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13/06/2000 | SUISSE | N°6A.42/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juin 2000, 6A.42/2000


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6A.42/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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13 juin 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
___________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________,

contre

l'arrêt rendu le 18 avril 2000 par le Tribunal adminis-
tratif genevois dans la cause qui oppose le recourant à
l

a Commission de libération conditionnelle du canton de
G e n è v e;

(libération conditionnelle)

Vu les pièces du...

«»
6A.42/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

13 juin 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
___________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________,

contre

l'arrêt rendu le 18 avril 2000 par le Tribunal adminis-
tratif genevois dans la cause qui oppose le recourant à
la Commission de libération conditionnelle du canton de
G e n è v e;

(libération conditionnelle)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par arrêt du 3 septembre 1997, la Cour cor-
rectionnelle avec jury du canton de Genève a condamné
X.________ à la peine de 5 ans de réclusion pour séques-
tration aggravée, enlèvement de mineurs, lésions corpo-
relles simples, dommages à la propriété et violation de
domicile. Il était notamment reproché à X.________
d'avoir enlevé en 1993 ses deux enfants mineurs,
Y.________ et Z.________, confiées à la garde de leur
mère, en ayant ensuite systématiquement refusé d'indiquer
l'endroit où il les avait séquestrées.

L'exécution totale de la peine expirera le 10 dé-
cembre 2001; les deux tiers ont été purgés le 10 avril
2000.

B.- Le 13 décembre 1999, X.________ a sollicité
sa mise en liberté conditionnelle.

a) Dans le cadre de l'instruction de cette requê-
te, le service du patronage a annoncé qu'il s'en rappor-
tait à l'appréciation de l'autorité compétente.
X.________ avait expliqué à ce service que lorsqu'il
serait en liberté, sa première intention serait d'aller
dans un pays islamique pour retrouver ses enfants et s'en
occuper, et la seconde de faire valoir son passeport
français pour se rendre en France, qu'il quitterait avec
l'intention d'aller dans un pays islamique, là où rési-
daient ses enfants. Il n'y avait pas d'alternative à ses
yeux.

b) La direction du service d'application des pei-
nes et mesures a aussi émis un préavis, indiquant qu'elle
était perplexe. X.________ était un condamné primaire qui
avait respecté les règles des établissements de déten-
tion, bien qu'étant extrêmement procédurier. Cela mili-
tait en faveur d'une remise de peine. En revanche, son
attitude par rapport au délit qu'il avait commis ne
permettait pas d'émettre un pronostic favorable quant à
son comportement une fois en liberté. Il persisterait
dans le délit pour lequel il avait été condamné.

c) Le 17 janvier 2000, le Procureur général du
canton de Genève a émis un préavis négatif sans autre
motivation.

d) Les Établissements pénitentiaires de la Plaine
de l'Orbe ont rédigé un rapport concernant les mesures de
libération conditionnelle. L'attitude de X.________ avait
été positive et les prestations qu'il avait fournies en
atelier bonnes. Il n'avait pas subi de sanction discipli-
naire bien que l'homme fut difficile à cerner et très
procédurier. Aucune évolution n'avait été constatée chez
l'intéressé, qui tenait toujours le même discours. Il
n'éprouvait aucun remords vis-à-vis de son ex-épouse, car
selon lui, elle portait l'entière responsabilité de la
situation. Il projetait de rejoindre ses enfants en
Malaisie puis dans un autre pays. Il s'obstinait à ne pas
dévoiler l'endroit où ses enfants se trouvaient, ce qui
démontrait une absence totale d'amendement et de prise de
conscience de la gravité des actes qui lui étaient repro-
chés. Il n'était pas possible d'émettre un préavis favo-
rable en l'absence de réelles perspectives d'amendement
et de projets concrets.

e) X.________ a été entendu par un membre de la
Commission de libération conditionnelle genevoise le

2 février 2000. Il contestait avoir enlevé ses enfants et
les avoir séquestrés, comme il contestait le jugement
suisse ayant attribué l'autorité parentale à leur mère,
en violation du droit malais. En outre, il refusait de
dire où étaient ses enfants pour ne pas leur porter pré-
judice.

C.- Par décision du 8 février 2000, la Commission
de libération conditionnelle du canton de Genève a refusé
de mettre X.________ en liberté conditionnelle. Tous les
préavis recueillis étaient défavorables et le détenu ne
montrait aucun signe d'introspection, persistant à nier
le caractère illicite des actes pour lesquels il avait
été condamné et refusant de dévoiler le lieu où il avait
emmené ses enfants.

Par arrêt du 18 avril 2000, le Tribunal adminis-
tratif du canton de Genève a rejeté le recours formé par
X.________ contre la décision du 8 février 2000.

D.- X.________ a déposé auprès du Tribunal fédé-
ral un mémoire intitulé recours de droit public. Il con-
clut à l'annulation de l'arrêt du 18 avril 2000 et au
prononcé de sa libération conditionnelle. Il sollicite en
outre l'octroi de l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) S'agissant d'une décision en matière
d'exécution des peines et mesures que le code pénal ne
réserve pas au juge (art. 38 ch. 1 CP), la décision atta-

quée est susceptible d'un recours de droit administratif
au Tribunal fédéral (art. 97 al. 1 OJ et 5 PA) et le re-
cours de droit public, de nature subsidiaire, est exclu
(art. 84 al. 2 OJ). Toutefois, un recours intitulé
recours de droit public peut être considéré comme un re-
cours de droit administratif pour autant qu'il satisfasse
aux exigences formelles de ce dernier. Tel est le cas en
l'espèce.

b) Le recours de droit administratif au Tribunal
fédéral peut être formé pour violation du droit fédéral,
y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation
(art. 104 let. a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié
par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà
des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). En
outre, lorsque le recours est, comme en l'espèce, dirigé
contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal
fédéral est lié par les faits constatés dans l'arrêt at-
taqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incom-
plets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essen-
tielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

2.- a) Conformément à l'art. 38 ch. 1 CP, lors-
qu'un condamné à la réclusion ou à l'emprisonnement aura
subi les deux tiers de sa peine, ou quinze ans de sa
peine s'il a été condamné à vie, l'autorité compétente
pourra le libérer conditionnellement si son comportement
pendant l'exécution de la peine ne s'oppose pas à son
élargissement et s'il est à prévoir qu'il se comportera
bien en liberté. En cette matière, l'autorité cantonale
dispose d'un pouvoir d'appréciation dont l'usage n'est
censuré par le Tribunal fédéral qu'en cas d'excès ou
d'abus (art. 104 let. a OJ).

La jurisprudence a relevé que la libération con-
ditionnelle constitue la quatrième et dernière étape de
l'exécution de la peine, de sorte qu'elle doit être
considérée comme la règle, de laquelle il convient de
ne s'écarter que s'il y a de bonnes raisons de penser
qu'elle sera inefficace (ATF 124 IV 193 consid. 3 p. 194
et consid. 4d p. 198).

Comme celle portant sur l'octroi ou le refus du
sursis, la décision relative à la libération condition-
nelle repose sur une appréciation globale prenant en con-
sidération les antécédents de l'auteur, sa personnalité,
le degré de son éventuel amendement, les conditions dans
lesquelles il vivra après sa libération ainsi que son
comportement en général d'une part et dans le cadre de la
commission du délit qui est à l'origine de sa condamna-
tion d'autre part. La nature des délits commis par l'in-
téressé n'est, en tant que telle, pas à prendre en
compte, en ce sens que la libération conditionnelle ne
doit pas être exclue ou rendue plus difficile pour cer-
tains types d'infractions. Toutefois, les circonstances
dans lesquelles l'auteur a encouru la sanction pénale
sont pertinentes dans la mesure où elles sont révélatri-
ces de sa personnalité et donnent ainsi certaines indi-
cations sur son comportement probable en liberté (ATF 124
IV 193 consid. 3 p. 195 et les arrêts cités).

b) En l'espèce, il n'est pas contesté que le com-
portement du recourant en détention ne s'oppose pas à sa
libération anticipée.

En revanche, s'agissant du pronostic à effectuer
sur son comportement probable en liberté, il a été cons-
taté ce qui suit: le recourant persiste à nier le carac-
tère illicite des actes pour lesquels il a été condamné
et conteste le jugement suisse ayant attribué l'autorité

parentale à son ex-épouse; en outre, il s'obstine à ne
pas dévoiler l'endroit où séjournent ses enfants et en-
tend les rejoindre en Malaisie puis dans un autre pays.
Il n'éprouve aucun remords vis-à-vis de son ex-épouse et
ne semble pas avoir pris conscience de la gravité des
actes qui lui sont reprochés, ne montrant aucun signe
d'introspection.

Sur la base de telles constatations, l'autorité
cantonale n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en
confirmant le refus de la libération conditionnelle. En
effet, au vu de l'attitude du recourant et de ses décla-
rations, il apparaît clairement qu'une fois en liberté,
il entend rejoindre ses enfants et continuer à cacher
leur lieu de résidence. Il ne manifeste nullement l'in-
tention de les ramener auprès de son ex-épouse et de
rétablir ainsi une situation conforme au droit. Son
intention déclarée de ne pas se soumettre, une fois en
liberté, au jugement suisse ayant attribué l'autorité
parentale à la mère de ses enfants exclut un pronostic
favorable au sens de l'art. 38 ch. 1 CP.

c) Le recourant invoque pêle-mêle une série d'ar-
guments.

aa) Il estime que l'arrêt attaqué ne comporte pas
de motivation suffisante et qu'il élude les arguments
présentés dans le recours cantonal.

La jurisprudence a déduit du droit d'être enten-
du, découlant de l'art. 4 aCst., l'obligation pour l'au-
torité de motiver sa décision afin que l'intéressé puisse
la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que
l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. La mo-
tivation d'une décision est suffisante lorsque l'intéres-
sé est en mesure d'en apprécier la portée et de la défé-

rer à une instance supérieure en connaissance de cause.
Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement,
les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé
sa décision, sans qu'elle soit tenue de répondre à tous
les arguments avancés. Il y a cependant violation du
droit d'être entendu si l'autorité ne satisfait pas à son
devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes
pertinents (ATF 122 IV 8 consid. 2c p. 14 s.).

En l'espèce, la décision cantonale est motivée de
façon suffisante pour que le recourant comprenne pour
quels motifs le Tribunal administratif genevois a confir-
mé le refus de la libération conditionnelle. Pour le sur-
plus, le juge n'a pas l'obligation d'exposer et de discu-
ter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués
par le recourant et il peut passer sous silence ce qui,
sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou
sans pertinence (ATF 121 I 54 consid. 2c). Le recourant
ne démontre pas quels arguments le Tribunal administratif
aurait arbitrairement omis de discuter. Pour le surplus,
on ne distingue aucune violation de son droit d'être en-
tendu ou du principe de la bonne foi.

bb) Le recourant estime qu'exiger du détenu qu'il
reconnaisse l'illicéité de ses actes pour obtenir la li-
bération conditionnelle représente une entrave à l'exer-
cice du droit de saisir la Cour européenne des droits de
l'homme.

Il a été jugé que le refus de reconnaître les
actes ayant conduit à la condamnation ne devait pas for-
cément conduire à un pronostic défavorable et que la
conscience de la faute n'était pas une condition néces-
saire d'une vie exempte d'infractions (ATF 124 IV 193
consid. 5b/ee p. 204). La libération conditionnelle n'est
donc pas subordonnée à une reconnaissance des actes ou de

l'illicéité des actes ayant conduit à la condamnation. Il
s'agit toutefois d'un indice qui peut permettre de poser
un pronostic sur le comportement futur du condamné en
liberté.

cc) Le recourant relève que le refus de la libé-
ration conditionnelle est fondé sur le fait qu'il conti-
nuera à séquestrer ses enfants. Il estime que la quali-
fication juridique de son comportement à la sortie de
prison n'est pas la tâche des autorités de libération
conditionnelle, mais celle du Parquet genevois dans le
cadre d'une nouvelle poursuite.

L'autorité de libération conditionnelle doit po-
ser un pronostic sur le comportement futur du condamné en
liberté. Elle n'a pas à qualifier juridiquement les actes
qu'il risque de commettre. En revanche, elle doit évaluer
si le condamné aura une conduite conforme au droit et aux
décisions entrées en force et tel n'est pas le cas en
l'espèce.

dd) Le recourant estime que juger comme un refus
d'amendement la remise en cause de la validité d'une
condamnation - définitive et exécutoire - motivée par des
preuves d'innocence obtenues ultérieurement, réaliserait
un abus du pouvoir d'appréciation et une violation du
principe d'impartialité garanti par l'art. 30 al. 1 Cst.
et 6 par. 1 CEDH.

Comme il a été exposé ci-dessus, le refus de la
libération conditionnelle du recourant n'est pas exclusi-
vement fondé sur son absence d'amendement. Le pronostic
défavorable est principalement justifié par l'intention
claire du recourant de persister à ne pas rendre les
enfants à leur mère. Le fait qu'il estime son attitude
légitimée par le droit religieux malais confirme qu'il

n'a pas l'intention de se soumettre à la décision suisse
ayant accordé
l'autorité parentale à son ex-épouse. Quant
au grief de violation du principe d'impartialité, il est
irrecevable faute de motivation suffisante.

ee) Le recourant estime que l'absence totale de
considération sur les convictions religieuses d'un père
musulman soucieux de l'éducation religieuse de ses en-
fants réalise une forme de discrimination fondée sur la
religion qui viole l'art. 8 Cst. et les art. 9 et 14
CEDH.

L'arrêt attaqué ne consacre aucune forme de dis-
crimination en raison de la religion du recourant. Le
refus de la libération conditionnelle est fondé sur une
application correcte du droit fédéral sans que la reli-
gion du recourant ait été un critère pris en considéra-
tion.

ff) Enfin, le recourant soutient que la prolon-
gation de sa détention tomberait sous le coup de l'in-
terdiction du traitement inhumain et cruel garantie aux
art. 10 al. 3 Cst. et 3 CEDH.

Le recourant est mal venu d'invoquer le traite-
ment cruel et inhumain alors qu'il impose à ses enfants
depuis bientôt sept ans une séparation totale d'avec leur
mère et qu'il prive celle-ci de tout contact avec eux. Il
ne tient qu'à lui de révéler où ceux-ci séjournent pour
qu'ils puissent retrouver un contact avec leur père et
avec leur mère. Le grief est infondé.

3.- Le recours sera rejeté. Comme il était d'em-
blée dépourvu de chances de succès, l'assistance judi-
ciaire est refusée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant,

qui succombe, supportera un émolument judiciaire (art.
156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 800 francs.

4. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, à la Commission de libération conditionnelle du
canton de Genève et au Tribunal administratif genevois
ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.
_________

Lausanne, le 13 juin 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6A.42/2000
Date de la décision : 13/06/2000
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-13;6a.42.2000 ?
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