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11/05/2000 | SUISSE | N°6S.117/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 mai 2000, 6S.117/2000


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6S.117/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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11 mai 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

D.________, représenté par Me Marc Labbé, avocat à
Bienne,

contre

l'arrêt rendu le 18 janvier 2000 par la Cour pénale du
Tribunal cantonal jura

ssien dans la cause qui oppose le
recourant au Procureur général du canton du J u r a;

(art. 64 avant dernier alinéa CP...

«»
6S.117/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

11 mai 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

D.________, représenté par Me Marc Labbé, avocat à
Bienne,

contre

l'arrêt rendu le 18 janvier 2000 par la Cour pénale du
Tribunal cantonal jurassien dans la cause qui oppose le
recourant au Procureur général du canton du J u r a;

(art. 64 avant dernier alinéa CP; art. 63 CP)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par acte notarié du 26 février 1988,
A.________ a vendu à B.________ SA ainsi qu'à C.________
et D.________ deux immeubles situés à Courroux pour un
prix de 612'250 francs. D.________ n'a pas comparu devant
le notaire, se faisant représenter par C.________ au
moyen d'une procuration mentionnant précisément les
conditions de la vente. Ultérieurement, C.________ a
déclaré que le jour de la vente de ces immeubles, un
dessous de table de 40'000 francs avait été versé au
vendeur. Il a été retenu que D.________ était au courant
de ce paiement occulte, qui n'a pas pu se faire sans son
accord.

Par acte notarié du 26 mai 1988, E.________ SA,
agissant par C.________ et D.________, a vendu deux
immeubles à F.________, G.________ et H.________ pour un
prix de 1'130'000 francs chacun. Un dessous de table de
100'000 francs a été versé à C.________ et D.________ par
les acheteurs.

B.- Par jugement du 17 octobre 1997, le Tribunal
correctionnel du district de Delémont a reconnu
D.________ coupable d'obtentions frauduleuses d'une
constatation fausse et l'a condamné à une peine de deux
mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, peine
partiellement complémentaire à une peine prononcée le
18 juin 1997, ainsi qu'à une amende de 2'000 francs.

Statuant sur appel de D.________, la Cour pénale
du Tribunal cantonal jurassien a confirmé le jugement par
arrêt du 1er février 1999.

Par arrêts du 30 juillet 1999, la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal fédéral a rejeté le recours de
droit public déposé par le recourant; elle a en revanche
partiellement admis son pourvoi.

Statuant à nouveau le 18 janvier 2000, la Cour
pénale du Tribunal cantonal jurassien a modifié partiel-
lement l'arrêt du 1er février 1999; elle a reconnu
D.________ coupable d'obtentions frauduleuses d'une
constatation fausse et l'a condamné à une peine de deux
mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.

C.- D.________ a interjeté un pourvoi en nullité
contre l'arrêt du 18 janvier 2000, concluant à son
annulation.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recourant se plaint d'une violation de
l'art. 64 avant dernier alinéa CP. Selon cette disposi-
tion, le juge pourra atténuer la peine lorsqu'un temps
relativement long se sera écoulé depuis l'infraction et
que le délinquant se sera bien comporté pendant ce temps.

a) Dans son arrêt du 30 juillet 1999, la Cour de
céans a estimé que la condition du temps relativement
long était en l'espèce réalisée. En revanche, elle a ren-
voyé la cause à l'autorité cantonale sur la question du
comportement du condamné depuis les infractions, étant
donné l'absence de constatations de fait sur ce point.

Complétant l'état de fait, la cour cantonale a
constaté que le recourant avait été renvoyé en jugement
devant le Tribunal correctionnel du district de Delémont
pour escroqueries et subsidiairement abus de confiance
commis par métier dans dix cas, au préjudice de vingt-
neuf lésés pour une somme approximative de deux millions
de francs ainsi que pour faux dans les titres dans quatre
cas. Ces infractions auraient été commises entre 1991 et
1994. La cour cantonale a ajouté que dans ses déclara-
tions lors de l'instruction, le recourant avait affirmé:
"Je reconnais que la grande erreur que nous avons com-
mise, c'est d'avoir dépensé l'argent de nos clients au
lieu de constituer ou d'acquérir des sociétés de droit
suisse auxquelles ils avaient droit, eu égard aux ver-
sements qu'ils nous avaient consentis".

La cour cantonale a estimé que cette déclaration
constituait un aveu qui ne permettait pas d'admettre que
le recourant s'était bien comporté depuis la commission
des infractions en 1988. Elle a par conséquent refusé de
faire application de la circonstance atténuante prévue
par l'art. 64 avant dernier alinéa CP.

b) Le recourant soutient que la cour cantonale a
mal interprété l'art. 64 avant dernier alinéa CP en rete-
nant, sur la base de ses déclarations et de l'ordonnance
de renvoi en jugement, qu'il ne s'était pas bien comporté
depuis la commission des infractions en 1988.

Le recourant estime qu'un délinquant s'est bien
comporté depuis l'infraction s'il n'a pas commis de délit
pendant cette période, que seul un jugement peut consta-
ter à satisfaction de droit la commission d'actes punis-
sables et qu'une ordonnance de renvoi en jugement n'est
pas suffisante pour établir que l'auteur a commis un acte
punissable. Il ajoute que, selon le principe "in dubio

pro reo", seule une déclaration de culpabilité permet
d'exclure un bon comportement au sens de l'art. 64 avant
dernier alinéa CP, qu'il n'a pas encore été condamné pour
les actes commis entre 1991 et 1994 et qu'il a l'inten-
tion de plaider l'acquittement devant le juge du fond. Il
estime donc qu'il doit pouvoir bénéficier de la circons-
tance atténuante de l'art. 64 avant dernier alinéa CP
pour la peine relative aux deux infractions commises en
1988.

c) La loi prévoit que le juge pourra atténuer la
peine si le recourant s'est bien comporté durant un temps
relativement long depuis l'infraction. Elle ne précise
pas ce qui doit être considéré comme un bon comportement,
ou du moins, ce qui exclut un bon comportement. Le recou-
rant soutient que seule une condamnation pénale serait à
même d'exclure l'application de cette circonstance atté-
nuante. Tel n'est cependant pas le cas. Le législateur
n'a pas indiqué que le juge pouvait atténuer la peine si
le recourant n'avait pas commis de délits durant un temps
relativement long depuis l'infraction mais s'il s'était
bien comporté durant cette période, ce qui est une notion
plus large.

Certes, le casier judiciaire du recourant est
vierge. Il a toutefois reconnu qu'il avait utilisé à son
profit entre 1991 et 1994 des sommes d'argent importantes
qui lui avaient été confiées par des clients pour consti-
tuer ou acquérir des sociétés. Il a donc admis avoir eu
un comportement incorrect avec des clients qui lui
avaient confié leurs avoirs. Cette déclaration, non con-
testée en tant que telle par le recourant, ne permet pas
de qualifier de bon son comportement depuis 1988. Le fait
qu'il n'ait pas encore été jugé par le Tribunal correc-
tionnel du district de Delémont et qu'il entende plaider
l'acquittement n'y change rien.

2.- Le recourant se plaint d'une violation de
l'art. 63 CP, estimant que la peine de deux mois d'empri-
sonnement est exagérément sévère.

a) Tout en exigeant que la peine soit fondée sur
la faute, l'art. 63 CP n'énonce pas de manière détaillée
et exhaustive les éléments qui doivent être pris en con-
sidération, ni les conséquences exactes qu'il faut en
tirer quant à la fixation de la peine; il confère donc au
juge un large pouvoir d'appréciation (ATF 123 IV 49 con-
sid. 2a p. 50 s., 150 consid. 2a p. 152 s.; 122 IV 156
consid. 3b p. 160; 121 IV 193 consid. 2a p. 195 et les
arrêts cités). Les éléments pertinents pour la fixation
de la peine ont été exposés de manière détaillée dans les
ATF 117 IV 112 consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a, aux-
quels il suffit de se référer.

Même s'il est vrai que la Cour de cassation exa-
mine librement s'il y a eu violation du droit fédéral,
elle ne peut admettre un pourvoi en nullité portant sur
la quotité de la peine, compte tenu du pouvoir d'appré-
ciation reconnu en cette matière à l'autorité cantonale,
que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal,
si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63
CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette dis-
position n'ont pas été pris en compte ou enfin si la
peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point
que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'apprécia-
tion (ATF 123 IV 49 consid. 2a p. 50 s., 150 consid. 2a
p. 152 s.).

b) De manière à lier le Tribunal fédéral saisi
d'un pourvoi en nullité, la cour cantonale a retenu que
le recourant avait agi par appât du gain et qu'il avait
touché la somme de 100'000 francs avec C.________. En
contestant ces points de fait, le recourant remet en

cause des constatations de l'autorité cantonale qui ne
peuvent pas être critiquées dans un pourvoi en nullité
(art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1 PPF). De même,
lorsqu'il affirme ne pas avoir agi par intérêt financier,
le recourant critique indirectement la constatation selon
laquelle il a agi par appât du gain.

c) Le recourant relève que sa peine est supé-
rieure aux peines prononcées contre la plupart des
prévenus. Il la compare notamment à celle d'un mois
d'emprisonnement infligée à K.________. Ce dernier a
été reconnu coupable d'obtention frauduleuse d'une
constatation fausse dans deux cas pour un montant total
de 140'000 francs et d'escroquerie fiscale.

Dans le contexte de la fixation de la peine, le
recourant peut faire valoir une inégalité de traitement;
compte tenu toutefois des nombreux paramètres qui inter-
viennent dans la fixation de la peine, une comparaison
avec des affaires concernant d'autres accusés et des
faits différents est d'emblée délicate; il ne suffit pas
que le recourant puisse citer un ou deux cas où une peine
particulièrement clémente a été fixée pour prétendre à un
droit à l'égalité de traitement (ATF 120 IV 136 consid.
3a p. 142 s. et les arrêts cités). Les disparités en
cette matière s'expliquent normalement par le principe de
l'individualisation des peines, voulu par le législateur;
elles ne suffisent pas en elles-mêmes pour conclure à un
abus du pouvoir d'appréciation. Ce n'est que si le résul-
tat auquel le juge de répression est parvenu apparaît
vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments
invoqués et des cas déjà examinés par la jurisprudence,
que l'on peut parler d'un abus du pouvoir d'appréciation
(ATF 123 IV 150 consid. 2a p. 152 s.).

En l'espèce, le Tribunal correctionnel du dis-
trict de Delémont a constaté que K.________ avait très
peu côtoyé le monde immobilier, qu'il avait joué un rôle
secondaire, qu'il avait d'emblée reconnu les faits qui
lui étaient reprochés et qu'il avait été constant dans
ses déclarations. D.________ en revanche n'a pas été
suivi par le Tribunal lorsqu'il a affirmé tout ignorer
des transactions de C.________ alors qu'il occupait le
rôle de fiduciaire de ce dernier. D.________ avait suivi
C.________ dans deux transactions, l'une où le versement
occulte avait été versé par ses soins, l'autre au cours
de laquelle la société à laquelle il participait avait
touché un substantiel montant.

Ces situations de fait différentes ne révèlent
aucune inégalité de traitement au niveau de la fixation
de la peine du recourant.

d) Enfin, le recourant rappelle que la peine de
deux mois d'emprisonnement fixée par le Tribunal correc-
tionnel le 17 octobre 1997 tenait compte de celle pronon-
cée par la Cour criminelle du Tribunal cantonal le 18 juin
1997. Or le 16 juin 1997 (recte: 1998), le recourant a été
libéré des infractions retenues contre lui le 18 juin
1997. Pourtant, par arrêt du 1er février 1999, la cour
cantonale a confirmé le jugement du 17 octobre 1997, dont
la peine d'emprisonnement de deux mois.

Seul l'arrêt attaqué peut faire l'objet du pour-
voi en nullité. Cela a notamment pour conséquence que le
Tribunal fédéral n'a pas à comparer la peine fixée par la
cour cantonale avec celle fixée par l'autorité de pre-
mière instance. Il doit en revanche examiner si la cour
cantonale a respecté les critères de l'art. 63 CP et si
la peine fixée ne procède pas d'un abus de son pouvoir
d'appréciation.

En l'espèce, la cour cantonale a retenu que le
recourant s'était rendu coupable d'obtention frauduleuse
d'une constatation fausse à deux reprises en février et
en mai 1988. Elle a constaté que les renseignements per-
sonnels figurant au dossier étaient bons, que son casier
judiciaire était vierge et que sa situation personnelle
n'avait joué aucun rôle dans la commission des infrac-
tions. Il disposait d'une liberté pleine et entière
lorsqu'il a commis les infractions et avait agi par appât
du gain. L'autorité cantonale a tenu compte du fait que
les infractions entraient en concours réel et portaient
sur un montant total de 140'000 francs. Elle a estimé que
la culpabilité du recourant revêtait une gravité
certaine.

Au vu de ces circonstances, l'autorité cantonale
n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en
fixant la peine à deux mois d'emprisonnement.

3.- Le pourvoi doit être rejeté dans la mesure
où il est recevable et le recourant, qui succombe, sera
condamné aux frais (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 2000 francs.

3. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire du recourant, au Procureur général du canton du
Jura ainsi qu'à la Cour pénale du Tribunal cantonal

jurassien.
___________

Lausanne, le 11 mai 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.117/2000
Date de la décision : 11/05/2000
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-05-11;6s.117.2000 ?
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