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16/06/2000 | SUISSE | N°I.715/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 juin 2000, I.715/99


«»
I 715/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Berset,
Greffière

Arrêt du 16 juin 2000

dans la cause

G.________, recourant, représenté par Maître Jean-Marie
Allimann, avocat, rue de la Justice 1, Delémont,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue
Bel-Air 3, Saignelégier, intimé,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- G.________ exploite un domaine agricole de
36 hectares de terres cul

tivables et a la charge d'une
cinquantaine de bovins.
Souffrant notamment de lésions dégénératives, le pré-
nommé a déposé, le 19 j...

«»
I 715/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Berset,
Greffière

Arrêt du 16 juin 2000

dans la cause

G.________, recourant, représenté par Maître Jean-Marie
Allimann, avocat, rue de la Justice 1, Delémont,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue
Bel-Air 3, Saignelégier, intimé,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- G.________ exploite un domaine agricole de
36 hectares de terres cultivables et a la charge d'une
cinquantaine de bovins.
Souffrant notamment de lésions dégénératives, le pré-
nommé a déposé, le 19 janvier 1996, une demande de presta-
tions de l'assurance-invalidité.

Dans un rapport du 7 mars 1996, confirmé dans un avis
du 25 octobre 1996, le docteur B.________, médecin géné-
raliste, a fait état d'une incapacité de travail de 60 %.
Dans un rapport du 10 juin 1996, le docteur
F.________, spécialiste en neurologie, a évalué l'in-
capacité de travail de l'assuré à 40 %.
Selon une enquête économique du 8 juillet 1996, l'as-
suré avait subi une perte de revenu de son exploitation de
62 %, en raison de ses troubles de santé.
Dans un rapport du 6 novembre 1996, confirmé dans un
avis du 12 mai 1997, le docteur A.________, spécialiste en
chirurgie orthopédique, a fixé le degré d'incapacité de
travail de G.________ à 66 2/3 %.
Par décision du 11 avril 1997, l'Office de l'assu-
rance-invalidité du canton du Jura (ci-après : l'office)
lui a alloué une demi-rente d'invalidité fondée sur un
degré d'invalidité de 62 %, à partir du 1er septembre 1995.
Le 29 avril 1997, G.________ a déposé une demande de
révision de sa rente, en expliquant que son état de santé
s'était aggravé à la suite d'une chute dont il a été
victime le 27 février 1996.
Le 27 mai 1997, le docteur B.________ a fixé à 50 %, à
partir du 1er avril 1996, le taux d'incapacité de travail
du prénommé (par comparaison avec le taux de 60 % résultant
de ses deux rapports précédents), tout en constatant une
aggravation de son état de santé.
Une enquête économique des 7 et 10 juillet 1997 de
l'expert V.________, complétée par un rapport du 7 octobre
1997, a fait ressortir que le prénommé subissait une perte
économique de 64 %.
Par décision du 9 décembre 1997, l'office a rejeté la
demande de révision et maintenu la demi-rente, au motif que
l'état de santé de G.________ était stable, de même que sa
situation économique.
Par jugement du 16 avril 1998, la Chambre des assu-
rances du Tribunal cantonal de la République et canton du
Jura a admis partiellement le recours formé par l'assuré

contre cette décision, en l'annulant et en renvoyant le
dossier à l'office pour complément d'instruction.
L'autorité cantonale a considéré que différents postes et
montants retenus par l'expertise agricole du 7 juillet
1997 n'étaient pas justifiés ou s'avéraient incompréhen-
sibles.
Une nouvelle expertise des 25 et 30 juin 1998 a fixé à
480 jours le travail exigé par l'exploitation agricole de
G.________, répartis à raison de 180 jours pour l'assuré
(300 jours avant handicap), de 220 jours pour l'épouse
(160 jours auparavant) et de 80 pour des tiers (20 jours
précédemment). Pour 1994, le revenu agricole s'élevait à
14 517 fr. Quant au revenu réalisé après la survenance de
l'invalidité, il se montait à 12 001 fr. en tenant compte
de la moyenne des trois dernières années (1995-1997).
Dans un rapport complémentaire du 28 août 1998,
l'expert a expliqué ces chiffres et fixé le début de
l'invalidité au 1er octobre 1994. Il a ajouté la somme de
5000 fr. au revenu de 1994 pour tenir compte du fait que,
s'il avait été en bonne santé, l'assuré aurait cultivé des
betteraves et du colza. Le revenu sans invalidité s'élevait
ainsi globalement à 19 517 fr., dont 12 295 fr. (correspon-
dant à 300 jours de travail sur 480) étaient réalisés par
G.________. Le handicap économique était de 63 %.
Par décision du 29 octobre 1998, fondée sur le rapport
d'expertise du 28 août précédent, l'office a rejeté la de-
mande de révision. Il a maintenu le droit de l'assuré à la
demi-rente d'invalidité, assortie de rentes complémentaires
pour l'épouse et les enfants.

B.- L'assuré a derechef déféré cette décision à la
Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la Républi-
que et du Canton du Jura en demandant son annulation. Il a
conclu à l'octroi d'une rente entière d'invalidité.

Par jugement du 5 novembre 1999, l'autorité cantonale
a rejeté le recours. Elle a considéré, en bref, que ni
l'état de santé de l'assuré, ni sa situation économique ne
s'étaient modifiés dans une mesure justifiant le passage à
la rente entière.

C.- G.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il
conclut, sous suite de frais et dépens, à l'octroi d'une
rente entière d'invalidité, à partir du 27 février 1996,
avec les rentes complémentaires correspondantes. Il a
produit un rapport du Service de vulgarisation agricole du
Jura du 25 novembre 1999 et divers documents relatifs au
«Budget de travail» créé par la Station fédérale de recher-
che en économie et technologie agricole.
L'intimé conclut au rejet du recours. L'office fédéral
des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Préalablement, il sied de constater d'office que
la procédure suivie dans cette affaire par l'office intimé
n'était pas conforme à la loi. En effet, la «demande de
révision» présentée le 29 avril 1997 par G.________
constituait, en réalité, un recours contre la décision du
11 avril précédent, par laquelle l'office allouait à
l'assuré une demi-rente d'invalidité à partir du 1er sep-
tembre 1995 et qui n'était pas encore entrée en force. Par
conséquent, au lieu d'entamer une procédure de révision de
sa décision du 11 avril 1997 - comme s'il s'était agi d'une
opposition telle qu'on la connaît dans d'autres assurances
sociales - l'office aurait dû transmettre sans délai
l'écriture de l'assuré du 29 avril 1997 au Tribunal
cantonal jurassien, Chambre des assurances, comme objet de
sa compétence ( ATF 102 V 74 consid. 1; DTA 1991 n° 16,
p. 121 consid. 2a). Cette irrégularité n'a toutefois pas

nui à l'assuré dans la mesure où la nouvelle décision de
l'office, du 9 décembre 1997, a été annulée par le Tribunal
cantonal jurassien à l'occasion du premier jugement rendu
par cette autorité, le 16 avril 1998, dans la cause qui
divise les parties.

2.- Les premiers juges ont exposé correctement les
dispositions légales et réglementaires applicables en
l'espèce, de sorte qu'il suffit de renvoyer aux consid. 2
et 3 de leur jugement du 16 avril 1998 et au consid. 2 de
celui du 5 novembre 1999.

3.- a) Sur le plan économique, il résulte du dossier
que G.________ a réalisé les revenus suivants, compte tenu
d'une surface et d'un cheptel de même grandeur :

- 1994 : 14 517 fr. (+ 5000 fr. ajoutés par l'expert)
- 1995 : 11 055 fr.
- 1996 : 3 401 fr.
- 1997 : 21 547 fr.

b) Dans son rapport du 7 juillet 1997, confirmé le
7 octobre 1997 sur ce point, l'expert a estimé à 480 le
nombre de jours de travail exigés par l'exploitation
agricole du recourant. Il en a fixé comme suit la ré-
partition entre le recourant, son épouse et les tiers,
respectivement avant et après la survenance de l'inva-
lidité :

G.________ : 300 / 180 jours
Epouse : 160 / 220 jours
Tierces personnes : 20 / 80 jours

c) Il résulte de cette répartition que la part de
travail (et du revenu qui en est retiré) accompli par le

recourant était, avant la survenance de l'invalidité, de
300/480, soit 63 %, et, par la suite de 180/480, soit 37 %.

d) Les premiers juges ont, correctement, fixé le re-
venu sans invalidité à 19 517 fr. (14 517 fr. à titre de
revenu réalisé en 1994 + 5000 fr. pour tenir compte du gain
que le recourant aurait réalisé s'il n'avait pas dû aban-
donner la culture des betteraves et du colza). Si l'on se
fonde sur la répartition des jours de travail à laquelle a
procédé l'expert, la part de ce revenu réalisée par
l'assuré avant la survenance de l'invalidité était de
12 295 fr. (correspondant à 63 % de 19 517 fr. pour
300 jours de travail sur 480 jours au total).
Quant au revenu global obtenu par le recourant après
la survenance de l'invalidité, contrairement à ce qu'ont
retenu l'expert (dans ses rapports de juin et août 1998) et
les premiers juges à sa suite, il était de 7228 fr.
(moyenne des revenus de 1995 et 1996) à l'époque de la
décision d'octroi de la rente (11 avril 1997) dans la
mesure où les résultats de 1997 n'étaient pas encore
connus. La part de ce revenu réalisée par le recourant
était de 2674 fr. (correspondant à 37 % de la moyenne des
revenus réalisés en 1995 et 1996). La comparaison des deux
revenus (12 295 fr. et 2674 fr.) donne donc un taux d'inva-
lidité de 78 %, de sorte que le recourant a droit à une
rente entière d'invalidité à partir du 1er septembre 1995.

e) Au demeurant, ce taux d'invalidité ne tient pas
compte des objections que soulève la répartition des jours
de travail retenue par l'expert V.________. En premier
lieu, si l'on se fonde sur les rapports médicaux existant à
l'époque de la décision du 11 avril 1997 - sous réserve de
l'appréciation isolée du docteur F.________ - on doit re-
tenir que le recourant présentait une incapacité de travail
minimale de 60 %. Si, comme l'a fait l'expert, on admet
qu'avant la survenance de l'invalidité, il accomplissait

300 jours de travail, c'est 120 et non 180 jours qu'on
devrait prendre en considération après la survenance de cet
événement. Dans un tel cas, le revenu d'invalide s'élève-
rait à 1807 fr. [correspondant aux 25 % (120/480) de la
moyenne des revenus de 1995 et 1996 (7228 fr.)]. Il en
résulterait un taux d'invalidité de 85 %. Par ailleurs, la
répartition, essentiellement empirique, des jours de tra-
vail opérée par l'expert V.________ est contestée par le
rapport du Service de vulgarisation agricole du Jura du
25 novembre 1999 (joint au recours), dont la plupart des
informations ont été vérifiées au moyen du logiciel de la
Station fédérale de recherche en économie et technologie
agricole. Il en ressort, notamment, que, sur 470 jours de
travail exigés par l'exploitation, le recourant était en
mesure d'en accomplir 130 après la survenance de l'invali-
dité (par comparaison avec 350 auparavant), ce qui corres-
pond, à dix jours près, au taux de 40 % de capacité de
travail résiduelle que les médecins consultés ont reconnue
à G.________.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est bien fondé
et le jugement entrepris, de même que les décisions du
11 avril 1997 et du 29 octobre 1998 de l'office intimé,
doivent être annulés.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances,

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 5 novembre 1999
du Tribunal cantonal de la République et Canton du
Jura, Chambre des assurances, ainsi que les décisions
du 11 avril 1997 et du 29 octobre 1998 de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura sont annulés;
le recourant a droit a une rente entière d'invalidité,
à partir du 1er septembre 1995.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'office intimé versera au recourant la somme de
2500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour la procédure fédérale.

IV. Le Tribunal cantonal de la République et Canton du
Jura, Chambre des assurances, statuera sur les dépens
pour la procédure de première instance, au regard de
l'issue du procès de dernière instance.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal cantonal de la République et du Canton du
Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 16 juin 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.715/99
Date de la décision : 16/06/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-16;i.715.99 ?
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