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16/06/2000 | SUISSE | N°4P.95/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 juin 2000, 4P.95/2000


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4P.95/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

16 juin 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

_______________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

M. F.________,

contre

l'arrêt rendu le 7 avril 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel;

(assistance judiciaire, indigence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s sui

vants:

A.- M. F.________, qui effectue des ventes par
correspondance sous la dénomination "X.________", a déposé
devant le Tribun...

«»

4P.95/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

16 juin 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

_______________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

M. F.________,

contre

l'arrêt rendu le 7 avril 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel;

(assistance judiciaire, indigence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- M. F.________, qui effectue des ventes par
correspondance sous la dénomination "X.________", a déposé
devant le Tribunal civil du district de Boudry trois
demandes
en paiement, alléguant des commandes impayées.

Pour ces trois actions, il a sollicité l'assistance
judiciaire partielle (exonération des frais de justice), qui
lui a été refusée, le 23 août 1999, par le Tribunal civil du
district de Boudry, puis, sur recours, par le Tribunal admi-
nistratif du canton de Neuchâtel, statuant par arrêt du 7
avril 2000.

En substance, l'autorité cantonale a retenu que
l'indigence n'était pas établie, parce que les explications
données sur les ressources du couple F.________ ne sont pas
crédibles. Selon les renseignements fournis, les revenus des
époux F.________ s'élèveraient à 3200 fr. par mois, alors
qu'ils assument régulièrement, apparemment sans problème,
des
charges courantes de 4039 fr.70 par mois; en outre, les res-
sources déclarées ne semblent pas compatibles avec le train
de vie des époux: dame F.________ a acquis en leasing, le 29
octobre 1998, une Opel Astra cabriolet pour laquelle elle
verse régulièrement une mensualité de 563 fr.50 et elle a
acheté également, le 31 mars 1999, un scooter payé en
espèces
2750 fr. Le Tribunal administratif a encore observé que le
salaire mensuel de dame F.________ avait passé, en cours
d'instance (mais avant que le requérant n'ait eu des frais
de
procédure à assumer) de 2100 fr. à environ 5500 fr. par mois.

B.- M. F.________, agissant en personne, forme un
recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant une
violation de l'art. 4 aCst., il conclut à l'octroi de l'as-

sistance judiciaire, qu'il sollicite également pour la procé-
dure devant le Tribunal fédéral.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédé-
ral est ouvert contre une décision cantonale pour violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ).

La décision attaquée, fondée sur le droit cantonal,
n'est susceptible d'aucune autre voie de recours, de sorte
que la règle de la subsidiarité du recours de droit public
est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ).

Le refus de l'assistance judiciaire est une déci-
sion incidente dans la procédure civile qui cause en
principe
un dommage irréparable, de sorte que le recours de droit pu-
blic est immédiatement ouvert (art. 87 al. 2 OJ; cf. ATF 125
I 161 consid. 1 et les arrêts cités).

Le recourant est personnellement touché par la dé-
cision attaquée, qui lui refuse l'assistance judiciaire, de
sorte qu'il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement
protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en viola-
tion de ses droits constitutionnels; en conséquence, il a
qualité pour recourir (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours
est
en principe recevable.

Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espè-
ce, le recours de droit public n'est qu'une voie de
cassation

et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée
(ATF 125 II 86 consid. 5a; 124 I 231 consid. 1d; 123 I 87
consid. 5).

Comme le Tribunal fédéral n'ordonne en principe pas
de mesures positives (ATF 119 Ia 28 consid. 1; 118 Ia 184
consid. 1d), les conclusions du recourant sont irrecevables
en tant qu'elles tendent à l'octroi de l'assistance judiciai-
re pour les trois demandes en paiement; on peut cependant dé-
duire de l'écriture, qui n'émane pas d'un avocat, que le re-
courant demande l'annulation de la décision attaquée et il y
a lieu d'entrer en matière dans cette limite.

b) En instance de recours de droit public, le Tri-
bunal fédéral n'examine que les griefs exposés de manière as-
sez claire et détaillée pour qu'il puisse déterminer quel
est
le droit constitutionnel dont l'application est en jeu (ATF
125 I 492 consid. 1b et les références; cf. également ATF
110
Ia 1 consid. 2a).

2.- a) Vu la date de la décision attaquée, la cour
cantonale devait à l'évidence respecter les dispositions de
la nouvelle Constitution fédérale. C'est donc à tort que le
recourant invoque l'art. 4 de l'ancienne Constitution fédéra-
le. Cette erreur reste cependant sans conséquence, parce que
les arguments développés sont suffisants pour que l'on
puisse
discerner quels sont les droits constitutionnels invoqués.

b) Le recourant se prévaut en premier lieu du droit
à l'égalité de traitement, garanti par l'art. 8 al. 1 Cst.
Il
fait valoir que l'assistance judiciaire lui a été accordée
par d'autres tribunaux de district du canton de Neuchâtel.

Une inégalité de traitement n'est réalisée que si
elle est le fait d'une même autorité (ATF 104 III 95 consid.
2c/bb; 103 Ia 115; 102 Ia 38 consid. 2c). Les décisions d'au-

tres tribunaux de district ne lient ni le Tribunal du dis-
trict de Boudry, ni le Tribunal fédéral.

A lire les décisions produites, il apparaît qu'el-
les ne procèdent pas d'un examen aussi attentif de la situa-
tion financière, de sorte que le recourant ne peut en tirer
aucun argument. La seule question pertinente est de savoir
si
le recourant a établi son indigence. A supposer que la loi
ait été mal appliquée dans d'autres cas, le recourant ne
peut
prétendre à l'égalité dans l'illégalité (ATF 125 II 152 con-
sid. 5; 124 II 114 consid. 1e; 124 IV 44 consid. 2c; 123 II
248 consid. 3c; 122 II 446 consid. 4a).

c) Le recourant invoque ensuite le droit à l'assis-
tance judiciaire, garanti par l'art. 29 al. 3 Cst.

Les conditions à l'octroi de l'assistance judiciai-
re sont déterminées en première ligne par les dispositions
cantonales, dont le Tribunal fédéral ne peut contrôler l'ap-
plication que sous l'angle restreint de l'arbitraire; l'art.
29 al. 3 Cst. offre une garantie minimale, dont le Tribunal
fédéral examine librement le respect (cf. ATF 124 I 1
consid.
2; 120 Ia 179 consid. 3; 119 Ia 11 consid. 3a, 251 consid.
2b).

En l'espèce, le recourant n'invoque pas - avec une
motivation répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b
OJ (ATF 110 Ia 1 consid. 2a) - une violation arbitraire du
droit cantonal, de sorte que la question doit être examinée
à
la lumière des garanties minimales posées par l'art. 29 al.
3
Cst.

d) Selon l'art. 29 al. 3 Cst., l'octroi de l'assis-
tance judiciaire suppose notamment l'indigence (ATF 125 I
161
consid. 3b; 125 II 265 consid. 4a; 124 I 1 consid. 2a; 122 I
8 consid. 2a, 322 consid. 2b). Une personne est indigente si

elle ne peut payer les frais indispensables à la conduite du
procès (émolument judiciaire et honoraires d'avocat) sans en-
tamer les moyens financiers qui lui sont nécessaires pour
couvrir ses besoins vitaux et ceux de sa famille; pour tran-
cher cette question, il faut prendre en considération non
seulement les revenus, mais également la fortune (ATF 124 I
1
consid. 2a, 97 consid. 3b; 120 Ia 179 consid. 3a; 119 Ia 11
consid. 3a).

e) Pour déterminer les ressources du requérant, il
faut prendre en compte également ses créances d'entretien
(ATF 115 Ia 193 consid. 3a).

Selon l'art. 159 al. 3 CC, les époux se doivent
l'un à l'autre fidélité et assistance. Ce devoir
d'assistance
fait partie des effets généraux du mariage, de sorte qu'il
est indépendant du régime matrimonial choisi; contrairement
à
ce que pense le recourant, il n'a pas de rapport avec les be-
soins du ménage ou les dettes du ménage, qui relèvent des
art. 159 al. 2, 163 et 166 CC.

Le devoir de l'Etat d'accorder l'assistance judi-
ciaire au plaideur indigent est subsidiaire au devoir d'as-
sistance entre époux (cf. ATF 119 Ia 11 consid. 3a et
l'arrêt
cité). C'est donc à juste titre que l'autorité cantonale a
pris en considération la capacité d'assistance de l'épouse
pour dire si le recourant se trouvait dans l'indigence.

f) La personne qui requiert l'assistance judiciaire
doit exposer de manière complète sa situation financière,
aussi bien en ce qui concerne ses revenus que sa fortune et
elle doit autant que possible fournir les pièces justificati-
ves (ATF 120 Ia 179 consid. 3a p. 181 s.). De façon
générale,
celui qui sollicite des prestations de l'Etat doit
collaborer
loyalement à l'établissement des faits et apporter les preu-
ves pertinentes que l'on peut exiger de lui. Le refus de

fournir les éclaircissements ou les pièces nécessaires,
alors
que le recourant le pourrait, justifie le rejet de la
requête
(ATF 120 Ia 179 consid. 3a p. 182).

Contrairement à ce que soutient le recourant, c'est
à lui qu'il appartient de prouver les faits permettant de
constater son droit à l'assistance judiciaire (ATF 120 Ia
179
consid. 3a; Étienne Grisel, Egalité: Les garanties de la
Constitution fédérale du 18 avril 1999, Berne 2000, ch. 486,
p. 213).

g) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral examine librement si la notion d'indigence,
découlant
de l'art. 29 al. 3 Cst., a été correctement interprétée et
appliquée; il ne revoit cependant les constatations de fait
cantonales que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF
120 Ia 179 consid. 3a; 119 Ia 11 consid. 3a).

La détermination des ressources des époux et l'exa-
men de la crédibilité des déclarations du recourant à ce su-
jet sont des questions d'appréciation des preuves, qui ne
peuvent être revues que sous l'angle restreint de l'arbitrai-
re.

aa) Les magistrats neuchâtelois ont constaté que
les ressources déclarées sont nettement inférieures aux char-
ges courantes effectivement assumées par les conjoints
F.________. Le recourant n'ayant pas pu expliquer comment le
couple pouvait dépenser régulièrement plus qu'il ne gagnait
sans tomber dans l'insolvabilité, l'autorité cantonale en a
déduit que les revenus réels étaient supérieurs aux ressour-
ces déclarées. L'autorité cantonale a pris en compte dans
son
argumentation le train de vie des époux, soit plus précisé-
ment les dépenses assumées pour disposer de deux véhicules
(une voiture cabriolet en leasing et un scooter).

Le recourant ne démontre pas que les prémisses de
ce raisonnement seraient arbitraires. Du reste, la déduction
qui a été tirée de ces faits échappe à toute critique. Comme
on peut admettre sans arbitraire que le recourant a
dissimulé
des ressources, il est logique d'en conclure qu'il a voulu
ainsi cacher une situation qui conduirait au rejet de sa re-
quête. Partant, il n'a pas établi son état d'indigence, qui
est une condition à l'octroi de l'assistance judiciaire.

bb) Le Tribunal administratif a constaté - sans que
le recourant n'invoque à ce sujet l'arbitraire - que le sa-
laire de son épouse avait passé à 5500 fr. par mois environ,
avant que le recourant n'ait eu à assumer des frais de procé-
dure.

La question est controversée de savoir si, pour ap-
précier l'indigence, il faut se placer au moment du dépôt de
la demande (dans ce sens: ATF 120 Ia 179 consid. 3a) ou au
moment de la décision (dans ce sens: ATF 108 V 265 consid.
4).

En l'espèce, la question relève du droit cantonal.
Le recourant ne s'étant pas prévalu d'une violation arbitrai-
re de celui-ci, il n'y a pas à examiner si la cour cantonale
pouvait tenir compte de ce fait nouveau. Or, sur la base
d'un
revenu mensuel de 5500 fr., il est évident que le couple,
après couverture de ses besoins vitaux, disposait encore
d'une somme suffisante pour permettre à l'épouse, en vertu
de
son devoir d'assistance, de fournir au recourant les sommes
nécessaires pour payer, le cas échéant, l'émolument de justi-
ce pour trois demandes portant sur de faibles montants. L'ar-
gumentation subsidiaire de la cour cantonale suffit à démon-
trer que l'art. 29 al. 3 Cst. n'a pas été violé.

h) Le recourant fait valoir qu'il a des dettes qui
ont donné lieu à des actes de défaut de biens.

Cette question est sans pertinence (arrêt non pu-
blié du Tribunal fédéral des assurances du 23 février 1996
dans la cause H. 269/95).

Pour dire s'il y a ou non indigence, il faut pren-
dre en compte les ressources disponibles et les besoins vi-
taux courants. Des dettes anciennes sur lesquelles le débi-
teur ne verse plus rien ne priment pas l'obligation du jus-
ticiable de payer les services qu'il requiert de l'Etat. Il
ne faut pas confondre la notion d'indigence (qui suppose
l'impossibilité de couvrir ses besoins vitaux) avec celle de
retour à meilleure fortune (cf. art. 265 al. 2 LP).

i) Le recourant invoque la protection de la bonne
foi (art. 9 Cst.), mais ce grief est dépourvu de toute moti-
vation répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
Les autres principes auxquels le recourant se réfère ne sont
pas des droits constitutionnels des citoyens, susceptibles
d'un recours de droit public (art. 84 al. 1 let. a OJ).

3.- Le recourant a sollicité préalablement l'as-
sistance judiciaire devant le Tribunal fédéral, mais
celle-ci
suppose également que la partie soit dans le besoin (art.
152
al. 1 OJ). Il n'est pas possible de statuer préalablement
sur

la demande d'assistance judiciaire fondée sur l'art. 152 al.
1 OJ, sans examiner l'ensemble des arguments soulevés sur le
fond et trancher simultanément la question de fond. Dans une
telle situation, il se justifie, par un seul arrêt, de refu-
ser l'assistance judiciaire devant le Tribunal fédéral et de
rejeter le recours sur le fond (arrêt non publié du 26 mars
1996 dans la cause 4P.7/1996, consid. 4). Les frais doivent
être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al.
1 OJ), mais il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'auto-
rité qui obtient gain de cause (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette la requête d'assistance judiciaire;

2. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

3. Met un émolument judiciaire de 1000 fr. à la
charge du recourant;

4. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant et au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel.

_____________

Lausanne, le 16 juin 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.95/2000
Date de la décision : 16/06/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-16;4p.95.2000 ?
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