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27/06/2000 | SUISSE | N°C.405/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 juin 2000, C.405/99


«»
C 405/99 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

Arrêt du 27 juin 2000

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

C.________, intimé, représenté par Maître Jean-David Pelot,
avocat, Place St-François 5, Lausanne,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- C.________, architecte, a été engagé en cette
qualité à partir d

u 1er janvier 1994 par l'atelier
d'architecture X.________ SA. Pour des raisons économiques,
il a été licencié pour le 30 septembre 1996.
...

«»
C 405/99 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

Arrêt du 27 juin 2000

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

C.________, intimé, représenté par Maître Jean-David Pelot,
avocat, Place St-François 5, Lausanne,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- C.________, architecte, a été engagé en cette
qualité à partir du 1er janvier 1994 par l'atelier
d'architecture X.________ SA. Pour des raisons économiques,
il a été licencié pour le 30 septembre 1996.

Le prénommé s'est inscrit à l'assurance-chômage. Dès
le 1er octobre 1996, il a réalisé auprès de X.________ SA
des gains intermédiaires et perçu des indemnités journa-
lières de la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage.
Depuis le 1er septembre 1997, il a également réalisé des
gains intermédiaires au service de l'Atelier d'architecture
Y.________ et Z.________ SA.
Par avis du 15 avril 1998, l'Office régional de place-
ment (ORP) des districts d'Orbe, Cossonay et La Vallée a
soumis le cas de C.________ à l'Office cantonal vaudois de
l'assurance-chômage (OCAC), pour qu'il se prononce sur son
aptitude au placement. Il relevait notamment que l'assuré
n'avait pas déclaré qu'il était administrateur de
Y.________ et Z.________ SA.
Interpellé par l'OCAC, C.________, dans sa réponse du
18 mai 1998, a déclaré qu'il avait acquis de manière
progressive des actions de X.________ SA et qu'il était
devenu en août 1997 administrateur de Y.________ et
Z.________ SA, en remplacement de son père parti à la
retraite.
Selon l'extrait du Registre du Commerce, cette société
a modifié sa raison sociale et ses statuts le 23 juillet
1997 et C.________ en est devenu depuis lors l'administra-
teur unique, avec signature individuelle. Dès le 1er sep-
tembre 1997, il avait travaillé à temps partiel pour le
compte de Y.________ et Z.________ SA.
Par décision du 17 juin 1998, l'OCAC a dénié le droit
de C.________ à des indemnités de chômage depuis le
1er octobre 1996, aux motifs qu'il n'était pas sans emploi
au sens de l'art. 10 LACI et que son aptitude au placement
devait être niée, l'assuré n'étant pas en mesure d'offrir à
un employeur toute la disponibilité exigible.

B.- Par jugement du 8 octobre 1999, le Tribunal
administratif du canton de Vaud a admis le recours formé
par C.________ contre cette décision, annulé celle-ci et
condamné l'Etat de Vaud à verser au recourant la somme de
800 fr. à titre de dépens.

C.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) inter-
jette recours de droit administratif contre ce jugement, en
concluant à l'annulation de celui-ci. Il invite le Tribunal
fédéral des assurances à dire que C.________ n'a pas droit
à l'indemnité de chômage à compter du 23 juillet 1997, soit
dès sa prise de contrôle de Y.________ et Z.________ SA,
dont il est devenu à partir de cette date l'administrateur
unique.
C.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du
recours. De son côté, l'Office cantonal vaudois de l'assu-
rance-chômage propose l'admission du recours. La Caisse
publique cantonale vaudoise de chômage, à laquelle la pos-
sibilité a été offerte de répondre au recours, ne désire
pas prendre position. Sur requête, elle a produit un
extrait de compte des indemnités qu'elle a versées à
C.________, dont il ressort que le dernier versement des
indemnités journalières remonte au 1er mai 1998.

Considérant en droit :

1.- La décision administrative litigieuse du 17 juin
1998 est une décision de constatation, par laquelle l'OCAC
dénie rétroactivement le droit de l'intimé à des indemnités
de chômage depuis le 1er octobre 1996. Cette décision a été
annulée par le jugement attaqué, que le recourant ne remet
pas en discussion dans la mesure où il admet l'aptitude au
placement de l'intimé jusqu'au 22 juillet 1997 inclus. En
revanche, est litigieuse en instance fédérale la question
de son aptitude au placement depuis le 23 juillet 1997.
L'intimé ayant perçu des indemnités journalières jus-
qu'au 1er mai 1998, le litige remet donc en cause les déci-
sions (non formelles) en vertu desquelles il a perçu ces
indemnités et, dans cette mesure, sous-tend ainsi impli-

citement une demande de restitution au sens de l'art. 95
LACI. Il convient dès lors de vérifier si, en l'espèce, les
conditions d'une reconsidération ou d'une révision sont
remplies.

2.- a) Selon un principe général du droit des assuran-
ces sociales, l'administration peut reconsidérer une déci-
sion formellement passée en force de chose jugée et sur la-
quelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant
au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et
que sa rectification revête une importance notable (ATF
122 V 21 consid. 3a, 173 consid. 4a, 271 consid. 2, 368
consid. 3, 121 V 4 consid. 6 et les arrêts cités).
En outre, par analogie avec la révision des décisions
rendues par les autorités judiciaires, l'administration est
tenue de procéder à la révision d'une décision entrée en
force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux
ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à
une appréciation juridique différente (ATF 122 V 21 con-
sid. 3a, 138 consid. 2c, 173 consid. 4a, 272 consid. 2,
121 V 4 consid. 6 et les références).

b) Ces principes sont aussi applicables lorsque des
prestations ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une
décision formelle et que leur versement a néanmoins acquis
force de chose décidée. Il y a force de chose décidée si
l'assuré n'a pas, dans un délai d'examen et de réflexion
convenable, manifesté son désaccord avec une certaine solu-
tion adoptée dans un acte administratif susceptible de re-
cours (ATF 122 V 369 consid. 3).
En l'espèce, le versement des indemnités journalières
jusqu'au 1er mai 1998, avec lequel l'intimé n'est pas en
désaccord, a acquis force de chose décidée.

3.- L'intimé n'a jamais informé les autorités de chô-
mage, en remplissant la formule «Indications de la personne

assurée», que l'Atelier d'architecture Y.________ et
Z.________ SA était devenu A.________ et B.________ SA à
partir du 23 juillet 1997, date des nouveaux statuts de la
société, et qu'il en était l'administrateur unique. Cela
constitue un fait nouveau au sens de la jurisprudence pré-
citée. Que ces renseignements figurent au registre du com-
merce et qu'ils aient été publiés dans la FOSC n'y change
rien, l'administration n'ayant pas à vérifier l'exactitude
des renseignements consignés par l'assuré dans la formule
précitée.
Il reste ainsi à déterminer si ces faits nouveaux sont
susceptibles de conduire à nier l'aptitude au placement de
l'intimé depuis le 23 juillet 1997.

4.- Le jugement attaqué expose de manière correcte les
règles légales et jurisprudentielles applicables en l'espè-
ce, de sorte que l'on peut y renvoyer.

5.- a) Selon le recourant, l'intimé, en prenant la
succession de son père au sein d'une société qui existait
depuis de nombreuses années et en devenant l'administrateur
unique, a démontré sa volonté de s'engager de manière du-
rable et non à titre occasionnel durant le chômage sur la
voie du travail indépendant. Les deux cours «créer son
entreprise I : l'étude de rentabilité» et «devenir consul-
tant indépendant» qu'il a respectivement fréquentés du 8 au
19 septembre 1997 et du 20 au 31 octobre 1997 traduisent
également cette volonté.

b) En tant qu'administrateur unique de A.________ et
B.________ SA, l'intimé doit être assimilé, sous l'angle de
la réalité économique, à une personne de condition indé-
pendante (ATF 123 V 234). Toutefois, cette qualité n'est
pas seule décisive pour nier l'aptitude au placement d'un
assuré.

Il faut bien plutôt examiner si celui-ci n'est plus à même,
tant sur le plan subjectif que du point de vue objectif,
d'offrir à un employeur toute la disponibilité normalement
exigible (ATF 125 V 58 consid. 6a et la référence).
Ainsi que cela résulte des documents produits par la
Municipalité de la Commune de G.________ (réponse du
24 mars 1998 à l'ORP), l'activité principale de l'intimé a
consisté à rechercher et exécuter des mandats d'architecte
pour A.________ et B.________ SA et pour X.________ SA. Il
s'agissait, en effet, des mandats suivants :

- démolition d'un chalet, construction nouvelle d'une habi-
tation individuelle (villa familiale, garage en annexe).
Auteurs des plans : «C.________ , architecte, T.________-
F.________-C.________ X.________ SA» (FAO du 22 juillet
1997);

- construction nouvelle d'une habitation groupée (deux
villas jumelles avec abri PC et 2 garages). Auteurs des
plans : «C.________, architecte, Y.________ &
Z.________ SA» (FAO du 26 août 1997);

- construction nouvelle d'une habitation groupée, aménage-
ment de parcelles et/ou travaux d'équipement (implantation
et périmètre d'évolution pour villa No 5, 4 places de parc
extérieures). Auteurs des plans : «C.________, architecte,
X.________ SA T.________ & C.________» (FAO du 24 février
1998);

- construction nouvelle d'une habitation individuelle, amé-
nagement de parcelles et/ou travaux d'équipement (implanta-
tion et périmètres d'évolution pour villas No 1 à 4, 4 ga-
rages enterrés et 8 places de parc). Auteurs des plans :
«C.________, architecte, T.________ et C.________
X.________ SA» (FAO du 24 février 1998);

- transformation, agrandissement d'un ouvrage technique
accessoire, construction de peu d'importance (couvert pour
une voiture et création d'une cuisine dans la véranda).
Auteurs des plans : «C.________, architecte, X.________ SA
T.________ & C.________» (FAO du 27 février 1998);

- transformation d'une habitation individuelle, construc-
tion de peu d'importance (pose de 4 vélux en toiture et
fenêtre en façade nord). Auteurs des plans : «C.________,
architecte, T.________ & C.________ X.________ SA» (FAO du
20 mars 1998).

L'exécution de ces mandats, dont plusieurs sont d'une
certaine importance, s'étend généralement sur une période
assez longue. On conçoit difficilement que l'intimé - à
supposer qu'il trouve un emploi salarié ou qu'un emploi de
ce genre lui soit proposé - mette fin à son activité indé-
pendante au sein de A.________ et B.________ SA en
abandonnant de manière abrupte les projets de construction
en cours, alors qu'il n'a cessé de rechercher et d'exécuter
des mandats.
Ces éléments permettent de considérer que depuis le
23 juillet 1997, date des nouveaux statuts de A.________ et
B.________ SA, l'intimé a pris de manière durable la
succession de son père dans l'entreprise et qu'il n'est
plus à même, objectivement, d'offrir à un employeur toute
la disponibilité normalement exigible.

c) Il s'ensuit que les conditions d'une révision pro-
cédurale sont remplies en ce qui concerne le versement des
indemnités journalières pendant la période du 23 juillet
1997 au 1er mai 1998.

6.- Le recourant obtient gain de cause. L'intimé, qui
succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec
l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis. Le jugement du Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, du 8 octobre 1999, et la
décision de l'Office cantonal vaudois de l'assuran-
ce-chômage, du 17 juin 1998, sont réformés en ce sens
que C.________ est reconnu inapte au placement depuis
le 23 juillet 1997.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Vaud, à l'Office
cantonal vaudois de l'assurance-chômage et à la Caisse
publique cantonale vaudoise de chômage.

Lucerne, le 27 juin 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.405/99
Date de la décision : 27/06/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-27;c.405.99 ?
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