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18/05/2000 | SUISSE | N°1P.259/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 mai 2000, 1P.259/2000


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1P.259/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

18 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

P.________, représenté par Me Robert Assael, avocat à Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 20 avril 2000 par la Chambre d'accusa-
tion du canton de Genève;

(détention préventive)

Vu le

s pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________, ressortissant suisse né en 1964, se
trouve ...

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1P.259/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

18 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

P.________, représenté par Me Robert Assael, avocat à Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 20 avril 2000 par la Chambre d'accusa-
tion du canton de Genève;

(détention préventive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________, ressortissant suisse né en 1964, se
trouve en détention préventive à Genève depuis le 14 avril
1999 sous l'inculpation d'infraction à la loi fédérale sur
les stupéfiants. Après avoir admis sa participation à un tra-
fic de 1,5 tonnes de haschich, depuis 1993, il a par la
suite
estimé la quantité achetée à 875 kg, pour un bénéfice de
quelque 450'000 fr.

La détention préventive de P.________ a été prolon-
gée tous les trois mois par la Chambre d'accusation genevoi-
se, en raison de la gravité des faits, des besoins de l'en-
quête, des risques de collusion, de réitération et de fuite.
Le 9 novembre 1999, une demande de mise en liberté a été
rejetée: G.________, fournisseur de P.________, se trouvait
en détention en Espagne, en attente de son extradition à la
Suisse, et devrait être confronté à P.________, ou en tout
cas être entendu par commission rogatoire. Un risque de
collusion existait, car G.________ avait été approché par la
soeur de P.________ avant son arrestation. Des recherches
bancaires étaient en cours afin de vérifier la vraisemblance
des déclarations de l'inculpé quant aux revenus de son tra-
fic. Il convenait de vérifier les liens entre les protagonis-
tes, l'ampleur du trafic et l'organisation mise en place,
sans s'en tenir aux seules déclarations des prévenus. Le ris-
que de récidive a également été retenu, compte tenu de la du-
rée et des revenus de l'activité illicite. Le risque de
fuite
ne pouvait être exclu, vu les contacts de P.________ notam-
ment en France et à Bali.

B.- Par ordonnance du 20 avril 2000, la Chambre
d'accusation a autorisé une nouvelle prolongation de la dé-
tention, jusqu'au 20 juillet 2000, rejetant simultanément
une
demande de mise en liberté. Même si le dossier avait été com-

muniqué au Procureur général, le risque de collusion persis-
tait jusqu'à l'audience de jugement, en particulier à
l'égard
des personnes déjà jugées, compte tenu des déclarations con-
tradictoires de l'inculpé au sujet de l'ampleur du trafic.
Le
risque de récidive ne pouvait être totalement exclu sur le
vu
de la personnalité fragile de l'inculpé. Le risque de fuite
s'était encore accru vu la proximité du jugement et
l'absence
de garantie de représentation. La détention apparaissait en-
core proportionnée, la Chambre d'accusation souhaitant néan-
moins que l'audience de jugement soit appointée dans les
trois mois.

C.- P.________ forme un recours de droit public
contre cette dernière ordonnance. Il en demande
l'annulation,
ainsi que sa mise en liberté provisoire.

La Chambre d'accusation se réfère aux considérants
de sa décision. Le Procureur général conclut au rejet du re-
cours. Le recourant a eu l'occasion de répliquer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours est interjeté dans le délai et les
formes utiles contre une décision rendue en dernière
instance
cantonale, le recourant ayant par ailleurs qualité pour agir
(art. 88 OJ). Le recourant conclut à sa mise en liberté immé-
diate. Par exception à la nature essentiellement cassatoire
du recours de droit public, cette conclusion est recevable
(ATF 124 I 327 consid. 4 p. 332).

2.- Une mesure de détention préventive n'est compa-
tible avec le droit constitutionnel, aujourd'hui essentielle-
ment l'art. 31 Cst., et le droit international, en particu-
lier l'art. 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale
(art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce

l'art. 34 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE).
Elle
doit en outre répondre à un intérêt public et respecter le
principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.;
ATF
123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la
privation de liberté doit être justifiée par les besoins de
l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion
ou de réitération (cf. art. 34 let. b et c CPP/GE). La gravi-
té de l'infraction - et l'importance de la peine encourue -
n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 117 Ia 70 consid.
4a). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'é-
gard de l'intéressé des charges suffisantes (art. 34 CPP/GE;
ATF 116 Ia 144 consid. 3). Cette dernière exigence coïncide
avec la règle de l'art. 5 par. 1 let. c CEDH, qui autorise
l'arrestation d'une personne s'il y a des raisons plausibles
de soupçonner qu'elle a commis une infraction.

S'agissant d'une restriction grave à la liberté per-
sonnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces ques-
tions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves,
revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268
consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une
grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283
consid. 3, 112 Ia 162 consid. 3b).

3.- Le recourant conteste l'existence d'un risque de
collusion. Dans sa précédente ordonnance du 9 novembre 1999,
la Chambre d'accusation avait seulement évoqué la nécessité
d'entendre différents protagonistes. Or, ces auditions ont
été effectuées. On ne verrait pas en quoi consiste le risque
de collusion, puisque c'est le recourant lui-même qui a
donné
les indications relatives à la quantité de drogue importée,
et que ses déclarations concordent avec celles de ses coïn-
culpés, d'ailleurs déjà jugés et dont les témoignages
portent
sur des quantités limitées de drogue. G.________, qui serait
son fournisseur, est détenu en Espagne et son avocat a déjà

été autorisé à consulter le dossier de la procédure pénale
genevoise.

a) Le maintien du prévenu en détention peut être
justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruc-
tion en cours (cf. art. 34 let. c CPP/GE), notamment lors-
qu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à
profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou
qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus
pour tenter d'influencer leurs déclarations (cf. aussi
l'art.
34 let. b CPP/GE concernant le danger de collusion). On ne
saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion
abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure
pénale
en cours; il doit, pour permettre à lui seul le maintien en
détention préventive, présenter une certaine vraisemblance
(ATF 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257 consid. 4c p.
261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les gran-
des lignes et sous réserve des opérations à conserver secrè-
tes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer,
et
en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accom-
plissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p. 33/34, 116 Ia 149
consid. 5 p. 152).

b) La Chambre d'accusation ne s'est guère montrée
explicite au sujet du risque de collusion, puisqu'elle se
borne à estimer que ce risque existe, en dépit de la communi-
cation du dossier au Procureur général, en particulier avec
les inculpés qui ont déjà été jugés. Avec raison, la Chambre
d'accusation n'a pas retenu le risque de collusion à l'égard
de G.________, mis en cause par le recourant pour lui avoir
fourni, depuis cinq ans, des quantités toujours plus impor-
tantes de haschich. Entendu le 10 mars 2000 en Espagne par
voie de commission rogatoire, G.________ a nié toute partici-
pation à un tel trafic, déclarant même ne pas connaître le
recourant. On voit dès lors mal en quoi le recourant
pourrait
tenter de l'influencer pour obtenir de lui une version des

faits qui lui soit favorable. L'avocat de G.________ a d'ail-
leurs déjà eu accès au dossier de la procédure pénale gene-
voise, ce qui lui a permis de prendre connaissance de toutes
les déclarations du recourant.

Le recourant soutient toutefois à tort que la clôtu-
re de l'instruction et la communication du dossier au Procu-
reur général, pour renvoi en jugement, ferait cesser le ris-
que de collusion. Même si le recourant s'est déjà largement
mis en cause, on peut redouter qu'il ne mette sa liberté à
profit pour tenter de se concerter avec ses coïnculpés.
Comme
le relève le Procureur général sans être sérieusement contre-
dit par le recourant, le réseau mis en place pour la revente
de la drogue n'a pas pu être totalement démantelé, le recou-
rant étant resté silencieux à cet égard. Il pourrait donc es-
pérer obtenir le même silence de la part de ses coïnculpés,
dans la perspective de l'audience de jugement.

Le risque de collusion peut par conséquent être
confirmé.

4.- Il en va de même du risque de réitération.

a) Celui-ci peut être retenu lorsque le pronostic
quant à la commission de nouvelles infractions se révèle
très
défavorable, et lorsque les délits à redouter sont de nature
grave. On ne saurait, pour prolonger la détention
préventive,
se fonder sur de simples hypothèses, ou sur la commission
éventuelle d'infractions bénignes (ATF 125 I 60 consid. 3a
p.
62).

b) Le recourant relève qu'il suit une psychothérapie
depuis plus d'une année afin de comprendre les raisons de sa
dépendance à l'alcool et au cannabis, ainsi que le fond dé-
pressif de sa personnalité. Les experts attesteraient de sa
volonté de changer. Le risque de réitération doit toutefois

être évalué sur la base des données actuelles. Or, selon le
rapport d'expertise établi le 5 avril 2000 par de l'Institut
universitaire de médecine légale, le recourant est décrit
comme souffrant encore d'une grave dépendance chronique à
l'alcool et au cannabis, dont il a régulièrement augmenté sa
consommation depuis l'âge de 18 ans. Selon ce même rapport,
une psychothérapie de soutien "pourrait atténuer le danger
de
récidive", ou le risque de rechute dans la consommation d'al-
cool ou de cannabis. En dépit des démarches constructives en-
treprises par le recourant, qui paraissent témoigner d'une
volonté de s'améliorer, le recourant doit toujours être tenu
pour dépendant de l'alcool et du cannabis. Par ailleurs,
même
si un emploi lui a été offert en qualité d'aide-jardinier,
on
ne saurait perdre de vue qu'il a vécu pendant de nombreuses
années avec comme seule source de revenus un trafic qui lui
procurait d'importants bénéfices. On ne saurait donc exclure
en l'état que le recourant ne soit tenté de commettre des in-
fractions semblables à celles pour lesquelles il est actuel-
lement poursuivi, en particulier s'il a conservé des liens
avec des membres du réseau auquel il participait.

5.- L'affirmation des risques de collusion et de
réitération dispense d'examiner si, comme l'a retenu la Cham-
bre d'accusation, il existe aussi un danger de fuite. Le re-
courant ne soutient pas, pour le surplus, que la durée de la
détention déjà subie se rapprocherait de celle de la peine
concrètement encourue. Tel ne paraît d'ailleurs pas être le
cas si, comme la Chambre d'accusation en a manifesté le dé-
sir, la cause peut être appointée avant le 20 juillet 2000.

6.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
public doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire
est mis à la charge du recourant, qui succombe.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 2000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public et à la Chambre d'ac-
cusation du canton de Genève.

Lausanne, le 18 mai 2000
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.259/2000
Date de la décision : 18/05/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-05-18;1p.259.2000 ?
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