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26/06/2000 | SUISSE | N°U.140/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juin 2000, U.140/00


«»
U 140/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 26 juin 2000

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Julien Fivaz,
avocat, rue de la Terrassière 13, Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________ a travaillé de 1961 à 1983 comme


manoeuvre de chantier et machiniste au service de
X.________. Durant cette période, il a été victime de
29 accidents de gravité...

«»
U 140/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 26 juin 2000

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Julien Fivaz,
avocat, rue de la Terrassière 13, Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________ a travaillé de 1961 à 1983 comme
manoeuvre de chantier et machiniste au service de
X.________. Durant cette période, il a été victime de
29 accidents de gravité variable, qui ont été pris en
charge par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas

d'accidents (CNA) auprès de laquelle A.________ était
assuré en sa qualité de salarié. Le 7 janvier 1983, le
prénommé a annoncé à la CNA une rechute d'un accident subi
en 1973, en faisant état de douleurs dans la région
cervicale ainsi qu'à l'épaule et au genou gauches. Il n'a
plus travaillé à partir du 16 novembre 1983.
La CNA a refusé de répondre du cas, en considérant que
l'incapacité de travail de l'assuré trouvait sa cause dans
des atteintes à la santé d'origine dégénérative, mais non
accidentelle (décision du 4 janvier 1985). Sur opposition
de l'assuré, elle a confirmé son point de vue dans une
nouvelle décision du 17 avril 1985.
A.________ a recouru contre cette décision devant le
Tribunal des assurances du canton de Vaud. Dans le cadre de
l'instruction du recours, une expertise a été confiée au
docteur B.________, spécialiste FMH en médecine interne et
médecine du travail. Dans un rapport du 21 janvier 1986,
complété à la demande du tribunal le 7 juillet suivant,
l'expert a constaté que les atteintes à la santé d'ordre
somatique dont souffrait l'assuré, en particulier une
polyarthrose, ne trouvaient pas leur origine dans les
accidents qu'il avait subis durant sa période d'activité au
service de X.________. A l'examen clinique, le docteur
B.________ a toutefois relevé une baisse significative de
l'acuité auditive; il a préconisé la mise en oeuvre d'exa-
mens complémentaires chez un spécialiste, s'estimant lui-
même incompétent pour juger de l'influence de l'activité
professionnelle, très exposée au bruit (travail au marteau-
piqueur), sur ce trouble auditif. Le tribunal a également
requis une expertise psychiatrique, dont il est ressorti
que l'assuré souffrait d'une grave décompensation psychique
chronique, qui n'était pas en relation de causalité avec

les accidents assurés (rapport des docteurs C.________ et
F.________ du 15 juin 1987).
Par jugement du 11 novembre 1987, le tribunal a rejeté
le recours formé par A.________ contre la décision sur
opposition de la CNA, motif pris de l'absence de lien de
causalité entre les accidents assurés et les troubles
d'ordre somatique et psychique présentés par le prénommé;
le tribunal a toutefois précisé que son examen ne portait
pas sur le droit éventuel de l'assuré à des prestations
découlant de ses troubles auditifs, car la CNA devait
d'abord rendre une décision formelle à ce sujet.

b) La CNA a adressé l'assuré au Service d'oto-rhino-
laryngologie du Centre hospitalier Z.________. Au terme de
leur examen, les médecins de Z.________ ont diagnostiqué
une surdité de perception bilatérale se situant entre 40 et
60 dB, en précisant que si cette surdité n'était pas
d'origine accidentelle, il ne leur était en revanche pas
possible d'apprécier si elle était due aux traumatismes
acoustiques répétés causés par le travail au marteau-
piqueur (rapport du 18 décembre 1987).
La CNA a pris en charge les frais d'une prothèse
auditive qui avait été précédemment recommandée par le
docteur M.________, spécialiste FMH en oto-rhino-laryn-
gologie (rapports des 4 novembre 1986 et 5 mars 1987).

c) Le 26 août 1997, la belle-soeur de l'assuré a
sollicité de la CNA des prestations pour ce dernier qui,
dans l'intervalle, était retourné vivre en Italie. Elle a
versé en cause un rapport établi le 12 août 1997 par le
docteur S.________, spécialiste en médecine du travail en
Italie.
Se fondant sur la prise de position du 6 juillet 1998
de sa division médicale, la CNA a nié que l'assuré pût

prétendre une rente d'invalidité ou une indemnité pour
atteinte à l'intégrité en raison de ses troubles auditifs,
motif pris que ceux-ci n'entraînaient ni perte de gain, ni
atteinte importante et durable à l'intégrité physique
(décision du 24 juillet 1998). La CNA a écarté l'opposition
formée par l'assuré, dans une nouvelle décision du 8 sep-
tembre 1998.

B.- A.________ a recouru contre cette décision.
Par jugement du 1er novembre 1999, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté le recours.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en
concluant principalement à l'octroi d'une rente d'inva-
lidité fondée sur un taux de 100 % depuis le 1er décembre
1983 et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour complément d'expertise sur le
plan médical.
La CNA conclut au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.

Considérant en droit :

1.- Aux termes des conclusions du recourant, le litige
porte seulement sur le droit de celui-ci à une rente d'in-
validité à charge de l'intimée.

2.- a) Selon l'art. 118 al. 1er LAA, les prestations
d'assurance allouées pour les accidents qui sont survenus
avant l'entrée en vigueur de la LAA, le 1er janvier 1984,
et pour les maladies professionnelles qui se sont déclarées
avant cette date, sont régies par l'ancien droit.

L'art. 9 al. 3 OLAA, 2ème phrase, précise qu'une
maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la
personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à
un traitement médical ou est incapable de travailler. Cette
formulation correspond à ce que la jurisprudence prévoyait
déjà sous l'empire de la LAMA, avant l'entrée en vigueur de
la LAA (cf. ATFA 1966 p. 10 consid. 2; ATFA 1962 p. 16).

b) Sur le vu des constatations médicales, les troubles
auditifs du recourant n'ont pas une origine accidentelle
(cf. rapport du docteur M.________ du 4 novembre 1986;
rapport de Z.________ du 18 décembre 1987). L'issue du
litige dépend donc de l'existence d'une maladie profes-
sionnelle invalidante. Or, la survenance d'une telle
maladie ne peut, le cas échéant, qu'être postérieure au
1er janvier 1984, puisque c'est seulement en 1986, à la
faveur d'une expertise médicale mise en oeuvre par la
juridiction cantonale, que des troubles auditifs ont été
pour la première fois diagnostiqués, et que l'état de santé
de l'assuré a requis des mesures médicales.
Par conséquent, le litige doit être tranché en appli-
cation des dispositions de la LAA et non de la LAMA, con-
trairement à l'opinion des premiers juges (sur l'applica-
tion du droit transitoire, cf. Ghélew/Ramelet/Ritter,
Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents (LAA),
p. 68).

3.- a) Selon l'art. 9 al. 1 LAA, sont réputées mala-
dies professionnelles les maladies dues exclusivement ou de
manière prépondérante, dans l'exercice de l'activité pro-
fessionnelle, à des substances nocives ou à certains tra-
vaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances
ainsi que celle de ces travaux et des affections qu'ils
provoquent. Se fondant sur cette délégation de compétence,

ainsi que sur l'art. 14 OLAA, le Conseil fédéral a dressé à
l'annexe I de l'OLAA la liste des substances nocives, d'une
part, et la liste de certaines affections, ainsi que des
travaux qui les provoquent, d'autre part.
Selon la jurisprudence, l'exigence d'une relation pré-
pondérante est réalisée lorsque la maladie est due pour
plus de 50 % à l'action d'une substance nocive mentionnée
dans la première liste, ou que, dans la mesure où elle fi-
gure parmi les affections énumérées dans la seconde liste,
elle a été causée à raison de plus de 50 % par les travaux
indiqués en regard. En revanche, l'exigence d'une relation
exclusive signifie que la maladie professionnelle est due
pratiquement à 100 % à l'action de la substance nocive ou
du travail indiqué (ATF 119 V 200 consid. 2a et la réfé-
rence).

b) D'après le ch. 2 let. a de la liste dressée à
l'annexe I de l'OLAA, sont notamment réputées affections
dues à certains travaux au sens de l'art. 9 al. 1 LAA, les
lésions importantes de l'ouïe résultant de travaux exposant
au bruit. Il s'ensuit que la surdité du recourant doit être
qualifiée de maladie professionnelle si elle a été causée,
dans une mesure supérieure à 50 %, par de tels travaux.
A l'issue d'un examen pratiqué en 1986, le docteur
M.________ considérait que l'activité professionnelle de
l'assuré avait contribué pour une part de 50 % au plus à sa
surdité, l'étiologie de cette affection étant selon ce
spécialiste avant tout d'ordre constitutionnel. Appelés à
s'exprimer en 1987 sur cette question, les médecins de
Z.________ ont pour leur part estimé qu'ils n'étaient pas
compétents pour y répondre. Quant au docteur S.________, il
a conclu que les troubles auditifs de l'assuré résultaient
des expositions au bruit (travail au marteau-piqueur) qu'il
avait dû subir durant ses années d'activité professionnelle

en Suisse, avis pour l'essentiel partagé par le docteur
T.________, de la division de médecine des accidents de la
CNA, même si ce dernier est plus nuancé que son confrère
italien.
Les médecins prénommés ont donc donné des apprécia-
tions pour partie divergentes quant à l'influence de
l'activité professionnelle du recourant sur la survenance
de sa surdité. Pour le motif exposé au considérant suivant,
il n'est toutefois pas besoin de décider si cette affection
doit être considérée comme une maladie professionnelle.

4.- a) Selon l'art. 28 al. 3 aOLAA, dans sa teneur en
vigueur jusqu'au 31 décembre 1997, lorsque la capacité de
travail de l'assuré était déjà considérablement réduite de
manière durable avant l'accident, le revenu déterminant
pour l'évaluation du degré d'invalidité est celui que
l'assuré aurait pu réaliser compte tenu de sa capacité de
travail avant l'accident. Cette disposition, dont la
formulation est malheureuse, postule en réalité que
l'évaluation de l'invalidité doit se faire, conformément ce
que dispose l'art. 28 al. 3 OLAA dans sa version valable
depuis le 1er janvier 1998, en comparant le revenu que
l'assuré aurait pu réaliser compte tenu de la diminution de
sa capacité de travail initiale (soit avant l'accident
assuré) avec celui qu'il pourrait encore obtenir en dépit
des suites de l'accident et de l'atteinte préexistante (cf.
RAMA 1999 no U 322 p. 97 consid. 3b, 1996 no U 266 p. 303
consid. 4c et les références; Omlin, Die Invalidität in der
obligatorischen Unfallversicherung, Fribourg 1995, p. 130
ss).

b) Selon les pièces médicales au dossier, indépen-
damment de sa surdité, le recourant est totalement in-
capable de travailler depuis 1983 en raison d'autres

affections somatiques, singulièrement une polyarthrose,
ainsi que de troubles d'ordre psychique. Lors de la
survenance de sa surdité, soit en 1986 au plus tôt (supra
consid. 2b), sa capacité de gain était dès lors déjà
durablement nulle, si bien que cette affection ne lui a pas
occasionné une perte de gain supplémentaire. Aussi bien le
recourant ne peut-il prétendre une rente d'invalidité à
charge de l'intimée, en application de l'art. 28
al. 3 aOLAA.
Au demeurant, à supposer qu'on fasse abstraction de
cette disposition, le droit à une rente d'invalidité n'en
serait pas pour autant donné. Le recourant fonde en effet
sa prétention sur le rapport du docteur S.________. Or, si
ce médecin s'emploie à démontrer l'existence de lésions
auditives assimilables à une maladie professionnelle, il ne
dit en revanche rien des répercussions de ces lésions sur
la capacité de travail de l'assuré. Le droit à une rente
d'invalidité présuppose cependant que l'assuré subisse une
perte de gain (cf. art. 18 al. 2 LAA), ce que les médecins
suisses ont précisément nié, en considérant que la surdité
du recourant n'entravait pas sa capacité de travail (cf.
rapport du docteur T.________ du 6 juillet 1998).
Le recours est mal fondé.

5.- Le recourant, qui succombe, ne saurait prétendre
une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 26 juin 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.140/00
Date de la décision : 26/06/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-26;u.140.00 ?
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