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08/06/2000 | SUISSE | N°5C.14/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 juin 2000, 5C.14/2000


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5C.14/2000

IIe C O U R C I V I L E
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8 juin 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, Président, Mme Nordmann,
Juge, et M. Gardaz, Juge suppléant. Greffière: Mme Bruchez.

Dans la cause civile pendante
entre

Dame X._______, demanderesse et recourante, représentée par
Me Mike Hornung, avocat à Genève,

et

X.________, défendeur et intimé, représenté par Me Jean-
Jacques Martin, avocat à Genève;

(divorce)

Vu les pièces du dos

sier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) X.________, né le 28 juillet 1962, et dame
X.________, le 19 janvier 1949, ...

«»

5C.14/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

8 juin 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, Président, Mme Nordmann,
Juge, et M. Gardaz, Juge suppléant. Greffière: Mme Bruchez.

Dans la cause civile pendante
entre

Dame X._______, demanderesse et recourante, représentée par
Me Mike Hornung, avocat à Genève,

et

X.________, défendeur et intimé, représenté par Me Jean-
Jacques Martin, avocat à Genève;

(divorce)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) X.________, né le 28 juillet 1962, et dame
X.________, le 19 janvier 1949, se sont mariés le 12 mai
1995
à Genève. Ils n'ont pas eu d'enfant.

Au moment du mariage, dame X.________ était veuve et
mère de deux enfants issus de sa première union, notamment
de
Y.________ qui vit toujours avec elle. Les époux se sont
connus en 1994 et ont, d'emblée, fait ménage commun,
X.________ étant venu vivre auprès de sa future femme.

b) Les relations entre X.________ et sa belle-fille
n'ont pas été bonnes; Y.________ souffrait de l'attitude de
sa mère, qui prenait toujours le parti de son mari, et se
disputait avec celle-ci au sujet du comportement de son beau-
père. Après le mariage, X.________ a commencé à délaisser
son
épouse; il ne l'accompagnait plus chez leurs amis communs et
sortait seul en fin de semaine et le soir, pour "faire la fê-
te"; il rentrait tard, souvent en état d'ébriété et ne
disait
pas où il allait, obligeant sa femme à téléphoner à ses amis
pour le retrouver; enfin, il ne participait pas aux repas
d'anniversaire de son conjoint. Il en est résulté disputes
et
mésentente au sein du couple.

B.- Le 13 janvier 1998, dame X.________ a ouvert une
action en divorce.

Par jugement du 6 mai 1999, le Tribunal de première
instance du canton de Genève a prononcé la dissolution du ma-
riage, réservé la liquidation du régime matrimonial et com-
pensé les dépens.

Statuant sur l'appel de X.________ le 8 octobre
1999, la Chambre civile de la Cour de justice a annulé ce
jugement, débouté l'épouse des fins de sa demande en divorce
et compensé les dépens.

C.- Dame X.________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Elle conclut au divorce, la liquidation du
régime matrimonial étant réservée.

X.________ propose le rejet du recours. Il sollicite
en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile - compte tenu des fé-
ries de Noël (art. 34 al. 1 let. c OJ) - contre une décision
finale rendue par le tribunal suprême du canton dans une con-
testation civile portant sur un droit de nature non pécuniai-
re (Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, vol. II, n. 1.3.2 ad art. 44 OJ), le recours est
recevable au regard des art. 44, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été consta-
tés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dis-
positions fédérales en matière de preuve n'aient été violées
ou que des constatations ne reposent sur une inadvertance ma-
nifeste (art. 63 al. 2 OJ). Il ne peut pas être présenté de
griefs contre les constatations de fait (art. 55 al. 1 let.
c
OJ) ni contre l'appréciation des preuves à laquelle s'est li-
vrée l'autorité cantonale (ATF 122 III 61 consid. 2c/cc
p. 66; 120 II 97 consid. 2b p. 99; 119 II 84). Les faits nou-
veaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Dans la mesure où la recourante se réfère à des
faits qui ne ressortent pas de l'arrêt entrepris sans démon-
trer que l'une ou l'autre des exceptions susmentionnées se-
rait réalisée, son recours est irrecevable. Il en va notam-
ment ainsi lorsqu'elle se réfère au caractère de l'intimé
avant le mariage ou au permis de séjour de celui-ci.

3.- L'arrêt entrepris ayant été prononcé avant l'en-
trée en vigueur, le 1er janvier 2000 (RO 1999, p. 1142), de
la loi fédérale du 26 juin 1998 modifiant notamment le droit
du divorce, le Tribunal fédéral applique l'ancien droit
(art.
7b al. 3 Tit. fin. CC).

4.- La recourante se plaint d'une violation de
l'art. 142 al. 1 aCC. Elle reproche à la cour cantonale
d'avoir considéré que le lien conjugal n'est pas ruiné au
point que la désunion serait insurmontable.

a) Aux termes de l'art. 142 al. 1 aCC, chacun des
époux peut demander le divorce lorsque le lien conjugal est
si profondément atteint que la vie commune est devenue insup-
portable. Saisi d'une action fondée sur cette norme, le juge
doit examiner si les faits prouvés révèlent une atteinte pro-
fonde au lien conjugal et, dans l'affirmative, si cette at-
teinte est d'une gravité telle que la continuation de la vie
commune ne peut pas être raisonnablement exigée des époux
(cf. la version italienne de l'art. 142 al. 1 aCC). La réso-
lution de cette dernière question dépend, d'une part, du de-
gré et de la forme sous laquelle se manifeste la désunion
et,
d'autre part, de la personnalité des époux. A cet égard, se-
lon les dispositions d'esprit et les circonstances indivi-
duelles d'un conjoint, le même fait permettra ou empêchera
d'imposer à celui-ci la continuation de la communauté conju-
gale (ATF 116 II 15 consid. 2 p. 16-17). Face à des dissen-
sions même sérieuses, chaque conjoint doit, de bonne foi,
faire des efforts pour maintenir le lien matrimonial et sur-

monter les difficultés. Le mariage impose en effet le devoir
de persévérer dans l'union conjugale. Ce n'est que si, eu
égard aux circonstances concrètes, la somme de volonté, d'in-
dulgence et d'abnégation nécessaire au maintien de celle-ci
dépasse la mesure que l'on peut raisonnablement exiger des
époux que le juge doit prononcer le divorce (ATF 98 II 337
consid. 2 p. 337/338 et les références). Il suffit toutefois
que cette condition soit réalisée pour le seul époux deman-
deur (ATF 116 II 15 consid. 2 p. 17 et l'arrêt cité). Le
point de savoir si la poursuite de la vie commune peut,
d'après les faits constatés, être raisonnablement exigée des
parties relève du droit. Les constatations de l'autorité can-
tonale portant sur les facteurs de désunion, sur leur rôle
de
cause à effet dans la rupture du lien conjugal et sur son de-
gré ressortissent en revanche au fait et lient dès lors le
Tribunal fédéral en instance de réforme (ATF 117 II 13 con-
sid. 3 p. 14/15; 113 II 252 consid. 4b/bb p. 258 ab initio;
ATF 98 II 337 consid. 2 p. 337-338; 92 II 137 consid. 2 p.
140 et les références).

b) En l'espèce, si l'autorité cantonale a constaté
que le lien conjugal est profondément atteint, elle a nié
que
cette atteinte soit d'une gravité telle que la continuation
de la vie commune ne puisse être raisonnablement exigée des
époux. Au regard des circonstances du cas d'espèce, cette
opinion viole cependant le droit fédéral. Selon l'arrêt en-
trepris, la cause initiale et première de la mésentente con-
jugale réside dans le conflit qui oppose l'intimé à la fille
de la recourante. Leurs relations n'ont en effet pas été bon-
nes dès avant la conclusion du mariage. On ne saurait toute-
fois reprocher à la recourante de ne pas avoir eu une attitu-
de conforme à sa situation de conjoint, dès lors qu'elle a
pris le parti de son mari contre sa fille et s'est même dis-
putée avec cette dernière au sujet du comportement de son
époux. La recourante a donc fait les efforts nécessaires
pour
préserver le lien conjugal menacé par ce conflit extérieur
au

couple. Par ailleurs, dans la mesure où l'intimé n'était
qu'occasionnellement en état d'ébriété, on ne saurait consi-
dérer qu'il souffrait d'un alcoolisme qui aurait impliqué un
effort particulier de la part de la recourante. Enfin, il ne
faut pas négliger la portée du comportement du mari qui, de-
puis le mariage en 1995, n'accompagne plus sa femme chez
leurs amis communs, ne participe pas aux repas
d'anniversaire
de celle-ci, sort seul, rentre tard et ne dit pas où il va.
Il serait déraisonnable d'imposer à la recourante qu'elle
poursuive la vie commune avec un être qui, en la délaissant
et en se détournant manifestement d'elle, a adopté durable-
ment une attitude de solitaire à l'opposé de l'esprit commu-
nautaire qui fonde l'union conjugale. La somme de volonté,
d'indulgence et d'abnégation qui y serait nécessaire dépasse-
rait la mesure de ce que l'on peut humainement exiger de
l'épouse. L'intimé ne saurait simultanément laisser celle-ci
à l'abandon et réclamer le maintien de l'union.

c) En vertu du principe de l'unité du jugement de
divorce, le juge qui prononce le divorce doit, dans le même
jugement, régler également les effets accessoires. La liqui-
dation du régime matrimonial peut toutefois être renvoyée à
une procédure séparée, lorsque le règlement des autres
effets
accessoires n'en dépend pas (ATF 113 II 97 consid. 2 p. 98
et
les références). Tel est bien le cas en l'espèce, dans la me-
sure où les parties n'ont pas d'enfant commun et n'ont pas
conclu à l'allocation d'une rente d'entretien ou d'assistan-
ce.

Vu ce qui précède, le recours doit être admis et
l'arrêt entrepris réformé en ce sens que le mariage des
époux
X.________ est dissous par le divorce et la liquidation du
régime matrimonial renvoyée ad separatum.

6.- L'intimé, qui succombe, supportera les frais et
dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 et 2 OJ). Ses
conclusions
étant d'emblée dénuées de toute chance de succès, sa requête
d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et réforme l'arrêt entrepris en
ce sens que le mariage des époux X.________, est dissous par
le divorce, la liquidation du régime matrimonial étant réser-
vée.

2. Rejette la demande d'assistance judiciaire de
l'intimé.

3. Met à la charge de l'intimé:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 2'000 fr. à verser à la recou-
rante à titre de dépens.

4. Renvoie l'affaire à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure
cantonale.

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

Lausanne, le 8 juin 2000
BRU/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE,
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.14/2000
Date de la décision : 08/06/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-06-08;5c.14.2000 ?
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