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23/05/2000 | SUISSE | N°1P.195/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 mai 2000, 1P.195/2000


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1P.195/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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23 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représentée par Me Henri Carron, avocat à Mon-
they,

contre

le jugement rendu le 18 février 2000 par la Cour de cassa-
tion civile du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans
la cause qui oppose l

a recourante au Juge II du district de
M o n t h e y et à Y.________, représenté par Me André-Fran-
çois Derivaz, ...

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1P.195/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

23 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représentée par Me Henri Carron, avocat à Mon-
they,

contre

le jugement rendu le 18 février 2000 par la Cour de cassa-
tion civile du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans
la cause qui oppose la recourante au Juge II du district de
M o n t h e y et à Y.________, représenté par Me André-Fran-
çois Derivaz, avocat à Monthey;

(procédure d'assistance judiciaire civile; récusation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 5 mai 1999, Y.________ a déposé une demande en
modification du jugement de divorce prononcé le 4 juin 1980,
dans le but de diminuer la pension due à son ex-épouse
X.________ de 500 fr. à 250 fr. par mois. Le montant indexé
de la pension s'élevait à 824 fr. 50. Y.________ a requis
des mesures provisoires.

Le 2 juin 1999, X.________ a conclu au rejet de la re-
quête de mesures provisoires et a demandé l'assistance judi-
ciaire, pour les mesures provisoires et pour le fond.

B.- Le 16 août 1999, le Juge II du district de Monthey,
statuant sur mesures provisoires, a fixé la contribution
d'entretien à 566 fr. par mois.

Par décision du même jour, il a accordé à X.________
l'assistance judiciaire partielle, limitée à la désignation
d'un avocat d'office avec effet au 2 juin 1999. Dans le
calcul du revenu mensuel de l'intéressée, il a tenu compte
de la pension de 824 fr. 50, ramenée à titre provisoire à
566 fr. Le solde disponible s'élevait à 231 fr. 50, ce qui
permettait à la requérante de payer par tranches l'avance de
frais, estimée à 1000 fr.

C.- X.________ a formé un pourvoi en nullité contre
cette décision. Elle concluait à l'octroi de l'assistance
judiciaire totale en produisant un décompte de l'Office can-
tonal de recouvrement et d'avances de pensions alimentaires
(ORAPA) relatif à l'arriéré de pension dû par Y.________. Le
7 octobre 1999, X.________ a produit une copie de la déter-
mination de Y.________ du 4 octobre 1999, dont il résulte

que celui-ci était en retard dans le paiement des pensions
et ne versait que 250 fr. par mois.

Le 14 janvier 2000, le Président de la Cour civile du
Tribunal cantonal valaisan a rejeté la demande d'assistance
judiciaire formée par X.________ pour la procédure de pour-
voi cantonal, et mis à sa charge 50 fr. de frais. Cette dé-
cision a été annulée par arrêt du 22 mai 2000 du Tribunal
fédéral, sur recours de droit public, car elle omettait de
se prononcer sur la rémunération de l'avocat d'office.

Par jugement du 18 février 2000, la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal valaisan a rejeté le pourvoi,
dans la mesure de sa recevabilité: la requérante avait omis
d'indiquer, tant dans sa requête d'assistance judiciaire
que lors de l'audience du 2 juin 1999, les défauts de paie-
ment de Y.________ depuis le mois d'octobre 1998.

D.- X.________ forme un recours de droit public contre
ce jugement, dont elle demande l'annulation. Elle requiert
l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal
fédéral, pour le cas où ses dépens ne pourraient être recou-
vrés.

Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son
jugement. Y.________ a renoncé à se déterminer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours est formé contre un jugement rendu en
dernière instance cantonale. La décision attaquée est certes
de nature incidente, puisqu'elle concerne un refus partiel
d'assistance judiciaire, mais, compte tenu du dommage irré-
parable que ce refus est susceptible de causer à la recou-

rante, le recours est recevable sous l'angle de l'art. 87
OJ, tant dans son ancienne que dans sa nouvelle teneur, en-
trée en vigueur le 1er mars 2000 (ATF 125 I 161 consid. 1
p. 162).

2.- La recourante invoque les art. 58 aCst., 30 al. 1
Cst. et 6 par. 1 CEDH. Elle relève que le Juge cantonal
Z.________ faisait partie de la cour cantonale qui a rejeté
son pourvoi. Or, ce magistrat était précédemment l'avocat de
Y.________ dans la procédure de divorce ayant abouti au ju-
gement rendu le 4 juin 1980. Cela constituerait un cas de
récusation obligatoire au sens de l'art. 25 let. c du code
de procédure valaisan.

a) D'après la jurisprudence rendue en matière de récu-
sation d'un juge, le motif de récusation doit être invoqué
dès que possible, à défaut de quoi le plaideur est réputé
avoir tacitement renoncé à s'en prévaloir (ATF 119 Ia 228 ss
consid. 5a, 118 Ia 284 consid. 3a, 116 Ia 138 consid. 2d).
En particulier, il est contraire à la bonne foi d'attendre
l'issue de la procédure pour se prévaloir de la composition
incorrecte de l'autorité à l'occasion d'un recours, alors
que le motif de récusation était déjà connu auparavant (ATF
114 Ia 280 consid. 3e).

En l'espèce, on ne saurait reprocher à la recourante de
ne pas avoir demandé la récusation du Juge Z.________ au mo-
ment du dépôt de son recours ou, à tout le moins, avant que
la cour cantonale ne statue. En effet, le Tribunal cantonal
comprend onze juges, et les cours sont composées de trois
juges. La recourante ne pouvait donc s'attendre d'emblée à
ce que le magistrat contesté statue sur son pourvoi. S'agis-
sant d'un cas allégué de récusation obligatoire, elle pou-
vait au contraire présumer que le magistrat se récuserait
d'office s'il était appelé à fonctionner dans la cause.

b) Indépendamment des règles cantonales sur l'organisa-
tion et la composition des tribunaux, qui comprennent les
prescriptions relatives à la récusation des juges et dont le
justiciable peut exiger une application exempte d'arbitrai-
re, la garantie d'un tribunal indépendant et impartial ins-
tituée par l'art. 6 par. 1 CEDH, à l'instar de la protection
conférée par les art. 58 aCst. et 30 al. 1 Cst., permet au
plaideur d'exiger la récusation d'un juge dont la situation
ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur
son impartialité. Elle tend notamment à éviter que des cir-
constances extérieures à la cause ne puissent influencer le
jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'im-
pose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention ef-
fective du juge est établie, car une disposition interne de
sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les cir-
constances donnent l'apparence de la prévention et fassent
redouter une activité partiale du magistrat. Seules des cir-
constances constatées objectivement doivent être prises en
considération, les impressions purement individuelles d'une
des parties au procès n'étant pas décisives (ATF 125 I 119
consid. 3a p. 122 et les arrêts cités).

La jurisprudence considère que certains liens, en par-
ticulier professionnels entre un juge et une partie, peuvent
constituer un motif de récusation. Il en va ainsi d'un juge
pénal exerçant la profession d'avocat et ayant un intérêt
financier dans une affaire connexe à la procédure pénale
(ATF 116 Ia 135), d'un juge à temps partiel lié à une partie
par un contrat de mandat en qualité d'avocat ou intervenu à
plusieurs reprises pour une partie en tant qu'avocat (ATF
116 Ia 485 consid. 3 p. 488 ss), ou d'un juge suppléant ap-
pelé à statuer dans une affaire soulevant les mêmes ques-
tions juridiques qu'une autre cause pendante qu'il plaide
comme avocat (ATF 124 I 121).

c) Il n'est pas contesté que le Juge Z.________, alors
avocat à Monthey, était bien le mandataire de Y.________, en
tout cas jusqu'au prononcé du jugement de divorce du 4 juin
1980 qui, au point 5 de son dispositif, fixe la pension men-
suelle en faveur de la recourante à 500 fr. Même si quelque
vingt ans se sont écoulés depuis ce jugement, on ne saurait
admettre la participation de ce magistrat à la procédure de
modification du jugement de divorce, car les questions qui
se posent dans ce cadre se situent dans le prolongement de
la procédure de divorce, et la recourante pourrait avoir des
raisons objectives suffisantes de douter de l'impartialité
du Juge Z.________. Il n'en va pas différemment de la procé-
dure d'assistance judiciaire: il s'agit certes d'une procé-
dure administrative, formellement distincte de la procédure
au fond, mais les questions à résoudre dans ce cadre sont
voisines: l'autorité d'assistance judiciaire doit rechercher
d'une part si le requérant est démuni, ce qui oblige à exa-
miner ses revenus et fortunes, compte tenu, dans le cas
d'espèce, de la pension alimentaire versée, effectivement ou
non; elle doit d'autre part examiner les chances de succès
sur le fond.

En l'espèce, la recourante faisait valoir, dans son
pourvoi en nullité, que l'intimé était en retard dans le
paiement de la pension alimentaire et qu'il en avait sponta-
nément réduit le montant à 250 fr., soit autant de reproches
formulés à l'encontre de son ex-mari. Même si la cour canto-
nale n'a pas examiné ces griefs, pour des motifs de procédu-
re, cela ne change rien à la suspicion que la recourante
pouvait légitimement avoir à l'encontre du Juge Z.________;
le fait que ce magistrat ait été l'avocat de Y.________ dans
le cadre de la procédure de divorce aurait dû conduire à sa
récusation.

3.- Le recours de droit public doit par conséquent être
admis pour ce motif. Le jugement attaqué est annulé, et il

appartiendra à la cour cantonale de statuer à nouveau, dans
une autre composition, sur le pourvoi qui lui était soumis.
La recourante, qui obtient gain de cause, a droit à une in-
demnité de dépens; celle-ci est mise à la charge de l'Etat
du Valais, Y.________ n'ayant procédé ni en instance canto-
nale, ni devant le Tribunal fédéral. L'octroi de dépens rend
sans objet la demande d'assistance judiciaire formée pour
les besoins de la procédure fédérale. Il n'est pas perçu
d'émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours, annule le jugement attaqué et ren-
voie la cause à l'autorité intimée pour nouveau jugement.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Alloue à la recourante une indemnité de dépens de
700 fr., à la charge de l'Etat du Valais.

4. Déclare sans objet la demande d'assistance judiciai-
re.

5. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties, au Juge II du district de Monthey et à la Cour
de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Va-
lais.

Lausanne, le 23 mai 2000
KUR/mnv
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.195/2000
Date de la décision : 23/05/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-05-23;1p.195.2000 ?
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