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22/06/2000 | SUISSE | N°4C.332/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 juin 2000, 4C.332/1999


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4C.332/1999

Ie C O U R C I V I L E
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22 juin 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Dominique Ducret, avocat à Genève,

et

B.________, demandeur et intimé;

(contrat de travail; salaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortentr> les f a i t s suivants:

A.- B.________ a été engagé par les Restaurants
X.________ le 6 mai 1991 comme chauffeur du service
c...

«»

4C.332/1999

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 juin 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Dominique Ducret, avocat à Genève,

et

B.________, demandeur et intimé;

(contrat de travail; salaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.________ a été engagé par les Restaurants
X.________ le 6 mai 1991 comme chauffeur du service
catering.
Son salaire mensuel a été fixé à 3300 fr.

Le 8 février 1993, un avenant a été signé entre
B.________ et les Restaurants X.________. Cet avenant
prévoit
que l'intéressé est promu au poste de deuxième assistant
chauffeur et que son salaire mensuel est porté à 3700 fr.

Par la suite, un contrat non daté a été signé entre
B.________ et X.________ S.A., qui portait le salaire à
3800 fr.

B.________ a cessé de travailler le 31 août 1997.

B.- Le 21 octobre 1998, B.________ a assigné
X.________ S.A. en paiement de 29 755 brut, plus intérêts à
5% dès le 1er juillet 1997, à titre d'arriérés de salaire,
sous déduction de la somme de 14 247 fr.20 qu'il avait déjà
perçue à titre de treizième salaire de 1994 à 1997. Le total
de sa demande s'élevait donc à 15 507 fr. en chiffres ronds.

Statuant le 9 décembre 1998, le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève a rejeté la demande.

Par arrêt du 15 juin 1999, la Chambre d'appel de la
juridiction des prud'hommes, après avoir annulé ce jugement,
a condamné la défenderesse à payer au demandeur 7172 fr.80,
intérêts en sus.

C.- La défenderesse recourt en réforme au Tribunal
fédéral contre cet arrêt, en concluant au rejet intégral de
la demande.

Le demandeur propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Selon la Chambre d'appel, le demandeur a droit
à la différence entre le salaire qu'il a perçu et celui qui
est prévu, pour les cadres ayant régulièrement sous leurs or-
dres au moins un collaborateur, dans une recommandation de
l'Office cantonal genevois de conciliation du 1er mars 1994
fixant les salaires minima genevois dès le 1er avril 1994
dans la restauration.

La défenderesse le conteste. A ses yeux, cette re-
commandation ne déploie pas les effets d'une convention col-
lective de travail, de sorte que le salaire convenu par
écrit
dans les contrats individuels de travail est déterminant.

a) Par la convention collective, des employeurs ou
associations d'employeurs, d'une part, et des associations
de
travailleurs, d'autre part, établissent en commun des
clauses
sur la conclusion, l'objet et la fin des contrats
individuels
de travail entre employeurs et travailleurs intéressés (art.
356 al. 1 CO). La conclusion de la convention n'est valable
qu'en la forme écrite (art. 356c al. 1 CO), qui nécessite la
signature de toutes les parties auxquelles la convention im-
pose des obligations (art. 13 al. 1 CO). Comme elle impose
des obligations aussi bien à la partie syndicale - ou aux
parties syndicales - qu'à la partie patronale - ou aux par-
ties patronales (cf. art. 357a CO), la convention collective

doit comporter la signature de chacune d'elles (Stöckli, Com-
mentaire bernois, n. 3 ad art. 356c CO).

En l'occurrence, la Chambre d'appel a considéré
comme convention collective une recommandation de l'Office
cantonal genevois de conciliation du 1er mars 1994 fixant
les
salaires minima genevois dès le 1er avril 1994 dans la res-
tauration. Cette recommandation, produite par le demandeur,
porte la signature de la défenderesse sous l'indication: "No-
tre établissement ou société se soumet à cette recommanda-
tion". On pourrait admettre, dès lors, que la défenderesse y
est personnellement partie. Toutefois, la recommandation ne
comporte la signature d'aucune organisation syndicale. Vu
cette circonstance, la recommandation ne saurait être consi-
dérée comme une convention collective de travail et en dé-
ployer les effets.

b) Selon la doctrine, une convention collective
peut renvoyer à une autre convention collective, pourvu
qu'un
tel renvoi ne laisse place à aucun doute (Vischer, Commentai-
re zurichois, n. 11 ad art. 356c CO; Stöckli, op. cit., n. 4
ad art. 356c CO).

En l'occurrence, la recommandation ne comporte au-
cun renvoi à une convention collective, de sorte qu'on ne
peut nullement s'appuyer sur un renvoi pour déterminer les
parties obligées du côté syndical.

c) Les employeurs, ainsi que les travailleurs au
service d'un employeur lié par la convention, peuvent se sou-
mettre individuellement à cette dernière avec le
consentement
des parties; ils sont dès lors considérés comme liés par la
convention (art. 356b al. 1 CO). La déclaration de
soumission
individuelle de l'employeur ou du travailleur, ainsi que le
consentement des parties selon l'article 356b, 1er alinéa,

sont également subordonnés à l'observation de la forme
écrite
(art. 356c al. 1 CO).

En l'espèce, la recommandation signée par la défen-
deresse ne saurait être considérée comme une soumission indi-
viduelle valable. En effet, elle ne comporte pas la
signature
des parties contractantes, attestant le consentement de ces
dernières à la soumission.

d) Selon l'art. 357 al. 1 CO, les clauses normati-
ves de la convention collective de travail n'ont en principe
d'effet impératif qu'envers les employeurs et travailleurs
qu'elles lient, c'est-à-dire les employeurs qui sont person-
nellement parties à la convention et les employeurs et les
travailleurs qui sont membres d'une association contractante
(ATF 123 III 129 consid. 3a).

Ainsi, supposé même que la recommandation soit une
convention collective, elle ne lierait la défenderesse
envers
le demandeur que si ce dernier était membre d'une partie con-
tractante. Or, un tel fait ne ressort nullement de l'arrêt
attaqué; le demandeur n'allègue d'ailleurs pas avoir été mem-
bre d'un syndicat contractant.

e) Il découle des considérations qui précèdent que,
comme telle, la recommandation signée par la défenderesse ne
confère au demandeur, en matière salariale, aucun droit de
nature impérative qui l'emporterait sur le contrat
individuel
de travail.

2.- Le demandeur, travailleur frontalier, soutient
que la défenderesse aurait dû de toute façon lui verser le
salaire usuel pour son activité de cadre subalterne, en ap-
plication de l'art. 9 OLE.

Selon la jurisprudence, l'art. 9 OLE déploie des
effets de droit civil en vertu de l'art. 342 al. 2 CO. L'au-
torité administrative fixe définitivement, dans l'autorisa-
tion de travail, le montant du salaire usuel dont doit s'ac-
quitter l'employeur; toutefois, lorsque le salarié a exercé
une activité autre que celle indiquée dans l'autorisation de
travail, le juge est habilité à déterminer quel eût été le
salaire usuel afférent à l'activité effectivement exercée
par
l'intéressé et à condamner l'employeur à le payer au travail-
leur (ATF 122 III 110 consid. 4e et les références).

Dans le cas particulier, la cour cantonale a cons-
taté que le demandeur, chauffeur, était un cadre subalterne,
car il avait au moins un employé sous ses ordres. Or, tou-
jours selon les constatations cantonales, les autorisations
de travail délivrées en faveur du demandeur indiquaient un
salaire afférent non pas à l'activité de cadre subalterne,
mais à celle de chauffeur manutentionnaire ou de simple
chauffeur, les indications fournies par la défenderesse à
l'autorité administrative étant erronées. Devant le Tribunal
fédéral, la défenderesse ne conteste plus que le demandeur
exerçait une activité de cadre subalterne.

Ainsi, il y a lieu d'examiner si le demandeur peut
fonder sa prétention sur l'art. 9 OLE en liaison avec l'art.
342 al. 2 CO. Or, le Tribunal fédéral ne dispose pas des élé-
ments de fait qui lui permettraient de se prononcer sur
cette
question. Il convient donc d'annuler l'arrêt attaqué et de
renvoyer la cause à la Chambre d'appel afin qu'elle fixe le
salaire usuel à Genève pour l'activité de chauffeur exerçant
des responsabilités de cadre subalterne et que, le cas
échéant, elle condamne la défenderesse, sur la base des dis-
positions précitées, à payer au demandeur la différence
entre
le salaire conforme et le salaire réellement versé (art. 64
al. 1 OJ).

3.- Le présent arrêt sera rendu sans frais, s'agis-
sant d'une affaire en matière de contrat de travail dont la
valeur litigieuse ne dépasse pas 20 000 fr. (art. 343 al. 3
CO). Quant aux dépens, ils seront compensés dès lors qu'aucu-
ne des parties n'obtient gain de cause en l'état.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours, annule l'arrêt
attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nou-
velle décision dans le sens des considérants;

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais;

3. Compense les dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève.

__________

Lausanne, le 22 juin 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.332/1999
Date de la décision : 22/06/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-22;4c.332.1999 ?
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