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23/05/2000 | SUISSE | N°2A.78/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 mai 2000, 2A.78/2000


2A.78/2000

«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

23 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Berthoud, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

M.________, représenté par le Centre social protestant, à
Genève,

contre

la décision prise le 20 janvier 2000 par le Département
fédéral de justice et police;

(sta

tut d'apatride)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- M.________, né le 31 janvier 19...

2A.78/2000

«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

23 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Berthoud, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

M.________, représenté par le Centre social protestant, à
Genève,

contre

la décision prise le 20 janvier 2000 par le Département
fédéral de justice et police;

(statut d'apatride)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- M.________, né le 31 janvier 1963 à St-Etienne,
en France, a été interpellé le 5 décembre 1988 à Genève. Il
était démuni de pièce de légitimation, de sorte que son iden-
tité et sa nationalité n'ont pas pu être formellement éta-
blies. L'intéressé a déclaré qu'il avait fréquenté l'école
primaire à St-Etienne, qu'il s'était établi à Bruxelles avec
ses parents à l'âge de 14 ans et qu'il avait quitté le foyer
parental à l'âge de 17 ans pour mener une existence errante
en Belgique, aux Pays-Bas, en France et en Espagne.

Par décision du 23 décembre 1988, le Délégué aux ré-
fugiés a prononcé l'admission provisoire de M.________. Dès
le 5 décembre 1988, l'Office cantonal de la population du
canton de Genève a entrepris en vain de nombreuses démarches
officielles afin d'identifier M.________ et de lui procurer
une pièce d'identité. L'intéressé n'a jamais fourni la moin-
dre indication précise qui aurait permis l'aboutissement de
ces recherches.

Depuis son entrée sur le territoire suisse,
M.________ a fait l'objet de multiples condamnations
pénales.
Il n'a exercé une activité lucrative que sporadiquement et
bénéficie de l'assistance publique.

B.- Par requête du 27 février 1997, M.________ a
sollicité sa reconnaissance en qualité d'apatride. Le 11
décembre 1997, l'Office fédéral des réfugiés a refusé d'en-
trer en matière, pour défaut d'intérêt digne de protection.

Saisi d'un recours, le Département fédéral de jus-
tice et police l'a rejeté, par prononcé du 20 janvier 2000.

Il a retenu en substance que la requête de M.________ devait
être qualifiée d'abusive, dans la mesure où l'intéressé cher-
chait avant tout à faire obstacle à son éloignement de
Suisse, et qu'elle n'était donc pas digne de protection.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, M.________ demande au Tribunal fédéral de consta-
ter que sa requête tendant à la reconnaissance du statut
d'apatride est recevable et d'ordonner à l'autorité infé-
rieure d'entrer en matière. Il invoque la violation du droit
fédéral et de la Convention sur le statut d'apatride et sol-
licite l'assistance judiciaire, soit la dispense de l'avance
de frais et la désignation d'un avocat d'office.

Le Département fédéral de justice et police conclut
au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
125
II 293 consid. 1a p. 299 et les arrêts cités).

Déposé en temps utile contre une décision prise par
une autorité fédérale au sens de l'art. 98 lettre b OJ et
fondée sur le droit public fédéral (notion qui comprend les
normes de droit public international), le présent recours
est
en principe recevable en vertu des dispositions générales
des
art. 97ss OJ (en relation avec l'art. 5 PA), dès lors qu'il
ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions énumérées
aux art. 99 à 101 OJ. Par ailleurs, le recourant a un
intérêt
digne de protection, au sens de l'art. 103 lettre a OJ, pour
se plaindre que la décision attaquée lui refuse le statut
d'apatride par substitution de motifs (abus de droit).

2.- a) Selon l'art. 1er de la Convention relative au
statut des apatrides, conclue à New-York le 28 septembre
1954
(RS 0.142.40) et entrée en vigueur, pour la Suisse, le 1er
octobre 1972 (RO 1972 II 237), le terme "apatride" désigne
une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortis-
sant par application de sa législation. La question de
savoir
si ce terme vise seulement les personnes qui ont été privées
de leur nationalité sans intervention de leur part ou égale-
ment celles qui ont volontairement renoncé à leur
nationalité
ou se sont refusées, sans motifs valables, à entreprendre
les
démarches nécessaires pour recouvrer leur ancienne nationali-
té, n'est cependant pas réglée par la Convention.

b) Les autorités administrative suisses ne recon-
naissent pas, en principe, le statut d'apatride au sens de
l'art. 1er de la Convention du 28 septembre 1954 aux person-
nes qui se laissent sciemment déchoir de leur nationalité.
Tel est le cas notamment des personnes qui abandonnent leur
nationalité durant une procédure d'asile vouée à l'échec
afin
de bénéficier du statut privilégié d'apatride.
L'Organisation
des Nations Unies s'efforce en effet depuis longtemps de ré-
duire au minimum les cas d'apatride. La Convention relative
au statut des apatrides sert au premier chef à aider les per-
sonnes défavorisées par le sort qui, sans elle, seraient
dans
la détresse. Elle n'a pas pour but de permettre à toute per-
sonne qui le désire de bénéficier du statut d'apatride qui
est, à certains égards, plus favorable que celui des autres
étrangers (en matière d'assistance notamment). Reconnaître
ainsi la qualité d'apatride à tout individu qui se
laisserait
déchoir de sa nationalité pour des raisons de convenances
personnelles contreviendrait au but poursuivi par la commu-
nauté internationale. Cela reviendrait, en outre, à
favoriser
un comportement abusif (cf. Samuel Werenfels, Der Begriff
des
Flüchtlings im schweizerischen Asylrecht, Diss. Bâle 1987,
p. 130/131).

c) A la lumière de ces principes, force est de cons-
tater que le recourant a refusé, ou en tout cas s'est abste-
nu, de procéder aux démarches que l'on était en droit d'at-
tendre de lui pour permettre d'établir sa nationalité. En
effet, il n'a fourni que des renseignements très vagues sur
les circonstances de sa naissance et n'a pas davantage donné
d'indications un tant soit peu précises sur son enfance et
son entourage familial. Les circonstances de temps et de
lieu
des différentes étapes de son existence sont évoquées en ter-
mes si généraux qu'elles excluent toute recherche sérieuse
pour tenter de retrouver son identité et sa nationalité. Si
le recourant avait voulu collaborer avec l'Office cantonal
de
la population, il aurait certainement été en mesure de ren-
seigner les autorités de façon utile sur les démarches à en-
treprendre. En outre, le recourant s'est volontairement abs-
tenu de procéder lui-même à des recherches permettant de re-
trouver la trace de ses origines. En fait, il ressort du dos-
sier que le recourant vise avant tout à pouvoir éviter l'ex-
pulsion de Suisse (voir les conditions très strictes prévues
à l'art. 31 de la Convention) et, au travers du statut d'apa-
tride, de bénéficier, au niveau de l'emploi, de la sécurité
sociale et de l'assistance publique, de conditions d'existen-
ce plus favorables que celles réservées aux étrangers admis
provisoirement. Cette attitude constituant un abus de droit,
il ne saurait donc être considéré comme apatride au sens de
l'art. 1er de la Convention relative au statut des
apatrides.
Comme l'a rappelé l'autorité intimée, l'interdiction de
l'abus de droit est en effet un principe général reconnu éga-
lement en droit international (voir notamment Nguyen Quoc
Dinh/Patrick Dailler/Alain Pellet, Droit international pu-
blic, 4ème édition, 1993, No 232, p. 340).

3.- Le recourant reproche encore à l'autorité inti-
mée d'avoir statué directement sur le fond, sans ordonner
les
mesures d'instruction qui auraient dû être prises par l'Offi-
ce fédéral des réfugiés, notamment son audition.

A cet égard, il faut tout d'abord relever que, dans
sa lettre du 30 novembre 1999, l'autorité intimée a claire-
ment signalé au recourant qu'elle envisageait d'examiner
l'affaire sous l'angle de l'abus de droit et lui a donné
l'occasion de s'exprimer sur ce point. Ensuite, la maxime
inquisitoire régissant la procédure administrative est rela-
tivisée par son corollaire, soit le devoir de collaboration
des parties à l'établissement des faits (Ulrich
Häfelin/Georg
Müller, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, Zurich
1993, No 1285 p. 304; ATF 120 V 357 consid. 1a p. 360; 110 V
42 consid. 4a p. 53). Ce devoir concerne en premier lieu
l'administré qui adresse une demande à l'autorité dans son
propre intérêt (cf. art. 13 PA). Il s'impose d'autant plus
lorsqu'il s'agit de faits que l'administré est mieux à même
de connaître, particulièrement de ceux qui ont trait à sa
situation personnelle, laquelle s'écarte de l'ordinaire
(Pierre Moor, Droit administratif, Berne 1991, volume II n.
2.2.6.3 p. 175/176; Friz Gygi,
Bundesverwaltungsrechtspflege,
Berne 1983, 2ème édition, p. 208/209). Or, pendant son
séjour
de plus de onze ans dans le canton de Genève, le recourant
n'a pas collaboré avec les autorités. Les quelques éléments
d'ordre général qu'il a bien voulu communiquer figurent dans
sa requête du 27 février 1997. Dans ces conditions, l'audi-
tion du recourant n'avait guère de sens. Son grief de viola-
tion du droit d'être entendu se révèle ainsi en tous points
manifestement mal fondé.

4.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
rejeté, selon la procédure simplifiée de l'art. 36a OJ. Dès
lors que les conclusions du recours était dépourvues de tou-
tes chances de succès, la demande d'assistance judiciaire
présentée par le recourant doit être rejetée (art. 152 al. 1
OJ). Succombant, le recourant doit supporter les frais judi-
ciaires, qui seront fixés en fonction de sa situation finan-
cière précaire (art. 153, 153a t 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l

vu l'art. 36a OJ,

1.- Rejette le recours.

2.- Rejette la demande d'assistance judiciaire.

3.- Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire réduit de 300 fr.

4.- Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant et au Département fédéral de justice et
police.

________________

Lausanne, le 23 mai 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.78/2000
Date de la décision : 23/05/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-05-23;2a.78.2000 ?
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