à être arrêté.

C.- X.________ forme un recours de droit public
au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à
l'annulation de la décision attaquée et sollicite par
ailleurs l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Conformément à la règle générale de l'art.
37 al. 3 OJ, le présent arrêt est rédigé dans la langue
de la décision attaquée, nonobstant le fait que le
recours soit rédigé dans une autre langue officielle.

2.- a) Le recours de droit public n'est, sous
réserve de certaines exceptions, recevable qu'à l'en-
contre des décisions prises en dernière instance can-
tonale (art. 86 al. 1 OJ). L'exigence de l'épuisement des
instances cantonales signifie que le recourant doit faire
valoir ses griefs devant la dernière instance cantonale
et ne peut pas en soulever de nouveaux dans le cadre du
recours de droit public. Une exception est toutefois
admise lorsque l'autorité cantonale disposait d'un
pouvoir d'examen libre et devait appliquer le droit
d'office, sauf lorsque le nouveau grief se confond avec
l'arbitraire ou lorsque le fait d'avoir attendu à pré-
senter un grief lié à la conduite de la procédure est
contraire à la bonne foi (ATF 119 Ia 88 consid. 1a
p. 90/91).

b) Le recours de droit public au Tribunal fédéral
est ouvert contre une décision cantonale pour violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1
let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se

plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut
donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF);
un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre
d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art.
84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF).

c) Saisi d'un recours de droit public, le Tribu-
nal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitu-
tionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de
recours. Le recourant, en se fondant sur la décision at-
taquée, doit indiquer quels sont les droits constitu-
tionnels qui auraient été violés et préciser, pour chacun
d'eux, en quoi consiste la violation (art. 90 al. 1 let.
b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495, 72 consid. 1c
p. 76; 122 I 70 consid. 1c p. 73).

3.- Le recourant reproche aux autorités canto-
nales d'avoir violé les art. 6 par. 3 let. c CEDH et 29
al. 3 dernière phrase Cst., en acceptant qu'il soit
assisté d'un avocat stagiaire comme avocat d'office.
Selon lui, il n'aurait de la sorte pas bénéficié d'une
défense effective.

a) Selon l'art. 6 par. 3 let. c CEDH, tout accusé
a droit à "se défendre lui-même ou avoir l'assistance
d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens
de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratui-
tement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de
la justice l'exigent"; ces garanties ont pour objet de
rendre la défense concrète et effective en raison du rôle
éminent que le droit à un procès équitable joue dans la
société démocratique; cela constitue un élément de la
notion de procès équitable garanti par l'art. 6 par. 1
CEDH. La désignation d'un défenseur d'office dans la
procédure pénale est en tout cas nécessaire lorsque

l'accusé est exposé à une longue peine privative de
liberté ou qu'il est menacé d'une peine qui ne peut être
assortie du sursis (ATF 120 Ia 43 consid. 2 p. 44-46). Le
recourant se prévaut aussi de l'art. 29 al. 3 dernière
phrase Cst., qui dispose que toute personne "a en outre
droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la
mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert". En
vigueur au 1er janvier 2000 (RO 1999 2555), soit pos-
térieurement à l'arrêt attaqué du 9 septembre 1999, la
nouvelle Constitution fédérale ne saurait directement
s'appliquer. Cependant, sous l'aspect invoqué, l'art. 29
al. 3 dernière phrase Cst. ne fait que reprendre les
principes posés dans ce domaine par la jurisprudence et
ne confère pas plus de droit (cf. FF 1997 I 184).

b) En l'espèce, l'avocat stagiaire P.________ a
été nommé le 24 mars 1998 pour assister le recourant, qui
avait été arrêté quelques jours plus tôt, le 19 mars 1998.
Au plan cantonal, ce stagiaire a fonctionné en qualité de
défenseur d'office pour toutes les phases de la procédure,
soit durant l'enquête, lors du jugement et en instance de
recours. A aucun moment, le recourant n'a remis en cause
cette nomination.

A l'appui de son recours de droit public, il for-
mule des critiques concrètes contre l'activité du sta-
giaire et laisse entendre que, par principe, la nomina-
tion de ce dernier était inapte à assurer une défense
effective dans sa cause, relevant à cet égard que le
stagiaire est un jeune juriste sans expérience pratique
et qui n'a pas encore passé les examens du barreau.
L'ensemble de cette motivation est donc présenté pour la
première fois devant le Tribunal fédéral. Or, celui qui
ne soulève pas devant l'autorité cantonale un grief lié à
la conduite de la procédure ne peut en principe plus le
soulever devant le Tribunal fédéral; cela ne serait en

effet pas conforme à la règle de la bonne foi (ATF 119 Ia
88 consid. 1a p. 90/91; cf. supra, consid. 2a). Le recou-
rant ne prétend certes pas avoir demandé le remplacement
du stagiaire P.________ par un avocat patenté ni avoir
fait état en instance cantonale des carences qu'il lui
reproche. Néanmoins, il se plaint précisément du fait que
les autorités n'aient pas pris d'office les mesures né-
cessaires pour parer aux manquements qu'il impute à son
défenseur. Ces manquements relèvent donc des mérites du
grief déduit d'une prétendue violation des droits de la
défense et ne peuvent guère être écartés sous le prétexte
de la bonne foi en procédure. Quoi qu'il en soit, la re-
cevabilité du grief souffre de rester indécise dès lors
que celui-ci est de toute manière infondé.

c) aa) Dans le canton de Vaud, le stage d'avocat
est en substance accessible au titulaire d'une licence en
droit d'une université suisse, qui de surcroît a, alter-
nativement, soutenu une thèse, obtenu un diplôme d'études
juridiques post-grade après deux semestres d'étude au
moins, ou exercé dans les cinq dernières années une acti-
vité juridique d'au moins deux ans (cf. art. 20 de la loi
vaudoise sur le barreau [en abrégé: LB/VD]). Après au
moins deux ans de stage, le stagiaire peut se présenter
aux examens d'avocat (art. 7 LB/VD), à l'issue desquels
le Tribunal cantonal accorde ou refuse le brevet d'avocat
(art. 11 LB/VD). Le stagiaire suit donc une formation,
dont on ne saurait nécessairement présumer qu'elle sera
achevée avec succès par l'obtention d'un brevet d'avocat.
Selon l'art. 22 al. 1 LB/VD, les stagiaires assument les
défenses pénales sous leur propre responsabilité; pour
les défenses d'office, ils sont astreints aux mêmes de-
voirs que les avocats (art. 23 LB/VD). Les art. 104 à 113
du code de procédure pénale vaudois (en abrégé: CPP/VD)
régissent la défense d'office, en particulier les cas où
elle s'impose (art. 104), l'autorité chargée de la dési-

gnation du défenseur (art. 106) et l'obligation pour ce
dernier de rester en fonction jusqu'à l'épuisement des
instances cantonales (art. 105 al. 2).

bb) Du texte anglais de l'art. 6 par. 3 let. c
CEDH, qui parle de "legal assistance", il ressort que le
terme "avocat" figurant dans le texte français ne doit
pas être compris dans une acception "technique", mais
bien au sens de "défenseur" (cf. Jacques Velu / Rusen
Ergec, La Convention européenne des droits de l'homme,
Bruxelles 1990, n° 606, p. 498; Theo Vogler, Internatio-
naler Kommentar zur EMRK, art. 6 n° 535; P. van Dijk /
G.J.H. van Hoof, Theory and Pratique of the European
Convention on Human Rights, 2ème éd., p. 351 in fine). Le
terme de "défenseur" - le texte allemand parle quant à
lui d'assistance juridique "Rechtsbeistand" - est au
demeurant expressément employé à l'art. 29 al. 3 dernière
phrase Cst. et non celui d'"avocat".

Ainsi, la Commission européenne des droits de
l'homme a nié une violation de l'art. 6 par. 3 let. c
CEDH dans le cas d'un accusé, ressortissant allemand, qui
se plaignait d'avoir été représenté à son procès pénal
non par un avocat commis d'office pour sa défense, mais
par un "Gerichtsreferendar" qui faisait son stage ré-
glementaire auprès d'un avocat (Recueil de décisions,
vol. 2, 1960, p. 4, requête n° 509/59 c. RFA); elle a
jugé qu'un accusé devait se contenter d'un "counsel" à la
place d'un "solicitor" (Recueil de décisions, vol. 43-1,
1973, p. 13, requête n° 4681/70 c. UK); dans le même
ordre d'idée, l'accusé ne peut pas, selon la Commission,
prétendre à un défenseur qui aurait des connaissances
spécifiques de la matière (décision du 12 décembre 1962
non publiée mais citée par Theo Vogler, ibidem, et
Karl Joseph Partsch, Die Rechte und Freiheiten der
europäischen Menschenrechtskonvention in Bettermann/

Neumann/Nipperdey, Die Grundrechte I/1, 1966, p. 399); la
Commission a en outre considéré que le fait de désigner
comme défenseur d'office un avocat stagiaire attaché à
l'étude de l'avocat que l'accusé avait consulté ne pou-
vait en soi impliquer une violation de l'art. 6 par. 3
let. c CEDH (décision non publiée du 9 mai 1989, requête
n° 12152/86 c. Suisse).

cc) Le recourant a été jugé en instance cantonale
par un Tribunal criminel, lequel, selon l'art. 13 ch. 1
CPP/VD, connaît de tout crime ou délit dont la peine pa-
raît devoir être supérieure à six ans de réclusion, non
compris les peines accessoires. Certes, eu égard à l'im-
portance de la peine susceptible d'être infligée, la no-
mination d'un avocat patenté en qualité de défenseur
d'office aurait pu, même dû prévaloir en opportunité. Si
souhaitable qu'ait été une telle nomination, on ne sau-
rait pour autant conclure en droit que la désignation
d'un stagiaire - qui
est un juriste au bénéfice d'une
formation universitaire complète, conformément aux
conditions posées pour l'accès au stage - viole en soi
les garanties déduites de l'art. 6 par. 3 let. c CEDH. A
la lumière des développements qui précèdent, il importe
en effet peu de savoir si c'est un avocat à proprement
parler ou un stagiaire qui a été nommé; au contraire, est
seule décisive la question de savoir si le recourant a pu
bénéficier d'une défense effective.

d) L'art. 6 par. 3 let. c CEDH ne précise pas les
conditions d'exercice du droit à une défense d'office. Il
laisse ainsi aux Etats contractants le choix des moyens
propres à permettre à leur système judiciaire de le
garantir (arrêts de la Cour européenne des droits de
l'homme [en abrégé: ACEDH] dans les affaires Quaranta c.
Suisse du 24 mai 1991, Série A, vol. 205, par. 30 et
Imbriosca c. Suisse du 24 novembre 1993, Série A, vol.

275, par. 38). A cet égard, il ne faut pas oublier que la
CEDH a pour but de protéger des droits non pas théoriques
ou illusoires, mais concrets et effectifs, et que la no-
mination d'un conseil n'assure pas à elle seule l'effec-
tivité de l'assistance qu'il peut procurer à l'accusé
(ACEDH dans les affaires Daud c. Portugal, Recueil des
arrêts et décisions 1998, p. 739, par. 38 et Imbriosca
précité, ibidem). Il s'agit de permettre à l'accusé de
bénéficier d'une défense compétente, assidue et efficace.
Lorsque les autorités tolèrent à tort que le défenseur
néglige gravement les devoirs que lui imposent sa pro-
fession et sa fonction au détriment de l'accusé, une
violation des devoirs de la défense peut être retenue. On
ne saurait pour autant imputer aux autorités la respon-
sabilité de toute défaillance du défenseur d'office; la
conduite de la défense appartient pour l'essentiel à
l'accusé et à son défenseur; l'art. 6 par. 3 let. c CEDH
n'oblige les autorités compétentes à intervenir que si la
carence du défenseur apparaît manifeste ou si on les en
informe suffisamment de quelque autre manière; sur ce
dernier point, il incombe donc au premier plan à l'accusé
de signaler une violation des droits de la défense (ATF
124 I 185 consid. 3b p. 189/190; 120 Ia 48 consid. 2 b/bb
p. 51/52 et les références citées; ACEDH dans l'affaire
Daud précitée, ibidem; Mark E. Villiger, Handbuch EMRK,
2ème éd. Zurich 1999, n° 521; P. van Dijk / G.J.H. van
Hoof, op. cit., p. 351).

A titre d'exemple de carences manifestes, on peut
se référer aux affaires jugées par la Cour européenne des
droits de l'homme et citées par Jacques Velu / Rusen
Ergec (op. cit., n° 607, p. 500): Dans l'affaire Artico
(Série A, vol. 37), l'avocat désigné pour la défense
d'office de ce dernier lui avait, faute de temps, con-
seillé de s'adresser à un confrère. Sous peine de perdre
le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, Artico

ne pouvait suivre cette recommandation. La Cour a relevé
l'alternative qui s'offrait aux autorités: soit remplacer
l'avocat récalcitrant, soit l'amener à s'acquitter de sa
tâche. En restant passives, elles ont méconnu l'art. 6
par. 3 let. c CEDH. Dans l'affaire Goddi (Série A, vol.
76), ce dernier, emprisonné, n'avait pu comparaître à
l'audience de la cour d'appel, laquelle a finalement
aggravé la peine prononcée en première instance. N'ayant
pas été avisé de l'audience, l'avocat de Goddi ne s'était
pas non plus manifesté. Certes, la cour d'appel avait
nommé, séance tenante, un avocat d'office. Mais elle
n'avait pas ajourné les débats ou suspendu l'audience
pour permettre à cet avocat de se familiariser avec le
dossier. Faute de mesures positives en vue d'une défense
adéquate, la Cour a admis une violation de l'art. 6
par. 3 let. c CEDH.

En revanche, il appartient au défenseur d'office
de décider de la conduite du procès, celui-ci n'étant pas
simplement le porte-parole sans esprit critique de l'ac-
cusé (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/bb p. 105; 105 Ia 296
consid. 1e p. 304). Dans ce cadre, il ne saurait être
question de violation manifeste des droits de la défense
pour ce qui relève de la stratégie choisie. Il n'est en
effet guère possible de définir la probabilité avec la-
quelle telle option de défense conduira ou non au but
recherché. Cela touche par exemple les questions de
savoir quelle requête de preuve formuler et à quel stade
de la procédure, quels faits mettre en avant et quels
arguments en tirer, quelle construction et quel contenu
donner à la plaidoirie. De telles décisions de stratégie
dépendent de nombreux facteurs, lesquels offrent une
large marge d'appréciation au défenseur, de sorte
qu'elles ne peuvent qu'être soustraites au contrôle des
autorités (dans le même sens, Daniel M. Krause, Die
zivilrechtliche Haftung des Strafverteidigers, in Neue

Zeitschrift für Strafrecht, mai 2000, p. 228). En outre,
une analyse extérieure de la stratégie choisie à partir
des éléments apparents de la procédure ne se concilierait
guère avec le caractère confidentiel des renseignements
détenus par le défenseur d'office et couverts par son
secret professionnel.

e) En l'espèce, observant qu'il ne s'est entre-
tenu qu'une heure avec le stagiaire P.________ quelque
quinze jours avant l'audience du Tribunal criminel du 22
juillet 1999, le recourant soutient qu'il n'a, dans ces
conditions, pas pu lui exposer de manière détaillée ce
qu'il contestait et, en conséquence, bénéficier d'une
défense efficace.

Le stagiaire P.________ a été nommé au début de
la phase d'enquête, en mars 1998. Dans ce cadre, il a pu
prendre plusieurs mesures en sa qualité de défenseur
d'office. Notamment, à l'issue d'une visite au recourant,
il a sollicité, par courrier du 19 juin 1998, que soit
traitée médicalement l'allergie de celui-ci; le dossier
complet lui a été remis pour consultation en septembre
1998; par courrier du 7 décembre 1998, il a requis le
complètement de l'enquête; il a signalé, par courrier du
18 mai 1999, que le recourant n'entendait requérir l'as-
signation d'aucun témoin ou expert lors de l'audience
devant le Tribunal criminel, que, pour cette occasion, il
fallait prévoir les moyens techniques permettant l'écoute
des enregistrements téléphoniques opérés ainsi que la
présence d'un interprète de langue albanaise. Certes, le
dossier judiciaire cantonal ne comporte aucune donnée sur
les visites en prison effectuées par le stagiaire
P.________. Cependant, les courriers précités supposent
l'existence de visites, voire même en font expressément
état (courrier du 19 juin 1998). L'allégation du recou-
rant quant à une visite isolée quinze jours avant les

débats apparaît donc fausse. Quoi qu'il en soit, le
recourant ne s'est jamais plaint en instance cantonale de
contacts insuffisants avec son défenseur; il ne le pré-
tend pas. Or, les seuls éléments connus des autorités
compétentes tels qu'ils résultent du dossier, en particu-
lier les courriers précités, ne révélaient objectivement
pas à celles-ci une représentation juridique inefficace
mais supposaient, bien au contraire, une activité suivie
du défenseur. Faute d'informations spécifiques, elles
n'avaient donc aucune raison de douter de l'existence
d'une défense effective, partant d'intervenir afin de
respecter les obligations qui leur incombaient en vertu
de l'art. 6 par. 3 let. c CEDH.

f) Les autres griefs soulevés par le recourant
mettent plutôt en cause la stratégie de défense choisie.
Or, ainsi qu'on l'a vu, les décisions du défenseur rela-
tives à la stratégie sont en principe inaptes à fonder
une violation des droits de la défense. En tous les cas,
rien ne permet d'arriver à une telle conclusion en l'es-
pèce.

aa) Le recourant se prévaut d'une défense inef-
ficace pour le motif qu'il n'a jamais été confronté au
témoin W.________.

Cette confrontation avait été requise par le
stagiaire P.________ dans son courrier au juge d'ins-
truction du 7 décembre 1998. Le juge d'instruction n'y a
pas procédé, la réservant lors des débats devant le Tri-
bunal criminel. Cependant, il ressort du jugement de
première instance que le recourant y a alors expressément
renoncé. Le recourant ne prétend pas que cette renoncia-
tion lui était manifestement préjudiciable ni qu'il s'y
est opposé en personne. Sous cet aspect, l'autorité igno-
rait donc tout d'un éventuel désaccord entre lui et son

conseil sur la manière de mener la défense. Aussi, les
circonstances de la représentation du recourant au procès
ne laissent-elles pas apparaître une violation des droits
de la défense garantis par l'art. 6 par. 3 let. c CEDH.

bb) Le recourant considère qu'il n'a pas été
correctement défendu puisque ses dénégations ainsi que
les déclarations des témoins entendus lors des débats
devant le Tribunal criminel n'ont pas été verbalisées.

La procédure pénale vaudoise ne prévoit pas la
consignation d'office dans un procès-verbal des décla-
rations importantes faites aux débats, mais les parties
peuvent l'exiger en vertu de l'art. 4 aCst., ainsi que
l'a jugé le Tribunal fédéral dans un arrêt postérieur à
la décision attaquée (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 ss).
On ne saurait donc retenir une violation grossière des
droits de la défense et reprocher à la juridiction
cantonale de ne pas être intervenue d'office.

Dans ce contexte, mettant en avant les dénéga-
tions qu'il a formulées aux débats à propos de plusieurs
chefs d'accusation, le recourant relève encore que le
stagiaire P.________ n'a pas conclu à son acquittement
pour ceux-ci mais uniquement, de manière globale, à la
réduction sensible de la peine requise par le Ministère
public et qu'il n'a plaidé que quinze minutes sans entrer
en détail sur tous les points.

Le recourant ne prétend pas avoir contesté l'in-
tégralité des infractions reprochées de sorte que la
conclusion prise par le stagiaire P.________ quant à la
peine ne prête manifestement pas le flanc à la critique.
Cela étant, il n'est certes pas exclu que, sur l'un ou
l'autre point, ce dernier aurait pu mener différemment la
défense et que le recourant ait pu estimer, sur le moment

ou par la suite, préférable une autre prise de position.
Il s'agit là d'une situation malgré tout assez commune
dans la relation entre un accusé et son défenseur et qui
n'implique en soi pas l'absence d'une défense convenable.
Les éléments invoqués par le recourant ne permettent pas
d'en déduire une représentation juridique insuffisante
et, partant, une violation des droits de la défense.

g) En définitive, un examen global de la pro-
cédure conduit à retenir que le recourant a bénéficié
d'un procès équitable, sans violation de l'art. 6 par. 1
et 3 let. c CEDH.

4.- a) Invoquant une violation de l'art. 29 al. 2
Cst., le recourant se plaint d'une motivation insuffi-
sante relativement aux cas n° 4 et 5 retenus à sa charge
et qui reposent sur les faits suivants:

En janvier 1998, le recourant s'est rendu à
Spreitenbach en compagnie de Y.________. Ils ont
rencontrés un Albanais de Macédoine qui leur a remis
100 grammes d'héroïne que le recourant a ensuite livrés
en ville de Zurich (cas n° 4). A la même époque, il a
effectué une autre livraison à Zurich portant également
sur 100 grammes d'héroïne et identique à la précédente
(cas n° 5).

Observant que le recourant avait admis ces faits
lors de l'enquête mais s'était rétracté aux débats, le
Tribunal criminel a indiqué n'accorder aucun crédit à ce
revirement. Dans son recours cantonal, le recourant s'est
plaint d'une motivation insuffisante s'agissant des rai-
sons qui ont conduit le Tribunal criminel à ne pas
prendre en compte sa rétractation. La Cour de cassation
cantonale a rejeté le grief, relevant en substance que le

Tribunal criminel avait écarté la rétraction en raison du
plus grand crédit qu'il prêtait aux aveux faits lors de
l'enquête, ce qui l'avait amené à fonder sa décision sur
ceux-ci.

b) En vigueur au 1er janvier 2000 (RO 1999 2555),
soit postérieurement à l'arrêt attaqué du 9 septembre
1999, la nouvelle Constitution fédérale ne saurait di-
rectement s'appliquer.

Sous l'angle constitutionnel, la jurisprudence
a déduit de l'art. 4 aCst. - l'art. 29 al. 2 Cst., qui
consacre le droit d'être entendu, ne fait que reprendre
les principes posés dans ce domaine par la jurisprudence
(FF 1997 I 184) -, l'obligation pour l'autorité de mo-
tiver sa décision, afin que le destinataire puisse la
comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que
l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF
125 II 369 consid. 2c p. 372; 124 II 146 consid. 2a
p. 149; 124 V 180 consid. 1a p. 181; 123 I 31 consid. 2c
p. 34; 123 II 175 consid. 6c p. 183 s.; 122 IV 8 consid.
2c p. 14 s.).

En l'espèce, la motivation est suffisante pour
qu'on puisse comprendre la décision rendue et les consi-
dérations essentielles qui ont guidé le choix opéré, les
aveux initiaux étant jugés, précisément pour cette rai-
son, plus crédibles que le revirement ultérieur. Sous cet
aspect, le grief est infondé.

En réalité, le recourant semble plutôt se
plaindre par ce biais de la manière dont les preuves ont
été appréciées, donc soulève un grief d'ordre matériel.
Il invoque d'ailleurs expressément l'arbitraire dans
l'appréciation des preuves en se référant à l'art. 9 Cst.

c) Le Tribunal fédéral ne qualifie d'arbitraire
(sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 122 I 61 consid. 3a
p. 66/67 et les arrêts cités) l'appréciation des preuves
que si l'autorité cantonale a admis ou nié un fait en se
mettant en contradiction évidente avec les pièces et élé-
ments de son dossier. Une jurisprudence constante recon-
naît au juge du fait un large pouvoir d'appréciation en
ce domaine (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40 et les réfé-
rences citées). Le Tribunal fédéral n'intervient
que si
le juge cantonal a abusé de ce pouvoir, en particulier
lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou qu'arbi-
trairement il n'en tient pas compte (ATF 118 Ia 28
consid. 1b p. 30; 112 Ia 369 consid. 3 p. 371; 100 Ia 119
consid. 4 p. 127), lorsque des constatations de fait sont
manifestement fausses (ATF 101 Ia 298 consid. 5 p. 306;
98 Ia 140 consid. 3a p. 142 et les arrêts cités), enfin
lorsque l'appréciation des preuves est tout à fait insou-
tenable (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 116 Ia 85 con-
sid. 2b p. 88).

Soutenant avoir donné les motifs de sa rétracta-
tion lors des débats, le recourant prétend qu'il n'en a
pas été pris note. Il ne s'explique pas plus. Cette
critique est irrecevable faute de remplir les exigences
minimales de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

Dans une argumentation quelque peu confuse, le
recourant affirme en outre que lorsque, comme en l'es-
pèce, il existe des déclarations contradictoires émises
durant l'enquête et aux débats, il ne saurait être ques-
tion, sous peine de violer le principe "in dubio pro
reo", d'accorder foi aux aveux initiaux, ce moyen de
preuve n'ayant pas plus de poids que la rétractation
ultérieure. En tant qu'elle s'applique à la constatation
des faits et à l'appréciation des preuves, la maxime "in
dubio pro reo" est violée lorsque l'appréciation objec-

tive de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsis-
ter un doute sérieux et insurmontable quant à la culpa-
bilité de l'accusé (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88;
120 Ia 31 consid. 2e et 4b p. 38 et 40). Sa portée ne va
pas, sous cet aspect, au delà de l'interdiction de l'ar-
bitraire (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38). En défini-
tive, le recourant se borne à opposer à ses propres aveux
sa rétractation subséquente. Il ne tente nullement de
démontrer en quoi réside l'arbitraire de prêter foi aux
aveux. Sous cet angle, sa motivation ne répond pas aux
exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Au demeurant, le
recourant ne nie pas avoir fait des aveux lors de l'en-
quête. Les aveux en question constituaient donc un élé-
ment de preuve soumis à l'appréciation de l'autorité de
jugement, laquelle, s'agissant d'infractions de droit
fédéral, apprécie librement les preuves à disposition
(cf. art. 249 PPF). On ne discerne en tout cas pas
d'arbitraire de considérer comme plus digne de confiance
des aveux émis d'emblée à l'enquête.

d) Invoquant une violation de son droit d'être
entendu, le recourant se plaint encore de l'absence de
verbalisation des déclarations faites lors des débats
devant le Tribunal criminel.

Un tel grief n'a pas été soulevé en instance
cantonale. Le recourant a déposé un recours en nullité et
un recours en réforme devant la Cour de cassation canto-
nale. Selon l'art. 415 CPP/VD, le recours en réforme est
recevable pour fausse application des règles de fond, et
pour violation des règles de procédure concernant les
frais et dépens, ainsi que le sort des objets séquestrés.
Il apparaît donc que le grief ici formulé ne relevait pas
du recours en réforme mais du recours en nullité consacré
par l'art. 411 CPP/VD. Or, saisie d'un recours en nulli-
té, la Cour de cassation cantonale n'examine que les

moyens soulevés (art. 439 al. 1 CPP/VD). Faute d'avoir
été soulevé en instance cantonale, ce grief est donc
irrecevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ (cf. supra,
consid. 2a).

5.- Le recourant se plaint d'une violation de
son droit d'être entendu (motivation insuffisante) et
d'arbitraire dans l'appréciation des preuves s'agissant
des cas n° 16 et 18 retenus à sa charge. Là aussi, il
indique qu'il n'a été tenu aucun compte de sa rétracta-
tion lors des débats.

Le présent grief n'a pas été soulevé devant la
Cour de cassation cantonale. Il relevait, selon la répar-
tition des voies cantonales qui vient d'être rappelée, du
recours en nullité. Faute d'épuisement des instances
cantonales, il est irrecevable (cf. supra, consid. 4d).
Au demeurant, le grief ne se distingue pas de celui
formulé pour les cas n° 4 et 5 et examiné au considérant
4 ci-dessus, de sorte qu'il peut y être renvoyé.

6.- Le recourant, qui a bénéficié de l'assis-
tance judiciaire au plan cantonal, a suffisamment montré
qu'il est dans le besoin. Il a soulevé une question digne
d'intérêt s'agissant de la violation alléguée de l'art. 6
par. 3 let. c CEDH, de sorte qu'il y a lieu de le mettre
au bénéfice de l'assistance judiciaire. En conséquence,
il ne sera pas perçu de frais de justice et une indemnité
sera versée à son mandataire.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

2. Admet la requête d'assistance judiciaire.

3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera
une indemnité de 2'500 fr. à Me Danuser, mandataire du
recourant.

5. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire du recourant, au Ministère public du canton de
Vaud et à la Cour de cassation pénale du Tribunal canto-
nal vaudois.
__________

Lausanne, le 30 juin 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.53/2000
Date de la décision : 30/06/2000
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 6 par. 1 et 3 let. c CEDH et art. 29 al. 3 Cst.; droit d'être assisté d'un défenseur. La nomination d'un avocat stagiaire comme défenseur d'office ne viole en soi pas les garanties déduites de l'art. 6 par. 3 let. c CEDH (consid. 3c). A cet égard, l'art. 29 al. 3 dernière phrase Cst. ne confère pas plus de droit (consid. 3a et 3c/bb). Situations dans lesquelles l'autorité est tenue d'intervenir pour que l'accusé bénéficie effectivement des droits de la défense garantis par l'art. 6 par. 3 let. c CEDH (consid. 3d). Absence de violation des droits de la défense en l'espèce (consid. 3e et 3f).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-30;6p.53.2000 ?
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