La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2000 | SUISSE | N°B.48/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juin 2000, B.48/99


126 V 163

30. Arrêt du 26 juin 2000 dans la cause Fondation d'assurances et
de prestations sociales en faveur des métiers groupés par la
Fédération romande des métiers du bâtiment, Lausanne, contre P. et
Tribunal administratif du canton de Genève
A.- P. a travaillé pour l'entreprise M. SA de 1970 à fin juillet
1995. En matière de prévoyance professionnelle, il était alors
affilié à la Fondation d'assurances et de prestations sociales en
faveur des métiers groupés par la Fédération romande de métiers du
bâtiment (la fondati

on). Celle-ci a conclu à son tour un contrat
d'assurance collective auprès d'un pool d'assurance...

126 V 163

30. Arrêt du 26 juin 2000 dans la cause Fondation d'assurances et
de prestations sociales en faveur des métiers groupés par la
Fédération romande des métiers du bâtiment, Lausanne, contre P. et
Tribunal administratif du canton de Genève
A.- P. a travaillé pour l'entreprise M. SA de 1970 à fin juillet
1995. En matière de prévoyance professionnelle, il était alors
affilié à la Fondation d'assurances et de prestations sociales en
faveur des métiers groupés par la Fédération romande de métiers du
bâtiment (la fondation). Celle-ci a conclu à son tour un contrat
d'assurance collective auprès d'un pool d'assurances, dont
l'ELVIA-vie, société suisse d'assurance sur la vie (ELVIA), assure la
gérance.
La fondation a communiqué à P., par lettre du 20 octobre 1995, que
sa prestation de sortie s'élevait au 31 juillet 1995 à 108'022
francs, montant qu'elle lui a versé le 1er novembre avec intérêt à
cinq pour cent l'an dès le 25 juillet 1995.

B.- Après un échange de correspondance infructueux, P. a ouvert
action contre la fondation devant le Tribunal administratif du canton
de Genève qui a ordonné une expertise. Celle-ci a été confiée à H.,
docteur en sciences actuarielles et expert diplômé fédéral en
assurances de pension.
Au terme de la procédure, P. a précisé ses conclusions, demandant
la condamnation de la fondation à lui verser le montant déterminé par
l'expert avec intérêt moratoire et sous suite de dépens. La fondation
a pour sa part produit un rapport de son expert agréé, B., et a
conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 6 juillet 1999, le Tribunal administratif a
condamné la fondation à verser à P., en plus de la somme déjà payée,
le montant de 59'788 francs avec intérêt à cinq pour cent l'an dès le
26 juillet 1995. Il a mis à la charge de la fondation les frais
d'expertise, ainsi qu'une indemnité de dépens de 2'500 francs.

C.- La fondation interjette recours de droit administratif contre
ce jugement dont elle demande l'annulation, subsidiairement le renvoi
à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire et nouveau
jugement.
Considérant en droit:
1.- Le procès concernant le montant d'une prestation de sortie est
un litige en matière de prestations d'assurance, de sorte que le
pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances est déterminé par
l'art. 132 OJ. Il n'est ainsi pas limité à la violation du droit
fédéral - y compris par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation -
mais il s'étend également à l'opportunité de la décision attaquée. Le
Tribunal n'est alors pas lié par l'état de fait constaté par la
juridiction inférieure et il peut s'écarter des conclusions des
parties, à l'avantage ou au détriment de celles-ci.
2.- Selon l'art. 27 LFLP, les prestations d'entrée et de sortie
sont déterminées selon le droit en vigueur au moment de l'entrée dans
une institution, respectivement de la sortie d'une institution. La
prétention de l'intimé doit être examinée à la lumière de la LFLP,
entrée en vigueur le 1er janvier 1995, dès l'instant où la sortie de
l'institution de prévoyance (26 juillet 1995) est postérieure à cette
date.
3.- a) En vertu de l'art. 2 LFLP, si l'assuré quitte l'institution
de prévoyance avant la survenance d'un cas de prévoyance (cas de
libre passage), il a droit à une prestation de sortie (al. 1).
L'institution de prévoyance fixe le montant de la prestation de
sortie dans son règlement; cette prestation de sortie doit être au
moins égale à la prestation de sortie calculée selon les dispositions
de la section 4 de la loi (al. 2). La prestation de sortie est
exigible lorsque l'assuré quitte l'institution de prévoyance. Elle
est affectée d'intérêts moratoires à partir de ce moment-là (al. 3).
b) Le montant minimum de la prestation versée lors de la sortie
d'une institution de prévoyance est fixé selon la disposition de
l'art. 17 LFLP. Selon la jurisprudence, ce montant est comparé au
montant déterminé en vertu du règlement, la somme la plus élevée
étant allouée à l'assuré (RSAS 1998 p. 117 consid. 4).
Dans le cas particulier, l'expert judiciaire a confirmé que la
prestation de sortie calculée conformément à l'art. 17 LFLP s'élevait
à 83'719 francs. Il n'est à juste titre pas contesté par les parties
que ce montant est, en toutes hypothèses, inférieur à celui qui peut
être déterminé sur la base réglementaire, si bien que le litige doit
être tranché par application du règlement de la fondation.
4.- a) Avant l'entrée en vigueur de la LPP, la prévoyance
professionnelle de l'intimé était régie par le règlement de 1971 de
l'Assurance professionnelle complémentaire à l'AVS concernant le
métier de serrurier et constructeur dans le canton de Genève puis,
dès le 1er janvier 1973, par le règlement de 1973 de l'assurance
professionnelle complémentaire à l'AVS et AI concernant différents
métiers.
Depuis le 1er janvier 1985, s'est appliqué le règlement LPP de 1985
de la Caisse de pension de la Fondation romande de métiers du
bâtiment. Ce règlement a été abrogé et remplacé dès le 1er juillet
1990 par le règlement de la Fondation d'assurances et de prestations
sociales en faveur des métiers groupés par la Fédération romande de
métiers du bâtiment (FRMB), concernant la métallurgie du bâtiment de
Genève et Neuchâtel; ce texte a été complété par l'avenant du 15
novembre 1990, entré en vigueur le 1er janvier 1991.
Le conseil paritaire de la fondation a approuvé le 6 décembre 1995
un nouveau règlement concernant les métiers de ferblantiers,
installateurs sanitaires, installateurs électriciens, installateurs
de chauffages centraux et couvreurs du canton de Vaud, daté du 18
octobre 1995. Selon son art. 93, ce règlement entre en vigueur avec
effet rétroactif au 1er janvier 1995 et remplace le règlement entré
en vigueur le 1er juillet 1990, qu'il abroge.
b) Après avoir constaté que l'intimé était sorti de l'institution
de prévoyance avant l'adoption du règlement de 1995, les premiers
juges ont d'abord considéré que ce règlement n'avait pas d'effet
rétroactif; puis, dès lors que la fondation avait manifesté son
intention de l'appliquer depuis le 1er janvier 1995, l'assuré pouvait
néanmoins s'en prévaloir selon le principe de l'égalité dans
l'illégalité.
Selon les principes généraux, l'on applique, en cas de changement
de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la
réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou
qui a des conséquences juridiques. Ces principes valent également en
cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des
institutions de prévoyance. Leur application ne soulève pas de
difficultés en présence d'un événement unique, qui peut être
facilement isolé dans le temps. S'agissant par exemple des
prestations de survivants, l'on applique les règles en vigueur au
moment du décès de l'assuré, c'est-à-dire la date à laquelle naît le
droit aux prestations du bénéficiaire (ATF 121 V 100 consid. 1a et
les références).
En matière de prévoyance professionnelle, si par suite de l'entrée
en vigueur rétroactive d'un règlement, la rétroactivité peut, à
certaines conditions, être admise quant aux personnes affiliées à la
date de l'adoption du règlement, elle ne saurait être envisagée pour
un
5.- Le litige porte en définitive uniquement sur le montant de la
réserve mathématique au 31 décembre 1994. Alors que l'expert
judiciaire a retenu le montant de 160'459 francs, l'expert agréé, sur
les conclusions duquel s'appuie la recourante, ne retient qu'un
montant de 101'311 francs. Cette question doit être examinée à la
lumière des dispositions légales et réglementaires en vigueur
jusqu'au 31 décembre 1994, du moment qu'il s'agit d'établir à cette
date le montant de la réserve mathématique (cf. au demeurant l'art.
84 des dispositions transitoires du règlement de 1995).
La LFLP du 17 décembre 1993, entrée en vigueur le 1er janvier 1995,
n'est donc pas directement applicable dans le cas de cette question
particulière. S'appliquent en revanche les dispositions des anciens
6.- a) Selon l'ancien art. 28 al. 1 LPP (abrogé par l'annexe à la
LFLP), le montant de la prestation de libre passage équivaut à
l'avoir de vieillesse acquis par l'assuré au moment du transfert.
L'avoir de vieillesse, selon l'ancien art. 15 al. 1 LPP (dans sa
version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994) comprend les
bonifications de vieillesse afférentes à la période durant laquelle
l'assuré a appartenu à l'institution de prévoyance, avec les
intérêts, et les prestations de libre passage portées au crédit de
l'assuré, conformément à l'ancien art. 29 al. 1 LPP, avec les
intérêts.
En ce qui concerne la prévoyance plus étendue, qui est ici en
cause, la créance du travailleur est réglée différemment selon qu'il
s'agit d'un fonds d'épargne (ancien art. 331a CO) ou d'une
institution d'assurance (ancien art. 331b CO). Dans le premier cas,
le travailleur dispose d'un compte particulier dans le fonds
d'épargne pour le capital qu'il a constitué; dans le second, les
institutions d'assurance réunissent les cotisations qui sont versées
en un fonds unique. Contrairement à ce qui se passe dans le fonds
d'épargne, la protection contre les risques assurés intervient au
moyen de prestations définies selon un plan d'assurance préétabli.
Les deux systèmes peuvent être combinés: en particulier, l'ancien
art. 331a al. 4 CO prévoit une variante selon laquelle le fonds
d'épargne est combiné avec une assurance de risque. Il est également
possible pour une institution de prévoyance d'assurer ou de réassurer
certains risques élevés auprès d'assurances de groupe (FRANK VISCHER,
Le contrat de travail, in: Traité de droit privé suisse, volume VII,
tome I,2, p. 132 sv.; RIEMER, Das Recht der beruflichen Vorsorge in
der Schweiz, Berne 1985, p. 53 sv.)
b) Contrairement à ce qu'elle soutient dans son recours, la
fondation doit être qualifiée d'institution d'assurance au regard de
sa réglementation propre. D'une part, le travailleur ne bénéficie pas
d'un compte individuel pour le capital d'épargne constitué, les
cotisations étant, selon l'art. 17 du règlement de 1990, affectées
globalement, au moyen d'un fonds unique, au financement des
prestations assurées (cf. par comparaison l'art. 23 du règlement de
1995 relatif à la constitution d'un fonds d'épargne). D'autre part,
celles-ci ne sont pas en rapport direct avec la seule épargne
constituée dès lors
7.- a) Selon l'art. 51 du règlement de 1990, le montant de la
créance de libre passage est déterminé en pour-cent de la réserve
mathématique calculée au jour de la sortie de la fondation, selon les
bases techniques de cette dernière, compte tenu du nombre d'années
révolues depuis le jour de l'affiliation à la fondation, et
conformément au barème ci-après:

Années Créance de libre-passage
d'affiliation en % de la
révolues réserve mathématique
1 60
2 63
3 66
4 70
5 74
6 78
7 82
8 88
9 94
10 100
8.- (Frais et dépens)


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.48/99
Date de la décision : 26/06/2000
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 2 et 17 LFLP; art. 331a et 331b CO (dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994): Calcul d'une prestation de sortie. En l'espèce, le montant minimum de la prestation de sortie est inférieur à la prestation due en vertu du règlement, ce qui entraîne l'application des dispositions réglementaires. Application d'un règlement adopté après la sortie de l'assuré (26 juillet 1995), mais dont l'entrée en vigueur a été fixée rétroactivement au 1er janvier 1995. Au moment de la sortie de l'institution de prévoyance, la prestation de sortie comprend le montant de la réserve mathématique au 31 décembre 1994, augmenté des intérêts et des bonifications d'épargne du 1er janvier 1995 au 26 juillet 1995. Détermination de la réserve mathématique. Divergences à ce sujet entre l'expert judiciaire et l'expert agréé de l'institution de prévoyance.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-26;b.48.99 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award