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26/06/2000 | SUISSE | N°H.400/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juin 2000, H.400/99


«»
H 400/99 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 26 juin 2000

dans la cause

X.________, recourante, représentée par Maître Jean-Marc
Christe, avocat, rue du Marché-aux-Chevaux 5, Delémont,

contre

Caisse de compensation du canton du Jura, rue Bel-Air 3,
Saignelégier, intimée,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- X.________ est une association de droit privé qui

a pour but de mettre en oeuvre la politique touristique de
la République et canton du Jura conformément aux lignes
directrices du gouv...

«»
H 400/99 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 26 juin 2000

dans la cause

X.________, recourante, représentée par Maître Jean-Marc
Christe, avocat, rue du Marché-aux-Chevaux 5, Delémont,

contre

Caisse de compensation du canton du Jura, rue Bel-Air 3,
Saignelégier, intimée,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- X.________ est une association de droit privé qui
a pour but de mettre en oeuvre la politique touristique de
la République et canton du Jura conformément aux lignes
directrices du gouvernement cantonal.

Le 16 mars 1998, l'association a conclu un «contrat de
mandat» avec F.________, dont la teneur était la suivante :

«1. F.________ exerce la fonction de directeur de
X.________ conformément aux statuts de l'association
et aux orientations du comité. Le lieu de travail
est Z.________.

2. Le mandat débute le 1er avril 1998 et prend fin le
15 avril 1999. Il peut être dénoncé en tout temps
par l'une ou l'autre des parties (article 404 CO).
Il peut être reconduit moyennant accord explicite.

3. Dans le cadre des statuts et des décisions des orga-
nes de X.________, F.________ accomplit les tâches
suivantes :

a) consolider la gestion interne de X.________ dans
les domaines suivants :

(1) gestion du personnel (définition du cahier
des tâches, conclusion des contrats de tra-
vail, système de rémunération, perfectionn-
ment professionnel, conduite du personnel);

(2) organisation du siège central et des bureaux
d'accueil, gestion de l'équipement, du maté-
riel et des prospectus touristiques;

(3) gestion financière de l'association et intro-
duction du contrôle de gestion.

b) définir et mettre en place la politique du tourisme
conformément aux lignes directrices du Gouvernement,
notamment :

(1) intégrer plus étroitement les milieux touris-
tiques dans le développement du tourisme;

(2) organiser plus rationnellement les cinq do-
maines touristiques mentionnés dans les li-
gnes directrices;

(3) définir et mettre en oeuvre les actions de
promotion touristique.

c) Mettre en place un programme d'actions touristi-
ques en relation avec Expo.01, et participer aux
travaux du comité stratégique Expo.01 de l'Etat
du Jura.

4. F.________ remplit son mandat selon les méthodes et
les modalités qu'il choisit lui-même. Il prend en
considération la nécessité de sa présence physique
"dans le terrain". Il conserve cependant la liberté
d'accomplir des travaux pour d'autres mandataires
pour autant qu'ils correspondent au plus et en
moyenne à 15% d'un taux d'occupation normal.

5. F.________ répond de l'exécution de son mandat
devant le comité de X.________ qui peut en tout
temps s'informer de l'état d'avancement des travaux,
et, le cas échéant, en préciser l'orientation.

6. F.________ a droit à des honoraires fixés à
110'000 francs, tout compris pour l'ensemble du
mandat (durée comprise). Ce montant lui sera versé à
raison de 20'000 francs au début du mandat,
30'000 francs au 1er juillet 1998, 30'000 francs au
1er novembre 1998, et 30'000 francs à la fin du
mandat.

7. En plus des honoraires, F.________ a droit au rem-
boursement de ses frais de transport et de repré-
sentation, pour autant qu'ils aient trait à des
manifestations se déroulant en-dehors du canton du
Jura.

8. F.________ établit son domicile fiscal dans le
canton du Jura.

9. Au cas où l'une des parties rompt le contrat, les
honoraires dus sont calculés pro rata temporis.

10. Pour le reste, sont applicables les dispositions du
code des obligations régissant le contrat de man-
dat».

Les rapports contractuels entre les parties ont pris
fin prématurément, le 31 octobre 1998.

B.- Par décision du 5 novembre 1998, la Caisse de
compensation du canton du Jura a assujetti F.________ à
l'AVS en qualité de salarié pour son activité de directeur
de X.________. Elle a adressé une copie de sa décision à
X.________.
Le 10 novembre 1998, X.________ a fait savoir à la
caisse de compensation qu'elle refuserait de prendre en
charge les cotisations paritaires sur les sommes versées à

F.________. Le 11 novembre 1998, la caisse de compensation
a adressé à X.________ un décompte par lequel elle lui
réclamait, au titre de cotisations AVS/AI/APG/AC et
d'allocations familiales, un montant de 13 082 fr., en
précisant que ce décompte «fait office de décision».

C.- Par écriture du 24 novembre 1998, X.________ a
déclaré recourir contre la décision du 5 novembre 1998.
L'association faisait valoir que F.________ avait été
engagé sur la base d'un contrat de mandat et qu'il n'avait
exercé son activité qu'à raison de quelques heures par
semaine dans les locaux de X.________.
Statuant le 15 octobre 1999, le Tribunal cantonal
jurassien (Chambre des assurances) a rejeté le recours et
il a «confirmé» la décision du 5 novembre 1998.

D.- X.________ interjette un recours de droit admi-
nistratif dans lequel il conclut à l'annulation du jugement
cantonal, ainsi que des décisions administratives des 5 et
11 novembre 1998.
La caisse de compensation conclut au rejet du recours.
Quant à F.________, il n'a pas fait usage de la faculté qui
lui a été donnée de se déterminer. Enfin, l'Office fédéral
des assurances sociales ne s'est pas non plus prononcé sur
le recours.

Considérant en droit :

1.- Selon l'art. 128 OJ, le Tribunal fédéral des assu-
rances connaît en dernière instance des recours de droit
administratif contre des décisions au sens des art. 97, 98
let. b à h et 98a OJ en matière d'assurances sociales.
Quant à la notion de décision pouvant faire l'objet d'un
recours de droit administratif, l'art. 97 OJ renvoie à
l'art. 5 PA. Selon le premier alinéa de cette disposition,

sont considérées comme décisions les mesures prises par les
autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit pu-
blic fédéral (et qui remplissent par ailleurs certaines
conditions relatives à leur objet). Il s'ensuit que le re-
cours de droit administratif est irrecevable dans la mesure
où le litige a trait aux cotisations au régime des alloca-
tions familiales du droit cantonal (ATF 124 V 146 consid. 1
et la référence).

2.- La recourante conclut à l'annulation des décisions
des 5 novembre et 11 novembre 1998. En ce qui concerne la
décision du 11 novembre 1998, par laquelle la caisse de
compensation a fixé le montant des cotisations à la charge
de la recourante, les premiers juges ont considéré qu'elle
était entrée en force, faute d'avoir été attaquée. En ef-
fet, constatent-ils, la recourante, dans son écriture du
24 novembre 1998, n'a attaqué que la première de ces deux
décisions.
Ce faisant, l'autorité cantonale a fait preuve d'un
formalisme excessif, dont l'interdiction trouve son expres-
sion légale à l'art. 85 al. 2 let. a LAVS, pour la procédu-
re cantonale de première instance en matière d'AVS (ATF
120 V 417 consid. 4b; Spira, Le contentieux des assurances
sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de
jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 20). En effet, même
si la recourante, dans son écriture à l'autorité cantonale,
ne s'est pas référée de manière explicite à la décision du
11 novembre 1998, il est évident qu'elle la contestait
aussi - et à plus forte raison - du fait de son caractère
condamnatoire.
En réalité, les premiers juges auraient dû - à l'in-
verse - refuser d'entrer en matière sur le recours, en tant
qu'il était formé contre la décision du 5 novembre 1998,
qui est une décision en constatation, et n'examiner le re-
cours que dans la mesure où, implicitement tout au moins,
il s'en prenait à la décision subséquente du 11 novembre

1998. En effet, une autorité ne peut rendre une décision de
constatation, au sens des art. 5 al. 1 let. b et 25 PA, que
lorsque la constatation immédiate de l'existence ou de
l'inexistence d'un rapport de droit est commandée par un
intérêt digne de protection, savoir un intérêt actuel, de
droit ou de fait, auquel ne s'opposent pas de notables
intérêts publics ou privés, et à condition que cet intérêt
digne de protection ne puisse pas être préservé au moyen
d'une décision formatrice c'est-à-dire constitutive de
droits ou d'obligations (ATF 121 V 317 consid. 4a et les
références).
La jurisprudence considère que le statut des assurés
en matière de cotisations AVS peut, à lui seul, donner lieu
à une décision de constatation lorsqu'un intérêt majeur
exige l'examen préalable de cette question. Il en va ainsi
dans certains cas complexes, dans lesquels l'on ne peut
raisonnablement pas exiger que des décomptes de cotisations
paritaires compliqués soient effectués avant que l'existen-
ce d'une activité lucrative dépendante et l'obligation de
cotiser de l'employeur visé aient été établies. Une telle
situation peut se présenter notamment lorsque de nombreux
assurés sont touchés par la décision notifiée à leur emplo-
yeur commun, relative à leur situation de personnes sala-
riées, tout particulièrement si le nombre de ces assurés
est si élevé que l'administration ou le juge est dispensé
de les appeler à intervenir dans la procédure en qualité
d'intéressés (ATF 112 V 84 consid. 2a; voir aussi RCC 1987
p. 384 consid. 1a et les références; RAMA 1990 no U 106
p. 276 consid. 2b).
En l'occurrence, ces conditions n'étaient pas rem-
plies, car il était aisé pour la caisse de rendre une déci-
formatrice à l'encontre de la recourante, en adressant en
même temps une copie de sa décision à F.________.
Quoiqu'il en soit, la caisse a aussi rendu une telle
décision formatrice (celle du 11 novembre 1998), dont on a

vu qu'elle avait été valablement attaquée par la recouran-
te. Les premiers juges se sont prononcés sur l'objet du
litige, à savoir le statut de cotisant de F.________. Rien
ne s'oppose donc à ce que le Tribunal fédéral des assu-
rances examine le litige au fond.

3.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner
si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. OJ).

4.- a) Chez une personne qui exerce une activité
lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend,
notamment, de la qualification du revenu touché dans un
certain laps de temps; il faut se demander si cette
rétribution est due pour une activité indépendante ou pour
une activité salariée (art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss RAVS).
Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire dé-
terminant toute rétribution pour un travail dépendant ef-
fectué dans un temps déterminé ou indéterminé; quant au
revenu provenant d'une activité indépendante, il comprend
«tout revenu du travail autre que la rémunération pour un
travail accompli dans une situation dépendante» (art. 9
al. 1 LAVS).
Selon la jurisprudence, le point de savoir si l'on a
affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou
salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juridi-
que du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui
est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances
économiques. Les rapports de droit civil peuvent certes

fournir éventuellement quelques indices pour la qualifica-
tion en matière d'AVS, mais ne sont pas déterminants. Est
réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend
d'un employeur quant à l'organisation du travail et du
point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte
pas le risque économique couru par l'entrepreneur.
Ces principes ne conduisent cependant pas à eux seuls
à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les
manifestations de la vie économique revêtent en effet des
formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas par-
ticulier si l'on est en présence d'une activité dépendante
ou d'une activité indépendante en considérant toutes les
circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caracté-
ristiques appartenant à ces deux genres d'activité; pour
trancher la question, on se demandera quels éléments sont
prédominants dans le cas considéré (ATF 123 V 162 con-
sid. 1, 122 V 171 consid. 3a, 283 consid. 2a, 119 V 161
consid. 2 et les arrêts cités).

b) Dans le cas particulier, comme l'ont retenu avec
raison les premiers juges, les éléments en faveur d'une
activité dépendante apparaissent nettement prédominants.
F.________ ne supportait lui-même aucun risque éco-
nomique. Il exerçait son activité dans des locaux mis à sa
disposition par la recourante. Il était chargé de diriger
l'association et, en particulier, de la gestion des colla-
borateurs de celle-ci, dont il était le supérieur hiérar-
chique. De ce point de vue, sa situation était comparable à
celle d'un directeur d'une entreprise ou d'une société.
Par ailleurs, il était soumis aux directives du comité
de X.________. Il avait en outre l'obligation d'établir son
domicile fiscal dans le canton du Jura. De surcroît, il
avait l'autorisation d'accomplir des travaux pour des tiers
dans la mesure seulement où cette activité accessoire ne

dépassait pas 15 pour cent d'un taux d'occupation normal.
Enfin, à l'instar d'un salarié, il avait droit au rembour-
sement de frais de transport et de représentation. Ce sont
là autant d'éléments caractéristiques d'un rapport de dé-
pendance au
sens du droit de l'AVS.
Les éléments invoqués en sens contraire par la recou-
rante n'apparaissent pas décisifs. Il en va ainsi, en par-
ticulier, du fait que l'intéressé disposait d'une très
grande liberté dans l'organisation de son travail : cette
liberté n'est pas propre, à elle seule, à exclure un rap-
port de dépendance, car elle apparaît plutôt inhérente à
l'activité d'un collaborateur (salarié) occupant des fonc-
tions dirigeantes à un haut niveau.
Dans ces conditions, c'est à bon droit que la caisse
de compensation et la juridiction cantonale ont considéré
que l'intéressé, nonobstant les termes de l'intitulé de la
convention passée entre les parties, avait exercé une acti-
vité dépendante au service de X.________.
En ce qui concerne le montant des cotisations aux
assurances sociales fédérales (cf. infra consid. 1), récla-
mé à la recourante par la décision du 11 novembre 1998 et
qui porte sur une rémunération de 80 000 fr. versée à
F.________, il n'est pas contesté comme tel et, du reste,
il n'apparaît pas sujet à discussion.
Dans ces conditions, le recours de droit administratif
est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
rejeté.

II. Les frais de justice, consistant en un émolument de
1200 fr., sont mis à la charge de la recourante et
sont compensés avec l'avance de frais, d'un même mon-
tant, qu'elle a versée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à
F.________, au Tribunal cantonal jurassien, Chambre
des assurances, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 26 juin 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.400/99
Date de la décision : 26/06/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-26;h.400.99 ?
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