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03/05/2000 | SUISSE | N°1E.4/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 mai 2000, 1E.4/2000


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1E.4/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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3 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Catenazzi. Greffier: M. Jomini.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

l'Etat de Genève, représenté par son Département de l'aména-
gement, de l'équipement et du logement, au nom de qui agit
Me
David Lachat, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 5 janv

ier 2000 par le Président de la
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement, dans
la cause qui oppose le recour...

«»

1E.4/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

3 mai 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Catenazzi. Greffier: M. Jomini.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

l'Etat de Genève, représenté par son Département de l'aména-
gement, de l'équipement et du logement, au nom de qui agit
Me
David Lachat, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 5 janvier 2000 par le Président de la
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement, dans
la cause qui oppose le recourant à X.________, représentée
par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat à Genève;

(expropriation, droit de voisinage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ est propriétaire de la parcelle n°
1861 du registre foncier, sur le territoire de la commune de
Vernier. Ce terrain d'une contenance de 1'169 m2, où se trou-
ve un bâtiment d'habitation (chalet ou villa), est situé à
environ un kilomètre de l'extrémité sud-ouest de la piste de
l'Aéroport international de Genève.

Cette parcelle avait été acquise en 1953 par les pa-
rents de X.________, les époux Y.________. Ceux-ci y ont
fait
construire le bâtiment d'habitation.

Par acte notarié des 31 août et 1er septembre 1965,
les époux Y.________ ont fait donation de cet immeuble, "en-
tre vifs, par préciput et hors part, donc avec dispense de
rapport", à leur fille X.________ (alors âgée de vingt-huit
ans), laquelle s'engageait à reprendre une dette
hypothécaire
au capital de 40'050 fr. (l'estimation fiscale de l'immeuble
étant alors de 75'980 fr.). Quelques mois auparavant, soit
le
25 février 1965, les époux Y.________ avaient conclu un
pacte
successoral avec leur autre enfant, C.________, par lequel
ce
dernier déclarait renoncer à titre gratuit à ses droits d'hé-
ritier dans les successions de ses père et mère. En 1965,
C.________ était séminariste et envisageait de devenir
prêtre
à l'issue de ses études. Sa soeur aînée X.________, mariée
depuis 1961, était mère de famille; elle s'était installée
en
1962 avec les siens dans la maison familiale.

B.- Le 31 août 1992, X.________ s'est adressée au
Département des travaux publics de la République et canton
de
Genève (actuellement: Département de l'aménagement, de
l'équipement et du logement) pour demander une indemnité
d'expropriation formelle et matérielle pour compenser la dé-

valuation de son bien-fonds ainsi que des frais d'isolation
acoustique du bâtiment, dus au bruit du trafic aérien sur
l'aéroport de Genève. Le département cantonal lui a proposé
de suspendre cette procédure dans l'attente d'autres déci-
sions, ce qu'elle a accepté.

Le 5 février 1998, le Département fédéral des trans-
ports, des communications et de l'énergie (actuellement: Dé-
partement fédéral de l'environnement, des transports, de
l'énergie et de la communication) a octroyé à l'Etat de
Genève le droit d'expropriation afin qu'une procédure puisse
être ouverte devant la Commission fédérale d'estimation du
1er arrondissement (ci-après: la Commission fédérale d'esti-
mation), de telle sorte qu'il soit statué sur les
prétentions
de X.________ à une indemnité en raison des nuisances provo-
quées par l'exploitation de l'aéroport. Au mois de mai 1999,
l'intéressée a communiqué à la Commission fédérale d'estima-
tion sa demande d'indemnité pour expropriation formelle des
droits de voisinage, concluant au paiement d'une somme de
256'000 fr., avec intérêts, ainsi qu'à la réalisation de me-
sures d'isolation acoustique de son bâtiment.

X.________ (l'expropriée) et l'Etat de Genève (l'ex-
propriant) ont présenté leurs arguments devant la Commission
fédérale d'estimation lors d'une audience de conciliation et
dans un échange d'écritures. Les parties ont été invitées à
se prononcer spécialement sur la condition de l'imprévisibi-
lité (cf. infra, consid. 3).

C.- Le Président de la Commission fédérale d'esti-
mation a rendu le 5 janvier 2000 un prononcé dont le disposi-
tif est le suivant:

"1. Dit que la demande en indemnisation formée par
X.________ contre l'Etat de Genève le 31 août 1992
et complétée au mois de mai 1999 est recevable.

2. Dit que les conditions d'imprévisibilité, de
gravité et de spécialité posées par la jurispruden-
ce du Tribunal fédéral pour l'octroi d'une indem-
nité en raison des nuisances provenant de l'exploi-
tation de l'Aéroport international de Genève sont
en l'occurrence satisfaites.

3. Ordonne l'estimation des biens fonciers apparte-
nant à l'expropriée et faisant l'objet de sa deman-
de en indemnisation et déclare que l'expertise sera
effectuée par ses membres.

4. Réserve la suite de la procédure et le sort des
frais et dépens.

5. Déboute les parties de toutes autres conclu-
sions."

Cette décision traite principalement de la condition
de l'imprévisibilité, en analysant les circonstances du
transfert de la propriété de l'immeuble litigieux à l'expro-
priée (consid. 2 à 4). Elle retient pour le reste, sans
autre
motivation à ce propos, que l'expropriant ne conteste pas la
réalisation des conditions de la gravité et de la
spécialité,
seule l'estimation de l'immeuble et la fixation de l'indemni-
té demeurant litigieuses (consid. 5).

D.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, l'Etat de Genève demande au Tribunal fédéral d'an-
nuler la décision précitée, de constater que la condition de
l'imprévisibilité n'est pas réalisée et de débouter en consé-
quence l'expropriée de toutes ses conclusions.

X.________ conclut au rejet du recours de droit ad-
ministratif.

Le Président de la Commission fédérale d'estimation
se réfère à sa décision.

E.- Le Tribunal fédéral a interpellé le Président
de la Commission fédérale d'estimation au sujet de sa compé-
tence pour statuer seul - sans la participation des autres
membres de la Commission - sur les questions ayant fait l'ob-
jet du prononcé attaqué. Dans ses déterminations, ce magis-
trat a indiqué avoir omis par inadvertance d'inviter les
deux
autres membres à participer à cette décision préalable ou
partielle. Considérant que l'art. 60 al. 4 de la loi
fédérale
sur l'expropriation (LEx; RS 711) permet au président de sta-
tuer sans la participation des autres membres si les parties
se déclarent d'accord, le Tribunal fédéral a requis de l'ex-
propriant et de l'expropriée qu'ils se prononcent sur le
vice
de procédure (quant à la composition de l'autorité) et sur
une éventuelle réparation par un accord donné a posteriori.
Les deux parties ont alors fait part de leur accord à ce su-
jet.

F.- Par ordonnance du 11 avril 2000, le Président
de la Ie Cour de droit public a refusé d'accorder l'effet
suspensif au recours de droit administratif.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral, autorité de surveillance
des commissions fédérales d'estimation (art. 63 LEx), doit
examiner d'office si la composition de l'autorité qui a
rendu
la décision attaquée répond aux exigences légales (ATF 117
Ib
105 consid. 3 p. 108). En l'espèce, il convient d'admettre
la
compétence du Président pour statuer seul, vu l'accord des
parties à ce sujet (art. 60 al. 4 LEx).

2.- Le recours de droit administratif est recevable
contre une décision prise par une commission fédérale d'esti-

mation ou par son président (art. 77 al. 1 LEx, art. 115 al.
1 OJ). L'expropriant a qualité pour recourir (art. 78 al. 1
LEx). Les autres conditions de recevabilité étant remplies -
notamment quant au délai de recours contre une décision par-
tielle sur le fond (art. 77 al. 2 LEx, art. 106 al. 1 in
initio OJ; cf. ATF 120 Ib 97 consid. 1b p. 99 et les arrêts
cités; cf. aussi arrêt non publié du 28 septembre 1998 dans
la cause Etat de Genève c. R., consid. 1a, traduit in Pra
88/1999 n° 20) -, il y a lieu d'entrer en matière.

3.- La contestation, devant la Commission fédérale
d'estimation, porte sur les prétentions à une indemnité d'ex-
propriation formelle à cause d'immissions de bruit
excessives
de l'Aéroport international de Genève. L'intimée se prévaut
de la jurisprudence, développée sur la base des art. 5 LEx
et
684 CC, selon laquelle la collectivité publique, en sa quali-
té d'expropriante, peut être tenue d'indemniser le voisin
d'une route nationale, d'une voie de chemin de fer ou d'un
aéroport si le dommage que ce propriétaire foncier subit est
à la fois spécial, imprévisible et grave (cf. ATF 124 II 543
consid. 3a p. 548 et 5a p. 551; 123 II 481 consid. 7 p. 491,
560 consid. 3 p. 564 et les arrêts cités). La décision atta-
quée retient que ces trois conditions sont remplies. Dans
son
recours de droit administratif, l'expropriant ne conteste
pas
qu'il en soit ainsi pour la gravité et la spécialité; il n'y
a donc pas lieu, dans le présent arrêt, de vérifier ces deux
points, non litigieux. Les moyens du recours ne concernent
donc que la condition de l'imprévisibilité.

La justification de la condition de l'imprévisibili-
té a été réexaminée dans le second arrêt Jeanneret, concer-
nant les nuisances de l'aéroport de Genève (ATF 121 II 317
consid. 4 à 6). Il n'y a pas lieu d'y revenir, en dépit des
critiques d'une partie de la doctrine au sujet de cette
condition, propre au droit public de l'expropriation (cf. no-

tamment l'ouvrage récent de Grégory Bovey, L'expropriation
des droits de voisinage, thèse Lausanne 2000, p. 175 ss).
Pour les nuisances du trafic aérien sur un aéroport
national,
le Tribunal fédéral a posé la règle selon laquelle on ne
tient pas compte de la condition de l'imprévisibilité quand
le bien-fonds a été acquis par l'exproprié avant le 1er jan-
vier 1961 (ATF 121 II 317 consid. 6b p. 334 ss). En
revanche,
si l'exproprié a acquis son bien-fonds à partir du 1er jan-
vier 1961, on doit considérer que non seulement l'existence
de l'aéroport, mais également les effets de l'exploitation
de
celui-ci étaient prévisibles voire connus, ce qui exclut
l'octroi d'une indemnité d'expropriation selon l'art. 5 LEx
(ATF 121 II 317 consid. 6c p. 337 s.; cf. aussi arrêt non pu-
blié du 28 septembre 1998 dans la cause Etat de Genève c.
R.,
consid. 3a/aa, traduit in Pra 88/1999 n° 20). Cette règle
n'est pas contestée par les parties à la présente procédure.
La seule question à trancher est celle de savoir si dans le
cas de l'intimée, propriétaire de son immeuble depuis le 1er
septembre 1965, la condition de l'imprévisibilité s'oppose
ou
non à l'octroi d'une indemnité d'expropriation.

4.- Le Président de la Commission fédérale d'esti-
mation a considéré que la date déterminante, pour la condi-
tion de l'imprévisibilité, était celle de l'acquisition de
l'immeuble par les parents de l'intimée (en 1953), cette der-
nière l'ayant reçu en qualité d'héritière unique, vu la re-
nonciation de son frère à la succession. Le recourant sou-
tient que cette solution n'aurait pu être admise qu'en cas
de
véritable avancement d'hoirie en faveur de l'intimée, seule
hypothèse où l'on ne tient pas compte de la date de l'acte
de
disposition fait entre vifs par le de cujus, mais bien de la
date - antérieure - de l'acquisition de la propriété par
celui-là. Or la dispense de rapport, prévue expressément
dans
l'acte de donation des 31 août et 1er septembre 1965, enlève-
rait le caractère d'avancement d'hoirie au transfert de la

propriété. Aussi, selon le recourant, la date déterminante
est-elle celle de l'acte de donation, la diminution de
valeur
du bien-fonds en raison du développement du trafic aérien
étant alors prévisible.

a) Dans le second arrêt Jeanneret, le Tribunal fé-
déral a rappelé que dans le cas où un exproprié aurait
hérité
d'un immeuble après le 1er janvier 1961, ou lorsque le trans-
fert serait intervenu après cette date en vertu d'un avance-
ment d'hoirie, la date d'acquisition par le de cujus était
déterminante (ATF 121 II 317 consid. 6c p. 337). L'héritier
qui remplace le de cujus en raison de son décès se trouve
dans la même situation juridique que son prédécesseur et il
n'a pas d'autre possibilité d'éviter le dommage causé par
les
nuisances, contrairement notamment à l'acheteur du bien-
fonds, qui conclut un contrat et peut négocier le prix.
Selon
cette jurisprudence, la situation de l'héritier qui reçoit
le
bien-fonds à titre d'avancement d'hoirie est de ce point de
vue identique (cf. aussi ATF 111 Ib 233 consid. 2a p. 235).

Dans un arrêt récent (arrêt non publié du 28 septem-
bre 1998 dans la cause Etat de Genève c. R., consid. 3, tra-
duit in Pra 88/1999 n° 20), le Tribunal fédéral a rappelé
ces
principes puis a considéré que la solution prévue par la ju-
risprudence pour les libéralités faites à titre d'avancement
d'hoirie ne saurait s'appliquer à tout transfert d'un bien-
fonds - par vente, donation, donation mixte, etc. - entre
les
membres d'une même famille "au sens large". Selon cet arrêt,
une libéralité est un avancement d'hoirie - ou constitue, en
d'autres termes, un acompte sur la part d'un héritier - lors-
qu'elle est assortie d'une ordonnance de rapport, soit par
une disposition pour cause de mort du de cujus (art. 626 al.
1 CC), soit directement en vertu de la loi (art. 626 al. 2
CC). Dans cette affaire-là, il était évident que les expro-
priés n'avaient pas bénéficié d'un avancement d'hoirie et

qu'ils n'avaient pas acquis le bien-fonds litigieux grâce à
une libéralité assimilable à un avancement d'hoirie.

b) La libéralité qu'un héritier a reçue entre vifs

du de cujus et à propos de laquelle existe une ordonnance de
rapport est appelée "avancement d'hoirie" dans le texte de
l'art. 626 CC (cf. notamment Paul Piotet, Traité de droit
privé suisse, t. IV Fribourg 1975, p. 269; Luc Vollery, Les
relations entre rapports et réunions en droit successoral,
thèse Fribourg 1994, p. 10). C'est le cas en principe, en
vertu de l'art. 626 al. 2 CC, des "constitutions de dot,
frais d'établissement, abandons de biens, remises de dettes
et autres avantages semblables faits en faveur des descen-
dants", qui "sont assujettis au rapport, faute par le défunt
d'avoir expressément disposé le contraire". Les libéralités
énoncées à l'art. 626 al. 2 CC sont des "dotations de des-
cendants", à savoir des libéralités destinées à créer, assu-
rer ou améliorer l'établissement des descendants dans l'exis-
tence (cf. ATF 124 III 102 consid. 4a p. 104; 116 II 667
consid. 3a p. 674).

c) Il convient en l'occurrence, sur la base du dos-
sier de la procédure d'expropriation, de déterminer le but
de
la libéralité dont a bénéficié l'intimée. L'interprétation
de
la volonté exprimée en 1965 par les parents de celle-ci sert
uniquement à résoudre la question de l'imprévisibilité; il
ne
s'agit pas de se prononcer, en appliquant le droit civil,
sur
la situation de chaque membre de cette famille du point de
vue successoral.

La décision attaquée retient que, tandis que son
frère avait eu la possibilité de faire des études, l'intimée
avait dès la fin de sa scolarité dû accepter divers emplois
afin de pouvoir contribuer aux charges de la famille. Dans
ses écritures, l'intimée fait valoir que ses parents lui ont

donné la maison, après son mariage, pour rétablir une certai-
ne égalité entre leurs deux enfants; la famille X.________
l'habitait déjà, disposait ainsi d'un logement suffisamment
grand (ils ont eu trois enfants) et était en mesure
d'assumer
les frais d'entretien de l'immeuble. Dans son recours de
droit administratif, l'expropriant ne donne pas d'autres
indications à ce sujet. Il est vrai que les éléments de fait
du dossier ne sont pas très détaillés; il apparaît toutefois
suffisamment clairement que la donation de 1965 est un acte
de dotation d'un descendant, au sens précité (supra, consid.
4b). La reprise d'une dette hypothécaire à cette occasion,
sensiblement inférieure à la valeur de l'immeuble, n'y
change
rien (cf. ATF 116 II 667 consid. 3b p. 674).

Selon les règles du droit successoral, la dispense
de rapport, exprimée ici clairement par les parents de l'in-
timée (qui ont donc supprimé l'ordonnance de rapport légal -
l'emploi dans l'acte notarié des notions "par préciput et
hors part" n'a pas d'autre signification), est de nature à
priver la libéralité de son caractère d'avancement d'hoirie
au sens de l'art. 626 al. 2 CC (cf. notamment Vollery, op.
cit., p. 64/65, 135; cf. néanmoins ATF 116 II 667 consid. 2
p. 670, à propos de l'art. 527 ch. 1 CC applicable à la ré-
duction lorsqu'il y a dotation et dispense de rapport). Cela
étant, pour apprécier, au regard de la condition de l'impré-
visibilité, la situation de l'expropriée dans la présente
affaire, l'existence ou non d'une ordonnance de rapport im-
porte peu en définitive, car c'est la volonté de dotation
d'un descendant qui est décisive. Le but des normes (de
droit
dispositif) sur le rapport légal est de rendre effectif le
principe d'égalité de traitement entre les descendants ou
héritiers légaux, conformément aux usages et aux convenances
(ATF 124 III 102 consid. 5a p. 106; Piotet, op. cit., p.
275;
Vollery, op. cit. p. 134). Or, en l'espèce, vu la renoncia-
tion préalable du frère de l'intimée à sa part dans la suc-

cession de ses parents, l'égalité entre descendants n'avait
plus à être assurée. Une ordonnance de rapport n'aurait eu
aucune utilité de ce point de vue et on pouvait trouver dans
ces circonstances une explication logique à la dispense de
rapport. Pour le juge de l'expropriation, cette dispense ne
modifiait ni la nature ni les caractéristiques de la dota-
tion.

Bénéficiaire d'une dotation, l'intimée se trouve
dans la même situation juridique que l'héritier qui remplace
le de cujus en raison de son décès (cf. supra, consid. 4a).
Le recourant fait valoir que cette situation aurait pu évo-
luer après la donation (notamment au cas où les parents de
l'intimée auraient choisi de révoquer les dispositions
prises
antérieurement), et qu'il serait abusif de la part de l'inti-
mée d'être prête à invoquer la dispense de rapport dans le
contexte successoral tout en refusant d'en tenir compte dans
la procédure d'expropriation. Ces arguments sont sans perti-
nence: la situation de la propriété n'a pas changé entre
l'acte de donation et l'annonce des prétentions de l'expro-
priée en 1992; son frère a clairement indiqué, par une
lettre
du 13 novembre 1998 destinée à être produite dans la
présente
procédure, qu'il considérait toujours comme adaptée la solu-
tion choisie par ses parents; enfin, comme seule l'existence
d'une dotation au sens de l'art. 626 al. 2 CC est décisive
dans le cas particulier (cf. supra), il importe peu de
savoir
ce que l'intimée déduit de la dispense de rapport.

Il résulte de ces considérants que la date détermi-
nante, du point de vue de l'imprévisibilité, est antérieure
au 1er janvier 1961, n'étant pas celle de l'acte de
donation.
Les conclusions du recours de droit administratif sont en
conséquence mal fondées.

5.- L'émolument judiciaire, pour la procédure de-
vant le Tribunal fédéral, est supporté par l'expropriant,
lequel aura en outre à payer à la recourante une indemnité à
titre de dépens, conformément au principe de l'art. 116 al.
1, 1ère phrase LEx.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours de droit administratif.

2. Met à la charge de l'Etat de Genève:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 2'000 fr. à payer à
X.________, à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, à la Commission fédérale d'estimation du
1er arrondissement et, pour information, à l'Office fédéral
de l'aviation civile.

Lausanne, le 3 mai 2000
JIA/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1E.4/2000
Date de la décision : 03/05/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-05-03;1e.4.2000 ?
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