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19/05/2000 | SUISSE | N°U.199/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 mai 2000, U.199/99


«»
U 199/99 Co

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 19 mai 2000

dans la cause

S.________, recourant, représenté par G.________, avocat,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- S.________, travaillait comme ouvrier de chantier
au service de l'entreprise I.________ SA. A ce titre, il
était

assuré contre le risque d'accident auprès de la Cais-
se nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 10 août 199...

«»
U 199/99 Co

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 19 mai 2000

dans la cause

S.________, recourant, représenté par G.________, avocat,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- S.________, travaillait comme ouvrier de chantier
au service de l'entreprise I.________ SA. A ce titre, il
était assuré contre le risque d'accident auprès de la Cais-
se nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 10 août 1992, l'employeur de l'assuré a fait par-
venir à la CNA une déclaration d'accident indiquant que le
10 juillet 1992 ce dernier avait heurté son épaule droite
contre le montant d'un échafaudage. Consulté quelques jours
après l'événement accidentel, le docteur M.________ a
attesté une incapacité de travail du 31 juillet au 14 août
1992. La CNA a pris en charge le cas.
Le 5 novembre 1992, l'assuré a annoncé une rechute
survenue le 26 octobre 1992 à la suite d'un effort de trac-
tion accompli durant son travail. Dans le rapport médical
initial LAA, le docteur M.________ a fait état d'une suspi-
cion de rupture de la coiffe des rotateurs; il a par
ailleurs attesté une incapacité de travail du 26 novembre
1992 au 13 décembre 1992, puis du 4 mai 1993 au 10 janvier
1995. Souffrant de douleurs persistantes, S.________ a
subi, le 23 juin 1993, une intervention chirurgicale à
l'Hôpital cantonal qui a mis en évidence une déchirure du
bourrelet glénoïdien. Le traitement ayant échoué, une deu-
xième opération a été pratiquée à l'Hôpital de X.________
le 11 mai 1994. Examiné le 10 mai 1995 par le docteur
P.________, médecin d'arrondissement de la CNA, l'assuré a
été, pour l'atteinte subie à l'épaule droite, reconnu inca-
pable de travailler à 50 % (rapport du 11 mai 1995). Se
fondant sur cette appréciation médicale, la CNA l'a
informé, par lettre du 2 juin 1995, qu'elle verserait
dorénavant les indemnités journalières sur cette base.
En automne 1995, S.________ s'est soumis à un bilan
médical pluridisciplinaire à l'Hôpital de zone de
X.________ sous la direction du docteur V.________. Il
ressort des examens effectués à cette occasion que sur le
plan somatique, l'état de santé de l'assuré pouvait être
considéré comme stabilisé et qu'une pathologie organique
majeure était à exclure (rapports des docteurs A.________,
rhumatologue, et B.________, neurologue, respectivement des
29 sep- tembre et 2 octobre 1995); en revanche, sur le plan
psychique, ce dernier souffrait d'une réaction dépressive

prolongée avec des troubles de la personnalité (rapport des
docteurs C.________ et D.________ du 24 octobre 1995). Le
14 mai 1996, le docteur P.________ a procédé à un examen
final, au terme duquel il a conclu d'une part, que la CNA
n'avait pas à répondre des troubles psychiques de l'assuré
et, d'autre part, que ce dernier était apte, nonobstant une
certaine limitation fonctionnelle de son épaule droite, à
travailler à 100 % dans une activité adaptée. La CNA lui a
dès lors alloué une rente d'invalidité de 25 % dès le 1er
juillet 1996 ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'in-
tégrité physique au taux de 15 % (décision du 2 septembre
1996). Antérieurement, l'assurance-invalidité l'avait mis
au bénéfice d'une rente entière d'invalidité à partir du
1er sep- tembre 1993 (décision du 28 novembre 1995).
Le 5 septembre 1996, l'assuré a contesté la validité
formelle de la lettre du 2 juin 1995, par laquelle la CNA
lui avait communiqué le versement de ses prestations sur la
base d'un taux d'incapacité de travail de 50 %. Par déci-
sion du 25 septembre 1996, la CNA a confirmé sa prise de
position initiale.
Saisie de deux oppositions, elle les a écartées par
décision du 20 mars 1997.

B.- L'assuré a recouru contre cette décision sur oppo-
sition devant la Chambre des assurances du Tribunal canto-
nal jurassien en concluant à son annulation. Il a invité
les premiers juges à dire qu'il avait droit, en premier
lieu, à des indemnités journalières pleines et entières dès
le 1er juin 1995, en second lieu, à une rente d'invalidité
de 100 % ou, à tout le moins, supérieure à 25 % pour le cas
où le passage à la rente devait être confirmé à partir du
1er juillet 1996 et, enfin, à une indemnité pour atteinte à
l'intégrité d'un taux de 30 %. Subsidiairement, il a conclu
au renvoi de la cause à la CNA pour nouvelle décision. La
CNA a conclu au rejet du recours et appelé en cause la
Visana, caisse-maladie à laquelle l'assuré est affilié.

Par jugement du 20 avril 1999, le tribunal cantonal a
rejeté le recours.

C.- S.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation. Il
conclut, sous suite de frais et dépens, à l'octroi d'indem-
nités journalières fondées sur un taux d'incapacité de tra-
vail de 100 % du 1er juin 1995 au 30 juin 1996 et, à partir
du 1er juillet 1996, d'une rente d'invalidité de 100 % ou
en tous cas supérieure à 25 %. Il a, en outre, sollicité le
bénéfice de l'assistance judiciaire, requête qu'il a reti-
rée en cours d'instruction par lettre du 25 novembre 1999.
La CNA conclut au rejet du recours.
Invitée à se déterminer en tant que de co-intéressée, la
caisse-maladie Visana soutient qu'il existe un lien de cau-
salité naturelle et adéquate entre les troubles psychiques
présentés par l'assuré et l'accident dont ce dernier a été
victime et propose, dans cette mesure, l'admission du re-
cours.
De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales
n'a pas présenté de détermination.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur les prestations d'assurance à
charge de l'intimée (indemnités journalières et rente d'in-
validité) auxquelles le recourant peut prétendre à partir
du 1er juin 1995 ensuite de l'événement accidentel survenu
le 10 juillet 1992.

2.- Le jugement entrepris expose de manière exacte et
complète les dispositions légales et les principes juris-
prudentiels applicables en l'espèce, notamment en ce qui
concerne l'exigence d'un rapport de causalité (naturelle et
adéquate) entre les atteintes à la santé et le risque assu-

ré; il suffit donc d'y renvoyer. Du point de vue formel, il
convient cependant de rappeler aux juges cantonaux que dans
sa version française la loi ne connaît que le sigle CNA
pour désigner l'intimée (art. 58 ss LAA).

3.- Le recourant invoque tout d'abord une violation de
l'art. 99 LAA. A ses yeux, l'intimée avait l'obligation de
rendre une décision formelle portant sur la diminution du
montant des prestations qui lui ont été versées à partir du
1er juin 1995 sur la base d'un taux d'incapacité de travail
de 50 %. Comme la lettre du 2 juin 1995 de la CNA ne revêt
pas cette qualité, il estime avoir droit rétroactivement à
des indemnités journalières entières aussi longtemps qu'une
décision formelle contraire n'est pas entrée en force.
Aux termes de l'art. 99 LAA, les assureurs doivent
rendre une décision écrite quant aux prestations et aux
créances qui ont une portée importante ou que l'intéressé
conteste. En l'occurrence, aussitôt que le recourant a ma-
nifesté son désaccord avec le taux d'incapacité de 50 % re-
tenu par l'intimée - soit seulement en septembre 1996 -
cette dernière a rendu une décision formelle à ce sujet,
conformément à la disposition précitée. Le grief tombe
ainsi à faux. Au surplus, le recourant méconnaît le fait
que la procédure prévue à l'art. 99 LAA est justement des-
tinée à obliger l'assureur-accidents à confirmer à bref
délai sa position initiale dans un acte formel,
susceptible, le cas échéant, d'être attaqué. Aussi bien les
prétentions du recourant, dans la mesure où elles
s'appuient sur la prétendue inefficacité de la lettre du
2 juin 1995, sont-elles manifestement infondées.

4.- a) En second lieu, S.________ fait valoir que
c'est à tort que tant la CNA que les premiers juges ont nié
l'existence d'un rapport de causalité naturelle et adéquate
entre les troubles psychiques dont il souffre et l'accident
du 10 juillet 1992. A cet égard, il conteste s'être heurté

contre les montants d'un échafaudage et allègue être tombé
d'une hauteur de 2 mètres sur une dalle en béton.

b) Cette version des circonstances de l'accident di-
verge des premières déclarations que le recourant a faites
à la CNA. Celui-ci explique cette différence par le fait
que c'est son employeur qui a rempli le formulaire LAA.
Toutefois, il a lui-même signé le 7 septembre 1992 un do-
cument dans lequel il mentionnait s'être tapé l'épaule con-
tre le montant d'un échafaudage alors qu'il reculait pour
saisir du matériel. En outre, son médecin traitant, le doc-
teur M.________, n'a jamais fait allusion à une chute dans
ses rapports à l'intention de l'intimée. Dans ces
conditions, il se justifie, à l'instar des premiers juges,
d'accorder la préférence à la version des faits que
l'assuré a donnée en premier lieu (ATF 121 V 47 consid. 2a
et les références).

c) Pour E.________, psychologue et expert mandaté par
l'assurance-invalidité, l'assuré souffre de troubles
psychiques sous la forme d'un état de stress post-trauma-
tique atypique (rapport du 8 décembre 1994). De leur côté,
les docteurs C.________ et D.________ du Centre
psycho-social de Z.________ ont fait état "d'angoisses de
perte et de mort qui ont été réactivées par l'atteinte
physique initiale et l'échec de la première intervention
chirurgicale" (rapport du 24 octobre 1995). Sur la base de
ces constatations médicales, le lien de causalité naturelle
entre l'événement accidentel et les troubles psychiques du
recourant peut être admis. Il suffit en effet que cet
événement apparaisse comme l'une des causes de l'affection
psychique, ce qui est le cas en l'occurrence.
En revanche, le caractère adéquat de la causalité doit
être nié ainsi que l'ont démontré les premiers juges de ma-
nière convaincante. Sur ce point, l'argumentation du recou-
rant, qui se fonde essentiellement sur la jurisprudence dé-
veloppée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt S.

(ATF 96 II 392) est dénuée de toute pertinence
(ATF 123 V 104 consid. 3d). En effet, au regard de son dé-
roulement, l'accident du 10 juillet 1992 se situe sans con-
teste dans la limite inférieure des accidents de gravité
moyenne et ce, même s'il s'était agi, comme l'allègue le
recourant, d'une chute d'une hauteur de 2 mètres (cf. RAMA
1998 no U 307 p. 449). Or, il n'existe aucune circonstance
de nature à faire apparaître l'accident en cause comme im-
pressionnant ou particulièrement dramatique. Par ailleurs,
l'assuré a chaque fois repris son activité deux semaines
après avoir interrompu le travail et la lésion subie est,
en définitive, peu importante. Enfin, si la durée de l'in-
capacité de travail à partir du mois de mai 1993, due no-
tamment à l'échec de la première intervention chirurgicale,
est certes importante, cet élément ne saurait à lui seul
suffire pour admettre l'existence d'un lien de causalité
adéquate, les critères dégagés par la jurisprudence en ce
domaine devant se trouver cumulés en cas d'accident de
moindre gravité (cf. ATF 115 V 403 ss). C'est dès lors à
juste titre que la juridiction cantonale a considéré que
l'intimée n'était pas tenue de verser des prestations pour
les conséquences des affections de nature psychique dont
souffre le recourant.

d) Compte tenu de ce qui précède, la CNA n'a donc à
répondre que de l'incapacité de travail du recourant décou-
lant de l'atteinte à son épaule droite. A la lumière de
l'ensemble des rapports médicaux versés au dossier, il
n'existe pas de motif de s'écarter du taux retenu par le
docteur P.________ à partir du 1er juin 1995, puis du 14 mai
1996. Quant au montant de la rente d'invalidité auquel
l'intimée est parvenue en se fondant sur différentes en-
quêtes économiques internes, il n'apparaît pas non plus
critiquable.
Le recours se révèle par conséquent mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal cantonal jurassien, Chambre des assurances, à
la Caisse-maladie Visana et à l'Office fédéral des as-
surances sociales.

Lucerne, le 19 mai 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des asusrances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.199/99
Date de la décision : 19/05/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-05-19;u.199.99 ?
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