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16/06/2000 | SUISSE | N°4P.46/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 juin 2000, 4P.46/2000


«AZA 3»

4P.46/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

16 juin 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Vimatex Inter S.A., à Genève, représentée par Me Pierre
Fauconnet, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 27 janvier 2000 par la Chambre civile de la
Cour de justice genevoise dans la cause qui oppose

la recou-
rante à Korkmaz Tekstil Ticaret AS, à Yenibosna/Istanbul
(Turquie), représentée par Me Philipp Ganzoni, avocat à Gen...

«AZA 3»

4P.46/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

16 juin 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Vimatex Inter S.A., à Genève, représentée par Me Pierre
Fauconnet, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 27 janvier 2000 par la Chambre civile de la
Cour de justice genevoise dans la cause qui oppose la recou-
rante à Korkmaz Tekstil Ticaret AS, à Yenibosna/Istanbul
(Turquie), représentée par Me Philipp Ganzoni, avocat à Genè-
ve;

(arbitraire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Korkmaz Tekstil Ticaret AS (ci-après: Korkmaz)
a acheté à Vimatex Inter S.A. (ci-après: Vimatex) 1100
tonnes
de fil de coton pour le prix de 2 070 000 US$, payable par
lettre de crédit irrévocable. Par télécopie du 27 mai 1996,
Korkmaz a insisté pour que les embarquements soient terminés
à fin juillet 1996. Son cocontractant ne s'y est pas opposé
et a manifestement accepté cette exigence; Korkmaz a fait
émettre par le Crédit Commercial de France, à la demande
d'une banque turque, une lettre de crédit irrévocable men-
tionnant la date limite du 31 juillet 1996 pour l'expédition
de la marchandise.

En raison de difficultés administratives en Algé-
rie, la marchandise n'a pas pu être expédiée à la date conve-
nue.

Après diverses discussions qui n'ont abouti à aucun
accord, Korkmaz a résilié le contrat de vente par lettre du
26 septembre 1996 et a réclamé en vain à Vimatex la somme de
40 000 US$ correspondant à ses frais d'accréditif.

Korkmaz a assigné Vimatex en paiement devant les
tribunaux genevois. Pour établir son dommage, elle a produit
un décompte d'une banque turque indiquant le montant de
40 000 US$ et mentionnant le nom des deux parties, ainsi que
le montant de la transaction, soit 2 070 000 US$.

B.- Par jugement du 15 octobre 1998, le Tribunal de
première instance de Genève a condamné Vimatex à payer à
Korkmaz la somme de 56 600 fr. avec intérêts à 5% dès le 12
octobre 1996.

Statuant sur appel de Vimatex, la Chambre civile de
la Cour de justice genevoise a confirmé le jugement attaqué
le 27 janvier 2000.

C.- Vimatex interjette un recours de droit public
au Tribunal fédéral. Invoquant l'interdiction de
l'arbitraire
et le droit à une décision motivée, elle reproche à la cour
cantonale d'avoir admis sans explication et de façon insoute-
nable que les frais d'accréditif étaient prouvés. Elle solli-
cite l'annulation de l'arrêt du 27 janvier 2000.

L'intimée conclut à l'irrecevabilité, subsidiaire-
ment au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF
122 I 70 consid. 1c; 121 IV 317 consid. 3b; 117 Ia 393 con-
sid. 1c; 117 Ia 412 consid. 1c).

2.- a) Compte tenu de la date à laquelle a été ren-
du l'arrêt attaqué, la cour cantonale devait appliquer la
nouvelle Constitution fédérale, de sorte que c'est manifeste-
ment à tort que la recourante se réfère aux anciennes dispo-
sitions. Cette erreur est cependant sans conséquence,
puisque
ses griefs sont suffisamment précis pour comprendre quel est
le droit constitutionnel invoqué.

b) La recourante invoque tout d'abord le droit à
une décision motivée, qui a été déduit du droit d'être enten-
du (art. 29 al. 2 Cst.).

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu
l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin
que
l'intéressé puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il
y
a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son con-
trôle (ATF 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a; 124
V 180 consid. 1a; 123 I 31 consid. 2c).

b) En l'espèce, il est vrai que la cour cantonale
ne s'est pas prononcée expressément sur la question de la
preuve du dommage. Elle a cependant clairement confirmé le
jugement de première instance, ce qui signifie raisonnable-
ment qu'elle l'a adopté sur tous les points qu'elle n'a pas
discutés de manière spéciale. Une motivation particulière
n'était pas nécessaire, puisqu'il n'a pas été apporté de
moyens de preuve nouveaux devant la cour cantonale. Or, le
jugement de première instance indique expressément, à la
page
12 dernier alinéa, que le dommage, soit une commission ban-
caire de 40 000 US$, est tenu pour établi sur la base du dé-
compte de la banque turque, qui a été produit par la partie
demanderesse.

La recourante ne pouvait d'ailleurs avoir aucun
doute à ce sujet, puisque la demanderesse n'avait invoqué au-
cun autre moyen de preuve. La confirmation du jugement de
première instance qui s'exprimait sur cette question ne
suscitait aucune hésitation. La recourante savait donc que
les autorités cantonales avaient été convaincues par ce docu-
ment et pouvait donc motiver son recours en toute connaissan-
ce de cause.

Dans ces circonstances, on ne saurait parler d'une
violation du droit à une décision motivée.

3.- a) La recourante se plaint d'arbitraire dans
l'appréciation des preuves, reprochant aux autorités cantona-
les de s'être fondées sur un document qu'elle qualifie de

"suspect" pour admettre que les frais d'accréditif se sont
élevés à 40 000 US$.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par
l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solu-
tion pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait
préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision
attaquée que lorsque celle-ci est manifestement
insoutenable,
qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation
de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe ju-
ridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour
qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne
suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il
faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son
résultat (ATF 125 I 161 consid. 2a; 123 I 1 consid. 4a; 122
I
61 consid. 3a; 122 III 130 consid. 2a; 120 Ia 369 consid.
3a).

b) Pour prouver ses frais d'accréditif, la partie
demanderesse a produit un décompte émanant d'une banque tur-
que, assorti d'une traduction officielle.

Ce document émane d'un tiers à la procédure. Comme
il mentionne le nom des parties et le prix de la transaction
(à savoir 2 070 000 US$), il n'est pas douteux qu'il se rap-
porte au contrat en cause. Il en ressort clairement qu'il a
été mis à la charge de la demanderesse un montant de
40 000 US$ à titre de commission.

En présence de ce document, la recourante n'a pas
tenté d'en démontrer la fausseté, par exemple en déposant
une
plainte pénale ou en faisant entendre des témoins. Elle a au
contraire expressément renoncé à faire citer des témoins.

Elle se borne à soulever trois arguments.

Tout d'abord, elle fait valoir que le document est
daté du 18 septembre 1996, alors que la demanderesse invo-
quait déjà des frais de 40 000 US$ en juillet 1996. Cette
objection ne démontre rien. Il est parfaitement possible que
la demanderesse ait connu les frais de l'accréditif, par
exemple en ayant demandé le renseignement par téléphone,
alors que le décompte n'a été établi que sensiblement plus
tard.

La recourante observe que le document ne mentionne
aucune date de valeur. Que la banque turque, dans son décomp-
te, ait indiqué la somme due sans mentionner une date d'exi-
gibilité ne permet en rien de déduire que le document n'éma-
nerait pas de la banque en question ou qu'il serait faux
quant au montant indiqué.

Enfin, la recourante se prévaut, pour démontrer que
les frais seraient excessifs, d'une télécopie que lui a en-
voyée une autre banque. D'après ce que l'on comprend à la
lecture de ce document, il a été envisagé un accréditif à
l'intérieur d'un même groupe bancaire, émis par Finansbank
en
Turquie et confirmé par Finansbank (Suisse). Cette hypothèse
est déjà sensiblement différente du cas d'espèce, puisqu'il
résulte des explications de la recourante que trois banques
distinctes sont intervenues dans l'opération litigieuse: la
banque turque, le Crédit Commercial de France à Paris et la
Banque Nationale de Paris à Bâle. Il est donc fort probable
que les frais soient différents. De surcroît, la télécopie
produite par la recourante contient la mention suivante:
"l'estimation ci-dessus mentionnée est indicative et sujette
à changement sans préavis en fonction des modifications des
conditions du marché concerné". Il en résulte que le coût
d'un accréditif est sujet à variations. Or, le document invo-

qué par la recourante date du 20 février 1998 et il est donc
impropre à établir les conditions qui régnaient en mai 1996.

La recourante ne parvient donc pas à démontrer
qu'il était insoutenable de croire à la véracité du décompte
produit par la demanderesse.

4.- Les frais et dépens doivent être mis à la char-
ge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al.
1
OJ).

Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met un émolument judiciaire de 2500 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 3000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice genevoise.
_____________

Lausanne, le 16 juin 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président, La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.46/2000
Date de la décision : 16/06/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-16;4p.46.2000 ?
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