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29/06/2000 | SUISSE | N°4P.52/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 juin 2000, 4P.52/2000


«AZA 3»

4P.52/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

29 juin 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Marylène Tintori, à Villars-Ste-Croix, représentée par Me
Antonella Cereghetti Zwahlen, avocate à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 6 octobre 1999 par la Chambre des recours
du
Tribunal cantonal vaudois dans la cau

se qui oppose la recou-
rante à la Banque Migros S.A., succursale de Lausanne, à
Lausanne, et Mileda, Gesellschaft für Leasing u...

«AZA 3»

4P.52/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

29 juin 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Marylène Tintori, à Villars-Ste-Croix, représentée par Me
Antonella Cereghetti Zwahlen, avocate à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 6 octobre 1999 par la Chambre des recours
du
Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose la recou-
rante à la Banque Migros S.A., succursale de Lausanne, à
Lausanne, et Mileda, Gesellschaft für Leasing und Privatdar-
lehen AG, à Bâle, toutes deux représentées par Me Benjamin
Humm, avocat à Lausanne;

(art. 4 aCst.; application arbitraire du droit fédéral;
droit
d'être entendu; protection de la bonne foi)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Le 8 janvier 1990, Marc-Henri Kocher a re-
quis et obtenu de la Banque Migros S.A., succursale de Lau-
sanne, un crédit d'un montant de 25 000 fr. accordé au taux
d'intérêt de 11,25 % l'an, remboursable en 48 mensualités de
640 fr. chacune, la première fois le 1er février 1990. En si-
gnant le contrat de prêt, l'emprunteur se déclarait en par-
faite santé et confirmait disposer de sa capacité totale de
travail; il certifiait également avoir reçu un double du con-
trat accompagné d'un règlement "Crédit privé" et approuver
l'ensemble des points de ce règlement.

Il résulte de l'art. 11 dudit règlement que la Ban-
que Migros S.A. traite et gère ses crédits privés en collabo-
ration avec une société affiliée, Mileda, Gesellschaft für
Leasing und Privatdarlehen AG (ci-après: Mileda), dont le
siège est à Bâle. L'art. 6 du même règlement a la teneur sui-
vante:

"La BANQUE accorde à l'emprunteur la couverture suivante:

a) Couverture pour solde de dette

- en cas de décès de l'emprunteur, lui-même, respective-
ment ses héritiers, seront libérés du solde de la
dette.

- en cas d'incapacité de travail totale, suite à une
maladie ou à un accident, la BANQUE libère l'emprun-
teur, après un délai d'attente de 30 jours, du paie-
ment de la mensualité à concurrence d'un trentième

du montant dû par jour supplémentaire d'incapacité de
travail. Le délai d'attente sera calculé depuis le
début
de l'entière incapacité de travail constatée par un mé-
decin.

- aucune mensualité déjà versée ne sera remboursée.

... ...

e) Perte de la couverture

Le droit à la libération pour solde de dette ou de men-
sualité devient caduc lorsque l'emprunteur

- ne fait parvenir à la BANQUE aucune communication au
plus tard 10 jours après le délai d'attente

- est en retard d'une échéance

- se trouvait, lors du décès ou au début de l'incapacité
de travail, depuis plus de deux mois et sans inter-
ruption à l'étranger

- à (sic) lui-même provoqué l'accident, la maladie ou le
décès, ou lorsque ces faits sont en relation avec un
délit ou un crime commis par l'emprunteur, ou
lorsqu'ils
sont à imputer à une manie ou à l'ivresse".

L'établissement bancaire précité a fait éditer une
brochure publicitaire concernant les crédits privés; sous
l'intitulé "protection en cas de difficultés", il y est no-
tamment précisé que "lors d'événements imprévisibles (acci-
dent, maladie, infirmité) la BANQUE MIGROS assure les mensua-
lités et vous libère même du solde en cas de décès".

b) Marc-Henri Kocher a appris en mars 1991 qu'il
était séropositif dans le diagnostic du sida. Dans le
courant
de l'année 1992, il a souffert des premiers signes de la ma-
ladie. Victime d'un accident le 21 septembre 1992, il est
tombé gravement malade en novembre 1992 en raison d'une bles-
sure à la jambe provoquée par l'accident. Dès le 23 novembre
1992, Marc-Henri Kocher a été totalement incapable de tra-
vailler pour une durée indéterminée, comme l'a attesté un
praticien dans un certificat du 24 novembre 1992.

Jusqu'en octobre 1992, Marc-Henri Kocher a payé
ponctuellement les mensualités du prêt qu'il avait
contracté.
Par la suite, ses versements sont devenus irréguliers et il
a
dû avoir recours à sa mère, Marylène Tintori, pour honorer
ses dettes. Le développement de la maladie l'a progressive-

ment empêché de s'occuper de ses affaires. A partir du mois
de juin 1993 en tout cas, il a perdu toute autonomie, dépen-
dant alors de l'assistance que lui apportait sa mère.

c) En juillet 1993, Marylène Tintori, qui avait
téléphoné à la Banque Migros S.A. après avoir pris connais-
sance d'un rappel portant sur une somme de 513 fr.20, se vit
inviter par celle-ci à régler les mensualités en retard, par
513 fr.20 et 640 fr., pour que son fils puisse être libéré,
à
bien plaire, du solde des mensualités depuis le mois d'août
1993. Marylène Tintori s'est exécutée le 27 juillet 1993.

C'est à l'occasion de l'appel téléphonique de
Marylène Tintori que la Banque Migros S.A. et Mileda ont ap-
pris que Marc-Henri Kocher était malade. Le 27 juillet 1993,
Mileda a adressé à ce dernier un formulaire intitulé
"rapport
médical" destiné à être rempli par son médecin traitant. Le
2
août 1993, le Dr Tauxe a ainsi envoyé à Mileda un certificat
médical faisant état d'une incapacité de travail de 100 %
dès
le 23 novembre 1992.

Par lettre du 6 août 1993, Mileda a informé Marc-
Henri Kocher qu'il était libéré de ses obligations relatives
au prêt en cause. Cela signifiait que la Banque Migros S.A.
et Mileda renonçaient à réclamer le remboursement d'un mon-
tant d'environ 4000 fr.

d) Marc-Henri Kocher est décédé du sida le 25 octo-
bre 1993; sa mère est son unique héritière.

En novembre 1993, Marylène Tintori a lu les arti-
cles du règlement des crédits privés de la Banque Migros
S.A.
Le 15 novembre 1993, elle a sollicité de Mileda la rétroces-
sion d'une partie des mensualités prétendument payées par
erreur. Mileda lui a répondu, le 23 novembre 1993, que les
conditions posées par le règlement susrappelé pour la libéra-

tion du paiement des mensualités n'avaient pas été remplies
puisque le délai pour annoncer l'incapacité de travail
totale
était échu le 3 janvier 1993, que la libération accordée
l'avait été à bien plaire au vu de la gravité de la maladie
dont souffrait Marc-Henri Kocher et que l'art. 6 let. a du
règlement ne permettait pas le remboursement des mensualités
déjà versées. Il s'en est suivi un nouvel échange de corres-
pondances, où chacune des parties est restée sur ses posi-
tions.

Marylène Tintori a fait notifier des poursuites à
Mileda les 30 septembre 1994, 29 septembre 1995 et 27 septem-
bre 1996, qui ont été frappées d'opposition totale. Le 29
avril 1997, elle a ouvert action en reconnaissance de dette
contre la Banque Migros S.A. et Mileda devant le Tribunal
civil du district de Lausanne et a conclu au paiement de
6849 fr.50 plus intérêts à 5% l'an dès le 10 décembre 1992
sur 1920 fr., dès le 6 mai 1993 (échéance moyenne) sur
2560 fr., dès le 27 juillet 1993 sur 513 fr.20 et dès le
dépôt de la demande sur 1856 fr.30.

Les défenderesses se sont opposées à la demande.

Par jugement du 23 septembre 1998, le Tribunal de
district a rejeté les conclusions de la demande et admis les
conclusions libératoires des défenderesses. Retenant que
Marc-Henri Kocher et les défenderesses avaient passé un con-
trat de prêt de consommation au sens des art. 312 ss CO et
non un contrat mixte comportant des éléments de contrat d'as-
surance, le Tribunal de district a considéré que
l'emprunteur
avait accepté le règlement des crédits privés de la Banque
Migros S.A. dont les clauses n'étaient pas ambiguës ni étran-
gères à un contrat de prêt. Du moment que Marc-Henri Kocher
n'avait pas annoncé sa maladie comme le prescrivait le règle-
ment en cause, il n'était pas libéré du versement des mensua-

lités, lesquelles n'avaient donc pas été perçues indûment
par
les défenderesses.

B.- Saisie d'un recours de la demanderesse, la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, par arrêt
du 6 octobre 1999, l'a rejeté et a confirmé le jugement en-
trepris. En substance, les juges cantonaux ont admis que
l'art. 6 du règlement des crédits privés de la banque défen-
deresse ne constitue qu'une clause additionnelle du contrat
de prêt conclu le 8 janvier 1990 - sans lequel elle ne se
conçoit pas -, qui est de surcroît inhérente au système de
prêt pratiqué par les défenderesses. Cette clause n'a ainsi
pas le caractère autonome requis pour entraîner
l'application
de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril
1908
(LCA; RS 221.229.1). La cour cantonale a constaté en outre
qu'il n'était pas prouvé qu'en novembre et décembre 1992,
Marc-Henri Kocher ait été hors d'état de faire la communica-
tion prévue par le règlement, d'autant que, pendant cette
période, il a poursuivi le paiement des mensualités. Les ju-
ges cantonaux ont encore estimé que l'art. 6 dudit règlement
n'était pas de nature à provoquer une erreur, que la clause
ne dérogeait pas au système légal des art. 312 ss CO régis-
sant le prêt de consommation et qu'elle n'instaurait pas un
régime portant atteinte à la position de l'emprunteur.
Enfin,
l'art. 6 du règlement en question ne présentait aucun carac-
tère insolite, comme l'a retenu le Tribunal de district aux
motifs duquel la Chambre des recours a renvoyé.

C.- Marylène Tintori forme un recours de droit pu-
blic au Tribunal fédéral. Soutenant que l'arrêt cantonal est
arbitraire (art. 9 Cst.), consacre un déni de justice (art.
29 al. 2 Cst.) et viole les règles de la bonne foi (art. 9
Cst.), la recourante conclut à son annulation, la cause
étant
renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le
sens des considérants.

La requête d'effet suspensif présentée par Marylène
Tintori a été rejetée sur la formule d'avance de frais du 13
mars 2000, établie par ordre du Président de la Ie Cour civi-
le.

Les intimées concluent au rejet du recours, alors
que l'autorité cantonale se réfère aux considérants de son
arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Eu égard à la nature cassatoire du recours
de droit public (ATF 125 II 86 consid. 5a; 124 I 231 consid.
1d; 123 I 87 consid. 5), le chef de conclusions tendant au
renvoi de la cause est superfétatoire (ATF 112 Ia 353
consid.
3c/bb).

b) Le recours de droit public au Tribunal fédéral
est ouvert contre une décision cantonale pour violation des
droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a
OJ).

L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final,
n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan
fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante invoque
la violation directe d'un droit de rang constitutionnel et
l'application arbitraire du droit fédéral dans une cause
dont
la valeur litigieuse est inférieure à 8000 fr. (art. 46 OJ),
de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit
public est respectée (art. 84 al. 2, 86 al. 1 et 87 OJ).

La recourante est personnellement touchée par la
décision attaquée, qui rejette ses conclusions en paiement,
de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridi-

quement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise
en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence,
elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ).

c) En instance de recours de droit public, le Tri-
bunal fédéral n'examine que les griefs exposés de manière
assez claire et détaillée pour qu'il puisse déterminer quel
est le droit constitutionnel dont l'application est en jeu.
Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues
griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux. En partant de
l'arrêt attaqué, la partie recourante doit indiquer quels
sont les droits constitutionnels dont la violation est in-
voquée et, pour chacun d'eux, expliquer avec précision en
quoi consiste la violation; ce n'est qu'à ces conditions
qu'il est possible d'entrer en matière (art. 90 al. 1 let. b
OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b et les références; cf.
également
ATF 110 Ia 1 consid. 2a).

2.- La recourante se prévaut de deux droits consti-
tutionnels des citoyens (art. 9 et 29 al. 2 Cst.). Dans ce
cadre, il faut contrôler si la cour cantonale, en rendant sa
décision le 6 octobre 1999, a respecté les droits constitu-
tionnels qui étaient alors en vigueur. C'est donc à tort que
la recourante s'est référée aux dispositions de la nouvelle
Constitution fédérale, qui n'est entrée en vigueur que le
1er
janvier 2000. En effet, la cour cantonale n'avait pas à
tenir
compte de dispositions qui n'étaient pas encore en force, si
bien que la recourante ne peut pas lui reprocher de les
avoir
violées.

Cette erreur reste cependant sans conséquence,
puisque les griefs articulés sont suffisamment clairs pour
que l'on puisse comprendre quels sont les droits constitu-
tionnels qui auraient été prétendument transgressés.

3.- La recourante prétend essentiellement que la
cour cantonale a appliqué arbitrairement des dispositions de
droit fédéral.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par
l'art. 4 aCst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre so-
lution pourrait entrer en considération ou même qu'elle se-
rait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la déci-
sion attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoute-
nable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la si-
tuation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un
principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte
de
manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité;
pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire,
il
ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable,
il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans
son
résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a,
129
consid. 5b; 124 I 247 consid. 5; 124 V 137 consid. 2b).

a) aa) La recourante allègue que la Chambre des re-
cours a considéré arbitrairement que l'art. 6 let. e du rè-
glement des crédits privés de la Banque Migros S.A.
n'entrait
pas dans le champ d'application de la LCA au motif qu'un des
cinq critères caractéristiques de l'opération d'assurance
tels qu'ils ont été définis par la jurisprudence et la doc-
trine ferait en l'occurrence défaut. A l'en croire, l'examen
du rapport interne entre les prestations promises par les
cocontractants pourrait conduire à soumettre le rapport de
droit à cette loi fédérale, quand bien même le critère de
l'autonomie de l'opération ne serait pas rempli. De toute
manière, l'art. 6 du règlement en question serait rédigé
comme un contrat d'assurance, dès l'instant où y seraient
définis et le risque assuré, et la couverture, son étendue
et
sa durée, et la perte de ce droit. Les magistrats vaudois
auraient d'ailleurs dû prendre en compte la publicité émise
par la Banque Migros S.A., qui mettait l'accent sur la pro-

tection octroyée à l'emprunteur "en cas de difficultés". La
solution retenue par la cour cantonale aurait pour résultat
que plus l'emprunteur serait victime d'un accident ou d'une
maladie grave, moins il serait à même de satisfaire aux exi-
gences de l'art. 6 let. e pour être libéré du versement des
primes; cette manière de voir serait clairement contraire à
l'esprit de protection de la LCA, en particulier de son art.
45. La demanderesse prétend encore que refuser in casu l'ap-
plication de la LCA contreviendrait à l'esprit du législa-
teur, lequel a entendu protéger celui à qui est octroyé un
petit crédit par l'adoption de la loi fédérale sur le crédit
à la consommation (LCC; RS 221.214.1).

bb) Ni la LCA, ni la loi fédérale du 23 juin 1978
sur la surveillance des institutions d'assurance privées
(LSA; RS 961.01) ne donnent une définition de l'assurance.
Pour déterminer les opérations soumises à la surveillance de
la Confédération, la jurisprudence constante du Tribunal fé-
déral (cf. ATF 114 Ib 244 consid. 4a; 107 Ib 54 consid. 1b;
76 I 362 consid. 3; 58 I 256 consid. 2) a posé que les élé-
ments essentiels de la notion d'assurance sont au nombre de
cinq. Ce sont:

a) le risque,
b) la prestation de l'assuré (prime tarifaire selon la LCA),
c) la prestation de l'assureur,
d) le caractère autonome de l'opération,
e) la compensation des risques conformément aux données de
la
statistique (exploitation selon un plan).

Ces caractéristiques que doit présenter un contrat
d'assurance au sens où l'entend la LCA sont approuvées par
la
doctrine (Hans Roelli/Max Keller, Kommentar zum Bundesgesetz
über den Versicherungsvertrag, tome I, 2e. éd., 1968, p. 13
à
21; Willy Koenig, Der Versicherungsvertrag, Traité de droit
privé suisse, VII/2, p. 491 et la note 5; Moritz Kuhn/Pascal

Montavon, Droit des assurances privées, p. 91 et la note 2;
Bernard Viret, Droit des assurances privées, 3e éd., p. 25;
plus réservé sur le critère de la prestation de l'assuré,
Alfred Maurer, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e
éd., p. 94 et 185/186).

C'est donc sans le moindre arbitraire que les juges
cantonaux se sont référés à ces critères.

cc) Il convient notamment de contrôler si le con-
trat de prêt signé le 8 janvier 1990 par Marc-Henri Kocher
prévoyait que ce dernier versât une prestation pécuniaire en
contrepartie de la prise en charge d'un risque par les inti-
mées.

Le montant de la prime est déterminé lors de la
conclusion du contrat d'assurance. La prime d'assurance cons-
titue l'un des éléments essentiels d'un tel contrat (Roelli/
Keller, op. cit., p. 17; Viret, op. cit., p. 112; Kuhn/
Montavon, op. cit., p. 118/119). Maurer (op. cit., p.
185/186) envisage certes l'hypothèse où la prestation d'as-
surance est octroyée gratuitement ("geschenkte" Versiche-
rungsverträge), mais il décrit des situations très particu-
lières (jubilé d'une association, contrats d'assurance-
accidents conclus par l'assureur avec des filiales d'un
client), qui n'ont rien à voir avec la présente cause.

Il n'est pas nécessaire que figure dans le contrat
le montant chiffré de la prime. Il suffit que la prime
puisse
être déterminée objectivement (renvoi à un tarif donné de
l'assureur ou à une classe de risques, pourcentage du
salaire
de l'assuré, part de son chiffre d'affaires, etc.) (Roelli/
Keller, op. cit., p. 17 s. et la note 6; Kuhn/Montavon,
op. cit., p. 119).

En l'espèce, le contrat de prêt litigieux ne spéci-
fie nullement que sur les 11,25 % d'intérêts dus sur le capi-
tal à rembourser aux défenderesses, l'emprunteur participe à
raison d'un quelconque pourcentage au paiement de primes
d'assurance décès et invalidité à la suite d'une maladie ou
d'un accident. Le règlement des crédits privés de la Banque
Migros S.A. est également muet sur ce point. En l'absence de
toute référence à un tarif de primes, il n'est pas possible
de déduire d'éléments objectifs la prestation de l'assuré.
Partant, un des éléments essentiels de la notion jurispru-
dentielle de l'assurance soumise à la LCA fait d'emblée dé-
faut.

dd) Mais il y a plus. Comme l'a retenu sans arbi-
traire l'autorité cantonale, le rapport d'assurance convenu
entre Marc-Henri Kocher et les intimées ne présente pas le
caractère d'autonomie exigé par la jurisprudence fédérale.

Le contrat d'assurance fondé sur la LCA peut com-
prendre des clauses contractuelles relatives à d'autres rap-
ports juridiques. L'autonomie est consacrée lorsque la prise
en charge du risque par l'assureur est l'élément essentiel
du
contrat et ne constitue pas une des modalités ou une clause
accessoire d'un contrat principal. C'est le rapport interne
entre les diverses prestations promises qui permettra d'en
juger (ATF 114 Ib 244 consid. 4c et les arrêts cités; cf.
not. Roelli/Keller, op. cit., p. 20 s.; Kuhn/Montavon, op.
cit., p. 124 à 126).

In casu, il n'était pas insoutenable d'admettre
que, dans l'analyse globale de la convention passée le 8 jan-
vier 1990, l'art. 6 du règlement des crédits privés devait
être qualifié de clause additionnelle au contrat de prêt, ce
qui exclut l'existence d'un contrat d'assurance au sens de
la
LCA. De fait, cette clause n'était même pas incorporée à la-
dite convention. Elle ne constituait qu'une des onze clauses

du règlement en cause de la banque défenderesse, lequel
était
remis à l'emprunteur lors de la conclusion du prêt. Du
reste,
le développement de la concurrence entre établissements ban-
caires a eu pour résultat que de tels engagements du prêteur
sont devenus usuels dans le domaine des petits crédits,
comme
la recourante l'admet elle-même dans son acte de recours
(ch.
III let. c in fine). Autrement dit, la libération du
paiement
des primes en cas de décès ou d'invalidité de l'emprunteur
n'a pas de caractère autonome.

Quant à la publicité de la Banque Migros S.A., elle
est évidemment secondaire par rapport au texte du contrat si-
gné, qui seul exprime les volontés déclarées des parties con-
tractantes.

La recourante invoque en pure perte la LCC, dès
lors que cette loi est entrée en vigueur le 1er avril 1994,
soit plus de quatre ans après la conclusion du prêt.

Dans ces conditions, le grief d'application arbi-
traire de la LCA, et singulièrement de son art. 45, tombe à
faux

b) aa) La recourante soutient que la cour cantonale
n'a arbitrairement pas fait application de l'art. 8 LCD. A
son sentiment, il est peu probable que, lors de la signature
du prêt, l'emprunteur ait réalisé les restrictions imposées
à
son droit à la couverture pour solde de dette. Compte tenu
en
particulier de la publicité émise par la Banque Migros S.A.,
Marc-Henri Kocher pouvait partir de l'idée qu'il serait plei-
nement protégé en cas de maladie et d'accident, sans devoir
respecter les conditions instaurées par l'art. 6 let. e du
règlement des crédits privés.

bb) Aux termes de l'art. 8 LCD, agit de façon dé-
loyale celui qui, notamment, utilise des conditions
générales

préalablement formulées, qui sont de nature à provoquer une
erreur au détriment d'une partie contractante et qui (let.
a)
dérogent notablement au régime légal applicable directement
ou par analogie, ou (let. b) prévoient une répartition des
droits et des obligations s'écartant notablement de celle
qui
découle de la nature du contrat. Selon la jurisprudence,
l'exigence de conditions générales qui soient de nature à
provoquer une erreur vaut aussi bien dans l'hypothèse prévue
à la lettre a que dans celle visée à la lettre b. L'art. 8
LCD n'est ainsi pas applicable lorsque la seule hypothèse de
la lettre a ou de la lettre b est réalisée, à l'exclusion de
la condition posée préalablement. L'aptitude à induire en
erreur peut tenir à la formulation des conditions générales,
à leur situation dans le texte ou à leur présentation graphi-
que (ATF 117 II 332 consid. 5a; arrêt du 5 août 1997 dans la
cause 4C.538/1996 consid. 2a, reproduit in: Pra 1998 9 53).

Examiné sous cet angle, il appert que l'art. 6 du
règlement des crédits privés de la Banque Migros S.A. n'est
pas rédigé de manière ambiguë. Il en ressort clairement que
la couverture pour solde de dette de la let. a, accordée à
l'emprunteur, après un délai d'attente de trente jours, en
cas d'incapacité de travail totale due à une maladie ou à un
accident, devient caduque lorsque ce dernier n'adresse
aucune
communication à la banque au plus tard 40 jours après le dé-
but de son entière incapacité de travail attestée par un mé-
decin. A la lecture de cette clause, il ne peut échapper à
l'emprunteur que la libération du paiement des mensualités
tombe s'il n'informe pas l'établissement bancaire de son
état
de santé dans le délai précité. Pour ce qui est de sa locali-
sation, la clause n'est pas de nature à égarer l'emprunteur,
du moment qu'elle est située au coeur même du règlement dans
sa version française, dont elle représente du reste plus de
la moitié du contenu. En ce qui concerne la typographie, la
Banque Migros S.A. a mis en évidence, par l'utilisation de
caractères gras, tant le titre de la let. a, qui donne le

principe de la couverture, que celui de la let. e, qui en
décrit les limites.

Il suit de là que la condition préalable posée par
l'art. 8 LCD n'est pas réalisée dans le cas présent, si bien
que l'art. 6 du règlement des crédits privés de la banque dé-
fenderesse ne saurait être assimilé à des conditions commer-
ciales abusives au sens de cette disposition.

Comme les conditions d'application de l'art. 8 LCD
ne sont pas remplies, il importe peu, au regard du droit de
la concurrence, que Marc-Henri Kocher ait mal compris la
clause, au demeurant claire, du règlement en question, dont
il a déclaré approuver le contenu en signant le contrat de
prêt.

A propos des méthodes de publicité utilisées par la
Banque Migros S.A., la recourante n'a jamais prétendu qu'el-
les étaient déloyales (cf. art. 3 let. b et l LCD).

cc) Il est constaté en fait - et l'arbitraire n'a
pas été démontré (art. 90 al. 1 let. b OJ) - que Marc-Henri
Kocher était en état en novembre et décembre 1992 de rensei-
gner sur sa santé, comme l'art. 6 let. e du règlement des
crédits privés l'exigeait sans ambiguïté. Il n'a toutefois
pas donné l'avis requis dans les 40 jours après qu'il a été
totalement incapable de travailler. L'arrêt attaqué n'est
donc nullement arbitraire dans son résultat lorsqu'il
retient
que l'intéressé n'a pas satisfait aux conditions de l'art. 6
de ce règlement.

Le moyen est privé de fondement.

4.- La recourante reproche aux juges cantonaux de
n'avoir pas examiné la publicité distribuée par la Banque
Migros S.A., ni le lien existant entre cette publicité et le

contrat de prêt. Pour n'avoir pas indiqué les motifs en
vertu
desquels cet aspect de la question a été écarté, ces magis-
trats auraient violé l'obligation qui leur incombe de
motiver
leur décision.

a) La jurisprudence a déduit du droit d'être enten-
du, découlant de l'art. 4 aCst., le devoir pour l'autorité
de
motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la com-
prendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que
l'autorité
de recours puisse exercer son contrôle (ATF 125 II 369 con-
sid. 2c; 124 II 146 consid. 2a; 124 V 180 consid. 1a; 123 I
31 consid. 2c; 123 II 175 consid. 6c). Il suffit cependant
que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui
l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de maniè-
re à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée
de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 123
I
31 consid. 2c; 122 IV 8 consid. 2c). Il n'a pas l'obligation
d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et
griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se
limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui apparaissent perti-
nents (122 IV 8 consid. 2c; 121 I 54 consid. 2c et les
arrêts
cités).

En l'espèce, la Chambre des recours a considéré que
l'art. 6 du règlement des crédits privés n'était qu'une clau-
se additionnelle au contrat de prêt du 8 janvier 1990,
dénuée
de l'autonomie requise pour entraîner l'application de la
LCA. En outre, elle a admis que cette clause n'était pas pro-
pre à induire en erreur l'emprunteur sur la couverture pour
solde de dette ou de
mensualités, et qu'elle n'avait aucun
caractère insolite. Cette motivation, parfaitement intelligi-
ble et étayée par de nombreuses références
jurisprudentielles
et doctrinales, est évidemment suffisante pour comprendre
les
raisons pour lesquelles les conclusions de la demanderesse
ont été rejetées. Et, comme le moyen fondé sur la publicité
de la banque défenderesse n'était pas pertinent (cf. consid.

3 ci-dessus), la cour cantonale pouvait se dispenser de le
réfuter formellement. Il n'y a ainsi pas eu de violation du
droit de la recourante à recevoir une décision motivée.

5.- La recourante invoque enfin le principe de la
bonne foi déduit de l'art. 4 aCst. que la cour cantonale au-
rait bafoué en affirmant que Marc-Henri Kocher avait oublié
la clause dont il pouvait bénéficier.

Découlant directement de l'art. 4 aCst. et valant
pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la
bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il
met dans les assurances reçues des autorités (ATF 124 II 265
consid. 4a p. 269/270).

La protection de la bonne foi en droit des contrats
est assurée par l'art. 2 CC. Aussi longtemps qu'il y va de
la
confiance fondée sur une relation contractuelle, il n'y a
pas
de place pour un recours direct à la protection conférée par
l'art. 4 aCst. (ATF 122 I 328 consid. 7c).

Le moyen, si tant est qu'il soit suffisamment moti-
vé (art. 90 al. 1 let. b OJ), est dénué de fondement.

6.- En définitive, le recours doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité. Les frais et dépens doivent
être mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 156
al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera aux intimées,
créancières solidaires, une indemnité de 2000 fr. à titre de
dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois.

____________

Lausanne, le 29 juin 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.52/2000
Date de la décision : 29/06/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-29;4p.52.2000 ?
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