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18/05/2000 | SUISSE | N°1P.7/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 mai 2000, 1P.7/2000


«AZA 3»

1P.7/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

18 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Jean-Marc Froidevaux, Guy Dossan et Robert Pattaroni, tous à
Genève et représentés par Me Philippe Cottier, avocat à
Genève,

contre

l'arrêté pris le 17 novembre 1999 par le Conseil d'Etat du

canton de Genève, dans la cause qui oppose les recourants à
la Ville de Genève;

(art. 85 let. a OJ; référendum financ...

«AZA 3»

1P.7/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

18 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Jean-Marc Froidevaux, Guy Dossan et Robert Pattaroni, tous à
Genève et représentés par Me Philippe Cottier, avocat à
Genève,

contre

l'arrêté pris le 17 novembre 1999 par le Conseil d'Etat du
canton de Genève, dans la cause qui oppose les recourants à
la Ville de Genève;

(art. 85 let. a OJ; référendum financier)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par arrêté du 16 octobre 1996, le Conseil muni-
cipal de la Ville de Genève a ouvert un crédit de 2,5 mil-
lions de fr. pour permettre la réalisation de l'aménagement
de la rue de Rive entre la Place Longemalle et la rue d'Ita-
lie. Cet aménagement a pour cadre le nouveau dispositif de
circulation de la Vieille-Ville de Genève, après la construc-
tion du garage public de Saint-Antoine.

B.- Le 11 février 1998, lors de l'adoption du pro-
gramme financier quadriennal, le Conseil municipal décida
d'ajouter au périmètre à l'étude le secteur de la
Rôtisserie,
comprenant les rues de la Rôtisserie, de la Madeleine, du
Purgatoire et du Vieux-Collège, toutes parallèles aux rues
basses, ainsi que la Place des Trois-Perdrix, la rue Frank-
Martin et la rue de la Pélisserie. Le secteur fut classé rue
résidentielle (avec vitesse limitée à 20 km/h) le 24 juin
1998 par arrêté du Département cantonal de justice et police
et des transports (DJPT). Les mesures de modération du
trafic
n'ayant pas été réalisées, le DJPT instaura le 18 août 1999
une zone limitée à 30 km/h, tout en se déclarant prêt à ré-
instaurer le régime de zone résidentielle lorsque la Ville
serait en mesure de financer les aménagements nécessaires.

C.- Le 25 août 1999, le Conseil administratif de la
Ville de Genève fit part au DJPT de son intention de réali-
ser, dans les trois mois, des mesures de modération et de
signalisation provisoires, notamment la mise en place de six
seuils de ralentissement. Le 8 septembre 1999, répondant à
une motion pour le maintien des rues Vieux-Collège, Madelei-
ne, Rôtisserie en zone résidentielle, le Conseil administra-
tif indiqua que ces travaux seraient financés par le crédit
de réfection des chaussées et trottoirs de la rue de Rive
décidé le 16 octobre 1996. Pour l'aménagement à plus long

terme, le secteur de la Rôtisserie était déjà compris dans
la
2ème phase d'étude, dont le crédit avait été voté le 10 fé-
vrier 1998.

Le 27 septembre 1999, le DJPT adopta un nouvel ar-
rêté limitant la vitesse à 20 km/h, à titre de mesures tem-
poraires de chantier.

D.- Le 12 octobre 1999, sur proposition du Conseil
administratif, le Conseil municipal a adopté une résolution
par laquelle 300'000 fr. étaient prélevés sur le solde du
crédit de 2,5 millions de fr. voté le 16 octobre 1996, afin
de financer l'aménagement provisoirement du périmètre de la
Rôtisserie en zone résidentielle. Ce périmètre, adjacent aux
rues du Marché, de la Croix-d'Or et de Rive et relié à ces
trois artères par des espaces piétonniers, s'inscrivait dans
le cadre du réaménagement du centre-ville et pouvait être fi-
nancé par les mêmes moyens. Les travaux ont commencé immédia-
tement et sont actuellement achevés.

E.- Le 13 octobre 1999, Jean-Marc Froidevaux, Guy
Dossan et Robert Pattaroni, citoyens genevois, ont recouru
auprès du Conseil d'Etat du canton de Genève contre cette
résolution. S'agissant de travaux publics, le Conseil muni-
cipal aurait dû adopter une délibération, soumise au référen-
dum, et non une résolution qui y est soustraite. L'utilisa-
tion d'un solde de crédit, voté pour d'autres travaux,
n'était pas possible, de sorte qu'un crédit extraordinaire
devait être demandé. Les travaux projetés n'était pas suffi-
samment décrits. L'effet suspensif était requis.

F.- Par arrêté du 17 novembre 1999, le Conseil d'E-
tat a déclaré le recours irrecevable. La résolution prise
par
le Conseil municipal, dépourvue d'effet juridique, n'était
pas susceptible de recours et les recourants n'indiquaient
pas quel autre acte, du législateur ou du gouvernement commu-

nal, ils entendaient attaquer. La demande d'effet suspensif
-
rejetée à titre provisoire au motif que le recours n'était
pas dirigé contre l'autorisation relative aux travaux propre-
ment dits - a été déclarée sans objet.

G.- Jean-Marc Froidevaux, Guy Dossan et Robert Pat-
taroni forment un recours de droit public contre l'arrêté du
Conseil d'Etat, dont ils demandent l'annulation pour viola-
tion des droits politiques.

Le Conseil d'Etat se réfère à son arrêté. La Ville
de Genève conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiaire-
ment à son rejet. Les parties ont répliqué et dupliqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédé-
ral connaît des recours de droit public concernant le droit
de vote des citoyens et de ceux qui ont trait aux élections
et aux votations cantonales, quelles que soient les disposi-
tions de la constitution cantonale et du droit fédéral régis-
sant la matière. Au niveau cantonal et communal, les droits
protégés selon l'art. 85 let. a OJ correspondent donc à l'en-
semble des droits que confèrent aux citoyens les
dispositions
constitutionnelles ou législatives qui définissent les condi-
tions et modalités de l'exercice des droits politiques ou en
précisent le contenu ou l'étendue. Les règles relatives au
référendum financier, obligatoire ou facultatif, telles que
celles invoquées par les recourants, sont comprises dans
cette définition (cf. ATF 123 I 41 consid. 6b p. 46 et les
références).

b) La qualité pour recourir appartient à toute
personne à laquelle la législation cantonale accorde l'exer-
cice des droits politiques pour participer à la votation en
cause - en particulier à celle qui aurait lieu en cas de ré-

férendum -, même si elle n'a aucun intérêt juridique person-
nel à l'annulation de l'acte attaqué; les exigences de
l'art.
88 OJ, applicables dans ce domaine aussi, sont remplies lors-
que le recourant peut se prévaloir des droits attachés à sa
qualité de citoyen actif (ATF 123 I 41 consid. 6a; 121 I 138
consid. 1, 357 consid. 2a; 119 Ia 167 consid. 1b-d et les
arrêts cités). Les recourants, citoyens genevois domiciliés
en Ville de Genève, remplissent manifestement ces conditions.

c) Selon la Ville de Genève, les recourants ne se
seraient jamais plaint d'une violation de leurs droits poli-
tiques dans la procédure cantonale. Faute d'épuisement des
griefs au sens de l'art. 86 OJ, le recours serait irreceva-
ble. A la lecture du recours adressé au Conseil d'Etat, on
constate au contraire que les recourants reprochaient au Con-
seil municipal d'avoir procédé par résolution, alors que le
crédit devait faire l'objet d'une délibération soumise au
référendum conformément aux art. 59 à 63 de la constitution
genevoise (cst./GE). Les recourants font d'ailleurs expressé-
ment référence (recours cantonal, p. 5) au droit de vote au
sens de l'art. 85 OJ.

Par ailleurs, la Ville de Genève soutient qu'un re-
cours au Tribunal administratif aurait été recevable. L'art.
180 al. 1 let. b de la loi genevoise sur l'exercice des
droits politiques (LDP/GE, dans sa teneur antérieure à la
modification entrée en vigueur le 1er janvier 2000) prévoit
un tel recours contre la violation de la procédure relative
aux opérations électorales cantonales et communales, et la
jurisprudence du Tribunal administratif étendrait la portée
de cette disposition. La Ville de Genève cite le cas d'un
recours concernant le libellé d'une demande de référendum;
elle ne mentionne toutefois aucun arrêt qui admettrait la
recevabilité d'un recours dirigé contre un acte du parlement
cantonal, en particulier une résolution. Dans sa réponse, le
Conseil d'Etat relève pour sa part que l'art. 180 LDP
n'ouvre

pas la voie du recours au Tribunal administratif lorsque la
violation alléguée des droits politiques a sa source dans un
acte qui n'est pas une décision, ou qui ne s'inscrit pas
dans
le cadre de la procédure des opérations électorales. Or, le
moment où le Conseil municipal se prononce, par voie délibé-
rative ou consultative, est antérieur à l'ouverture des opé-
rations électorales visées par l'art. 180 LDP. L'arrêté atta-
qué ne retient d'ailleurs pas non plus la possibilité d'un
recours à une autre autorité que le Conseil d'Etat. Il y a
donc lieu de considérer que la règle d'épuisement des instan-
ces est respectée.

d) Saisi d'un recours pour violation des droits po-
litiques, le Tribunal fédéral revoit librement l'interpréta-
tion et l'application du droit fédéral, du droit constitu-
tionnel cantonal, ainsi que des dispositions cantonales de
rang inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote;
toutefois, lorsque la portée d'une disposition est fortement
douteuse, le Tribunal fédéral ne s'écarte pas de la solution
adoptée par le parlement ou, de façon expresse ou tacite,
par
le peuple du canton. Il n'examine en revanche que sous l'an-
gle de l'arbitraire l'interprétation d'autres règles du
droit
cantonal (ATF 123 I 175 consid. 2d/aa; 121 I 1 consid. 2,
291
consid. 1c, 334 consid. 2b, 357 consid. 3 et les arrêts ci-
tés).

2.- Le Conseil d'Etat a refusé d'entrer en matière
sur le recours qui lui était soumis. Selon l'art. 86 al. 1
de
la loi sur l'administration des communes (LAC), le recours
au
Conseil d'Etat est ouvert, notamment, contre toute délibéra-
tion d'un conseil municipal revêtant la forme d'un acte admi-
nistratif. Cette dernière notion, plus large que celle de dé-
cision, vise tous les actes étatiques déployant des effets
juridiques. Or, la résolution prise par le Conseil municipal
ne déployait pas un tel effet.

Les recourants combattent cette thèse en relevant
qu'aux termes des art. 29 et 30 LAC, le Conseil municipal
statue, notamment sur les projets de travaux publics, sous
la
forme d'une délibération sujette à référendum. Les dépenses
ne peuvent, par ailleurs, être engagées qu'en vertu d'une
telle délibération. Il ne serait pas admissible que le Con-
seil municipal puisse utiliser un solde de crédit non utili-
sé, à d'autres fins que celles prévues à l'origine, car cela
permettrait d'éluder le contrôle démocratique. Le Conseil
d'Etat ne pouvait dès lors se borner à constater que l'acte
attaqué était une résolution, sans effet juridique, puisque
l'acte du Conseil municipal était, matériellement, une déli-
bération.

Dans sa réponse, la Ville de Genève rappelle les six
cas dans lesquels l'art. 30A LAC prévoit l'adoption d'une ré-
solution; cette liste ne serait pas exhaustive. Elle relève
que, selon l'art. 60 al. 2 cst./GE, les dispositions budgé-
taires communales ne sont soumises à référendum que si elles
introduisent une dépense ou une recette nouvelle ou
modifient
le chiffre d'une dépense ou d'une recette de l'exercice pré-
cédent. En l'espèce, le crédit sur lequel ont été prélevé
les
fonds avait déjà été voté, et le Conseil administratif dispo-
serait d'une certaine liberté dans l'affectation de ce cré-
dit, qui n'a pas encore été bouclé, dès lors que la Rôtisse-
rie ferait partie du secteur du centre-ville concerné par le
crédit initial. Le Conseil municipal aurait simplement expri-
mé son avis consultatif sur cette question.

3.- L'art. 157 Cst./GE a la teneur suivante:

Art. 157 Dépenses

1Les dépenses résultant des travaux exécutés dans
le territoire de la Ville sont supportées par cette
dernière.

2Elles sont soumises à l'approbation du Conseil
municipal de la Ville, si la loi cantonale sur les
routes n'en dispose pas autrement.

Selon les art. 59 et 60 cst./GE, le référendum peut
être demandé par 4000 électeurs de la Ville de Genève à l'en-
contre des dispositions budgétaires qui introduisent une dé-
pense ou une recette nouvelle ou qui modifient le chiffre
d'une dépense ou d'une recette de l'exercice précédent. Les
compétences du Conseil municipal sont réglées par la loi sur
l'administration des communes (art. 156 Cst./GE), dont les
art. 29 et 30 sont ainsi libellés:

Art. 29 Fonctions délibératives et consultatives

1Le Conseil municipal exerce des fonctions
délibératives et consultatives.
2Les fonctions délibératives s'exercent par l'adop-
tion de délibérations soumises au référendum con-
formément aux art. 59 à 63 de la constitution, à
l'exception des délibérations sur les naturalisa-
tions et sur la validité des initiatives munici-
pales.
3Les fonctions consultatives s'exercent sous la
forme de résolutions, d'avis ou de propositions non
soumis à référendum.

Art. 30 Fonctions délibératives

Le Conseil municipal délibère sur les objets sui-
vants:
[...]
m) les projets de construction, de transformation
ou de démolition d'immeubles communaux, d'ouverture
ou de suppression de voies publiques communales, de
travaux publics, [...]

L'art. 30A LAC énumère les fonctions consultatives
par lesquelles le Conseil communal préavise sous forme de ré-
solution, notamment à certains projets de plans. Selon
l'art.
12 du règlement d'application de la LAC (RAC), l'avis ou la
proposition émis à titre consultatif n'est pas soumis à réfé-
rendum. L'art. 19 RAC prévoit qu'aucune dépense ne peut être

engagée sans avoir fait l'objet préalablement d'une délibéra-
tion en application de l'art. 30 de la loi. Dans sa version
antérieure au 1er janvier 2000, l'art. 86 al.
1 LAC
prévoyait
que toute délibération d'un conseil municipal qui revêt la
forme d'un acte administratif et toute décision d'un
exécutif
communal peuvent faire l'objet d'un recours au Conseil d'E-
tat.

4.- On peut effectivement s'interroger sur la perti-
nence de l'argumentation retenue par le Conseil d'Etat pour
déclarer irrecevable le recours qui lui était soumis: le Con-
seil d'Etat ne pouvait se contenter de relever que le
Conseil
municipal avait adopté la voie de la résolution, puisque
c'est précisément ce mode de procéder qui était contesté par
les recourants. Il convenait de rechercher si la procédure
adoptée correspondait aux exigences légales ou si, comme le
soutiennent les recourants, la voie choisie éludait les
droits politiques en soustrayant au référendum un objet qui
aurait dû y être soumis. L'arrêté attaqué évoque la possibi-
lité de recourir contre un autre acte du Conseil municipal
ou
administratif, sans toutefois préciser quel pourrait être
cet
acte. La Ville de Genève soutient qu'un recours aurait été
possible à l'encontre de la décision du Conseil
administratif
relatif à l'utilisation du solde de crédit; elle perd toute-
fois de vue que le grief soulevé par les recourants a trait
uniquement au mode de délibération adopté par le Conseil com-
munal, et il n'est pas établi qu'un recours dirigée contre
une décision de l'exécutif communal et formé, le cas
échéant,
pour violation de la séparation des pouvoirs, eut permis de
faire valoir une violation des droits politiques (cf. pour
le
recours de droit public fondé sur l'art 85a OJ, l'arrêt du
21
septembre 1988 publié in SJ 1989 p. 338). Il est certes pos-
sible que, comme le soutient la Ville de Genève, l'énuméra-
tion des fonctions consultatives figurant à l'art. 30A LAC
ne

soit pas exhaustive, mais cela ne dispense pas d'examiner si
la procédure suivie est ou non conforme aux droits politi-
ques.

Il n'y a pas lieu pour autant d'annuler la décision
attaquée. En effet, comme on le verra ci-dessous, la procédu-
re suivie par le Conseil municipal ne porte pas atteinte aux
droits politiques.

5.- Pour les recourants, l'affectation de 300'000
fr. du solde de crédit de 2,5 millions de fr. pour les tra-
vaux provisoires réalisés dans le secteur de la Rôtisserie,
constituerait une dépense nouvelle au sens notamment des
art.
60 al. 2 cst./GE et 19 RAC. Même si l'affectation d'un solde
de crédit ne peut être assimilée sans autre à une dépense
nouvelle, dans la mesure où le crédit initial était déjà
soumis au référendum, il y a lieu de rechercher, en s'inspi-
rant des concepts de dépenses nouvelles et liées, si le cré-
dit voté le 16 octobre 1996 pouvait être par la suite étendu
aux travaux d'aménagement provisoire du secteur de la Rôtis-
serie.

a) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une
dépense est liée lorsque son principe et son étendue sont
fixés par une norme légale, lorsqu'elle est absolument néces-
saire à l'accomplissement d'une tâche ordonnée par la loi,
ou
encore lorsqu'il faut admettre que le peuple, en adoptant
précédemment le texte de base, a aussi approuvé la dépense
qui en découle, soit qu'il s'agit de répondre à un besoin
prévisible, soit que le choix des moyens à mettre en oeuvre
est indifférent. Une dépense est en revanche nouvelle lors-
qu'elle se rapporte à une tâche qui sort du champ d'activité
antérieur de l'administration ou lorsqu'elle découle d'un
acte normatif qui laisse à l'autorité une marge de manoeuvre
relativement importante, quant au principe de la dépense ou
à ses modalités (ATF 125 I 87 consid. 3b p. 90). Il y a

dépense nouvelle chaque fois que celle-ci n'était pas pré-
visible pour les citoyens lorsqu'ils ont eu l'occasion de se
prononcer sur l'acte qui lui sert de base. Les notions de
dépenses liées et nouvelles dégagées par la jurisprudence fé-
dérale ne s'imposent pas nécessairement aux cantons; il peut
y être dérogé lorsque le droit cantonal ou une pratique bien
établie des autorités compétentes consacrent une autre appro-
che (ATF 125 I 87 consid. 3b p. 91 et les arrêts cités). Une
telle pratique divergente n'est pas alléguée en l'espèce.

b) Le crédit de 2,5 millions de fr. voté le 16 octo-
bre 1996 avait pour objet le financement de la fin des tra-
vaux de la rue de Rive, entre la Place Longemalle et la rue
d'Italie. Selon l'art. 2 de l'arrêté, les travaux devraient
être exécutés "dans la même ligne et le prolongement de ce
qui a été fait entre la Corraterie et la Place Longemalle"
et
conformément à l'objectif financier tel qu'il apparaît dans
le 15ème plan financier quadriennal. Les travaux devraient
être achevés dans un délai de dix mois.

Ces travaux s'inscrivent dans le contexte plus géné-
ral de la réfection des rues basses, soit l'enfilade des
rues
de la Confédération, du Marché, de la Croix-d'Or et de Rive,
aménagées en zone piétonne. Comme cela est relevé ci-dessus,
la résolution du Conseil municipal n'a pas porté sur la libé-
ration d'un nouveau crédit, mais sur l'utilisation d'un
solde
de crédit précédent. Cela ne dispense pas d'examiner l'admis-
sibilité de cette nouvelle affectation, dès lors qu'un
crédit
d'engagement au sens de l'art. 30 RATC, tel que celui voté
le
16 octobre 1996, est une autorisation d'investir dans un but
précis, qui doit, à teneur de l'art. 35 al. 1 RAC, être bou-
clé immédiatement après l'achèvement du projet. Il ne serait
dès lors pas admissible qu'un solde de crédit soit utilisé à
des fins totalement différentes du crédit initial, sans que
ce changement d'affectation ne puisse faire l'objet d'un con-
trôle populaire.

Il y a donc lieu de rechercher si, comme le soutien-
nent les autorités intimées, les travaux effectués sur le
secteur de la Rôtisserie présentent une connexité suffisante
avec ceux de la rue de Rive.

c) Le quartier de la Rôtisserie est une zone inter-
médiaire entre la Vieille-Ville, où une réglementation
locale
du trafic est déjà en place (zone piétonne et rues résiden-
tielles) et la zone piétonne des rues basses, dont elle est
séparée par plusieurs rues transversales déjà aménagées en
espaces piétonniers (cf. le texte de la mise à l'enquête pu-
bliée dans la Feuille d'avis officielle du 28 avril 1999).
Les 300'000 fr. prélevés sur le solde de crédit n'ont pas
pour objet de financer des travaux définitifs, mais de réali-
ser des aménagements à l'essai, soit des "tests grandeur
nature" destinés à favoriser la concertation. Il s'agit d'un
crédit d'étude (sur cette notion, cf. ATF 125 I 87 consid. 4
p. 91ss) destiné à décider si le secteur de la Rôtisserie
doit être aménagé en rue résidentielle, question qui ne peut
être résolue indépendamment d'un examen d'ensemble des sec-
teurs concernés. Dans sa réponse à une motion relative au
maintien du secteur de la Rôtisserie en zone résidentielle,
le Conseil administratif explique que les rues et places con-
cernées assument un rôle important dans la transition entre
la partie haute de la Vieille-Ville et les rues basses. L'af-
fectation litigieuse ne se rapporte donc pas à une réalisa-
tion définitive, mais à une simple étude réalisée in situ;
dès lors, quand bien même les travaux de la rue de Rive
étaient strictement définis, puisqu'ils devaient être exécu-
tés "dans la même ligne et le prolongement" des rues précé-
dentes, on peut envisager que l'aménagement de ce quartier
comprend aussi la coordination avec les secteurs voisins, y
compris la définition exacte du statut des zones adjacentes.
On ne saurait perdre de vue que le crédit relatif à la réfec-
tion de la rue de Rive se situe dans le cadre plus général
d'un vaste aménagement dont le chantier a été ouvert il y a

plus de treize ans (cf. le projet de résolution soumis par
le
Conseil administratif au Conseil municipal). Les crédits vo-
tés pour l'aménagement des rues basses ont d'ailleurs déjà
servi à financer la transformation en espace piétonnier des
trois ruelles reliant le secteur de la Rôtisserie aux rues
basses. Même si elle consacre une légère extension du cadre
du crédit initial, l'affectation confirmée par le Conseil
municipal dans sa résolution paraît encore s'inscrire dans
l'objectif poursuivi. On ne saurait dès lors considérer,
avec
les recourants, que les règles relatives au référendum finan-
cier auraient été éludées.

6.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
public doit être rejeté. Compte tenu de la nature de la
cause, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué
de dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Conseil d'Etat du canton de Genève.

Lausanne, le 18 mai 2000
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.7/2000
Date de la décision : 18/05/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-05-18;1p.7.2000 ?
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