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26/06/2000 | SUISSE | N°1P.131/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juin 2000, 1P.131/2000


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1P.131/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

26 juin 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay, Aeschlimann, Féraud et Favre. Greffier: M. Jomini.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ et dame X.________, représentés par Me Alain
Maunoir, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 1er février 2000 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, dans la cause qui opp

ose les re-
courants à la commune de L u i n s, représentée par Me
Olivier Freymond, avocat à Lausanne, et au Dép...

«»
1P.131/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

26 juin 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay, Aeschlimann, Féraud et Favre. Greffier: M. Jomini.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ et dame X.________, représentés par Me Alain
Maunoir, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 1er février 2000 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les re-
courants à la commune de L u i n s, représentée par Me
Olivier Freymond, avocat à Lausanne, et au Département des
infrastructures du canton de V a u d;

(plan de route communale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les époux X.________ sont propriétaires de la par-
celle n° 13 du registre foncier, au lieu-dit "En Combes",
sur le territoire de la commune de Luins. Trois bâtiments se
trouvent sur cette parcelle.

Y.________ est propriétaire de la parcelle voisine
n° 488, qui n'est pas bâtie.

La parcelle n° 13 et une partie de la parcelle n° 488
sont comprises dans le périmètre du plan partiel d'affecta-
tion intitulé "Aménagement du village", adopté par le
conseil général de Luins le 22 janvier 1990 et approuvé par
le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 10 juillet 1991. Ce
plan partiel d'affectation (PPA) et son règlement (RPPA) dé-
finissent différents "secteurs d'urbanisation" (cf. art. 2.1
RPPA). Les parcelles nos 13 et 488 sont en partie dans le
"secteur du village", constructible et destiné "aux usages
et aux activités traditionnellement admis dans un village"
(art. 2.2 RPPA). L'extrémité sud de la parcelle n° 13, qui
jouxte une route communale publique - soit le chemin des
Lognies, au débouché du chemin piétonnier du lieu-dit "Au
Bachelet" -, est classée dans un "secteur de mouvement", ré-
gi par l'art. 2.5 RPPA.

B.- Un projet de construction d'un bâtiment de six ap-
partements sur la parcelle n° 488 a été mis à l'enquête pu-
blique en février 1997. Les époux X.________ ont formé oppo-
sition, en faisant valoir que la voie d'accès à ce bâtiment
empiéterait sur leur parcelle n° 13. La demande d'autorisa-
tion de construire a alors été retirée.

C.- La municipalité de la commune de Luins (ci-après:
la municipalité) a ouvert en avril 1997 une procédure d'ex-
propriation dans le but d'acquérir et de transférer au do-
maine public le terrain nécessaire à l'aménagement d'un ac-
cès carrossable au bas de la parcelle n° 488. Ce projet
consistait à exproprier une surface totale de 33 m2, dont
12 m2 à détacher de la parcelle n° 13. Les époux X.________
ont formé opposition dans le cadre prévu par la loi cantona-
le vaudoise sur l'expropriation (LE). Par décision du 1er
décembre 1997, le Département cantonal des finances a néan-
moins déclaré l'ouvrage d'intérêt public, autorisant la
commune de Luins à exproprier les droits nécessaires à sa
réalisation.

Une nouvelle demande d'autorisation, toujours pour un
bâtiment de six appartements, ayant été déposée par
Y.________ et un promettant-acquéreur de sa parcelle n° 488,
la municipalité a délivré le 2 décembre 1997 le permis de
construire.

Les époux X.________ ont recouru au Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud à la fois contre la décision du Dé-
partement des finances (déclaration d'intérêt public) et
contre celle de la municipalité (permis de construire). Ces
recours ont été rejetés par un arrêt rendu le 7 mai 1998.

Les époux X.________ ont formé contre cet arrêt du Tri-
bunal administratif un recours de droit public, que le Tri-
bunal fédéral a admis par un arrêt du 1er septembre 1998
(1P.317/1998). Il a donc annulé la décision attaquée, en
substance pour le motif que, préalablement à l'ouverture de
la procédure d'expropriation, aucun plan de route publique
communale (projet de construction de route, au sens des art.
11 ss de la loi cantonale sur les routes, du 10 décembre
1991 [LR]) n'avait été adopté par les autorités compétentes.
Dans ces conditions, l'équipement en voie d'accès de la par-

celle n° 488 n'était pas assuré, de sorte que le permis de
construire le bâtiment d'habitation ne pouvait être délivré.

D.- A la suite de cet arrêt du Tribunal fédéral, la
municipalité a élaboré un projet de construction de route
communale, sous la forme d'un plan intitulé "Aménagement du
chemin public des Lognies au lieu-dit Au Bachelet", qu'elle
a mis à l'enquête publique du 9 octobre au 9 novembre 1998.
Ce chemin, d'une largeur de 4 à 5 m et d'une longueur d'en-
viron 10 m, dont le but est d'assurer la desserte des par-
celles nos 13 et 488, correspond quant à son tracé à celui
pour lequel la procédure d'expropriation avait été engagée;
il empiète donc (à raison de 12 m2 environ) sur l'angle in-
férieur de la parcelle n° 13, classé dans le "secteur de
mouvement" du plan d'affectation du village.

Les époux X.________ se sont opposés à ce projet lors
de l'enquête publique. La municipalité a proposé au conseil
général de la commune d'adopter le projet et d'écarter l'op-
position; cette autorité s'est prononcée dans ce sens le 10
décembre 1998.

Les époux X.________ ont déféré la décision communale
au Département cantonal des infrastructures (ci-après: le
département), en faisant valoir en substance que le projet
consistait à aménager une route privée d'accès à la parcelle
n° 488, que la loi cantonale sur les routes ne pouvait donc
pas s'appliquer et qu'il n'y avait pas d'intérêt public suf-
fisant à la réalisation d'un chemin empiétant sur leur pro-
priété. Après avoir procédé à une inspection locale, le dé-
partement a rejeté le recours par une décision du 20 mai
1999.

Les époux X.________ ont alors recouru auprès du Tribu-
nal administratif en se plaignant d'une violation de la ga-
rantie de la propriété.

Le juge administratif Z.________ a informé les parties,
le 22 juillet 1999, qu'il instruirait le recours et qu'il
présiderait la cour appelée à statuer sur le fond; il a par
ailleurs indiqué le nom des deux assesseurs. Les époux
X.________ ont alors demandé la récusation du juge et des
assesseurs, en faisant valoir qu'ils avaient déjà statué sur
leur premier recours (arrêt du Tribunal administratif du 7
mai 1998; cf. supra, let. C) et qu'en outre, le président
avait rendu le 9 septembre 1998 une ordonnance au contenu
inapproprié après l'annulation de l'arrêt cantonal par le
Tribunal fédéral (il y évoquait une possibilité offerte à la
commune par la loi cantonale pour l'acquisition, sans expro-
priation, du terrain nécessaire à la réalisation du chemin
litigieux). Le président de la Cour plénière du Tribunal ad-
ministratif a fixé aux époux X.________ un délai au 27 sep-
tembre 1999 pour effectuer une avance de frais de 1'000 fr.,
en relation avec leur demande de récusation. Par une déci-
sion du 19 novembre 1999, ce magistrat a constaté que
l'avance de frais n'avait pas été effectuée et il a déclaré
irrecevable la demande de récusation.

Le Tribunal administratif, dans la composition précé-
demment annoncée, a statué sur le recours par un arrêt du
1er février 2000. Il l'a rejeté, en confirmant la décision
prise le 20 mai 1999 par le département.

E.- Agissant par la voie du recours de droit public -
par un acte déposé le 3 mars 2000 -, les époux X.________
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif. Ils se plaignent en premier lieu d'une viola-
tion du droit à un juge indépendant et impartial (art. 30
Cst.), en critiquant principalement la participation du juge
Z.________ à la décision cantonale après l'ordonnance qu'il
avait rendue le 9 septembre 1998, et en prétendant que la
loi cantonale sur la juridiction et la procédure administra-
tives (LJPA) ne permettrait pas de soumettre la recevabilité

d'une demande de récusation au dépôt préalable d'une avance
de frais. Par ailleurs, les époux X.________ invoquent la
garantie de la propriété à l'encontre du projet de route
communale, en se plaignant d'une absence de base légale et
d'intérêt public ainsi que d'une violation du principe de la
proportionnalité.

La commune et le département concluent au rejet du re-
cours.

Le Tribunal administratif, au terme de ses observations
consacrées à la question de la récusation, conclut au rejet
du recours dans la mesure où il est recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Dans un premier moyen, les recourants invoquent
les garanties de procédure judiciaire (art. 30 Cst.) pour se
plaindre de la partialité du Tribunal administratif.

a) En dernière instance cantonale, les recourants ont
soulevé leurs griefs relatifs à la composition du tribunal
dès que celle-ci leur a été communiquée. Aussi une procédure
incidente a-t-elle été d'emblée ouverte, qui a pris fin par
la décision du 19 novembre 1999 du président de la Cour plé-
nière. Ce prononcé d'irrecevabilité de la demande de récusa-
tion, ne pouvant faire l'objet d'un recours auprès d'une au-
torité cantonale (cf. notamment art. 50 LJPA), n'a pas été
directement attaqué devant le Tribunal fédéral par la voie
du recours de droit public, dans les trente jours dès sa
communication (art. 89 al. 1 OJ). Les recourants n'ont en
effet présenté leurs critiques contre la décision incidente
qu'à l'occasion de leur recours de droit public contre l'ar-
rêt final, du 1er février 2000.

b) Il convient d'examiner si les recourants n'auraient
pas dû, pour critiquer l'absence de récusation des membres
de la cour cantonale, recourir directement au Tribunal fédé-
ral contre la décision du 19 novembre 1999. La nature inci-
dente de cette décision du Tribunal administratif est mani-
feste. C'est pourquoi la question doit être traitée sous
l'angle de l'art. 87 OJ.

Dans le délai légal de recours dès la communication de
cette décision incidente, cette question aurait été résolue
sur la base de l'ancien art. 87 OJ, en vigueur jusqu'au 29
février 2000. Il avait la teneur suivante:

"Le recours de droit public pour violation de l'ar-
ticle 4 de la constitution fédérale [= aCst.] n'est
recevable que contre les décisions finales prises
en dernière instance; il n'est recevable contre des
décisions incidentes prises en dernière instance
que s'il en résulte un dommage irréparable pour
l'intéressé."

Si les recourants avaient formé immédiatement un re-
cours de droit public contre la décision du 19 novembre
1999, en développant les mêmes arguments que dans leur ac-
tuel recours au Tribunal fédéral, ils se seraient plaints
principalement de la violation de l'art. 58 aCst., encore en
vigueur à ce moment-là (cf. ATF 125 I 119 consid. 3a p. 122,
209 consid. 8a p. 217 et les arrêts cités - depuis le 1er
janvier 2000, la garantie d'un tribunal indépendant et im-
partial figure à l'art. 30 al. 1 Cst.), et accessoirement
d'une application arbitraire, ou contraire à l'art. 4 aCst.,
du droit cantonal de procédure. Vu le grief principal,
l'art. 87 OJ n'aurait donc pas été applicable et le recours,
dirigé contre une décision prise en dernière instance canto-
nale (cf. art. 86 al. 1 OJ), aurait été jugé recevable de ce
point de vue. En d'autres termes, aucune règle de procédure
n'empêchait les recourants de saisir le Tribunal fédéral, au

sujet de leur demande de récusation, avant la décision fina-
le du Tribunal administratif.

On ne voit du reste pas pourquoi les recourants ont re-
noncé, à ce stade-là, à recourir directement auprès du Tri-
bunal fédéral. Il importe que les contestations relatives à
la composition du tribunal soient définitivement tranchées
aussitôt que possible, pour permettre la poursuite de la
procédure sur des bases sûres (cf. ATF 124 I 255 consid.
1b/bb p. 259 et les arrêts cités). Il découle du principe de
la bonne foi que la partie qui entend faire valoir une cause
de récusation doit, en règle générale, utiliser sans délai
les voies de droit disponibles (cf. Jean-François Egli, La
protection de la bonne foi dans le procès, in: Juridiction
constitutionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992
p. 240); à défaut, elle est forclose (cf. notamment ATF 121
I 225 consid. 3 p. 229 et les arrêts cités). C'est pourquoi
celui qui a obtenu une décision incidente, en dernière ins-
tance cantonale, sur sa demande de récusation, ne saurait
attendre la décision finale pour recourir au Tribunal fédé-
ral contre le rejet de cette demande. Il ne doit pas davan-
tage être admis à contester, dans son recours de droit pu-
blic contre la décision finale, la composition de la cour
qui a statué sur le fond, puisque cette contestation a fait
l'objet d'une procédure incidente close par une décision at-
taquable. En conséquence, sur la base de l'ancien art. 87 OJ
et des principes que l'on vient de rappeler, il n'y aurait
en l'état pas lieu d'entrer en matière sur les griefs du re-
cours de droit public concernant la demande de récusation.

Cela étant, le recours de droit public a été déposé
après l'entrée en vigueur, le 1er mars 2000, de la novelle
du 8 octobre 1999 modifiant l'art. 87 OJ (RO 2000 p. 416).
L'art. 87 al. 1 OJ a désormais la teneur suivante:

"Le recours de droit public est recevable contre les
décisions préjudicielles et incidentes sur la
compétence et sur les demandes de récusation, pri-
ses séparément. Ces décisions ne peuvent être atta-
quées ultérieurement."

Il découle clairement de cette disposition que le re-
cours de droit public est irrecevable en tant que, dirigé
contre la décision finale, il met en cause la composition de
l'autorité qui a statué, alors qu'une décision incidente sur
une demande de récusation avait été prise séparément au

préalable. En l'absence de disposition transitoire dans la
novelle du 8 octobre 1999, il n'est a priori pas exclu d'ap-
pliquer le nouvel art. 87 al. 1 OJ aux actes de procédure -
le dépôt du recours de droit public en l'occurrence - ac-
complis après son entrée en vigueur (cf. arrêt non publié du
28 mai 1997 reproduit in RDAF 1998 I 312 consid. 4); il en
résulterait l'irrecevabilité des moyens du présent recours
relatifs à la demande de récusation. Dans son résultat,
cette solution est identique à celle à laquelle on parvien-
drait par l'application de l'ancien art. 87 OJ - encore en
vigueur lorsque l'arrêt attaqué a été rendu - et des règles
précitées sur la péremption du droit de demander la récusa-
tion. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'examiner plus en détail
ces questions de droit transitoire, les griefs des recou-
rants sur ce point étant de toute manière irrecevables.

2.- Le recours de droit public est également formé
pour violation de la garantie de la propriété (art. 26
Cst.). Il est, à ce propos, dirigé contre la décision finale
du Tribunal administratif au sujet du projet routier commu-
nal (cf. art. 86 al. 1 OJ) et il a été formé dans le délai
de l'art. 89 al. 1 OJ. Les propriétaires d'un terrain dont
une partie est incluse dans le périmètre du plan litigieux
ont manifestement qualité pour recourir au sens de l'art. 88
OJ. Le recours est donc recevable dans cette mesure.

3.- Selon les recourants, l'arrêt attaqué violerait la
garantie de la propriété parce que les restrictions décou-
lant pour eux du plan routier ne seraient pas fondées sur
une base légale, ne seraient pas justifiées par un intérêt
public et seraient disproportionnées.

a) Une mesure d'aménagement du territoire - telle
qu'une interdiction de construire sur un terrain, ou la dé-
limitation d'un périmètre destiné à la réalisation d'un ou-
vrage pour lequel la collectivité publique dispose du droit
d'expropriation - n'est compatible avec la garantie consti-
tutionnelle de la propriété qu'aux trois conditions préci-
tées (base légale, intérêt public, proportionnalité - cf.
art. 26 Cst. en relation avec l'art. 36 al. 1 à 3 Cst.; cf.
ATF 125 II 129 consid. 8 p. 141; 124 II 538 consid. 2a
p. 540).

b) Les recourants soutiennent que la route litigieuse
est une voie privée d'accès à la parcelle voisine de la leur
(n° 488), non régie par la loi cantonale sur les routes; la
base légale ferait donc défaut pour l'adoption d'un plan
routier communal (ou projet de construction de route, selon
la terminologie de la loi cantonale).

Cet argument est à l'évidence mal fondé. Comme le Tri-
bunal administratif l'a retenu à juste titre, les autorités
communales ont, en établissant le projet de construction de
route, voulu assurer la réalisation d'un nouveau tronçon de
voie publique dans le village, et non pas construire une
route privée en se substituant à un particulier. La loi can-
tonale sur les routes (LR) donne aux communes la possibilité
de planifier et construire leurs propres routes (notamment
des routes et chemins vicinaux, des rues et des ruelles -
art. 6 let. b LR; pour la procédure, cf. art. 11 et 13 LR)
et, sur la base des projets adoptés, d'acquérir les terrains
de tiers nécessaires à l'ouvrage (art. 14 LR; cf. arrêt du

Tribunal fédéral du 1er septembre 1998 dans la cause
1P.317/1998, consid. 3). L'adoption du plan routier est donc
fondée sur une base légale claire.

c) Les recourants contestent l'existence d'un intérêt
public à la réalisation de ce tronçon de route. L'arrêt at-
taqué retient que cette voie est destinée à assurer l'équi-
pement de la zone à bâtir, la commune accomplissant ainsi
une tâche qui lui est assignée par l'art. 19 al. 2 de la loi
fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700).
L'équipement des zones à bâtir est en soi une tâche d'inté-
rêt public. Dans le cas particulier, la majeure partie de la
zone concernée - un noyau de maisons villageoises et quel-
ques terrains non bâtis alentour - est déjà équipée en voie
d'accès et le projet litigieux étend le réseau des routes
communales en vue de desservir en définitive une seule par-
celle (n° 488). Il n'en demeure pas moins que cette parcelle
est classée (en partie) dans une zone à bâtir; pour pouvoir
être utilisée pour la construction, conformément à sa desti-
nation selon le plan d'affectation entré en vigueur en 1991,
elle doit, en vertu du droit fédéral, bénéficier d'une voie
d'accès adaptée (art. 19 al. 1 et 22 al. 2 let. b LAT).
L'adoption d'un plan de route publique, permettant ensuite
l'acquisition du terrain par la collectivité, est une procé-
dure adéquate à cet effet (cf. ATF 121 I 65 consid. 3 et 4a
p. 68), même si ce plan n'a pour objet qu'un tronçon limité
visant à compléter un réseau existant. On ne peut au demeu-
rant comparer la situation litigieuse à celle d'une nouvelle
zone à bâtir, où la collectivité doit accomplir son obliga-
tion d'équiper de manière rationnelle, selon un programme et
des plans (cf. art. 19 al. 2 et 3 LAT), et ne saurait donc
se contenter d'assurer la desserte d'un ou deux terrains
sans appréciation globale des problèmes d'équipement du sec-
teur (cf. ATF 114 Ia 341). Dans le cas particulier, il appa-
raît donc que le projet communal est justifié par un intérêt
public évident.

d) L'empiétement de la route sur la parcelle des re-
courants représente pour eux une restriction relativement
grave à leur droit de propriété, dès lors que l'emprise
pourrait être expropriée ou acquise d'une autre manière,
contre leur gré, par la collectivité publique. Ils préten-
dent que cette restriction serait disproportionnée.

Saisi d'un recours de droit public pour violation de la
garantie de la propriété, le Tribunal fédéral examine libre-
ment si les restrictions respectent le principe de la pro-
portionnalité. Mais il fait preuve de retenue dans l'examen
de questions qui relèvent de la pure appréciation ou des
circonstances locales, que les autorités cantonales sont
censées mieux connaître que lui. Le Tribunal fédéral n'est
pas l'autorité supérieure de planification et il n'a pas à
substituer son appréciation à celle de ces autorités (ATF
121 I 117 consid. 3c p. 121; 119 Ia 88 consid. 5c/bb p. 96;
118 Ia 394 consid. 2b p. 397 et les arrêts cités).

En l'occurrence, les recourants prétendent qu'il aurait
été plus adéquat de faire passer la voie d'accès sur une
parcelle voisine (n° 11); la pente serait moins aiguë, les
problèmes de sécurité routière (visibilité) seraient moins
sérieux et l'empiétement serait moins grave pour le proprié-
taire concerné, en raison de la nature du terrain.

Il convient de remarquer d'emblée que, selon le projet
litigieux, la surface de l'empiétement sur la parcelle des
recourants est très limitée (12 m2 environ), que cette par-
tie du bien-fonds est classée dans un "secteur de mouvement"
où des bâtiments ne sont en principe pas admissibles (art.
2.5 RPPA - cf. consid. 3b/dd de l'arrêt déjà cité du 1er
septembre 1998, 1P.317/1998) et que si, comme les recourants
l'allèguent, elle peut être utilisée pour le stationnement
de véhicules, elle n'est pas indispensable de ce point de
vue, d'autres places ayant été aménagées à cet effet ail-

leurs sur la parcelle (selon la décision du département, à
laquelle renvoie l'arrêt attaqué). Les recourants prétendent
par ailleurs que la route projetée serait trop large, mais
ils ne cherchent pas à démontrer que les autorités communa-
les ne s'en seraient pas tenues, à ce propos, aux normes ou
recommandations techniques applicables aux voies publiques.
Il reste donc à se prononcer sur la comparaison entre le
tracé retenu et la variante proposée par les recourants, em-
piétant sur une parcelle voisine.

Le Tribunal administratif s'est exprimé sur cette va-
riante, qu'il a jugée moins adaptée que le projet adopté
compte tenu de la configuration du carrefour et du chemin
ainsi que des emplacements possibles pour l'accès à la par-
tie constructible de la parcelle n° 488. Il s'est référé à
ce propos à la décision du département, qui était parvenu à
la même solution après une inspection locale et un examen
détaillé des lieux (tenant compte de la déclivité, des che-
mins existants, etc.). En outre, dans l'un et l'autre cas,
la réalisation de la route implique une atteinte aux droits
d'un propriétaire foncier; selon l'arrêt attaqué, la varian-
te ne serait pas moins dommageable de ce point de vue, ce
que les recourants ne contestent pas sérieusement. Dans ces
conditions, déterminer le tracé exact d'une route communale
dans le milieu bâti - ni sa nécessité ni son emplacement ap-
proximatif n'étant discutés - est dans une large mesure une
question d'appréciation et d'évaluation des circonstances
locales; les différences entre les diverses solutions envi-
sageables (quant à la pente, la sécurité, etc.) sont souvent
peu significatives. Cela étant, les autorités cantonales ont
en l'espèce pris en considération les éléments décisifs et
il n'y a pas de motif de remettre en cause le résultat de la
pesée des intérêts effectuée dans l'arrêt attaqué. Aussi
faut-il considérer que le principe de la proportionnalité a
été respecté.

e) Il résulte de ce qui précède que les recourants ne
sont pas fondés à se plaindre d'une violation de la garantie
de la propriété.

4.- Il s'ensuit que le recours de droit public doit
être rejeté, dans la mesure où il est recevable.

Les recourants, qui succombent, doivent payer l'émolu-
ment judiciaire (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Conformé-
ment à la pratique du Tribunal fédéral dans le cadre du re-
cours de droit public, la commune de Luins, assistée d'un
avocat et ne disposant pas d'une administration suffisamment
développée pour procéder sans le concours d'un mandataire, a
droit à des dépens, à la charge des recourants; les autori-
tés cantonales n'y ont en revanche pas droit (art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours de droit public, dans la mesure
où il est recevable.

2. Met à la charge des recourants, solidairement entre
eux:
a) un émolument judiciaire de 3'000 fr.;
b) une indemnité de 1'500 fr. à payer à la commune de
Luins, à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties, au Département des infrastructures et au Tribu-
nal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 26 juin 2000
JIA/mnv

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.131/2000
Date de la décision : 26/06/2000
1re cour de droit public

Analyses

Recevabilité du recours de droit public, décision incidente, récusation; art. 30 Cst. (art. 58 aCst.), art. 87 OJ. En vertu de l'art. 87 OJ - aussi bien dans sa nouvelle teneur, en vigueur depuis le 1er mars 2000, que dans son ancienne formulation -, le recours de droit public est irrecevable en tant que, dirigé contre la décision finale, il met en cause la composition de l'autorité qui a statué, alors qu'une décision incidente sur une demande de récusation avait été prise séparément au préalable; il incombait aux recourants d'attaquer directement cette décision incidente.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-26;1p.131.2000 ?
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