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21/06/2000 | SUISSE | N°2A.97/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 juin 2000, 2A.97/2000


2A.97/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

21 juin 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Betschart, Hungerbühler, Yersin et Berthoud, juge
suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

DM.________ et RM.________, représentés par Me Charles
Guerry, avocat à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 26 janvier 2000 par la Ière Cour administra

-
tive du Tribunal administratif du canton de Fribourg, dans
la
cause qui les oppose au Département de la police ...

2A.97/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

21 juin 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Betschart, Hungerbühler, Yersin et Berthoud, juge
suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

DM.________ et RM.________, représentés par Me Charles
Guerry, avocat à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 26 janvier 2000 par la Ière Cour administra-
tive du Tribunal administratif du canton de Fribourg, dans
la
cause qui les oppose au Département de la police du canton
de
F r i b o u r g;

(art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH: regroupement familial)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Ressortissant de la République démocratique du
Congo (ex Zaïre), DM.________ est arrivé en Suisse en 1981
pour y accomplir des études. Il a bénéficié d'une autorisa-
tion de séjour à la suite de son mariage avec une ressortis-
sante suisse le 24 janvier 1991, mariage dissous par
jugement
du 6 février 1996. Entre-temps, soit le 27 septembre 1995,
il
a eu une fille avec une amie angolaise, qu'il a épousée le 8
mai 1998.

Titulaire d'une autorisation d'établissement depuis
le 9 février 1998, DM.________ a sollicité, le 10 juin 1998,
une autorisation de séjour en faveur de sa fille R.________,
née au Zaïre le 4 octobre 1987, d'une liaison qu'il avait
nouée avec l'une de ses compatriotes à l'occasion d'un bref
séjour dans son pays d'origine. RM.________ était entrée il-
légalement en Suisse le 25 mai 1998.

B.- Par décision du 8 octobre 1998, le Département
de la police du canton de Fribourg a rejeté la requête de
regroupement familial.

Statuant sur recours le 26 janvier 2000, le Tribunal
administratif du canton de Fribourg a confirmé la décision
du
Département de la police. Il a retenu en substance que
RM.________ avait toujours vécu dans son pays d'origine, au-
près de ses grands-parents paternels et de sa demi-soeur,
avec lesquels elle entretenait une relation étroite, que ses
attaches principales se trouvaient dans son pays d'origine,
que son père aurait eu la possibilité de la faire venir en
Suisse depuis plusieurs années et que la demande de regroupe-

ment familial visait avant tout à favoriser une bonne scola-
rité et des conditions de formation professionnelles favora-
bles.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, DM.________ et sa fille demandent au Tribunal fé-
déral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et d'oc-
troyer une autorisation de séjour à RM.________. Ils se plai-
gnent principalement d'une violation du droit fédéral et du
droit d'être entendu.

Le Tribunal administratif et le Département de la
police ont renoncé à déposer une réponse.

L'Office fédéral des étrangers propose le rejet du
recours.

D.- Par ordonnance présidentielle du 24 mars 2000,
l'effet suspensif a été conféré au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
125
II 293 consid. 1a p. 299).

a) Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le re-
cours de droit administratif n'est pas recevable en matière
de police des étrangers contre l'octroi ou le refus d'autori-
sations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit.

Selon l'art. 4 de la loi fédérale sur le séjour et l'établis-
sement des étrangers (LSEE; RS 142.20), les autorités compé-
tentes statuent librement, dans le cadre des prescriptions
légales et des traités avec l'étranger, sur l'octroi ou le
refus d'autorisations de séjour ou d'établissement. En prin-
cipe, l'étranger n'a pas droit à l'autorisation de séjour.
Ainsi, le recours de droit administratif est irrecevable, à
moins que ne puisse être invoquée une disposition particuliè-
re du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la
délivrance d'une telle autorisation (ATF 124 II 289 consid.
2a p. 291 et les arrêts cités; 361 consid. 1a p. 363).

b) D'après l'art. 17 al. 2 LSEE, les enfants céliba-
taires de moins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus
dans l'autorisation d'établissement de leurs parents aussi
longtemps qu'ils vivent auprès d'eux. En outre, selon la ju-
risprudence, l'art. 8 CEDH, qui garantit le respect de la
vie
privée et familiale, confère un droit à l'enfant mineur d'un
étranger d'être compris dans l'autorisation d'établissement
(ATF 119 Ib 81 consid. 1c p. 84; 118 Ib 153 consid. 1c p.
157).

Déposé en temps utile et dans les formes prescrites
(art. 97ss OJ), le présent recours est donc recevable.

2.- a) Le but du regroupement familial est de per-
mettre aux intéressés de vivre en communauté familiale (ATF
119 Ib 81 consid. 2c p. 86). La seule condition prévue expli-
citement par l'art. 17 al. 2 LSEE est que les enfants vivent
auprès de leurs parents. Toutefois, d'autres exigences doi-
vent être tirées de la loi, de sorte que cette disposition
ne
confère pas de droit inconditionnel à faire venir en Suisse
des enfants vivant à l'étranger. Ainsi, celui des parents
qui
a librement décidé de partir à l'étranger ne peut en tirer
un

droit de faire venir son enfant lorsqu'il entretient avec ce-
lui-ci des contacts moins étroits que l'autre parent ou que
les membres de la famille qui en prennent soin, et qu'il
peut
maintenir les relations existantes. Dans un tel cas, le
droit
de l'enfant vivant à l'étranger de rejoindre le parent se
trouvant en Suisse suppose qu'il entretienne avec le parent
établi en Suisse une relation familiale prépondérante et que
la nécessité de sa venue soit établie. A cet égard, il ne
faut pas tenir compte seulement des circonstances passées;
les changements déjà intervenus, voire les conditions futu-
res, peuvent également être déterminants. Le refus d'une au-
torisation de séjour ne saurait donc être considéré comme
contraire au droit fédéral lorsque la séparation résulte
initialement de la libre volonté de l'étranger lui-même,
lorsqu'il n'existe pas d'intérêt familial prépondérant à une
modification des relations prévalant jusque-là ou qu'un tel
changement ne s'avère pas impératif, et que les autorités
n'empêchent pas les intéressés de maintenir les liens fami-
liaux existants (ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366; 122 II
385
consid. 4b p. 392; 119 Ib 81 consid. 4a et b p. 90/91; 118
Ib
153 consid. 2c et d p. 160/161).

b) En l'espèce, la recourante RM.________ était âgée
de onze ans lors de son arrivée en Suisse, pays dans lequel
elle n'avait jamais séjourné. Après avoir vécu pendant six
ans avec sa mère, elle a été confiée à la garde de ses
grands-parents paternels, qui se sont également chargés de
l'entretien et de l'éducation de sa demi-soeur, actuellement
âgée de dix-neuf ans. Son noyau familial s'est ainsi consti-
tué dans son pays d'origine, où elle a les attaches affecti-
ves et sociales les plus fortes.

Le recourant fait certes valoir qu'il a toujours en-
tretenu une relation étroite avec sa fille. Il a gardé des

contacts épistolaires et téléphoniques et l'a rencontrée
lors
de ses vacances dans son pays d'origine. Il l'a en outre ré-
gulièrement soutenue sur le plan matériel. Toutefois, de
tels
liens ne suffisent pas à établir l'existence d'une relation
familiale prépondérante. C'est en effet avec sa mère, puis
avec ses grands-parents paternels, auprès desquels la recou-
rante a passé toute son existence, qu'une telle relation
s'est instaurée.

De son côté, bien qu'il ait bénéficié d'une autori-
sation de séjour en Suisse depuis son premier mariage en
1991, le recourant n'a déposé une demande de regroupement fa-
milial en faveur de sa fille que sept ans plus tard. Il n'a
pas davantage demandé à l'accueillir lorsqu'elle a quitté sa
mère, mais s'est contenté d'intervenir pour que l'autorité
parentale soit confiée à son père. Pour le reste, il n'a pas
non plus sollicité de visa touristique afin de permettre à
sa
fille de venir le retrouver en Suisse et a donc choisi de vi-
vre totalement séparé d'elle pendant onze ans.

c) Le recourant soutient aussi que le centre des in-
térêts de sa fille s'est déplacé, en raison de l'âge avancé
du grand-père paternel, qui ne serait plus en mesure de veil-
ler à son éducation et en raison des difficultés d'achemine-
ment des contributions financières nécessaires à son entre-
tien.

Il n'est pas établi que le grand-père paternel de la
recourante, âgé de soixante-quatre ans, soit désormais dans
l'incapacité de s'occuper de sa petite-fille. Aucun certifi-
cat médical n'a été produit qui attesterait d'une péjoration
de son état de santé. En outre, la garde de l'enfant est éga-
lement exercée par la grand-mère paternelle dont le
recourant
ne prétend pas qu'elle serait trop âgée ou en trop mauvaise

santé pour veiller à l'éducation de la recourante. Aucun élé-
ment du dossier ne permet de penser que la recourante serait
livrée à elle-même. Au demeurant, son grand-père est
toujours
titulaire de l'autorité parentale, dont il n'a pas été déchu.

Quant à la paralysie des services postaux, qui empê-
cherait l'envoi régulier des contributions d'entretien desti-
nées à la recourante, elle est sans incidence sur la prépon-
dérance des relations familiales. Le recourant conserve la
possibilité de confier les pensions alimentaires à des con-
naissances se rendant dans son pays d'origine ou à les y
acheminer à l'occasion de ses séjours de vacances.

d) Enfin, le recourant se prévaut à tort des rela-
tions étroites qu'il entretient avec sa fille depuis deux
ans. La recourante est en effet entrée illégalement en Suis-
se. Selon la jurisprudence, il faut tenir compte du fait
qu'un parent fait venir en Suisse un enfant dans le but dé-
claré d'une visite temporaire et demande, peu après son arri-
vée, que l'enfant puisse séjourner durablement dans notre
pays. Seules des circonstances tout à fait particulières per-
mettent à l'autorité de passer outre à de tels subterfuges
(arrêt du 26 juin 1998 en la cause Nelson, consid. 3c,
publié
in RDAT 1998 II 41/150). Dans le cas particulier, non seule-
ment de telles circonstances font défaut mais le recourant
n'a même pas sollicité de visa, préférant organiser l'entrée
illégale de sa fille en Suisse.

e) Comme il l'a mentionné dans ses courriers des 4
juin et 22 juillet 1998, le recourant a décidé de faire
venir
sa fille en Suisse pour lui permettre de suivre une
scolarité
de base et d'obtenir une bonne formation professionnelle, ga-
ge d'un développement harmonieux de sa personnalité. Même si
elles paraissent légitimes, de telles préoccupations ne cor-

respondent cependant pas au but de l'art. 17 al. 2 LSEE qui
vise en priorité à permettre la vie en commun de l'ensemble
de la famille.

3.- Les recourants se plaignent encore d'une viola-
tion du droit d'être entendu pour le motif que le Tribunal
administratif n'a pas examiné leur grief relatif à la non
application de l'ordonnance du Conseil fédéral limitant le
nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (OLE; RS 823.21) à
leur cas.
Ce grief est toutefois manifestement mal fondé. Il
ressort en effet clairement des considérants "en fait et en
droit" de la décision du Département de la police du 8 octo-
bre 1998 que l'autorité inférieure s'est fondée uniquement
sur les art. 4 et 17 al. 2 LSEE, 8 du règlement
d'application
de la LSEE, ainsi que sur la directive A 552 de l'Office fé-
déral des étrangers, pour rejeter l'autorisation sollicitée,
de sorte que le Tribunal administratif pouvait admettre que
l'ordonnance précitée n'avait pas été appliquée. N'étant pas
tenu d'examiner ce point, son omission de motiver son arrêt
à
ce sujet n'est dès lors pas constitutive d'une violation du
droit d'être entendu.

4.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.
Succombant, les recourants doivent supporter les frais judi-
ciaires (art. 156 al. 1 OJ) et n'ont pas droit à des dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re des recourants, au Département de la police et au
Tribunal
administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fé-
déral des étrangers.

_______________

Lausanne, le 21 juin 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.97/2000
Date de la décision : 21/06/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-21;2a.97.2000 ?
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